vendredi 17 avril 2009

DROLES DE MOEURS AU PARQUET(Télé Moustique 24 octobre 1996 pg 33-34-35 et 36)


DROLES DE MOEURS AU PARQUET

Télé Moustique du jeudi 24 octobre 1996 pages 33-34-35 et 36

Les accusations graves se sont multipliées ces derniers jours à l'encontre de l'avocat général Marc de la Brassinne. Longtemps chargé des moeurs au parquet général de Liège, le magistrat en a été dessaisi au mois de juin dernier mais l'annonce n'en a été faite que la semaine dernière dans un climat de suspicion généralisée. M. de la Brassinne faisait lui-même l'objet d'une enquête concernant des faits de pédophilie.

Le classement de celle-ci ne suffit pas à étouffer les rumeurs. D'autant que la lutte contre la traite des êtres humains affiche un lourd passif à Liège...

Mardi 15 octobre. La cité ardente est à nouveau en pleine fièvre. Harcelée de questions concernant les rumeurs graves qui courent sur l'un de ses subordonnés, Anne Thily,le procureur général près la cour d'appel de Liège indique qu'elle diffusera le lendemain un communiqué pour en finir avec l'affaire "Marc de la Brassinne". L'avocat général ferait, à en croire les sources policières amplifiées par la presse, l'objet de deux enquêtes. L’une à caractère fiscal, l'autre en rapport avec un dossier de pédophilie.

M. de la Brassinne, qui s'était farouchement opposé à la nomination de Mme Thily, fait savoir de son côté par voie de presse « qu’il est tenu par son devoir de réserve de magistrat. Par conséquent, précise-t-il, il ne peut réagir aux informations ambiguës voire pernicieuses dont il fait l'objet. Il demande à Mme Thily de défendre son honneur. »

Mercredi 16 octobre. Dans l'attente de la mise au point du plus haut magistrat de l'accusation à Liège, des langues se sont déliées et éructent à l'envi. Un homme de peu de crédit affirme même sur les antennes d'une télévision que l'avocat général de la Brassinne est le protecteur attitré d'un pédophile. La tension est à son comble. le délai de 24 h imposé par Mme Thily pour faire toute la clarté a pris toutes les allures d'un roulement de tambour au pied d'un échafaud. D'autant qu'une certitude au moins s'est dégagée: chargé du dossier moeurs au parquet de Liège depuis 1989, M. de la Brassinne a été dessaisi de cette attribution. Néanmoins, en début d'après-midi, lorsque tombe le communiqué de Mme Thily, un vent d'apaisement souffle. Le Procureur général indique en substance qu'une instruction a été ouverte concernant l'avocat général de la Brassinne danse cadre d'un dossier de pédophilie. Cette instruction a cependant été classée sans suite déjà du temps de Léon Giet, prédécesseur de Mme Thily. "Ce dossier n'a pas eu de suite, rien de répréhensif. (...) Il n'est jamais intervenu dans le cadre d'un dossier ouvert au parquet de Liège en faveur d'une des parties", poursuit le communiqué.

Le procureur général ajoute en outre que l'avocat général a bien été déchargé des dossiers de moeurs fin juin 1996 « compte tenu de la situation délicate qui était la sienne face à diverses rumeurs qui circulaient à son sujet ». Précision vacharde. Si mise au point il y a, elle n'éteint pas le doute. Outre que le Procureur général conclut en précisant que "M. de la Brassinne connaît différents problèmes privés avec certaines administrations fiscales. Ces problèmes n'ont pour l'instant pas d'incidence pénale et concernent sa vie privée." En réalité, l'état de la fortune du magistrat ne laisse d'intriguer en regard de son train de vie somptueux: les châteaux d'Angleur et de Sainval, une dizaine de propriétés et de nombreuses voitures...

- Jeudi 17 octobre. Plusieurs journaux affirment que M. de la Brassinne a entretenu des relations sexuelles avec des mineurs d'âge et qu'il est intervenu dans différents dossiers pour protéger des pédophiles. Le scandale aurait été tel que l'épouse du magistrat,membre de la branche italienne de la famille royale, aurait obtenu facilement le divorce à son avantage.

- Vendredi 18 octobre. Nouveau communiqué de l'avocat général. Le magistrat y inique qu'il va assigner deux journalistes en justice et qu'il s'étonne que ses démentis aient eu si peu de retentissement médiatique en regard des accusations portées contre lui et qui, elles, ont eu grand écho. M. de la Brassin ne précise pas qu'il a demandé au ministère de la Justice d'ouvrir une enquête le concernant directement et dont l'objet est d'une part de prouver qu'il n'a jamais eu de relations sexuelles avec un mineur, d'autre part qu'il n'a jamais entrepris la moindre mesure de faveur vis-à-vis de quiconque.

- Lundi 21 octobre. Joint par Télémoustique, M. de la Brassinne souligne que "les problèmes fiscaux dont question ne sont en fait, à ce stade, qu'une demande de renseignement de la part de l'administration fiscale et dont je suis l'objet. "

« Il n'y a pas du tout d'enquête judiciaire dans ce domaine. Nous n'en sommes même pas à parler de redressement fiscal, quand bien même il devrait y avoir un redressement fiscal »; assure le magistrat.

« Je crois être tout simplement dans la même situation qu'un très grand nombre de Belges. Mon train de vie peut paraître élevé et, par conséquent, le fisc devient automatiquement très curieux. Ni plus ni moins.

Et cela ne fait pas pour autant de moi un malfaiteur », insiste M. de la Brassinne qui reconnaît être depuis très peu de temps le propriétaire du château de Sainval.

Et son éviction des dossiers moeurs ?

« Il faut inscrire ma réaffectation vers les dossiers sur l'art de guérir dans le contexte général d'une réorganisation de tout le parquet général depuis la prise de fonction de Mme Thily en mai dernier. C'est normal, nécessaire et légitime dans le chef d'un nouveau procureur général. Laisser libre cours à des interprétations faciles, c'est verser dans l'amalgame grossier, voire se livrer à de la calomnie et à de la diffamation. Et j'entends défendre mon honneur. »

Les rumeurs concernant la personne de M. de la Brassinne n'auraient sans doute pas connu une telle ampleur si, en plus des multiples dossiers criminels qui secouent la cité mosane, le parquet général de Liège ne s'était pas mis en porte-à-faux tant vis-à-vis de la commission d'enquête sur la traite des êtres humains que vis-à-vis du Centre pour l'égalité des chances. En effet, à une période où M. de la Brassine avait la haute main sur les dossiers de moeurs, les critiques ont plu de manière diluvienne.

En avril 1994, lorsque la commission parlementaire sur la traite des humains dépose sont rapport, les constats sont accablants. Concernant les cabarets liégeois, et plus particulièrement le George V à Angleur, la commission relève que lorsqu'elle a adressé une première demande d'information au procureur général, la réponse vient de la BSR, qui donne, en mars 1993, un aperçu assez schématique des différents acteurs.

"Il convient de souligner, insiste le rapport,, qu'une telle note n'a pas été rédigée plus tôt (Liège vient ainsi a la toute dernière place en ce qui concerne la rapidité de réaction) et que les informations sont apparemment tenues secrètes, et qu'il n'a d'autre part pas non plus été tenu compte de cette analyse par la suite. Après ces premières démarches, il a fallu attendre la communication par Anvers de plaintes émanant des Philippines ainsi que la traduction de ce dossier avant de pouvoir procéder à des interrogatoires complémentaires."

En octobre 1994, après la divulgation du rapport public de la commission et I'avalanche de critiques qui se déversaient a travers la presse sur le patron du George V bénéficiant à l'évidence de protections en haut lieu, l'avocat général Marc de la Brassinne sortait de sa réserve pour ten ter d'endiguer le flot. En réponse aux procès-verbaux qui circulaient et faisaient état de dépositions à Anvers de quatre prostituées et d'un barman qui dénonçaient les activités de proxénétisme international d'André Laruelle, le gérant du 'George V, M. de la

Brassinne expliquait alors qu'il avait fallu sept mois pour traduire les R-V. anversois.

Ensuite, indiquait-il, lorsqu'il s'est agi de convoquer ces témoins pour qu'ils confirment leurs dépositions devant des enquêteurs liégeois, leurs traces étaient perdues. Bref, il ne fallait pas voir au parquet de liège de la mauvaise volonté mais le résultat de la poisse. Autant dire que le magistrat n'avait pas brillé par sa force de conviction...

Plus grave encore, Iorsqu'Elvira, une jeune Philippine exploitée par Laruelle, témoignera au Parlement, elle sera menacée de mort peu après que la copie de sa déposition eut été transmise aux autorités liégeoises!

Outre les nombreux rebondissements provoqués par le témoignage d'Elvira, qui ne sera jamais entendue par les enquêteurs de la cité mosane,la jeune femme donna son nom -d'emprunt - a une asbl subventionnée par les pouvoirs publics pour accueillir les victimes de la traite des êtres humains en Communauté française. L'idée était sans doute charmante mais elle n'eut pas l'heur de plaire au parquet général de Liège.

Françoise Bernard, coordinatrice de l'association qui a été rebaptisée "Surya", s'en explique à Télémoustique.

"Alors que nous préparions activement l'inauguration officielle du centre d'accueil pour les victimes de la traite des humains, deux de nos administrateurs ont été contactes directement par des membres du parquet de Liège. Le procureur général lui-même, Léon Giet, s'en est mêlé. Et l'avocat général de la Brassinne aussi. Ils ont signalé à nos deux administrateurs que "comme le nom d'Elvira était synonyme d'insulte publique pour toute la justice liégeoise, il ne fallait pas attendre du tout de collaboration de leur part,….

Les deux magistrats avaient d'ailleurs annoncé que le si le nom Elvira était maintenu, ils boycotteraient purement et simplement la cérémonie d'inauguration", se souvient Françoise Bernard.

Et la coordinatrice de préciser: "Il est évident que si du côté des autorités judiciaires il y a un blocage, les activités de I'ASBL sont en péril puisque d'une part police et gendarmerie sont aux premières loges pour rencontrer des victimes et nous les adresser. Et, d'autre part, ces mêmes victimes, qui sont pour la plupart en situation irrégulière en Belgique, peuvent obtenir des titres de séjour d'abord provisoires puis définitifs à terme, si ils dénoncent leurs proxénètes auprès des autorités. Bref, on a cédé et on a rebaptisé l'association en « Surya ». Mais, dans un premier temps, ça n'y a rien changé. Alors qu'on fonction naît déjà très bien avec le parquet général du Hainaut, les réunions que M. Giet nous avait promises avec tous les parquets près la cour d'appel de Liège, ces réunions n'ont jamais eu lieu. Il a fallu attendre l'arrivée de Mme Thily pour démarrer une véritable collaboration.

Le Centre pour l'égalité des chances n'était pas plus tendre à l'égard du parquet général de liège. Outre les nombreuses critiques qui ont fusé concernant divers dossiers mis a l'instruction ou jugés avec une certaine clémence (voir les précédentes éditions du Télémoustique), le rapport du Centre déposé en mars dernier dressait un constat laconique au registre de la politique criminelle menée à Liège en matière de lutte contre la traite des humains: Le rapport devrait parvenir au Service de la politique criminelle vers le 25 janvier 1996 et les données seront donc transmises séparément dès que possible. Jusqu'à présent, le 15 février 1996, pas de réponse"!

Le siège de M. de la Brassinne devenait vraiment éjectable...

Jean-Pierre DE STAERCKE

La juge Doutrewe par le comité «P» (Télé Moustique 24 octobre 1996 pg 30-31 et 32)


La juge Doutrewe par le comité « P » : « Amateurisme » !

Télé Moustique du jeudi 24 octobre 1996 pages 30-31 et 32

Très rapidement après l'enlèvement des petites Julie et Mélissa, leurs parents dénonçaient l'inhumanité, l'inconsistance et l'amateurisme évident de Martine Doutrewe, la juge d'instruction chargée de l'enquête. Quinze mois plus tard, le Comité de contrôle des polices leur donne raison.

Mais Julie,Mélissa, An et Eefje ne sont plus là. !!

Début juillet 1995, très peu de temps après l'enlèvement de Julie etMélissa, les enquêteurs de la gendarmerie de Charleroi qui avaient déjà travaillé sur Dutroux en 1993 se rendent compte qu'il s'agit là d'un suspect possible. Ils se mettent à chercher dans cette direction avec l'appui d'autres brigades.

Mais pendant plus d'un mois, les gendarmes n'en disent rien à la magistrature. Pourquoi?

Il faudra bien l'expliquer devant la Commission d'enquête parlementaire qui tentera de taire la lumière sur l'enquête.

Que font les gendarmes, en catimini, sur la piste Dutroux pendant cette période? Nous avons déjà évoqué le fax du 7 juillet 1995 partant de la BSR de Charleroi vers la BSR de Grâce-Hollogne (TM 3688). Il s'agit des résultats de l'opération Décime auxquels on ajoute des infos sur le passé de violeur de Dutroux. Mais il y a plus. Voici le relevé des actes alors posés par la gendarmerie:

Face à Stefaan De Clerck, le président du « Comité P » Freddy Troch. : « Les directives données aux fonctionnaires de police n'étaient pas claires. »

• 17 juillet 1995: Grâce Hollogne demande au BCR des renseignements complémentaires sur Dutroux;

• 27 juillet 1995: le BCR transmet la photo et la documentation sur Dutroux à Grâce-Hollogne;

• 28 juillet 1995: Grâce-Hollogne demande à Charleroi "un contrôle discret des véhicules de Dutroux et Martin". "Tous les renseignements utiles sur ceux ci et leurs liaisons, en fonction d'une filière éventuelle de trafic d'enfants vers l'étranger". "De la renseigner comment la brigade de Charleroi avait pu déterminer l'emploi qui pourrait être fait des caves dont mentions dans les renseignements précédents et rechercher et de faire parvenir tous les P. -V. relatifs à Dutroux concernant des faits de viol et/ou agissements suspects".

• 4 août 1995: Grâce-Hollogne est averti par Charleroi que l'informateur d'octobre 1993 du maréchal de logis P. confirme ses dires sur Dutroux et ajoute que "Dutroux offrait 150.000 francs pour l'enlèvement d'une jeune fille".

• 4 août 1995: Thuin faxe à Hollogne des informations relatives aux deux maisons possédées par Michelle Martin à Lobbes (Sars) et à la présence fréquente en ces lieux de Dutroux.

• 7 août 1995: Grâce-Hollogne envoie une synthèse des renseignements au BCR et demande de "monter' un dossier complet sur Dutroux.

• 9 août 1995: Réunion de coordination du BCR à Charleroi: y participent des gendarmes des BSR de Thuin, Seraing Namur et bien sûr de Charleroi.

Cette réunion conduit à désigner Dutroux comme suspect potentiel dans le cadre d'enlèvement d'enfants.

Selon un procès-verbal 10101471196 du 23 août 1996 transmis par la gendarmerie de Grâce-Hollogne au

Procureur général de Liège et dont il est fait mention dans le rapport confidentiel du Comité P, il est probable que c'est à cette date ou dans les jours qui ont suivi que la juge d'instruction liégeoise Martine Doutrewe est informée des démarches des gendarmes. On lit en effet dans ce P.-V. : qu' "A une date ignorée mais que nous situons après le 9 août 1995 (...), nous avons fait part verbalement à Mme le Juge d'instruction Doutrewe qu'une enquête était menée par nos collègues de Charleroi.

Nous lui avons cite le nom de Dutroux. Nous lui avons précisé que ce suspect était particulièrement intéressant car il était connu pour avoir enlevé, séquestré et violé des enfants.

Nous lui avons dit que nous maintenions un contact avec nos collègues de Charleroi afin de vérifier s'il n'existait pas de lien entre ce suspect et la disparition de Julie et Mélissa".

Cette version "gendarmerie" est évidemment celle qui, sert le mieux ses intérêts puisqu'elle signifie que rapport a bien été fait à la juge d'instruction liégeoise dès que la réunion de coordination du 9 août organisée par (e BCR a désigné Dutroux comme un suspect crédible. Mais la juge Doutrewe conteste. Interrogée à huis clos par le Comité P, le 26 août dernier, elle déclarait: "C'est fin août 1995, au cours d'une de ces réunions, que l'adjudant Lesage de la BSR de Seraing, dans la série d'informations portées à notre connaissance nous a informée de ce qu'il y avait un suspect en matière de moeurs, un dénommé Dutroux de Charleroi, qui selon une information faisait des travaux dans ses caves pour abriter des jeunes filles. (...) Monsieur Lesage n'était pas particulièrement insistant sur cette information".

Informé du témoignage de Mme Doutrewe, l'adjudant Lesage dément a son tour lors de son interrogatoire par le Comité P, le 4 septembre 1996: "Dès la rentrée des vacances de Mme la Juge d'instruction nous lui avons fait part verbalement que nos collègues de Charleroi nous avaient transmis des renseignements très intéressants sur un certain Dutroux Marc, lequel était connu pour avoir enlevé, séquestré et violé des enfants.

Nous lui avons précisé que nos collègues de Charleroi poursuivaient l'enquête sur ce suspect en matière de moeurs ".

Ce qui nous ramène au début du mois d'août au retour du mois de vacances passées en Italie par Mme Doutrewe en plein début d'instruction du dossier "Julie et Mélissa". En effet, un autre document parvenu au Comité P atteste que le 17 août 1995, l'adjudant Lesage eut une communication avec le BCR de la gendarmerie. Son contenu résumé dans une note interne de la gendarmerie est on ne peut plus clair: "Hier, a eu lieu une réunion mettant en présence Mme Doutrewe, Lesage et Gilot (...) Doutrewe n'est pas chaude à l'idée que l'enquête sur Dutroux soit diligentée depuis Liège ".

Bref, la juge d'instruction préfère se débarrasser du travail concernant Dutroux en laissant faire le Parquet de Charleroi. Il est vrai qu'elle a d'autres chats à fouetter: le 17 août, elle entame une nouvelle semaine de vacances à l'étranger. Cette fois, elle part visiter les châteaux de la Loire...

La décision de laisser faire Charleroi, c'est-à-dire de ne pas mettre l'enquête Dutroux dans le dossier d'instruction "Julie et Mélissa", aura notamment une conséquence pratique très grave en ce qui concerne certaines perquisitions organisées chez Dutroux. Elles conduiront le Parquet de Charleroi et les gendarmes à finalement demander mandat dans le cadre du dossier "vols" préexistant sur Dutroux chez le juge Lorent.

On eut donc prendre ici à revers l'argument utilisé dans un "Rapport du procureur du Roi de Liège du 3 septembre 1996 au sujet de l'instruction du dossier Julie et Mélissa", visant pourtant à défendre la juge Doutrewe et accuser la gendarmerie.

En effet, ce document pose notamment cette question à propos des perquisitions infructueuses des 13 et 19 décembre 1995: "Pourquoi la gendarmerie a-t-elle d'autorité pris la décision de perquisition dans l'arrondissement de Charleroi sous le motif de vols (NDLR: faux cela a été fait, on l'a dit avec l'accord du juge Lorent et avec l'appui d'un substitut du Parquet de Charleroi). Une perquisition ordonnée par ce magistrat

(NDLR: Martine Doutrewe dans le cadre de ce dossier d'enlèvement (NDLR: le dossier Julie et Mélissa) n'aurait-elle pas été organisée d'une manière plus approfondie qu'une perquisition organisée dans un dossier vols à Charleroi ?"

Réponse claire d'un membre de la gendarmerie interrogé à huis clos, le 4 octobre dernier par le Comité P:

« (...) Je tiens à signaler le cadre légal dans lequel nous devions travailler suite aux mandats délivrés par M. le Juge Lorent, il ne nous était pas possible de faire usage de moyens spéciaux (chien pisteur, caméra IR), cette approche n'a donc pas été abordée (... J ».

Nous reviendrons dans un prochain article sur ces perquisitions infructueuses, sur lesquelles il y a encore beaucoup de choses à dire.

De même d'ailleurs qu'à propos des embrouillaminis et des silences étonnants qui ont émaillé la gestion du dossier Dutroux au Parquet de Charleroi. Mais pour l'heure, nous nous contenterons d'évoquer le véritable réquisitoire du Comité P a propos de la manière dont l'enquête "Julie et Mélissa" fut gérée par Mme Doutrewe.

Rien qu'à ce niveau-là il y a déjà tellement de choses qui sont désormais dénoncées officiellement !

En guise d'introduction, l'organisme de contrôle des services de police souligne quelques principes de base qu'il n'est pas inutile de rappeler: "La recherche sur la disparition de Julie et Mélissa est, sauf les premiers jours, une enquête judiciaire dirigée par Martine Doutrewe (....) En principe, c'est le juge d'instruction lui-même qui doit réaliser tous les actes de l'instruction, mais en pratique beaucoup de tâches d'instruction sont déléguées aux fonctionnaires de police qui bénéficient de la confiance du juge d'instruction. Ainsi les fonctionnaires de police doivent recevoir des directives, exécuter des ordres et, en réalité, faire ce que le juge d'instruction demande

- Sur base des dossiers présentés et des résultats de sa propre enquête, le Comité P arrive aux conclusions suivantes:

« Le fait que deux services de police, la police judiciaire (...) et la gendarmerie ont mené ensemble l'instruction dans ce dossier n'était pas un facteur positif. Il y avait méfiance mutuelle entre les enquêteurs des deux services et entre un service de police (NDLR: la gendarmerie) et la magistrature. »

« Par conséquent: "Le fait qu'un commissaire de la police judiciaire a été mis à la tête de cellule d'enquête, qui pour 80 % était composée de gendarmes. En outre le chef de l'enquête (NDLR: le commissaire de PJ Lamoque s'est borné à lire les P.-V de l'autre service de police. »

( ...) Les directives données aux Fonctionnaires de police dans cette enquête n'étaient pas claires (...). En ce qui concerne ce qui devait figurer ou non dans les procès-verbaux du dossier pas moins de 12 critères différents ont été utilisés."

"En outre, il apparaît que l'appréciation de l'information était laissée complètement aux fonctionnaires de police au point que leur appréciation a été acceptée à tous moments sans critique."

"(...) Les fonctionnaires de police qui ont participé à cette enquête n'étaient pas en mesure de présenter des agendas ou des fiches de travail qui pourraient montrer de façon certaine ce qu'ils ont fait exactement et quand ils l'ont fait. Une des illustrations les plus frappantes de cela est la réunion au cours de laquelle on a parlé pour la première fois de Dutroux. Cinq participants à cette réunion la situent dans un délai de six semaines!"

"Dans cette enquête des montagnes de travail ont été réalisées; des centaines de données ont été vérifiées, des dizaines de personnes ont été interpellées et des centaines de documents rédigés. Malgré cela, il n'y a eu que 15 réunions de travail avec le juge d'instruction pour une période de plus d'un an." A ce propos, le Comité P fait remarquer que la façon dont une enquête est menée peut influencer dans une très grande mesure l'aboutissement des recherches. Déjà dans le rapport de la commission d'enquête sur le banditisme, on pouvait lire que "la guerre des polices" était surmontée quand les magistrats exerçaient un contrôle très strict sur l'enquête.

"(...) Le juge d'instruction avait décidé que les suspects d'un autre arrondissement devaient être traités par le service de police de cet arrondissement. La piste Dutroux n'a jamais été traitée de façon formelle à Liège."

(...) On ne peut nier que la piste Dutroux pour la gendarmerie était une des informations les plus importantes dont elle disposait. Il est frappant de constater que l'activité développée en cette matière à Charleroi (..) était en contraste flagrant avec la façon dont la piste Dutroux était traitée à Liège."

"(...) La façon dont la gendarmerie a apporté au juge d'instruction les informations en rapport avec Dutroux ne témoigne pas d'un très grand engagement et de transparence. ... Ce qui n'empêche pas que le magistrat

de l'instruction n'a demandé aucune mission ou précision supplémentaire ou n'a pas pris l'initiative de demander des explications au parquet de Charleroi "

"(...) Cette enquête a démontré qu'il existe au moins une responsabilité partagée avec d'une part une action trop autonome d'un service de police NDLR: la gendarmerie et d'autre part, une implication trop distante d'une autorité de police."

On signalera ici que le rapport du Comité P n'est parfois pas tendre non plus pour le parquet de Charleroi et la gendarmerie. Nous en reparlerons dans un autre contexte.

Enfin, dans ses conclusions finales, le document résume ce qu'il faut appeler le "cas Doutrewe" en estimant qu'il y a eu de "grands problèmes en ce qui concerne la direction de l'enquête. Ajoutant même que

« C’est avec une certaine surprise que le Comité P a constaté l'amateurisme et la façon non structurée avec laquelle on a parfois travaillé dans cette enquête. ( ... ) L'organisation de la recherche sur le terrain a laissé souvent à désirer et pouvait être fortement améliorée. (...)

Des équipes mixtes ont besoin d'une direction forte. (...) Les services de police ne doivent pas jouer à l'autorité et les autorités ne doivent pas jouer à l'agent de police ».

Surtout quand c'est la vie de petites filles qui est en jeu…..

Michel Bouffioux et Ronald Van den Bogaert

Opération décime (Suite page 28 et 29)



Opération décime (Suite page 28 et 29)

3. SITUATION.

L'intéressé fait l'objet d'un dossier mis à l'instruction sous la référence 1003/93 (Monsieur le Juge d'instruction Lorent ) et est suspecté en tant que receleur. D'informations dignes de foi, il appert que le nommé Dutroux Marc serait en fait le voleur et entreposerait !es marchandises volées dans un box dont l'emplacement est actuellement inconnu. (NDLR: Pourquoi ne fait-on pas mention ici de I'hypothèse selon laquelle Dutroux est aussi l'objet dé suspicions en matière de kidnapping d'enfants et cela même si les perquisitions du 8 novembre 1993 avaient été déclarées infructueuses malgré les « travaux de terrassement de Dufroux »?

Pourquoi ne signale-t-on pas aussi le passé de violeur d'enfants de Dutroux ?)

4. VÉRIFICATION DES RENSEIGNEMENTS.

Les informations n'ont pu être vérifiées au stade actuel de l'enquête.

5. MODUS OPERANDI.

Inconnu. L'intéressé nie être l'auteur de vols.

6. DEMANDE.

Nous sollicitons la mise sous observation prolongée, mobile et spécialisée du suspect afin: de déterminer les endroits où le suspect pourrait cacher du matériel volé dons le cadre du dossier à sa charge; de trouver les endroits où des perquisitions pourront être effectuées avec succès lors de l'interpellation du suspect."

(NDLR: Cruelle énergie pour retrouver des objets volés! Alors que les accusations en matière d'aménagement de caves Pour cacher des enfants sont encore éludées. Cela paraît-il par trop incroyable aux enquêteurs de la gendarmerie? Ne fait-on pas confiance au magistrat instructeur auquel est adressée cette demande de mise sous observation de Dutroux ? Est-on simplement trop vite satisfait des perquisitions infructueuses du mois de novembre chez Dutroux ? )

La demande d'opération Décime est visée par le juge d'instruction Lorent le 13 décembre 1993. Ce document porte d'ailleurs sa mention manuscrite

« Pour exécution ». Le 4 septembre dernier, M. Velu interrogeait le commandant de gendarmerie Legros. Apparemment, il s'est posé les mêmes questions que nous sur l'opération Décime. De l'audition de cet officier de gendarmerie, il se confirme que "le texte transmis à Monsieur Lorent ne parle pas de faits ou rumeurs selon lesquels il (NDLR: Dutroux) aménagerait des caves à Marchienne-au-Pont, pour y loger des enfants en attente d'être expédiés à l'étranger. (...)" Il ressort d'ailleurs clairement d'autres déclarations du commandant de gendarmerie de Charleroi Lemasson à M. Velu qu'à cette époque, la "conviction" des enquêteurs et du magistrat Lorent est que Dutroux est un voleur de biens matériels, point à la ligne.

Peu justifiable! Tant pour le juge d'instruction Lorent qui est au courant verbalement, au moins depuis le début du mois de novembre 1993 des informations qui ont été recueillies par un gendarme sur les éventuelles caches d'enfants de Dutroux, que pour les services d'enquête de la gendarmerie.

Pourtant, les antécédents du « monstre » en matière de mœurs mettent vraisemblablement la puce à l'oreille des gendarmes, mais cet aspect des choses est décidément considéré comme subsidiaire. C'est ce que démontre une autre déclaration du commandant Lemasson à M. Velu: "Effectivement, les rapports concernant l'opération Décime ne mentionnent nulle part l'information reçue par le maréchal des logis Pettens en octobre

1993, ce qui n'exclut toutefois pas que les différents devoirs effectués dans le cadre du dossier Décime et les devoirs suivants l'ont été en ayant toujours à l'esprit la possibilité que Dutroux exécutait des travaux d'aménagement des caves dans sa propriété de Marchienne et la possibilité qu'il y séquestre des enfants". Cela n'est pas cohérent ! Si on fait des perquisitions "en ayant à l'esprit la possibilité de travaux d'aménagement de caves", comment peut-on rester indifférent aux travaux de terrassement commencés par Dutroux ?

D'autant que, comme on le lira plus loin, ces travaux de terrassement consistent en l'abaissement du niveau d'une cave et le creusement de galeries souterraines !

Dans le cadre de l'opération Décime, trois observations ont lieu les 5, 6 et 12 janvier 1993.

Le procureur Velu écrit dans son rapport que "ces observations s'étant révélées infructueuses, le dossier Décime est clôturé le 16 février 1994 par le rapport n°CD 1190/31 -M/CP transmis à Monsieur le Juge d'instruction Lorent avec copie a Monsieur le Procureur du Roi.

Télémoustique dispose aussi de ce rapport. Il y est mentionné « qu'aucun élément positif n'a pu être relevé lors des observations de Marc Dutroux et que par conséquent, le dossier est clôturé par manque d'élément probant ».

Néanmoins, signale le rapport Velu, "Le 13 juin 1994, dans le cadre du même dossier 1003/93 de Monsieur le Juge d'instruction Lorent

(NDLR: Donc toujours le dossier qui porte uniquement sur des "vols') de nouvelles perquisitions sont exécutées aux mêmes adresses. Les gendarmes constatent, lors de la perquisition à Marchienne-au- Pont, « que les travaux n'ont pas évolué depuis la perquisition du 8 novembre 1993 ».

Plus loin dans son rapport, le magistrat Velu pousse un peu plus encore ses investigations sur ce que savait le parquet de Charleroi en 1993. Elles confirment le manque de sérieux avec lequel on prend à cette époque les informations « pédophilie » concernant Dutroux.

Nous citons M. Velu:

« Nous avons posé au colonel Lemasson la question de savoir si, à l'époque, en 1993-1994, la gendarmerie de Charleroi avait donné connaissance d’un magistrat, soit un magistrat du Parquet, soit le magistrat instructeur à savoir le juge d'instruction Lorent, de l'information suivant laquelle Dutroux effectuerait des travaux dans une de ses maisons à Marchienne-au-Pont, pour y loger des enfants en attente d'être expédiés à l'étranger.

Le colonel Lemasson a répondu: "De manière officielle, aucun avis n'a été donné par écrit à l'époque par la gendarmerie ni à un magistrat du Parquet, ni à un magistrat instructeur. Peut-être l'information a-t-elle été communiquée verbalement lors d'un entretien qui aurait pu avoir lieu à l'époque entre le maréchal des logis P. et un magistrat".

A la suite de cette déclaration, il a été demandé au maréchal des logis P. si, lorsqu'il avait eu connaissance en octobre 1993 des informations concernant l'aménagement de caves par Dutroux, il en avait informé un magistrat.

La réponse a été la suivante: Afin d'obtenir les mandats de perquisition, le premier maréchal des logis chef B. s'est rendu au parquet de Charleroi et rencontré Monsieur le Juge d'instruction Lorent. Je n'étais pas présent mais mon collègue m'a informé qu'il avait relaté verbalement au magistrat instructeur la teneur des informations reçues concernant l'aménagement des caves par Dutroux en vue d'y faire transiter des enfants enlevés. Suivant les dires du premier maréchal des logis chef B., le magistrat instructeur lui a demandé de vérifier les dires de l'informateur lors de la perquisition de Marchienne-auPont.

- Cinq perquisitions ont été exécutées le même jour (NDLR: le 8 novembre 1993) et les gendarmes procédant à ces devoirs ont été sensibilisés aux informations obtenues de l'informateur. Les perquisitions ont été faites de manière minutieuse et il a été constaté à Marchienne Docherie que le niveau d'une cave avait été abaissé d'environ 1,50 mètre et que deux galeries avaient été percées. Les travaux étaient à l'état de terrassement, il n'y avait aucun travail de maçonnerie. L’immeuble était inhabité, en chantier Un grand désordre y régnait. Des photos ont été prises.

Compte-rendu a été probablement fait au magistrat instructeur par le premier maréchal des logis chef B."

Ce que confirme, avec cependant un certain manque de précision, le maréchal des Iogis B.lorsqu'il est interrogé par M. Velu: "Après les perquisitions, à un moment que Je ne peux plus déterminer, je lui ai rendu compte verbalement (NDLR: au juge Lorent ) du résultat des recherches et du fait qu'aucun indice n'avait 'été trouvé concernant la construction de caches. Je l'ai toutefois informé de I'existence d'une tranchée dans la cave de la maison de Marchienne-au-Pont, et qui témoignait de l'intention de Dutroux d'abaisser le niveau de cette cave".

Résumé bref de cet aspect surréaliste de l'enquête: un informateur dit à des gendarmes qui le répètent à un juge d'instruction que Dutroux aménage des caves pour y cacher des enfants. On ne peut ignorer que ce type est un abuseur sexuel déjà connu de la justice. On constate par de « minutieuses»perquisitions qu'il creuse bien dans ses caves pour en abaisser le niveau. Mais cela n'est pas considéré comme un indice...

L'évidence, non? Bien sûr, cette "évidence" ennuie aujourd'hui les acteurs de cette enquête ratée. A tel point que sur ce point précis, quelqu'un ment !

En effet, dans une lettre qu'il adressait le 11 septembre dernier à M. Velu, le juge d'instruction Lorent nie formellement avoir été informé par la gendarmerie du résultat de la perquisition à Marchienne-au-Pont qui avait mis à jour les travaux de terrassement de Dutroux !

Qui dit la vérité? Le juge ou les gendarmes?

La commission parlementaire devra répondre à cette question. Car si les soi-disant "non-indices" de l'époque avaient été pris au sérieux, si on en avait déduit qu'il était utile d'enquêter aussi en direction d'un éventuel réseau de pédophilie, Julie et Mélissa et toutes les autres victimes connues de Dutroux n'auraient peut-être jamais eu à croiser la route du monstre.

Fin 1993, le dossier "vols" suit son court. Bientôt, au parquet de Charleroi, la substitut Favaro est chargée de tracer le réquisitoire de renvoi dans le dossier "vols" à charge de Dutroux. Est-elle pour sa part informée, soit par la gendarmerie, soit par le juge Lorent des rumeurs portant sur l'aménagement de caches par Dutroux pour y loger des enfants? Au procureur général Velu qui lui pose la question le 4 septembre dernier, elle déclare: "Ma réponse est formelle: c'est non. Je n'ai jamais eu connaissance, que ce soit par écrit ou verbalement, d'aucun autre élément que ceux contenus dans le dossier. Je n'ai donc eu connaissance d'aucune surveillance sur Dutroux (NDLR: elle ne connaît donc rien de l'opération Décime), d'aucune suspicion de projets d'enlèvements d'enfants à l'étranger ni d'aucuns travaux dans le but d'organiser cette activité criminelle".

M. Velu ajoute à propos de Mme Favaro: "Elle a tenu à marquer sa surprise d'apprendre que la gendarmerie avait organise, dès 1993, une opération concernant Dutroux".

Ne devrait-elle pas être étonnée aussi du fait que son collègue Lorent ne lui en a jamais parlé?

Un silence lourd de conséquences qui concerne aussi les autres membres du Parquet de Charleroi. Jacques Velu écrit en effet que les autres magistrats du parquet qui ont eu à connaître du dossier "vols" concernant Dutroux - à savoir les substituts Janssens, Joachim, Troch et Poivin affirment n'avoir pas eu avec le juge d'instruction Lorent ou avec les enquêteurs de contact au cours duquel il leur aurait été indiqué d'autres activités délictueuses de Dutroux que celles de vols et de recels. (...) Pour Monsieur le Procureur du Roi Marchandise, le parquet de Charleroi n'a eu connaissance pour la première fois de ces informafions que le 25 août 1995".

Nous avons publié ce document du 25 août 1995, en fac-similé, dans le numéro 3688 de Télémoustique. Quant au 1er substitut Marius Lambert, écrit Jacques Velu, il "prétend de son côté ne pas avoir été informe, pendant la période où il a exercé les fonctions de procureur du Roi à Charleroi (de janvier 1995 au 22 octobre 1995 )des renseignements que la gendarmerie de Charleroi (NDLR: connus, en partie pour le moins, du juge Lorent) avait recueillis au sujet de Dutroux suspecté d'enlèvements d'enfants".

Le 24 juin 1995, Julie et Mélissa sont enlevées à Grâce-Hollogne. Les gendarmes de Charleroi font rapidement le rapprochement avec Dutroux puisque dès le 7 juillet, ils taxent les infos recueillies à l'occasion de l'opération Décime à leurs collègues liégeois. Et cette fois le rapport en question - voir TM 3688 - mentionne le fait important qui était carrément gommé dans le rapport original de l'opération Décime mentionnée plus haut. A savoir que Dutroux « a fait un long séjour en prison suite à une condamnation pour des viols sur des enfants qu'il enlevait avec sa femme ».

Pourquoi n'avait-on pas tenu compte de cette information quelques mois plus tôt?

De son côté, le juge Lorent ne réagit pas à la suite de l'enlèvement de Julie et Mélissa. Rien n'indique en tout cas qu'il prend un contact à ce sujet avec ses collègues-magistrats ou avec des policiers ou gendarmes pour indiquer qu'il a eu à connaître des informations concernant un certain Dutroux qui projetait de kidnapper des enfants... Dommage: c'était le seul magistrat belge qui, à ce moment, pouvait taire le rapprochement entre Dutroux et l'enlèvement des petites.

Et cela même si la gendarmerie lui a menti par omission sur le résultat des fouilles chez l'assassin d'enfants.

Michel Bouffioux

OPÉRATION DECIME (Télé Moustique 24 octobre 1996 pg 26 à 29)


OPÉRATION DECIME

Télé Moustique du jeudi 24 octobre 1996 page 26 à 29

Mensonges autour de la première mise en observation de Dutroux

En exclusivité, Télémoustique a pu prendre connaissance de l'intégralité du rapport confidentiel de l'ex-Procureur général près de la Cour de cassation, Jacques Velu, sur l'enquête "Julie et Mélissa".

Jusqu'ici, ce document n'avait été qu'évoqué par la presse. Continuant notre politique de transparence, pour que l'opinion puisse juger en connaissance de cause, nous vous en révélons le contenu étonnant, avec ici le récit détaillé de l'opération « Décime », une mission d'observation menée sur Marc Dutroux par la gendarmerie dès décembre 1993. Où l'on découvre que des indices sur les « travaux » de Dutroux ont été galvaudés et qu'à ce propos, soit un magistrat, soit des gendarmes carolos mentent aujourd'hui!

Le document auquel nous faisons référence est intitulé « Premier rapport du Procureur général près de la

Cour de cassation sur l'information disciplinaire à charge du parquet général de Mons et du parquet de Charleroi ». II a été rédigé par M. Jacques Velu et remis au mi nistre de la Justice Stefaan De Clerck le 17 septembre. Ce dernier en a fait part au Parlement lors d'une réunion de la commission de la justice de la

Chambre mais les députés n'ont pu prendre possession du rapport.

Le texte en question commence par une introduction qu'il n'est pas inutile de résumer ici pour bien appréhender le contexte dans lequel il fut rédigé. M. Velu écrit que: "1. Le 23 août 1996, Monsieur le ministre de la Justice, S. De Clerck nous a fait part verbalement de ce «pie suite aux dramatiques développements de l'enquête concernant la disparition des enfants Julie Lejeune et Mélissa Russo à Grâce-Hollogne, les médias ainsi que les membres du Parlement l'avaient interpellé sur des graves dysfonctionnements de cette enquête notamment concernant d'appel de Mons et spécialement le parquet de Charleroi et qu'en conséquence, il lui paraissait utile que nous examinions si des carences pouvaient être relevées.

t...)

2. (...) Ce rapport revêt un caractère provisoire compte tenu du délai relativement court dans lequel il a dû être établi."

Le Procureur général soulève d'emblée: "Il apparaît t...) du courrier qui m'a été transmis par fax le 21 août 1996 par Madame le Procureur général Thily que depuis 1993, le parquet de Charleroi avait connaissance de renseignements Prés précis sur la personne de Monsieur Marc Dutroux. (...) Dans ce même envoi, Madame le Procureur général Thily me transmet un courrier de Madame Doutrewe (NDLR: la juge d'instruction liégeoise chargée de l'enquête visant à retrouver Julie et Mélissa) (...) qui fait part de sa stupéfaction pour n'avoir pas été informée des éléments contenus dons le procès-verbal de Grâce-Hoiogne. (NDLR: A savoir, un rapport de synthèse concernant les opérations de surveillance de Dutroux par la gendarmerie. Cette version de Mme Doutrewe s'est modifiée lors de l'enquête du Comité P, dont nous parlons par ailleurs dans cette livraison de Télé-Moustique. Elle a été informée au moins verbalement des investigations de la gendarmerie sur Dutroux dAns le courant du mois d'août 1995.)

D'ailleurs, le procureur Velu relève ensuite que "dons une note confidentielle du 22 août 1996, le commandant de la gendarmerie, le général Deridder, me fait savoir que "les gendarmes de Grâce-Hollogne ont informé Madame Doutrewe de l'évolution du dossier Dutroux lors des réunions régulièrement tenues dans le cadre du dossier Julie et Mélissa"...il existe donc une contradiction entre la position de Madame Doutrewe et celle de la gendarmerie

On en vient au vif du sujet. Depuis quand la gendarmerie sait elle que Dutroux est un potentiel kidnappeur d'enfants? Comment cette information a-t-elle été traitée?

A qui a-t-elle été communiquée et à partir de quand ? A ce propos, M. Velu avance qu'il apparaît du procès-verbal de la gendarmerie du 20 août 1996 et du rapport du général Deridder que la gendarmerie disposait d'éléments très importants sur la personne de Dutroux depuis 1993. De très nombreux devoirs avaient d'ailleurs été rendus par la gendarmerie concernant DUTROUX afin de tenter de vérifier la réalité de ces informations' : Et que "le parquet de Charleroi (...) avait bien connaissance des informations rassemblées par la gendarmerie sur Dutroux, mais la question est de savoir pourquoi le Parquet n'a pas ordonné la rédaction d'un procès verbal aux fins de porter ces éléments à la connaissance du parquet de Liège à l'attention de Madame Doutrewe".

Nous publierons dons un article ultérieur la réponse affligeante d'un magistrat de Charleroi à cette question. Mais il importe encore une fois de souligner ici que l'information selon laquelle il y a eu déficience de communication entre le parquet de Charleroi et celui de Liège n'absout nullement la juge Doutrewe qui a eu à connaître verbalement d'informations concernant Dutroux par le biais de discussions de travail auxquelles participaient les gendarmes affectés à l'enquête "Julie et Mélissa".

On en vient alors à l'opération Décime, la première mise en observation de Marc Dutroux par la gendarmerie en accord avec le parquet de Charleroi.

Nouvel extrait du rapport Velu:

"En octobre 1993, dans le cadre d'une enquête de vols commis par Dutroux, le maréchal des logis P. de la brigade de Charleroi apprend, pour la première fois, d'un informa teur que Dutroux effectuerait des travaux dans une de ses maisons située à Marchienne au Pont et ce pour y loger des enfants en attente d'être expédiés à l'étranger.

Cette enquête "vols" a fait l'objet du dossier 17.01.21.327/93 du parquet de Charleroi instruit par le juge d'instruction Lorent sous le n° 1003/93.

C'est dans ce cadre que le 8 novembre 1993, cinq perquisitions sont organisées dans les maisons de Dutroux à Sars-la Buissière, à Marchienne-au Pont et à Jemeppe-sur-Sambre.

"Les gendarmes, reprend le rapport Velu, lors de la perquisition effectuée à Marchienne au Pont, vérifient l'exactitude des informations reçues concernant l'aménagement de locaux pour cacher des enfants. Ils constatent effectivement des travaux de terrassement mais, interrogé sur la nature de ceux-ci, Dutroux explique qu'il aménage ses caves. A l'estime de la gendarmerie, le fait que les travaux en sont à leur début, le caractère parfaitement plausible de l'explication ainsi que l'absence d'autres information ? Concernant une éventuelle activité délictueuse de Dutroux infirment l'information revue'

Pas intéressants, les travaux de terrassement de Marchienne au Pont ? -C'est tout de même un peu vite aller en besogne. D'autant que la gendarmerie ne pouvait ignorer les antécédents de Dutroux qui avait déjà été condamné dans un dossier de séquestrations d'adolescentes et pour viol !

Mais à l'époque, semble-t-il, le passé de Dutroux n'est même pas pris en compte par les enquêteurs. On ne pousse pas plus loin. Puisque le futur meurtrier de Julie, Mélissa, An et Eejfe dit qu'il aménage ses caves, sans plus, bon sang, c'est que c'est vrai!

Le rapport Velu, qui rappelle par ailleurs les antécédents du meurtrier d'enfants, continue en précisant que:

« En décembre 1993, Dutroux, considéré initialement comme receleur des objets volés, est apparu ou fil de l'enquête comme le voleur principal. Afin de retrouver les endroits susceptibles de dissimuler des objets volés, une observation de l'intéressé, baptisée opération "Décime" est initiée, sous la référence 151 M/CP CD 1190 du 10 décembre 1993, adressée à Monsieur le Juge d'instruction LORENT »

Télémoustique dispose de ce document confidentiel relatif à l'opération "Décime". Il est signé par le commandant de gendarmerie Legros et fait effectivement partie du dossier d'instruction "vols" 1003/93 du juge d'instruction forent. En voici le contenu:

"Objet. Opération "Décime"

1. INFORMATION.

Dans le cadre de vols importants commis dans la région de Charleroi, un suspect a été identifié comme receleur.

D'après des renseignements obtenus, cette personne est en réalité l'auteur de nombreux vols et possède un box de garage dons lequel se trouve un stock important de matériel volé.

2. IDENTIFICATION.

Nous avons identifié le suspect comme étant le nommé: DUTROUX MARC. (...)

……………………………………………………………(Suite pages 28 et 29)

Merci, 300.000 fois merci.(Télé Moustique 24 octobre 1996 pg 24)


Merci, 300.000 fois merci.

Télé Moustique du jeudi 24 octobre 1996 page 24

Merci aux familles des enfants disparus et assassinés.

Merci à tous ceux qui ont marché avec elles ce 20 octobre.

Merci de nous avoir donné une leçon de démocratie.

Merci d'avoir créé une nouvelle citoyenneté.

Merci de peser avec dignité sur la conscience des hommes politiques, des magistrats et des membres des forces de l'ordre.

Grâce à vous, enfin, on fera peut-être tout ce qui est possible pour empêcher de nouvelles affaires Julie, Melissa, An et Eefje.

Grâce à vous, retrouvera-t-on, qui sait, certains des enfants qui aujourd'hui encore manquent cruellement à leurs parents.

Grâce à vous, c'est tout un pays qui est en train de renaître. Un pays adulte et solidaire.

Merci, 300.000 fois merci.

Après la marche blanche (Télé Moustique du jeudi 24 octobre 1996)


Après la marche blanche

DOSSIER DUTROUX : NOTRE CONTRE-ENQUÊTE

LES DOCUMENTS CONFIDENTIELS QUI DÉRANGENT

Opération Décime : MENSONGE A CHARLEROI

Rapport du Comité P : L'AMATEURISME DE LA JUGE DOUTREWE

UNE de Télé Moustique du jeudi 24 octobre 1996

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