Les heures noires d’un pays
« La Dernière Heure » du vendredi 22 novembre 1996 page 6
Jeudi 15août
Sabine Dardenne, disparue depuis le 28juin, et Laetitia Deihez, enlevée !e 9 août, sont retrouvées vivantes dans la cave de la maison de Marc Dutroux, à Marcinelle. Deux jours plus tôt, Marc Dutroux, sa femme Michelle Martin et Michel Lelièvre avaient été arrêtés. Les ravisseurs avaient été repérés lors du dernier enlèvement, celui de Laetitia, à Bertrix.
Vendredi 16août
Arrestation, à Bruxelles, de Michel Nihoul, escroc soupçonné de complicité avec Dutroux dans l'enlèvement des enfants.
Samedi l7 août
Après de nouveaux aveux de Dutroux, on retrouve dans le jardin de sa propriété de Sars-laBuissière,les corps de Julie Lejeune et Mélissa Russo, disparues depuis le 24 juin 1995. Un troisième cadavre est également découvert, celui de Bernard Weinstein, complice assassiné par Dutroux.
Dimanche 18 août
La justice est montrée du doigt. L'ex-ministre de la Justice Melchior Wathelet est vivement critiqué par les parents pour avoir remis Dutroux en liberté. Les enquêteurs liégeois et la juge d'instruction Doutrewe sont mis en cause.
Lundi 19 août
Une foule impressionnante défile au funérarium où reposent Julie et Mélissa. L'émotion est à son comble.
Le ministre de la Justice Stefaan De Clerck développe devant la presse ses projets de réforme du système judiciaire, notamment de la procédure de libération anticipée. Il charge le procureur général de Liège de lui
faire rapport sur l'enquête Julie et Mélissa. L'ex ministre Wathelet affirme avoir « pris ses responsabilités ».
Mardi 20août
Interpol Prague confirme la piste tchèque pour An et Eefje. On pense alors qu'elles ont été poussées dans
un réseau de prostitution à l'Est. La presse révèle les premiers documents prouvant que Dutroux était, depuis 1993, suspecté par la gendarmerie de préparer des enlèvements d'enfants.
Mercredi 21 août
Les critiques sur l'enquête Julie et Mélissa redoublent. Gendarmerie et parquet s'affrontent. Le policier
anglais John Bennett, qui a travaillé dans l'affaire West à Gloucester, vient en Belgique pour participer aux
fouilles. Il rejoint les experts allemands et hollandais déjà sur place.
Jeudi 22 août
Funérailles de Julie et Mélissa à Liège à la basilique Saint-Martin de Liège. La présence d'un représentant
du Roi est refusée par les parents. Les petites sont portées en terre au cimetière de Mons-lez-Liège. Le ministre De Clerck reconnaît des lacunes dans l'enquête. A Neufchâteau, Michael Diakostavrianos est arrêté.
Vendredi 23 août
Le procureur du Roi de Neufchâteau, lors d'un d'un débat, promet d'aller jusqu'au bout «si on me laisse faire ».
Arrestation de Claude Thirault.
Samedi 24 août
Perquisition chez Georges Zicot, inspecteur principal à la PJ de Charleroi.
Dimanche 25 août
Zicot est placé sous mandat d'arrêt pour !e volet vol de véhicules. Même traitement pour Gérard Pinon, Thierry Dehaan et, le lendemain, Pierre Rochow.
lundi 26 août
Michelle Martin avoue sa participation à fa séquestration des enfants. C'est elle qui devait nourrir Julie et Mélissa durant la détention de Dutroux.
Mercredi 28 août
Début des fouilles à Jumet, rue Daubresse, dans la propriété de Bernard Weinstein.
Jeudi 29 août
Deux jeunes filles, Séverine et Rachel, disparaissent à Liège. Libération de Pierre Rochow.
Vendredi 30 août
Le gouvernement présente un plan de lutte contre la pédophilie.
Samedi 31 août
Séverine et Rachel sont retrouvées près de Cologne.
lundi 2 septembre
Le fils du procureur du Roi de Mons Demanet est inculpé à Bruxelles pour une escroquerie à l'assurance. Zicot avait enquêté dans ce dossier.
Mardi 3 septembre
Decouverte a Jumet d'ossements humains. Il s'agit des restes des corps d'An et Eefje. Un témoin anonyme se présente à la cellule Cools pour y faire des révélations.
Mercredi 4 septembre
L'ex-compagne de Michel Nihoul, l'avocate radiée Annie Bouty, est arrêtée. Des centaines de personnes signent des registres de condoléances envoyés aux parents Marchai et Lambrecks. Marie-France Botte et
les premières familles d'enfants assassinés sont reçues au Palais par le roi Albert II.
Jeudi 5 septembre
Des fouilles débutent à Ixelles, dans une maison de la rue du Conseil où demeurait un homme accusé de
pédophilie. Plusieurs inculpés de Neufchâteau auraient été vus dans cette demeure, proche du domicile des
parents Benaïssa, dont la fille Loubna (9 ans) a disparu en 1992. Les autres familles d'enfants martyrs, dont
les Benaïssa, sont reçues au Palais royal.
Vendredi 6 septembre
l'affaire Cools rebondit. Quatre personnes sont arrêtées : Richard Taxquet, l'ex-secrétaire d'Alain Van der
Biest, Domenico Castellino, Cosimo Solazzo et Carlo Todarello. La justice liégeoise semble reprendre la piste
des titres volées initiée par le juge Connerotte. Me Julien Pierre est commis d'office pour défendre Marc Dutroux.
Samedi 7 septembre
Funérailles d'An et Eefje à Hasselt, lors de deux cérémonies séparées. Arrestation de l'ex-ministre wallon Alain Van der Biest, accusé par le témoin anonyme d'être l'un des trois commanditaires de I'assassinat d'André Cools
Dimanche 8 septembre
Castellino reconnaît s'être débarrassé de l'arme qui a tué Cools en la jetant à l'eau. Cette arme va être retrouvée rapidement.
lundi 9 septembre
Le juge d'instruction Connerotte ordonne une nouvelle série de perquisitions dans la région de Charleroi dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat de Bernard Weinstein.
Mardi 10 septembre
Interpellation et interrogatoire du gendarme de binant Guy Vanesse. Le Roi prend position et réclame que la lumière soit faite dans les affaires d'enlèvements d'enfants et sur l'assassinat d'André Cools. II demande une justice plus humaine. A Liège, Solazzo reconnaît avoir participé aux préparatifs de l'assassinat Cools. II aurait
fait appel à Casteilino, recruteur et chauffeur de deux tueurs tunisiens.
Mercredi 11 septembre
Pino Di Mauro, ex-chauffeur de Van der Biest, est arrêté.
Jeudi 12 septembre
Thierry Dehaan est remis en liberté.
Vendredi 13 septembre
Guy Mathot, accusé par le témoin anonyme d'avoir été l'un des commanditaires du meurtre de Cools, se
déclare scandalisé.
Les parents Lejeune et Russo déclarent qu'ils continueront leur combat pour accéder au dossier d'instruction.
Samedi 14 septembre
Enlèvement à Bouillon de deux adolescentes de 13 et 15 ans par deux hommes en voiture. Les fillettes sont retrouvées dans la nuit à la frontière française. Elles n'ont pas subi d'abus sexuel. Les ravisseurs les auraient
libérées après s'être trompé de chemin.
Lundi 16 septembre
De nouvelles fouilles reprennent à Tirlemont, dans l'ancienne maison du père de Dutroux et à Marchienne-au-Pont dans l'une de ses habitations.
Les noms des tueurs d'André Cools sont cités : Abdelmajid Ben Mmi et Abdeljelil Ben Brahim.
Mardi 17 septembre
Les parents de Loubna Benaïssa se constituent partie civile à Neufchâteau, qui va se voir confier le dossier. On découvrira plus tard qu'un témoin affirme avoir vu Nihoul dans le quartier d'lxelles le jour de la disparition.
Mercredi 18 septembre
Guy Mathot dépose plainte et demande à être confronté à ses accusateurs.
Jeudi 19 septembre
L'attitude de la gendarmerie est mise en cause dans les rapports Velu et Thily rédigés par les procureurs
généraux à la demande du ministre de la Justice. Le Comité P, la police des polices, est chargé de remettre
un avis. Le parquet de Liège précise que Rachel et Séverine n'ont pas été enlevées.
Vendredi 20 septembre
Inculpation du commissaire de PJ André Vanderhaegen pour recel et violation du secret professionnel.
Samedi 21 septembre
Le procureur Bourlet conteste les déclarations du procureur général de la Cour de cassation Velu qui estimait que Dutroux ne disposait pas de protection au parquet de Charleroi. li défend la gendarmerie, accusée d'avoir gardé pour elle des informations sur Dutroux (dossier Othello). Le président du syndicat national du personnel de la gendarmerie s'en prend .à la PJ et aux magistrats, menaçant de sortir des dossiers.
Le parquet de Neufchâteau dément qu'une personnalité politique a été identifiée sur les cassettes vidéo saisies chez Dutroux.
En compagnie du procureur Bourlet, le juge Connerotte, qui s'est marié le jour-même, participe à un souper spaghetti à Bertrix, organisé par l'antenne locale de l'asbl Marc et Conne.Deux victimes de Dutroux sont présentes dans la salle.
lundi 23 septembre
La police judiciaire accuse la gendarmerie d'avoir mené sa propre enquête parallèle sur Dutroux sans en
informer la juge d'instruction liégeoise Martine Doutrewe.
Mardi 24 septembre
La compagne de Michel Nihoul, Marleen De Cockere, est arrêtée.
Mercredi 25 septembre
Philippe Aouali est arrêté en France. Il avait menacé le procureur Bourlet.
Jeudi 26 septembre
Me Julien Pierre dépose devant la Cour de cassation une requête en suspicion légitime, estimant que le juge
Connerotte a failli à son devoir d'impartialité en participant au souper spaghetti à Bertrix.
Polémique sur l'attitude du Premier ministre Dehaene qui aurait déconseillé au Roi de rentrer de vacances au début des événements.
Vendredi 27 septembre
Libération de Claude Thirault, Marleen De Cockere, Gérard Pinon et Georges Zicot.
Samedi 28 septembre
La presse révèle que Dutroux est lié aux braqueurs de fourgons et qu'une cache similaire à celle de Marcinelle a été découverte dans la maison d'un truand à Trazegnies.
lundi 30 septembre
Arrestation du ter maréchal des logis Vanesse, inculpé d'association de malfaiteurs
Arrestation, à Tunis, des deux tueurs présumés d'André Cools.
Mercredi 2 octobre
Après l'avocat de Dutroux, ce sont les conseils de Michel Nihoul, Me Virginie Baranyanka et Frédéric Clément de Cléty, qui introduisent une requête en suspicion légitime contre le juge Connerotte devant la Cour de cassation.
Marie-Hélène Loiret, l'ancienne compagne d'André Cools, reconnaît formellement un des deux Tunisiens comme étant le tueur.
Vendredi 4 octobre
Les fouilles commencent dans la galerie souterraine de Jumet que Dutroux a qualifiée « d'intéressante ».
Elles ne donneront rien. Le gendarme Vanesse est libéré par la chambre du conseil du tribunal de Neufchâteau.
Lundi 7 octobre
Le juge Jean-Marc Connerotte inculpe Michelle Martin, épouse de Marc Dutroux, d'association de malfaiteurs et de complicité dans l'enlèvement et la séquestration de Sabine et Laetitia, Julie et Melissa, An et Eefje.
Mercredi 9 octobre
La Cour de cassation examine la demande de dessaisissement du juge Connerotte. Le procureur général Eliane Liekendael se prononce en faveur du dessaisissement, mais la décision de la Cour est reportée au
lundi suivant. L'asbl Marc et Corine dépose 2,6 millions de signatures au Parlement. La pétition réclame des peines incompressibles pour les auteurs des crimes abominables touchant les enfants.
Marie-France Botte, qui consacre sa vie à la lutte contre les pédophiles, est agressée par un inconnu à son domicile de Forest. Le lendemain, puis le 14 octobre, un autre témoin qui avait dénoncé un réseau pédophile est lui aussi agressé par deux hommes.
Vendredi 11 octobre
Le juge Connerotte lance un appel à témoins national en demandant de dénoncer les pédophiles à un numéro vert. Près d'une trentaine d'appels par heure vont tomber dans les premiers jours.
Dimanche 13 octobre
Manifestation devant le palais de justice de Bruxelles : 300.000 signatures sont déposées pour faire pression sur la Cour de cassation qui doit rendre sa décision le lendemain.
Lundi 14 octobre
La Cour de cassation dessaisit le juge d'instruction Connerotte. L'enquête reste à Neufchateau sous la direction du juge Langlois. Le procureur Bourlet reste chargé du dossier. Des centaines de personnes manifestent devant le palais de Justice de Bruxelles. Les parents des victimes sont atterrés.
Mardi 15 octobre
Des arrêts de travail éclatent partout dans le pays pour dénoncer l'arrêt de de la Cour de cassation. Des manifestations se déroulent dans toutes les régions. Le climat va perdurer jusqu'au lendemain de la marche
blanche.
Mercredi 16octobre
Le comité P rend un rapport accablant sur l'enquête menée par la juge d'instruction liégeoise Doutrewe, responsable de l'enquête sur la disparition de Julie et Mélissa.
Jeudi 17octobre
Les députés instituent une commission parlementaire d'enquête sur l'enquête Dutroux.
Vendredi 18 octobre
Le Roi organise une table ronde au Palais avec les familles des victimes et des experts. Le Souverain parle ouvertement des dysfonctionnements du système judiciaire
Dimanche 20 octobre
Une marée blanche envahit Bruxelles. Près de 300.000 personnes défilent pour exprimer leur soutien aux familles des victimes et demander que justice soit faite.
Lundi 2l octobre
Une piste dans l'enquête sur la disparition de la petite Loubna Benaïssa, que l'on dit mal exploitée i l y a quatre ans, refait surface. On reparle du supect principal de l'époque, Jacques Genevois.
Mardi 22 octobre
Annie Bouty, l'ex-compagne de Michel Nihoul, et Gérard Pinon, qui avait été réarrêté et accusé de complicité dans le meurtre de Bernard Weinstein, sont libéres.
Mercredi 23 octobre
Michel Nihoul comparaît devant le tribunal correctionnel de Bruxelles dans le cadre de l'affaire SOS Sahel.
Vendredi 25 octobre
La commission d'enquête parlementaire commence ses auditions à huis clos, avec les parents Lejeune et
Russo. M. Marchal est également entendu.
Samedi 26 octobre
La commission d'enquête entend le papa d'Elisabeth Brichet, d'Eefje Lambrecks et la famille de Loubna
Benaïssa.
Mardi 29 octobre
Le premier ministre Jean-Luc Dehaene se rend à Washington pour rencontrer les responsables du National Center for Missing and Expioited Chiidren.
Mercredi 30 octobre
La commission d'enquête se penche sur l'enquête Benaissa,reentend la famille et deux enquêteurs. Elle soupçonne de graves manquements.
Dimanche 3 novembre
Une commission rogatoire part sur les traces d'EIisabeth Brichet aux Canaries.
Mardi 5 novembre
Les députés de la commision d'enquête visitent la maison de l'horreur à Marcinelle.
Mercredi 6 novembre
La chambre des mises en accusation de Liège confirme le mandat d'arrêt d'Alain Van der Biest dans le cadre de l'assassinat d'André Cools.
Jeudi 7 novembre
Après l'avocat général Marc de la Brassine, c'est au tour du premier avocat général Franz-Joseph Schmitz
d'être sous les feux de l'actualité. Le procureur général de Liège transmet un dossier pour corruption à la
Cour de cassation de Bruxelles.
L'audition, à huis clos, des époux Lejeune et Russo, est ébruitée par un magazine d'extrême droite.
Mardi 12 novembre
Un nouveau dossier à charge d'un magistrat est révélé. Une enquête a été ouverte à charge de l'auditeur du travail de Verviers, M. Malmendier. Celui-ci se dit innocent.
Mercredi 13 novembre
Les familles des victimes décident de faire opposition à I'arrêt de la Cour de cassation qui a dessaisi le juge
Connerotte. Marie-Noëlle Bouzet, la mère d'Élisabeth Brichet, revient des Canaries avec une piste sérieuse.
jeudi 14 novembre
Les parents de Julie et Mélissa lancent l'idée des comités blancs, pour poursuivre à l'échelon local l'idée de la marche blanche.
Vendredi 15 novembre
Le procureur du Roi de Bruxelles Dejemeppe est entendu par la commission d'enquête parlementaire. les quatre autres magistrats du parquet en charge du dossier doivent également s'expliquer.
Samedi 16 novembre
Plusieurs journaux flamands accusent Elio Di Rupo et Jean-Pierre Grafé d'être impliqué dans une affaire de
pédophilie.
lundi 18 novembre
Les deux ministres concernés nient toute implication dans une affaire de pédophilie. La justice transmet aux
instances politiques des demandes de poursuite. Les enquêteurs de la PJ de Bruxelles en charge du dossier
Benaïssa en 1992 viennent déposer devant la commission d'enquête.
Le procès bis des assassins présu més de Marc et Corine débute devant la cour d'assises du Luxembourg.
Mardi 19 novembre
La Chambre et le Conseil de la Communauté Française mettent en place des commissions spéciales pour étudier les demandes de poursuites judiciaires à l'égard de MM. Di Rupo et Grafé.
Mercredi 20 novembre
La commission spéciale de la Chambre propose de charger la Cour de cassation d'une enquête complémentaire sur le dossier Di Rupo.
Jeudi 21 novembre
La Chambre adopte la proposition de la commission. La commission spéciale du Conseil de la Communauté Française se penche sur le cas Grafé.
Le juge d'instruction Langlois descend dans la maison de Marcinelle.
Vendredi 22 novembre
Le Parlement wallon se réunit pour constituer une commission spéciale chargée d'examiner le dossier de demande de mise en accusation de Jean-Pierre Grafé.