Les parents de Julie et Mélissa:
Un cri de colère !
«La Wallonie» du lundi 19 août 1996 page 10
Dimanche. Il est 15 heures. La foule se presse devant la maison des Russo. Sur les visages on peut lire la tristesse, mais aussi la haine, la colère et l'indignation. On ne compte plus les bouquets de fleurs. Tous attendent avec impatience les parents qui doivent donner une conférence de presse. Ils espèrent en savoir plus.
Il était donc un peu plus de 15h, dimanche, lorsque les parents de Julie et Melissa ont fait leur première apparition, depuis l'annonce de ce tragique dénouement. Très affaiblis, les parents des deux fillettes ont demandé à leur avocat, Maître Hissel, de donner lecture d'une lettre ouverte.
« La plus atroce des réalités nous a été communiquée hier dans la soirée. Non seulement que Julie et Melissa sont mortes, mais qu'elles sont mortes au mois de mars 1996, dans des circonstances horribles ».
C'est par ces mots que Maître Hissel, avocat des deux familles, a débuté la conférence de presse.
« Elle aurait reconnu ma voix... »
Au travers de cette lettre, les parents de Julie et Mélissa expriment non seulement leur douleur... mais aussi leur colère face à cette terrible nouvelle. Ils sont en colère pour plusieurs raisons. Ils sont en colère parce que la justice n'a pas voulu croire qu'elles étaient vivantes. "Dès le début, trois jours après l'annonce de la disparition des deux fillettes, les enquêteurs privilégiaient l'hypothèse de la mort des deux petites" Regrettent les parents.
Ils sont en colère également parce qu'on ne les a pas cru lorsqu'ils disaient l'existence de réseaux de pédophilie. Mais aussi, et surtout, ils sont irrités parce qu'ils ont été mis à l'écart de l'enquête. "Il est certain que si l'on nous avait associés aux perquisitions chez Marc Dutroux en août 1995, nos fillettes, qui étaient toujours en vie à l'époque, auraient osé se manifester. Je suis sûr que ma fille aurait reconnu ma voix", explique Gino Russo. "Cela fait 3 mois qu'on ne voyait plus les enquêteurs", a-t-il déclaré.
« J'espère avoir accès au dossier. On se bat depuis quatorze mois pour cela. Dutroux, lui, il est arrêté. Il a accès au dossier ».
Là aussi, Gino Russo ne comprend pas. Rien n'est mis en place pour venir en aide aux familles des victimes. "Je suis plus en colère contre la justice que contre Dutroux' ajoute-t-il. "Je suis plus révolté contre la justice et contre M. Wathelet... Ils ne nous ont pas écouté. La justice savait que Dutroux était récidiviste".
Jusqu'au bout
Les parents Lejeune et Russo ont avoué qu'ils étaient heureux que le dossier soit transféré au parquet de Neufchâteau.
« J'espère que dans cette affaire, enfin, on ira jusqu'au bout. On a l'habitude en Belgique que les affaires soient étouffées. J'espère que cette fois on ira jusqu'au bout » a ajouté le père Russo.
Ensemble, les familles Lejeune et Russo comptent se battre jusqu'au bout afin que pareilles atrocités ne se reproduisent plus. « Nous n'accepterons jamais que nos petites soient mortes pour rien » Ont déclaré avec force les parents de Julie et Melissa.
Enfin, après avoir lu la "lettre ouverte" dans son entièreté, via la voix de leur avocat, les familles des deux petites ont fait le constat suivant: "Ils nous ont empêché de les rechercher nous-mêmes. Ils ont eu 9 mois pour les retrouver vivantes, Ils nous les rendent mortes".
Hier, en fin de journée, les parents ignoraient toujours l'endroit où se trouvaient les cercueils plombés contenant les corps des deux fillettes.
Dimanche, en fin de journée, les badauds continuaient d'affluer par centaines devant le domicile des Russo, rue Dièrain-Patar. Les bouquets de fleurs et autres présents recouvraient la pelouse.
Ils sont venus des quatre coins du pays, et même de l'étranger, pour se recueillir et manifester leur soutien aux parents. Autant dire que l'atmosphère était pesante ce week-end à Grâce-Hollogne.
Jean-Denis Lejeune, le père de Julie, a adressé une nouvelle fois ses remerciements à toute la population. "Merci à tous, sans vous on ne serait peut-être pas là" a-t-il déclaré.
Il est vrai que de nombreuses personnes se sont mobilisées au cours de ces 14 derniers mois afin de tenter de retrouver les deux fillettes saines et sauves... En vain.
Pascale Zune
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La liste de l’horreur
«La Wallonie» du lundi 19 août 1996 page 10
Marc Dutroux, qui a avoué dimanche l'enlèvement et le meurtre de plusieurs enfants, allonge la liste des tueurs en série, auteurs d'enlèvement et de viols de mineurs:
- 1980: aux Etats-Unis, John Gacy est condamné à mort à Chicago pour les meurtres avoués de 33 jeunes garçons.
- 1982: aux Etats-Unis encore,William Bonin, 34 ans, surnommé "Le tueur de l'autoroute", est condamné à mort à Los Angeles pour le meurtre de 10 adolescents. Entre 1972 et 1980, 44 corps avaient été découverts le long des autoroutes, affreusement mutilés.
- février 82: aux Etats-Unis toujours, Wayne Williams, 23 ans,condamné à la prison à vie, est reconnu coupable du meurtre de deux enfants, après une série de 28 assassinats de jeunes gens noirs survenus à Atlanta
-janvier 89: aux Etats-Unis encore et toujours, Ted Bundy, 42 ans condamné pour le meurtre de deux jeunes filles et d'une fillette, confesse, trois jours avant de passer sur la chaise électrique à Starke (Floride), une vingtaine d'assassinats de jeunes femmes.
-octobre 1989: en Suisse, Michel Peiry, 30 ans, surnommé le "Sadique de Romont", avoue avoir violé, supplicié, puis immolé par le feu trois adolescents, alors que les enquêteurs le soupçonnent d'au moins une demi-douzaine de meurtres.
- février 92: au Brésil, le "Vampire d e Rio", Marcelo Costa de Andrade, 25 ans, avoue avoir assassiné 14 garçonnets pauvres de la banlieue de Rio de Janeiro entre avril et décembre 1991 après les avoir violés.
- octobre 92: en Russie, I"Ogre de Rostov", Andreï Tchikatilo, 56ans, est condamné à mort par un tribunal russe pour 52 meurtres sexuels commis principalement sur des enfants et des adolescents entre 1978 et 1990.
- janvier 1994: en Afrique du Sud, I"étrangleur de la gare", un instituteur de 29 ans, est soupçonné d'avoir sodomise et étranglé de nombreux enfants entre 1986 et 1994.
En dépit de certitudes non prouvées de sa culpabilité,Norman Afzal Simons sera reconnu coupable d'un meurtre.
- mai 1994: en Grande-Bretagne, Robert Black, un chauffeur-livreur de 47 ans, est condamné à perpétuité pour le viol et le meurtre des trois fillettes de 5,10 et 11 ans. Le meurtrier purgeait déjà une peine de prison à vie pour le viol d'une petite fille de six ans.
-septembre 1995: au Canada,un comptable au chômage, Paul Bernardo, est condamné à la prison à vie pour viols, tortures et assassinats d'adolescentes de 14 et 15 ans. Il avoue également avoir tué la soeur de Karla Homolka,son ex-épouse, et violé 14 jeunes femmes.
- novembre 1995: en Grande Bretagne, Rosemary West, 42 ans, est condamnée à dix peines de prison à vie pour dix meurtres, et elle est soupçonnée de neuf autres. Dans la "Maison de l'horreur" à Gloucester, où les époux Westont sévi pendant plus de 20 ans, 10 cadavres ont été retrouvés dont les corps de leurs propres filles
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La lettre ouverte des parents de Julie et Mélissa
La Wallonie du lundi 19 août 1996 page 10
Dimanche 18 août 1996
La plus atroce des réalités nous a été communiquée hier dans la soirée. Non seulement que JULIE ET MELISSA sont mortes, mais qu'elles sont mortes au mois de mars 1996, dans des circonstances horribles.
Elles sont mortes de faim après que l'abominable auteur de leur enlèvement et séquestration eût été mis en prison par les enquêteurs pendant plus de trois mois, de décembre 95 à mars 96.
Cette réalité nous plonge dans un cauchemar duquel il nous est impossible de nous réveiller. Nous vivons maintenant le calvaire de nos deux enfants qui se sont retrouvées par le fait d'une volonté humaine dans l'isolement total, subissant des sévices qui ont été filmés. Nous vivons la même impuissance rétrospective dans laquelle se sont retrouvées nos deux filles adorées ignorant que leurs mamans et que leurs papas les recherchaient en soulevant des montagnes afin que rien ne soit laissé au hasard pour qu'on les retrouve.
Elles sont mortes sans que notre immense capacité d'amour qui avait baigné leurs huit premières années d'enfance, n’ait pu les atteindre et les consoler.
Notre deuil est lourd et intolérable, non pas parce qu'elles sont mortes, mais parce qu'elles sont mortes dans la durée d'une horreur permanente face à l'impuissance de notre société.
De ce lieu insituable où notre souffrance rejoint celle de nos filles, nous désirons que leur martyr soit pris en compte non seulement par l'opinion publique, mais par toutes les instances dirigeantes, qui dans la société ont la responsabilité de la sécurité des enfants et des personnes.
Notre effort incessant, depuis l'enlèvement de nos deux petites a été de lutter pour que l'institution judiciaire change de méthodes, de moyens et de mentalité. Il nous appartient de donner un sens à l'insupportable absurdité de la mort de nos deux filles en continuant à vouloir changer les mentalités pour que cela n'arrive plus jamais.
Car l'information capitale, c'est que notre petite JULIE et notre petite MELISSA étaient toujours VIVANTES en mars 1996. C'est ce que nous clamions depuis leur enlèvement, neuf mois auparavant, à nos enquêteurs qui n'y croyaient pas. Cette non-croyance dans l'espoir de les retrouver vivantes fut déterminante dans leur échec qui a duré quatorze mois.
Lorsque les responsables de l'enquête, à Liège, nous disaient au mois de novembre 1995 que nous devions accepter qu'elles soient mortes, ELLES ETAIENT VIVANTES !
Lorsque le Procureur du Roi de Liège nous ayant croisés dans un bureau du Palais de Justice, seul contact que nous avons eu avec Madame Bourguignon, nous a dit «Sincères condoléances», ELLES ETAIENT TOUJOURS VIVANTES.
Lorsqu'en décembre 95, il fut décidé de confier d'autres dossiers aux enquêteurs, ELLES ETAIENT TOUJOURS VIVANTES.
JULIE ET MELISSA sont les victimes de la pédophilie organisée, sacrifiées sur l'autel du scepticisme qui a régné en Belgique à propos d'associations de malfaiteurs capables d'enlever des enfants pour les séquestrer et en abuser sexuellement.
C'est la pédophilie qui a tué nos filles. Mais également l'incroyable magnanimité que lui manifestent ceux qui ont pour mission de protéger nos enfants. Quand Monsieur Wathelet, ministre de la Justice à l'époque, a signé l'acte de libération conditionnelle de Marc Dutroux, il signait en même temps le drame que nous vivons. Actuellement cet ancien ministre se tait
C'est la pédophilie qui les a tuées. Mais également le doute de tous ceux qui ne voulaient plus les imaginer vivantes.
C'est la pédophilie qui les a tuées. Mais également les balbutiements et les errances d'une enquête menée par des professionnels réduits à espérer, selon de vieux principes, que le temps fasse son oeuvre pour résoudre les énigmes et que «l'élément déclenchant» surgisse.
Et on peut se poser la question de savoir, puisque des perquisitions avaient déjà été faites en août et en décembre 95 chez Dutroux, si les moyens sophistiqués, empruntés à la Hollande, que l'on a mis en oeuvre pour rechercher des cadavres, n'auraient pas pu être mis en oeuvre pour retrouver des fillettes vivantes. Au moment de ces perquisitions on peut estimer que les enquêteurs sont passés deux fois à proximité de nos petites enfermées dans un puits creusé dans la cave. Les enquêteurs s'attendaient-ils à les découvrir sans autres recherches ?
Il est un point plus important encore : nos enfants n'ont pas osé répondre aux voix des enquêteurs.
Mais si les parents avaient été associés à l'enquête, si les parents avaient été aux côtés des enquêteurs, nous posons la question : NOS ENFANTS N'AURAIENT-ELLES PAS RECONNU LES VOIX DE LEURS PARENTS ? Face à la volonté obsédante de vouloir tenir les parents à l'écart de l'enquête, nous pourrions être en mesure de porter plainte pour non assistance à enfants en danger.
Pour ces raisons, nous ne renoncerons pas à réclamer le droit d'accès au dossier de l'instruction car la justice ne peut se réfugier sans cesse dans le secret de l'instruction pour mieux protéger ses carences et ses dysfonctionnements et ses échecs.
Que plus jamais une disparition de mineur ne soit considérée comme une fugue, si les parents ne l'envisagent pas eux-mêmes.
Que plus jamais une disparition inquiétante ne fasse l'objet d'une enquête classique et d'une procédure normale, ni d'une mise à l'instruction routinière.
Que plus jamais les parents d'enfants ne soient méprisés par les magistrats et enquêteurs, comme nous l'avons été nous-mêmes, nous heurtant à une susceptibilité exacerbée exprimée par cette phrase tant entendue «Laissez faire les professionnels» lorsque nous étions les seuls à avoir raison de croire nos filles vivantes.
Que toute nouvelle disparition puisse faire l'objet d'une mobilisation immédiate de tous les moyens disponibles en Belgique, en matériel mais surtout en hommes, sans que l'archaïque susceptibilité territoriale des magistrats locaux puisse y faire obstacle.
Nous savons, pour avoir été écoutés par lui, que le ministre Stefan Declerck a fait tout ce qu'il lui était possible de faire dans les limites de la séparation des pouvoirs.
Déjà dans d'autres arrondissements judiciaires, à Tournai ou à Neufchâteau, nous avons constaté de nouvelles façons de réagir en urgence et en puissance.
Nous demandons instamment que les autorités judiciaires de l'arrondissement de Liège en tirent la leçon : pour que la justice soit vraiment au service des familles et non seulement d'elle-même.
Que le gouvernement accorde à la Justice les moyens de sa mission.
Que l'institution judiciaire soit capable de se réformer, de s'autocritiquer, de reconnaître ses lacunes et de s'humaniser en collant à la réalité des victimes et des parents.
Que la société ouvre enfin les yeux sur les véritables enjeux de la pédophilie.
Que chaque enfant puisse vivre en sécurité dans notre pays, ET NOS DEUX PETITES FILLES SERONT TOUJOURS VIVANTES.
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Ann et Eefje ont-elles été vendues à un réseau de prostitution ?
«La Wallonie» du lundi 19 août 1996 page 11
Marc Dutroux et ses acolytes sont responsables de l'enlèvement d'Ann et Eefje, en août
1995, au littoral. Le principal inculpé dans le dossier des enlèvements a fait des aveux en ce sens vendredi aux enquêteurs.
"La priorité est maintenant la découverte des deux jeunes filles", a déclaré le Procureur du Roi
de Neufchateau, Michel Bourlet, qui garde l'espoir de les retrouver vivantes.
Au cours d'une conférence de presse, M. Bourlet a fait le point sur les déclarations de Dutroux qui avaient amené les enquêteurs à Sars-la-Buissière, où ils ont découvert les corps de Julie et Melissa.
Mortes de faim
Selon Dutroux, les deux fillettes de Grâce-Hollogne sont mortes de faim, par la faute de son comparse Lelièvre. Toujours selon Dutroux, les deux fillettes lui avait été amenées par Lelièvre et Bernard Weinstein, l'homme dont le corps a également été retrouvé en même temps que ceux de Julie et Melissa, à Sars-la-Buissière.
Au cours d'une conférence de presse donnée samedi matin, le Procureur du Roi de Neufchâteau,Michel Bourlet, a livré plusieurs explications sur les aveux de Marc Dutroux.
Dutroux a avoué avoir enterré Julie et Métissa. L'explication qu'il a donné aux enquêteurs de la BSR de Marche qui l'interrogent concernant leur décès le disculpe .Cependant sur ce point. Il nie également avoir abusé sexuellement des deux fillettes.
D'après les aveux de Dutroux, Julie et Métissa ont été enlevées le 24 juin 1995 par Michel Lelièvre et Bernard Weinstein.
Ils auraient, toujours selon Dutroux, enlevé les fillettes parce qu'il leur avait dit, en guise de boutade, "ramenez-moi une fille".
Les deux fillettes auraient été conduites à Marcinelle et enfermées quelques jours plus tard seulement dans le réduit où ont été retrouvées jeudi soir Sabine Dardenne et Laetitia Delhez,
car la geôle n'était pas terminée.
Le 6 décembre 1995, Dutroux a été incarcéré après un règlement de comptes suivant un vol qualifié.
"J'ai confié une somme de 50.000 francs à Lelièvre", a-t-il déclaré aux enquêteurs, "afin qu'il s'occupe des deux gamines. Mais elles avaient de quoi manger pour encore un bout de Temps.
"D'après Dutroux, lorsqu'il est sorti de prison - fin mars ou début avril dernier - et qu'il s'est rendu à Marcinelle, "l'une des fillettes était déjà morte de faim et l'autre est morte dans ses bras." La mort des deux fillettes seraient donc selon Dutroux due à un manque de soins et imputable à Lelièvre.
Une version des faits à propos de laquelle le procureur du Roi a émis de nettes réserves, d'autant que Michel Lelièvre n'a pas encore pu être entendu sur ce volet et qu'aucune confrontation entre les deux hommes n'a encore eu lieu. Le scepticisme est donc bien de mise.
Vendues à un réseau international ?
Samedi, les enquêteurs avaient relevé à Sars-La-Buissière des indices permettant d'établir un lien entre les agissements de Dutroux et ses acolytes et la disparition d'Ann Marchal et Eefje Lambrechts. Une Citroën CX avait ainsi attiré leur attention; un témoin avait signalé la présence d'une CX au littoral, à l'époque de l'enlèvement des deux adolescentes, et il semble qu'on avait relevé près du lieu présumé du kidnapping, des traces de pneus correspondant à ceux de la Citroên. Dutroux a bel et bien avoué avoir séquestré Ann et Eefje. Des indices relevés par les enquêteurs le confirment. Les deux jeunes Limbourgeoises auraient été enlevées par Lelièvre et Weinstein.
Michel Bourlet a précisé qu'il avait bon espoir de retrouver les deux jeunes filles en vie, eu égard notamment aux habitudes de Dutroux. Il faudra cependant attendre encore quelques jours que les enquêteurs puissent à nouveau interroger Dutroux et obtenir certaines précisions.
L'impression générale est que les deux jeunes filles ont pu être vendues à un réseau de prostitution, même si le procureur du Roi de Neufchâteau s'est refusé à émettre une quelconque hypothèse à cet égard et n'a donné aucune explication sur le sort qui a pu leur être réservé. Le fait que Dutroux avait des contacts avec plusieurs personnes et avec des complices ne suffit pas à prouver qu'il faisait partie d'une filière de pédophilie ou de prostitution.
Un complice gênant
Michel Bourlet a également fait le point sur les différents mandats d'arrêt et interpellations intervenus dans ce dossier. Il a confirmé qu'un mandat d'arrêt est décerné contre l'agent immobilier bruxellois Jean-Michel Nihoul. Son épouse a été interrogée dimanche après-midi par le Juge d'instruction de Neufchâteau, Jean-Marc Connerotte qui, comme on le lira par ailleurs, l'a laissée en liberté.
Le ressortissant grec interpellé vendredi a été remis en liberté,faute de preuves, après que les enquêteurs aient fouillé de fond en comble la maison qu'il occupait. Une des six maisons appartenant au couple Dutroux. Entre parenthèses, on peut s'étonner de ce que personne ne se soit jamais inquièté de savoir comment un couple n'ayant aucun revenu connu, pouvait être néanmoins propriétaire d'autant de maisons.
Certes, les habitations dont question étaient souvent en assez mauvais état, mais Dutroux en était cependant bel et bien propriétaire. Selon certaines indiscrétions, il aurait même payé la dernière des maisons qu'il a acquises, trois millions cash.
Quant au meurtre de Bernard Weinstein, un truand originaire de Charleroi, Marc Dutroux a expliqué avoir été obligé d'éliminer son complice car ce dernier tentait de le "doubler". Weinstein aurait été drogué puis enterré vivant.
Enfin, le Procureur du Roi de Neufchâteau a une nouvelle fois demandé à la population, malgré le dégoût et l'horreur que peut lui inspirer cette affaire, de conserver la plus grande dignité.
Les dossiers de Julie et Métissa ainsi que celui d'Ann et Eefje devraient être centralisés au parquet de Neufchâteau dans le courant de la semaine prochaine.
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Les enquêteurs partagés entre l’espoir et la crainte
«La Wallonie» du lundi 19 août 1996 page 11
Ann Marchal et Eefje Lambrechts, dont Marc Dutroux a avoué l'enlèvement et la séquestration, ont disparu le 22 août 1995 au littoral, où elles étaient en vacances. Elles avaient respectivement 17 et 19 ans à l'époque.
Près d'un an jour pour jour après leur disparition, les aveux de Dutroux pourraient permettre de lever définitivement le voile sur leur sort.
Les enquêteurs sont cependant partagés entre l'espoir et la crainte.
L'espoir de pouvoir rapidement les libérer et les rendre à leurs familles, à l'instar de Laetitia Delhez et Sabine Dardenne.
La crainte d'être confrontés à un dénouement aussi tragique que pour les petites Julie et Mélissa.
On sait que Ann et Eefje ont été séquestrées dans les jours qui ont suivi leur enlèvement dans la maison de Dutroux à Marcinelle, où ont été retrouvées Laetitia et Sabine jeudi dernier. Elles ont également été séquestrées à Sars-la Buissière.
Dimanche matin, le procureur du Roi de Neufchâteau, Michel Bourlet, s'est refusé à émettre une quelconque hypothèse sur le sort qui a pu être réservé à Ann et Eefje par la suite.
Le fait que Dutroux avait des contacts avec plusieurs personnes et avec des complices ne suffit pas à prouver qu'il faisait partie d'une filière de pédophilie ou de prostitution. Le sentiment général régnant à Neufchâteau est néanmoins que les deux jeunes filles ont pu être livrées à un réseau de prostitution.
Hypnose
Ann Marchal et Eefje Lambrechts sont originaires de Hassett. Elles ont disparu le 22 août 1995 après avoir assisté à un spectacle de l'hypnotiseur Rasti Rostelli au casino de Blankenberge.
A l'issue du spectacle, elles 'ont pas rejoint le camp de vacances Marina à Westende, où elles séjournaient avec un groupe d'amis appartenant à la troupe théatrale Harlekijn, de Hasselt. Elles ont pris le tram de la côte et sont descendues à Ostende.
C'est là que les enquêteurs perdent la trace des deux jeunes filles. Dans les jours qui ont suivi la double disparition, un vaste élan de solidarité s'était manifesté, tout comme quelques semaines auparavant lors de la disparition de Julie Lejeune et Mélissa Russo à Grâce-Hollogne. Proches, amis, bénévoles anonymes avaient participé à des battues dans plusieurs localités du littoral ainsi qu'à une large diffusion d'affiches au portrait des deux jeunes filles. En vain.
Plusieurs pistes
Un appel lancé par les parents des deux jeunes filles aux présumés ravisseurs le 2 septembre sur VTM était resté sans réponse.
Un placardage d'affiches à Amsterdam et Rotterdam, ainsi qu'une recherche dans le Nord de la France, n'ont pas livré davantage de résultats.
En une année, les enquêteurs avaient également vérifié plusieurs pistes au-delà des frontières. En décembre dernier, une commission rogatoire s'était rendue en vain en Espagne où des témoins affirmaient avoir aperçu les deux disparues.
Un mois plus tard, deux membres de la PJ de Bruges s'étaient rendus aux Canaries à la recherche d'une piste. Ils étaient également rentrés bredouilles.
Plus récemment, les parents d'Ann avaient laissé entendre qu'il pouvait exister un lien direct entre le spectacle d'hypnotisme auquel Ann et Eefje ont assisté - et participé - et leur disparition. Selon eux, les adolescentes n'avaient pas totalement recouvré leurs esprits quand elles ont quitté ta salle de spectacle, ce qui aurait pu avoir une influence sur leur comportement dans les minutes qui ont suivi.
Les parents des deux jeunes filles se sont également plaints de la lenteur avec laquelle l'enquête a véritablement commencé.
Ainsi le père d'Ann s'est-il étonné de n'avoir jamais entendu parlés de la fameuse Citroën CX qu'un témoin avait aperçue au littoral à l'époque des faits, et que les enquêteurs ont redécouverte samedi dans le terrain vague où Dutroux laissait la plupart des voitures dont il se servait.
Idem pour une camionnette blanche, qui aurait également été remarquée près de Blankenberge, il y a un an...
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DINANT
Registre de condoléances pour Julie et Mélissa
«La Wallonie» du lundi 19 août 1996 page 11
De nombreux citoyens, aux quatre coins du pays, sont bouleversés par les drames qui frappent de plein fouet les familles des fillettes Julie et Mélissa dont les cadavres ont été découverts samedi.
A Dinant, plusieurs personnes ont contacté le Député Bourgmestre Richard Fournaux afin que ce dernier fasse part de leur compassion aux malheureux parents des deux petites filles de
Grâce-Hollogne.
La ville de Dinant dont l'initiative sera sans doute suivie par d'autres communes, ouvrira dès ce lundi, à la maison communale, à 10h, un registre de condoléances. II sera accessible au public jusqu'à mercredi de 10h à 18h.
II sera alors transmis aux deux familles.