Emotions et souvenirs (« La Dernière Heure » du vendredi 22 novembre 1996, page 7)
Laetitia veut tourner la page
La famille Delhez, jusqu'alors sans histoire, plonge brusquement dans l'angoisse et se retrouve au centre d'une aventure dramatique dont elle se serait franchement bien passée. La disparition de laetitia se prolongera finalement six nuits. Six nuits d'inquiétude où une question lancinante revient sans cesse sur les lèvres de Mme Delhez : « Pourquoi ? » Le jeudi 15 août en début de soirée, la maman de Laetitia saura.
A la joie des retrouvailles avec la famille et Bertrix, la nuit du jeudi à vendredi, aux environs de minuit, succèdera l'horreur. Marc Dutroux n'est pas seulement le ravisseur de Laetitia et de Sabine: il est l'assassin présumé de Julie Lejeune, Melissa Russo, An Marchal et Eefje Lambreks. Depuis l'annonce de ces macabres découvertes, l'enlèvement de Laetitia et son heureux dénouement ont pris une autre tournure.
On est écoeuré », explique Patricia Deihez, qui préfère laisser sa fille loin de ce douloureux anniversaire.
« Nous ne regardons pratiquement plus les informations car cela devient infernal, surtout après les rumeurs circulant autour de MM. Grafé et Di Rupo. Et les enfants dans cette histoire? Ils sont déjà pratiquement en dehors des préoccupations des décideurs.
C'est en tout cas l'impression que j'ai aujourd'hui. Où sont les promesses de
Nous ne voyons rien venir et cela n'aide pas à oublier. Si tant est que l'on puisse oublier un jour...
Désormais, la famille Deihez attend de voir. Pour effacer le nom de Dutroux, on songe aussi au procès. On en parle déjà, « car il permettra sans doute de tourner définitivement cette page du mois d'août 1996 ». Laetitia en a besoin, elle qui essaye de retrouver un rythme de vie normal, de mener une existence à l'image de celle précédant cette rencontre avec Marc Dutroux. Les 100 jours de ce séisme, elle ne souhaite pas en faire quelque chose de particulier si ce n'est les gommer de sa tête, encore une fois. Une épreuve difficile à traverser d'autant que les journées de Laetitia sont aujourd'hui remplies de « Et alors, comment ça va ? » ou de « Qu'est ce que tu penses de tout cela ?
Il n'y a pas un jour où l'on nous parle d'autre chose. Même si trois mois ont passé... », Conclut Patricia Delhez.
L'épreuve a été particulièrement pénible pour Sabine, restée prisonnière seule pendant plus de deux mois et victime de débordements pervers. Trois mois après la fin du cauchemar, chacun à Kain garde en mémoire l'image d'une adolescente de 13 ans retrouvant sa grand-mère. Un moment d'émotion qui, immortalisé par les photographes, a fait le tour du monde.
Depuis sa libération, intervenue le 15 août, Sabine Dardenne reprend progressivement goût à la vie. Les premières semaines ont été difficiles pour l'adolescente et ses proches. Le papa de Sabine ne nous avait pas caché que ce serait très dur. On n'élimine pas un calvaire comme celui qu'a vécu
Deux semaines après avoir retrouvé les siens, Sabine Dardenne a repris le chemin du collège de Kain, où le personnel et les élèves avaient été préparés à son retour. Un établissement scolaire situé à deux cents mètres de l'endroit où, le 28 mai, vers 7 h 35, elle avait été enlevée dans la sombre rue du Stade communal. Sabine a d'ailleurs demandé au bourgmestre de Tournai qu'un éclairage plus sécurisant y soit installé.
La famille Dardenne n'a jamais souhaité évoquer la séquestration. Après la fête qui a suivi le retour de l'adolescente à la maison, les lampions se sont rapidement éteints pour laisser place à la discrétion. Une volonté que nous avons toujours respectée. Mais le silence de la famille Dardenne ne signifie pas que, dans la maison de la résidence du Renard, on reste les bras croisés.
En octobre, Sabine et ses parents ont participé à
Marc et Corine. Une antenne tournaisienne, bénéficiant d'un bureau, a été constituée. Guy Dardenne en est un membre actif. Il entend se battre sans relâche pour que jamais une adolescente ne soit amenée à vivre le calvaire de Sabine.
Cet étudiant ingénieur bertrigeois savait-il à quoi allait mener son judicieux sens de l'observation ? Assurément pas. Pas complètement, en tout cas. Bien sûr, au lendemain de la libération de Laetitia Delhez et de Sabine Dardenne, le garçon, qui a toujours, depuis lors, préféré garder l'anonymat, se montrait conscient du rôle décisif qu'il allait - involontairement -jouer, Satisfait. Modeste, aussi. «Je suis évidemment heureux d'avoir apporté ma collaboration. Mais je suis plus content encore pour les jeunes filles et leurs familles », confiait-il alors à
Toujours est-il que l'anecdote -mais ce terme est-il encore d'usage ? - demeure particulièrement édifiante. Alors qu'elle se trouve dans un vestiaire du hall des sports de Bertrix, que venait de fréquenter Laetitia avant de disparaître, une jeune fille y voit surgir un quinquagénaire, entré pour...uriner. Troublée, elle raconte l'aventure aux gendarmes, en expliquant que son petit ami était également présent. On fait donc appel au témoignage de ce dernier. Dont l'intérêt résidera dans un tout autre fait...
Ce même jour, en effet, il sort de la maison e ses parents pour enfermer la porte du garage. Son frère vient d'y ranger un vélo flambant neuf. Et comme on parle de vol de vélos dans la petite localité... C'est alors qu'il aperçoit une camionnette blanche de marque Renault, également repérée par une religieuse d'une maison de retraite toute proche. Le jeune homme en voit aussi le conducteur. « Le genre de personne à qui l'on ne confierait pas son portefeuille...
L'étudiant s'abandonne alors à sa manie: il mémorise le numéro d'immatriculation du véhicule. Les lettres lui semblent correspondre aux premières du prénom de sa soeur, plus la première de son propre patronyme. Les chiffres 'année de naissance de sa soeur...
Le feu est mis au poudre de l'enquête. Il embrasera le pays...
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