jeudi 13 août 2009

Au nom de leur loi (Télé Moustique du jeudi 5 décembre 1996 pages 32 et 33)


Au nom de leur loi

Télé Moustique du jeudi 5 décembre 1996 pages 32 et 33

Le 27 novembre dernier, l'émission « Au nom de la loi », associée exceptionnellement à « Faits divers » de la RTBF Charleroi cartonnait à l'audimat avec sa spéciale :

« Plus jamais l'affaire Dutroux ». Néanmoins beaucoup de téléspectateurs furent interpellés par une certaine lourdeur, pour ne pas parler d'un malaise qui régnait sur le plateau de cette spéciale.

D'ailleurs, s'ils étaient quatre au départ de l'émission, les parents de Julie et Mélissa n'étaient plus que trois en fin de programme.

Le présentateur d'Au nom de la loi, expliquant ce départ par « un petit malaise », On Comprend mieux ce qui s'est passé en lisant aujourd'hui la lettre que Carine Russo nous demande de publier.

Ce billet pourrait s'intituler : « Plus jamais au nom de la loi » ou comme l'a choisi la maman de Mélissa, « Au nom de leur loi ».

« Le rapport d'autopsie révèle qu'elles ont subi de graves sévices sexuels... Sévices sexuels... Sexuels... »

Depuis mercredi soir cette phrase résonne dans ma tête. Et sans doute aussi dans celle de Louisa. Nous n'osons pas nous en parler. C'est trop dur. Mais chacune d'entre nous se doute bien de ce qui se passe dans la tête de l'autre.

Comment le public a-t-il perçu cette émission Au nom de la loi de ce mercredi 27 novembre? Nous n'en savons rien. Mais cette expérience fut parmi les plus pénibles que nous ayons eues à connaître par rapport à la presse. S'il me reste une possibilité de soulager un peu ce mal qu'ils nous ont fait, j'ai pensé que c'était de l'écrire, de le faire savoir, de faire connaître un peu l'envers du décor de cette soirée particulière pour laquelle nous étions invités en plateau.

En dépit de l'excellent reportage réalisé l'équipe de Faits-divers, Liège, laquelle a toujours eu comme principe de respecter intégralement les personnages de leurs sujets, en sollicitant d'abord leur autorisation de les Filmer, les interviewer, en respectant les (imites que ces personnages leur indiquent, en les informant honnêtement de leurs buts et moyens dans la réalisation de leur travail, bref, en respectant, avant tout, la personne humaine, l'émission de ce mercredi s'avéra être un calvaire.

En effet, c'est « sur le tas », au moment même de b diffusion en direct que nous avons appris à quel point la deuxième équipe, c'est-à-dire celle qui forme cette émission Au nom de la loi ( jusque-là excellemment réputée), faisait fi, pour sa part, de la plus élémentaire humanité.

Il faut savoir qu'avant ce soir-là, nous n'avions pas bénéficié du moindre contact préalable avec un de ses journalistes. Connaissant bien les journalistes de Faits divers, leurs collègues liégeois, nous pensions, â tort, pouvoir apporter une même intégrale confiance à l'équipe de Charleroi.

La gifle fut magistrale. Du même type que ce que nous avions connu de la part de la justice liégeoise alors qu'elle s'occupait encore de l'enquête sur la disparition de nos petites.

Principaux invités de cette émission (puisque MM. Bourlet et De Clerck avaient de leur côté décliné l'invitation et ont été remplacés en dernière minute par M. Marc Preumont), nous n'en fûmes pas moins, dès notre arrivée, traités comme quantité négligeable. Un repas préalable nous attendait bien pourtant, mais les convives autour de nous (les journalistes Rogge, Hucorne et Hellas, le producteur Deschamps) ne prirent ni la peine de se présenter, ni de nous saluer, ni même de remarquer que nous étions assis à leurs côtés.

Sans doute, ceux-ci, convaincus de leur grande célébrité acquise grâce à la qualité de leurs reportages, pensaient-ils que nous les connaissions tous parfaitement et que, dès lors, les présentations ne s'imposaient pas. Mais de là à nous tourner le dos, parler entre soi, en ne nous consacrant pas l’obole d'un regard ou d'une parole avant de descendre au studio, cela devenait incompréhensible.

Que pouvions-nous penser de cette étrange attitude, sinon qu'elle était délibérée? Donc, avant même que débute l'émission, toutes les conditions pour nous amener à un malaise étaient réunies.

Qu'étions-nous d'autre à leurs yeux que des purs "produite de remplissage dont la présence ne se révélait indispensable que dans la mesure où elle leur garantissait un taux d'audience intéressant Rien.

Même pendant le direct, G.Rogge, par exemple, continua de nous donner l'impression, à mon mari et à moi-même en tout cas, que nous étions transparents, inexistante, voire inutiles. Celui-ci persista à ne s'adresser qu'à Jean-Denis comme si finalement, un seul d'entre nous suffisait à être entendu, tandis que le rôle des trois autres devait se limiter à de la représentation. Objets de pub pour leur « sacrée soirée », point final.

Médusés, nous découvrirons donc l'envers du décor de cette célèbre émission touchant, pourtant à ces sujets profondément humains que sont ces situations particulières d'hommes et de Femmes, bref, d'individus, comportant tête, corps et coeur face à la loi. Au comble de la déception, plus mal à l'aise que jamais et sentant déjà monter en moi la révolte d'être traitée uniquement en objet d'exploitation télévisuelle, j'ai failli m'enfuir, les larmes aux yeux, juste avant que ne commence l’émission.

Peut-on comprendre qu'une maman dont on utilisé au sens propre du terme et de la façon la plus abjecte qui soit la propre petite fille, soit devenue hypersensible à cet aspect relationnel que l'on appelle respect humain ?

Peut-on comprendre, une bonne fois pour toutes, qu'après avoir dû endurer la souffrance de savoir son enfant exploitée, au-delà des limites de l'imagination, traite comme objet de pure consommation, à valeur si minime,

qu'après « usage », elle finisse dans... un sac poubelle, je ne sois plus jamais en mesure de supporter que les miens comme moi-même soyons encore un tant soit peu réduits à l'état d'objets, fût-ce télévisuels.

Apparemment certains journalistes ce soir-là ont démontré qu'ils n'avaient pas compris et démontré ainsi qu'ils n'étaient pas humains,eux non plus

Malgré tout, j’ai tenu le coup, j'ai voulu relever le défi. Nous étions venus à quatre. Nous repartirions à quatre.

Du moins, c'est ce que je pensais, car en cours d'émission, c'est Louisa qui ne résista pas.

Que n'avons-nous suivi son exemple en quittant ce plateau déplorable avant la fin! Est-ce qu'ils se soucièrent un tant soi peu, ces journalistes sans scrupules, des dégâts et du mol qu'ils nous firent?

Qu'avions nous encore à nous soucier des dégâts que notre absence subite, au milieu de leur « jeu de quilles », allait causer à leur enfant qu'était cette diffusion télévisée tant attendue de ce 27 novembre?

Parce que pour tout comprendre, il faut rappeler que, après avoir refusé de nous laisser revoir nos filles une

dernière fois, après avoir refusé que nous les identifiions formellement nous-mêmes, après avoir même refusé que nous voyions les photos de nos petites martyres contenues dans le dossier d'instruction, la justice liégeoise (Mme Thily) nous avait jusque-là également refusé le rapport d'autopsie. Et ce, sur la base du sempiternel motif de nous épargner psychologiquement!

Et pourtant, l'avant-dernière séquence de cette mémorable émission nous révélera de but en blanc, sur ce sinistre plateau de télévision, La teneur du... rapport d'autopsie!

Une fois encore, une fois de plus nous nous sommes sentis trompés, trahis, manipulés et abusés. Ainsi, une journaliste avait, elle, obtenu ce droit de prendre connaissance de ce rapport et d'en faire part au grand public sans que nous, les parents, en soyons un tant soit peu avertis?! Cette journaliste avait bel et bien obtenu cette fuite de quelque part? Et pas de n'importe qui, puisque ce fameux "secret de I’instruction" ne permet pas à n'importe qui d'avoir accès aux informations du dossier!

Devions-nous, dès lors, remercier cette journaliste de nous avoir appris, sans autre forme de procès, à nous, les mamans de Julie et Mélissa, en même temps que tout un chacun, assis devant son poste de télévision, ce que nous désespérions de savoir un jour, perce que la justice estime qu'il faut impérativement préserver les pauvres parents victimes que nous sommes de tout « choc psychologique » .

Le rapport d'autopsie révèle qu'elles ont subi de graves sévices sexuels... Sévices sexuels Sexuels....

Merci,Chantal (°) merci de faire partie de notre Comité de soutien , et d'avoir si bien compris que nous préférerions certainement recevoir ce genre d'information,en direct,via un écran,que via ta propre bouche ou,plus simplement,en toute intimité,chacune,Louisa et moi,dans le silence de notre propre lecture de ce rapport « si secret »....

Pour couronner le tout, toujours ce même soir, nous apprîmes que la réalisation de cette émission allait permettre cette grande famille d'Au nom de loi de publier un livre, que vous, lecteur, achèterez, peut-être. Au moins, serez-vous averti de l'esprit dans lequel il a été conçu.

Carine Russo, la maman de Mélissa

(') Chantal Anciaux, journaliste au « Vif-L'Expresses ».

Free Web Counters
Free Counter