mercredi 28 mai 2008

14mois


14mois

«La Wallonie» du lundi 19 août 1996 page 9

Les noms de Julie Lejeune et Melissa Russo étaient associés depuis juin 1995 dans tous les esprits au mot disparition. Il faut aujourd'hui y ajouter "douleur et colère". Les deux petites filles de Grâce-Hollogne figurent en effet au nombre des victimes de Marc Dutroux et de ses complices.

L'immense élan de solidarité soulevé par leur disparition aura donc été vain. Restent la douleur et la colère des parents et des proches.

En bordure de l'autoroute


Les deux fillettes, âgées alors de huit ans, ont disparu le 24 juin 1995, un samedi d'été vers 17 heures, près de l'autoroute Liège-Namur, en face de la tour de contrôle de !'aéroport de Bierset à Grâce-Hollogne.

Toutes les recherches, les battues organisées à l'aide de dizaines de gendarmes, de pompiers, d'hommes de la Protection civile et de chiens pisteurs, de même que les appels lancés depuis le moment de leur disparition, étaient restés sans résultat.

La piste suivie par les chiens pisteurs s'arrêtait obstinément en bord de l'autoroute à Grâce-Hollogne, c'est-à-dire non loin du domicile des deux fillettes.

Un témoin mystérieux, qui aurait peut-être pu fournir la clé de l'énigme aux enquêteurs, a toujours refusé de se manifester. II s'agit d'un homme de 25 à 30 ans qui portait des vêtements clairs,les cheveux coiffés en arrière. Le jour de la disparition, vers 17h15, il était sorti d'un bosquet près du pont surplombant l'autoroute à Grâce-Hollogne, derrière la tour de contrôle de l'aérodrome de Bierset, pour regagner une voiture de teinte foncée stationnée près d'un rond point.

Le 3 août, le juge d'instruction en charge du dossier, Mme Doutrewe, avait diffusé un portrait-robot de ce témoin. Cette démarche n'avait cependant pas permis de faire progresser l'enquête.

Elan de solidarité

Plusieurs pistes examinées dans les premiers jours de l'enquête n'ont mené qu'à des impasses. Ce fut notamment le cas du témoignage d'une préposée aux toilettes d'une station-service de Jabbeke, sur l'autoroute de la mer, qui avait affirmé avoir aperçu les deux fillettes.

Une autre piste étudiée dans les jours qui ont suivi la disparition concernait le conducteur d'une voiture rouge qui, le dimanche 25 juin vers 20h30, se trouvait en stationnement avec son véhicule sur la bande d'arrêt d'urgence sur l'autoroute Namur-Bruxelles, à Overijse. Deux fillettes se trouvaient à bord de ce véhicule.

Après quelques jours, l'élan de solidarité suscité par la disparition de Julie et Melissa avait dépassé les frontières belges.
Routiers et vacanciers placardaient en effet jusqu'en Italie et en Espagne les portraits de Julie et Melissa reproduits par l'asbl "Marc et Corine

Dès le lendemain de la disparition, cette asbl qui vient en aide aux proches de disparus avait fait diffuser et apposer dans des magasins et endroits publics de la région liégeoise 6.500 affichettes reproduisant la photo et un bref signalement des deux petites disparues. Cette diffusion était le point de départ d'une vaste campagne qui a permis de sensibiliser la Belgique et l'Europe entière au sort des deux fillettes.
Plusieurs télévisions étrangères avaient participé à cet élan en consacrant des reportages à la disparition de Julie et Melissa.


Appel aux ravisseurs

Le 4 juillet 1995, les parents des deux fillettes avaient confirmé que l'hypothèse d'un enlèvement était dorénavant celle retenue par les enquêteurs, après élimination des autres hypothèses. Ils ont lancé un appel au(x) ravisseur(s) présumé(s), suppliant de leur rendre leurs enfants et de leur apporter la preuve qu'ils sont en vie.

Quatre jours plus tard, les enquêteurs avaient procédé avec une équipe anglaise à une reconstitution dont le but était de tenter de découvrir des indices sur les faits qui auraient peut-être permis d'ouvrir certaines pistes d'investigation.

Plusieurs démarches avaient encore été entreprises. Les parents des fillettes avaient lancé personnellement un appel à l'homme qui circulait à pied à proximité de l'endroit où ont disparu les deux fillettes.

Le 28 juillet, un hélicoptère de la force aérienne muni d'un système de reconnaissance à infrarouge avait survolé Ougrée, sans résultat positif. Une battue avait enfin été organisée le 31 juillet dans les bois d'Ougrée. Elle n'avait pas livré davantage de résultats.

Critiques

Les parents de Julie et Melissa n'ont jamais hésité à critiquer les lenteurs de l'enquête et exprimer leur désir de voir se créer des mesures préventives pour éviter à l'avenir ce genre de drame.

Ces griefs ne sont pas restés sans lendemain. En effet, le ministre de la Justice, Stefaan De Clerck, leur a rendu visite et a ensuite marqué son accord sur la création d'une cellule spécialisée dans la recherche des mineurs enlevés ou disparus. Cette cellule a été installée en septembre 1995 au sein du Bureau Central des Recherches de la gendarmerie. Elle a activement contribué à l'enquête ouverte à la suite des disparitions de Laetitia Delhez et Sabine Dardenne, qui a mis à jour les agissements de Marc Dutroux.

Au début du mois de novembre 1995, les parents de Julie et Melissa avaient intenté une action en justice contre l'Etat belge, représenté par le ministre de la Justice, pour obtenir le droit de consulter la totalité du dossier, droit qui leur était refusé. Ils ont été déboutés.

L'énigme de la disparition des deux fillettes avait même été évoquée à deux reprises sur TF1, dans l'émission de Jacques Pradel, "Perdu de Vue". Une première fois le lundi 4 septembre 1995 et une seconde fois le lundi 15 avril 1996.

Lors de cette seconde émission, des indices recueillis par les enquêteurs et gardés secrets jusque - là avaient été communiqués au grand public. Plus de 100 témoignages avaient ensuite été examinés par les enquêteurs.

Brésil, Argentine, Canada, Etats-Unis

Après avoir pris leurs distances vis-à-vis de l'asbl Marc et Corinne", les parents de Julie et Melissa avaient entrepris des démarches personnelles pour recouper des témoignages recueillis au fil de l'enquête.

Les papas des deux fillettes s'étaient ainsi rendus successivement durant l'été 1996 en Argentine, au Brésil, au Mexique, aux Etats-Unis et au Canada.

Ils entendaient explorer une piste américaine de pédophilie. A leur retour, ils avaient expliqué avoir eu des contacts fructueux durant leur périple. Pas plus que les autres pistes, ces démarches n'avaient pourtant permis d'éclairer les enquêteurs sur le sort réservé aux deux petites disparues.

Ce sont finalement les aveux de Dutroux qui ont mené les enquêteurs à la macabre découverte de samedi.

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