Les parents de Julie et Mélissa unis dans l’épreuve
LA MEUSE samedi 22 juin 1996
Un an d’angoisse, un an de lutte mais un énorme cri d’espoir,
« Oui, elle son toujours vivantes ! »
Lundi,il y aura un an que Julie et Melissa ont disparu.
Leurs parents, Gino et Carine Russo et Jean-Denis et Louisa Lejeune ont remue ciel et terre pour que l'on retrouve leurs filles.
Et à cause de ce fait divers dramatique jamais plus une disparition d'enfant ne devrait être considérée à la légère par les enquêteurs.
MAIS bien sûr qu'elles sont toujours vivantes!
Pour les parents de Julie et Mélissa, c'est une évidence: « Nous croyons plus que jamais que nos enfants ne sont pas morts », affirme avec force Mme Carine Russo,la maman de Mélissa. D'ailleurs on
n'a jamais pu nous prouver qu'elles étaient décédées ! »
« Et nous continuerons sans relâche notre combat pour les rechercher, poursuit Gino Russo.. N'est-il pas normal que des parents veuillent tout faire pour retrouver leurs enfants ? »
Chez les Russo, rue Dierain Patard, à Grâce-Hollogne, le living de leur coquette maison ressemble maintenant à un immense bureau.
Des dizaines de classeurs s'empilent sur des étagères et un ordinateur relié au réseau Internet trône devant M. Russo. « Ce sont tous les renseignements et toutes les lettres de solidarité que nous avons reçus depuis l'enlèvement de nos enfants, explique Jean-Denis Lejeune, le papa de Julie.
Je dis bien enlèvement car nous ne voulons plus que l'on parle de disparition.
C'est bien trop commode pour les enquêteurs ».
Sus à enquête!
Contre ceux-ci, les parents des deux fillettes sont déchaînés. «Si l'enquête avait été bien faite au départ, peut-être aurait-on retrouve"nos enfants depuis longtemps, souligne Gino Russo. Mais les recherches ont commencé beaucoup trop tard parce qu `on n'a pas pris ait sérieux l'enlèvement de nos enfants.
Par exemple, le premier jour, j'avais demandé que l'on mette mon téléphone sous zoller (un appareil pour identifier l'endroit d'où on appelle).
Les enquêteurs n'ont accepté que si je payais. Ce que bien entendu j'ai fait ».
Les hommes de terrain ont fait leur possible, mais les parents :estiment que le parquet et les juges d'instruction qui se sont succédé n'ont pas mis assez de policiers et de gendarmes sur l'affaire. « Quand on a enlevé Anthony De Clerck, la 23ème brigade est entrée immédiatement en action.
Mais il s'agissait d'Anthony De Clerck et pas d'un enfant d'ouvrier. Nous, nous n'avons jamais eu droit à ces enquêteurs spécialisés. »
Les parents sont aussi persuadés que certaines pistes ont été négligées ou exploitées trop tard. « Par exemple, souligne Jean-Denis Lejeune, ils n'ont pas voulu imaginer que nos filles aient pu être enlevées par des trafiquants d'êtres humains ou un réseau de pédophiles.
Quand nous évoquions cette hypothèse avec eux, il y a quelques mois, on nous répondait que de tels réseaux n'existaient pas en Belgique. Depuis lors,une organisation de pédophilie à ramifications internationales a été découverte à Bruxelles ».
Pour les familles, les enquêteurs n'ont surtout pas assez collaboré avec eux. «Pourtant, nous sommes quand même les personnes qui connaissons le mieux nos enfants, souligne Mme Russo. Peut-être aurions-nous pli leur donner des renseignements précieux qui auraient orienté valablement leurs recherches ».
0n se soutient
En fait depuis maintenant près d'un an, les parents de Julie et Melissa sont à bout.
« Heureusement,nous nous soutenons mutuellement, souligne Mme Russo. Il y en a toujours un de nous qui craque, mais les trois autres sont là pour le soutenir.
Puis, il y a les amis du comité de soutien à Julie et Melissa, et le formidable mouvement de solidarité qui s'est développé après l'enlèvement de nos enfants ».
On peut raisonnablement dire que jamais en Belgique, après un enlèvement d'enfant, des parents n'ont été autant soutenus par l'opinion publique comme ceux de Julie et de Melissa. Ils ont reçu des milliers de lettres et de coups de téléphone.
Des centaines d'enfants leur ont envoyé des dessins.
Et puis, il y a les dons: en un an, ils ont reçu plus de 1,6 million FB. « Tout cet argent, nous l'avons réinvesti au fur et a mesure dans la campagne d'affichage et de recherche, tant en Belgique qu'a l'étranger, souligne M.Russo en nous montrant ses livres de comptes où sont minutieusement notées toutes les entrées et les sorties.
Cela va du don de 100 fr à un 100.000 F que nous a fait un inconnu lorsqu'on nous a supprimé les allocations familiales. Beaucoup de manifestations ont également été organisées au profit dit combat que nous menons : des joggings, des matches de foot, des concours de belote, etc.
Un commerçant d'Ans, quand il a ouvert un nouveau magasin, avait même demandé à ses invités de ne pas apporter des fleurs mais de verser de l'argent pour nous permettre de continuer notre lutte pour retrouver nos enfants. Jamais nous ne pourrons exprimer notre gratitude a toutes ces personnes qui nous ont aides. »
Mais après bientôt un an, malgré de multiples témoignages recueillis par les parents grâce à cette immense chaîne de solidarité l'enquête n'a pas progressé.
« Le pire, c'est la terrible incertitude dans laquelle nous nous trouvons.
C'est comme si nous étions dans un tunnel. Nous voudrions en voir le bout.
En espérant découvrir le soleil.
Mais apprendre une catastrophe serait moins éprouvant pour nous que la situation que nous vivons actuellement.
Joseph Huynen
Un an après, ce sera encore plus triste que la Noël ou la fête des mères
Un an d incertitude, parfois de faux espoirs c’est évidemment éprouvant moralement, mais -aussi physiquement. « Moi je tiens le coup grâce au Prozac (un médicament anti-dépresseur), souligne Gino Russo, évidemment nous dormons à peine ; Cinq heures par nuit, c’est formidable ».
Depuis l'enlèvement de Mélissa, les Russo ne travaillent plus.
Gino a pu trouver un arrangement avec son employeur- mais son épouse, après avoir repris ses activités pendant trois mois, a abandonné.« Il n'y a rien à faire, je ne parvenais pas a me concentrer. Alors j'ai préféré démissionner».
Les Lejeune, eux, on continué leurs activités professionnelles. « C'est parfois pénibles, souligne le papa de Julie, mais il faut que je tienne le coup ».
S'ils ont voulu la médiatisation de l'enlèvement, pour mettre de leur côté toutes les chances de retrouver leurs enfants, tant les Russo que les Lejeune en subissent parfois les conséquences.
Leur seule distraction est de se rendre de temps en temps au restaurant:
« Cela nous change des pâtes ou des pizzas que nous mangeons presque quotidiennement, » explique Gino Russo. Mais lorsque nous sommes au restaurant, ils nous arrivent de rire pour une raison ou pour une autre.
On ne peut pas être tout le temps stressé. « Quand cela se passe; nous sommes gênés. Nous avons l'impression que tout le monde nous regarde et trouve cela indécent»
La campagne d'affichage et les nombreux articles de presse ont aussi drainé vers Grâce-Hollogne médiums et voyants de toutes sortes.
«Nous en avons reçu plusieurs et près de 300 nous ont écrit,explique M. Lejeune »
Mais il n'y en a jamais eu deux qui étaient du même avis. Si bien que nous n'attachons plus aucune importance à ce qu'ils nous écrivent ».
Puis, il y a eu quelques personnes qui ont essayé de leur soutirer de l'argent pour leur fournir des renseignements. Ils ont payé deux fois mais sans obtenir le moindre résultat. Ils ne le feront plus sans des garanties sérieuses.
Pourtant, à une occasion, ils ont eu un espoir sérieux:
« Un drogué avait pris contact avec moi en me donnant des éléments qui me permettaient de supposer qu'il savait quelque chose, explique Gino Russo. Mais il ne voulait pas en dire plus sans être payé !
J'ai pris rendez-vous avec lui. Quelques heures avant notre rencontre, il a été happé par un train. J'ai toujours trouvé cette coïncidence particulièrement bizarre».
Enfin, il y a des gens qui se sont servis de l'enlèvement de Julie et Mélissa pour régler des comptes personnels.
De nombreuses personnes ont été dénoncées par des voisins avec qui elles ne s'entendaient pas. Je trouve cela scandaleux!» s'exclame Jean-Denis Lejeune.
Lundi, ce sera le 1er anniversaire de l'enlèvement de Julie et Mélissa.
Il n'y aura aucune manifestation spéciale: « Ce sera un jour encore nettement plus pénible que la Noël, la fête des pères ou la fête des mères, s'émeut Meme Russo. Nous voulons rester entre nous pour essayer de surmonter notre chagrin ».
Joseph Huynen
Le beau travail de M. Malmendier
IL a malheureusement fallu l'enlèvement de Julie et de Mélissa, pour que, comme cela s'est passé récemment à train, les forces de l'ordre réagissent immédiatement après la disparition d'un enfant.
Avant, elles avaient malheureusement tendance à n'enquêter sérieusement qu'après plusieurs jours, classant trop souvent les disparitions (sauf de très jeunes enfants) dans la catégorie des fugues.
Ce changement d'attitude, on le doit notamment à M. Malmendier, fondateur et animateur de l'ASBL Marc et Corine.
L'ASBL Marc et Corine, a été fondée après la disparition de Corine MaImendier et de son petit ami, Marc Kisterman retrouves morts, en juillet 1992, dans un bois, à Lierneux. Leurs assassins,Thierry Muselle et Thierry Bourgard, ont été condamnes a mort par la cour d'assises de Liège.
Mais l'arrêt a été cassé et ils seront rejugés bientôt par la cour d'assises d'Arlon.
« Quand ma fille a disparu, j'ai été désagréablement surpris par le comportement des enquêteurs, explique le papa de Corine, Jean-Pierre Malmendier. Pour eux, elle était simplement partie avec son ami alors que je savais que ce n'était pas le genre de Corine. Il a fallu que l'on arrête Bourgard et Muselle, après leur folle randonnée, pour qu'on admette que ma fille et Marc n'avaient pas fugué ».
C'est après ces événements .dramatiques que M.M. Kistermann et Malmendier ont décidé de réagir. D'abord contre la liberté conditionnelle, accordée dans certains cas trop facilement, puis pour aider les familles dont un enfant a disparu.
On connaît les résultats visibles de l'action de l'ASBL : de spectaculaires campagnes d'affichage après les disparitions de Julie et Mélissa, du petit Nicolas enlevé à l'hôpital de la Citadelle à Liège, de Sabine Dardenne à Kain etc
Ou alors des distributions de petites affiches avec photos à des personnes ciblées (chauffeurs de bus, de taxi, etc) quand les parents des disparus ont la certitude qu'il s'agit d'une fugue.
Depuis sa création, l'ASBL est intervenue dans environ 200 cas de disparition. Grâce à elle,il est certain que des enfants ou des adolescents ont été retrouvés.
Cela, évidemment, c'est une énorme victoire. Mais aussi grâce au travail de M. Malmendier et à la Pugnacité des parents de Julie et Mélissa, les mentalités ont changé. « C'est au point que certains enquêteurs conseillent à des parents d'enfants disparus de faire appel à nous, souligne M. Malmendier.
Quand le petit Nicolas a été enlevé à l'hôpital de la Citadelle, c'est le juge d'instruction lui-même qui nous a contactés».
Il faut dire qu'en 4 ans, l'ASBL (subsidiée maintenant par la Communauté française mais vivant surtout de dons) a remarquablement évolué.
Elle dispose de 34 antennes locales et peut compter en permanence sur un potentiel de 500 volontaires. Beaucoup plus en période critique.
« Quand des parents prennent contact avec nous, nous analysons la situation ensemble, explique M.Malmendier. Si les parents ont l'intime conviction que la disparition de leur enfant est réellement inquiétante, nous n'hésitons pas: les affiches sont imprimées le jour même et, en quelques heures, elles peuvent être placardées dans toute la Belgique ».
Cela a évidemment un impact certain sur la population. Mais aussi sur les autorités judiciaires et le pouvoir politique: sous la pression populaire, une disparition ne sera plus jamais prise à la légère.
J.H.
D'AUTRES CAS MYSTÉRIEUX
Élisabeth, Nathalie, Kim, Ken, Liam, Sabine...
LA MEUSE samedi 22 juin 1996
Les disparitions d'enfants sont toujours tragiques : heureusement, le plus souvent, les gosses sont retrouvés. Mais, ces dernières années, plusieurs gosses ont disparu sans laisser de trace. Au point que la qualification de disparition doit peut-être malheureusement être remplacée par celle d'enlèvement ou d'assassinat.
Le mercredi 20 décembre 1989, Elisabeth Brichet (12 ans), de Saint-Servais (Namur) passe l'après midi chez une amie, à 200 mètres de chez elle. Vers 19 h, elle quitte le domicile de sa copine Vanessa pour rentrer chez sa maman. Depuis, on ne l'a plus revue. Une heure avant sa disparition, en allant chercher un pain avec son amie, Élisabeth avait croisé un homme qui lui avait fait peur.
Depuis, les enquêteurs ont recherché sans succès l'enfant en Hollande, en France, aux Canaries, en Sicile et même à Hong Kong. En 1995, profitant de la situation, un corbeau a inondé Saint-Servais de lettres désignant nommément l'assassin. Un homme qui n'avait évidemment rien à voir avec l'affaire.
Le 26 décembre à 7 h 30, les parents de Nathalie Geijsbregts (10 ans) la déposent, comme chaque matin, à l'arrêt du bus scolaire, à Bertem,près de Louvain. Elle n'est jamais arrivée à son école et on n'a jamais plus eu de nouvelle d'elle. Des témoins ont affirmé l'avoir vu monter dans une voiture Toyota grise.
II est possible que Nathalie ait été victime d'un pédophile, Christian Van Geloven, condamné à perpétuité en 1994 par la cour d'assises de Perpignan, pour l'assassinat de deux fillettes, commis à Elne, une petite commune des Pyrénées Orientales. II y avait des similitudes entre les deux affaires, et au moment de l'enlèvement de Nathalie, Van Geloven séjournait à Anvers. II n'a jamais avoué.
Kim Heymans (11 ans) et son petit frère Ken ont disparu le 4 janvier 1994, vers 19 h 30, à Merksem (Anvers), alors qu'ils rejoignaient un copain pour jouer au football. Le corps de 1a fille lardé de coups de couteau, a été retrouvé le 12 février dans un dock du port d'Anvers. Elle avait été tuée le jour de sa disparition. On est toujours sans nouvelle de son frère mais il y a évidemment très peu d'espoir de le revoir un jour vivant.
Inutile évidemment de rappeler l'affaire Julie et Mélissa, présente dans tous les esprits.
Elles ont quitté le domicile des parents de Métissa, à Crotteux (Grâce-HoIIogne)le 24 juin de l'année dernière, à 17. h. Elles allaient faire une promenade dans leur quartier et avaient promis de rentrer pour 17 h 30. Depuis lors, on n'a jamais eu la moindre trace des deux gamines.
Liam Van Den Brande (2 ans et demi) jouait sur une digue, le 3 mai dernier, près du domicile de ses parents, à Malines. Au départ on a cru à une noyade mais les recherches effectuées noyade immédiatement dans le canal Malines-Louvain n'ont rien donné.
Du coup, l'hypothèse d'un enlèvement n'est pas exclue. D'autant plus que certains témoins parlent d'une Peugeot de couleur sombre qui, peu avant la disparition de Liam, roulait lentement dans le quartier. Et que d'autres disent avoir aperçu un individu se promenant le long du canai avec l'enfant.
Enfin, le 28 mai, à Kain, Sabine Dardenne (12 ans) a disparu alors qu'elle se rendait au collège, à vélo. Tant les parents que les enquêteurs ont d'abord pensé à un fugue. Mais plus le temps passe et plus cette hypothèse devient invraisemblable.
J.H