vendredi 7 novembre 2008

Les ombres du dossier Nihoul (« Soir illustré » 9 octobre 1996 pg 30 et 31)


Les ombres du dossier Nihoul

« Soir illustré » du  mercredi 9 octobre 1996 pages 30 et 31

Après l'avocat de Marc Dutroux, ce sont les avocats de Michel Nihoul et Marlène De Cokere, Frédéric

Clément de Cléthy et Virginie Baranyanka, qui déposent une requête en suspicion légitime sur trois point précis. Et ils estiment que le dossier de Michel Nihoul, tel qu'il est constitué à ce jour, ne justifie pas que la chambre du conseil refuse, une nouvelle fois, sa libération.

Depuis que les enquêtes progressent sur l'affaire Dutroux, les projecteurs se braquent immanquablement vers Nihoul, appréhendé et inculpé de participation à une association de malfaiteurs impliquée dans des enlèvements et des séquestrations d'enfants, notamment de Laetitia, le 09.08.96 à Bertrix. Une trentaine d'enquêteurs seraient chargés de ce seul dossier Nihoul et étudieraient toutes les pistes possibles qui permettraient de découvrir l'une ou l'autre organisation ou réseau de pédophilie car on reste persuadé qu'elles existent. Michel Nihoul connaissait beaucoup de monde. On sait qu'il était un adepte de l'échangisme.

Et c'est à l'occasion d'une de ces parties fines qu'il aurait fait la connaissance, entre autres, de Marlène De Cokere, devenue sa compagne pendant 14 ans. Parmi ses nombreuses relations, différentes personnalités politiques ont été citées car elles auraient assisté à l'une ou l'autre des soirées qu'il organisait pour établir les liens indispensables au développement de ses affaires.

Ainsi, au château de Faulx-les-Tombes, dans lequel lui et sa compagne ont vécu. Nihoul a développé de nombreux contacts dans le monde politique et des affaires et il n'est donc pas étonnant que toute une série de personnages se retrouvent maintenant sous les feux des projecteurs, ne fut-ce que pour tenter de remonter l'une ou l'autre piste.

Nous l'avions écrit précédemment, Michel Nihoul a eu de nombreuses activités dans des domaines divers, louches pour la plupart, c'est le moins qu'on puisse dire, et qui lui servaient avant tout à s'introduire un peu partout avec le culot qu'on lui concède, fût-il exploité à mauvais escient.

Hormis sa radio-libre, Radio Cinquantenaire, il y aura eu aussi J and M (du prénom qu'il se donnait, Jean-Michel) et Radio activité, dont le président, Didier Jenaert, était le gendre de Léon Defosset. De faillites en escroqueries, en passant par l'affaire de SOS Sahel, pour laquelle il devrait être jugé prochainement, les restaurants qu'il livrait de diverses victuailles, la confrérie de la bière Li Crochon, les moules, les crustacés, les médicaments, Nihoul aura aussi vendu des véhicules utilitaires en afrique. Il se serait même rendu à Saint-Domingue pour les mêmes raisons. Il se dira expert en bâtiment et ingénieur civil de formation. Il a, semble-t il, été diplômé de l'école de La Cambre à Bruxelles, en tant qu'architecte d’intérieur. Mais il avait également d'autres projets: louer un magasin à Jumet pour y vendre des cassettes vidéo, reprendre le bail d'un magasin de mode à Jumet et, juste avant de se faire appréhender, signer un contrat d'exploitation d'une taverne danoise rue du Trône à Ixelles.

Mais Nihoul a aussi joué les détectives. Informé par Lelièvre, le copain de Dutroux, il aurait été mis au courant d'un trafic international de voitures volées en Belgique, stockées en Hollande, puis expédiées au Maroc.

A l'occasion du transfert d'une Mercedes vers l'Espagne, Nihoul aurait donc suivi la voiture inscrite au nom de Lelièvre et conduite par un certain Walch. Il avait, dira-t-il, l'intention de connaître la personne qui devait réceptionner ce véhicule et démanteler le réseau.

Ce voyage a, semble-t-il, été effectivement organisé pour le compte de la compagnie d'assurance, La Royale Belge, et ce serait à cette occasion qu'il a fait la connaissance de l'inspecteur de la BSR de Dinant, Vanesse, inculpé depuis dans l'affaire Dutroux, et dont Nihoul se disait l'informateur. La compagnie d'assurances lui aurait payé une somme totale de 80.000 francs.

Mais le rôle d'informateur, que se donnait donc Nihoul, ne se serait pas limité à débusquer un trafic international de voitures volées. Il aurait aussi démasqué une affaire de drogue en faisant tomber le même Walch, qui transportait, quelques mois plus tard, une dizaine de kilos d'amphétamines dans un sac. Nihoul attendrait encore d'être rémunéré pour cette affaire-là.

UN EMPLOI DU TEMPS CRITIQUE

Nihoul aurait fait la connaissance de Lelièvre par l'intermédiaire d'un Hollandais, un certain Casper Flire, ancien codétenu de Lelièvre à la prison de Forest et client de la compagne de Michel Nihoul, l'avocate Annie Bouty.

Apparemment, Lelièvre, qui était au chômage, aurait sollicité les  bons conseils de Nihoul pour l'aider à résoudre quelques problèmes administratifs relatifs à sa mutuelle et aussi l'aider à trouver un moyen pour échelonner le paiement d'une amende de roulage qui s'élevait à une quarantaine de milliers de francs. Ils se seraient rencontrés quelques fois à ce sujet, dans le courant de l'été 1995. Lelièvre aurait ensuite présenté Marc Dutroux à Nihoul pour faire l'expertise d'un de ses immeubles.

Cette première rencontre entre Marc Dutroux et Michel Nihoul aurait eu lieu chez Dutroux, à Sars-la-Buissière. La deuxième dans la maison que Dutroux voulait faire expertiser. La troisième rencontre chez Annie Bouty; et la quatrième, lors de la prise en charge du véhicule de Nihoul, qui serait tombé en panne et que Lelièvre et Dutroux auraient proposé de dépanner. Le 11/07/95, Lelièvre serait venu chercher la voiture de Nihoul en panne. En cours de route, il se fait arrêter lors d'un contrôle de routine par la police de la route. Les documents de la voiture n'étant pas en ordre, celle-ci est envoyée à la fourrière Radar à Bruxelles.

Une semaine plus tard, pendant la période de l'enlèvement de la petite Laetitia, Nihoul harcèle Marc Dutroux au téléphone parce qu'il ne supporte plus d'être sans voiture. Et, finalement, Dutroux et Lelièvre promettent de venir rechercher cette voiture avec une remorque, le dimanche suivant, en début d'après-midi. La veille, soit

le samedi, le lendemain de l'enlèvement de Laetitia, Nihoul et Lelièvre avaient été ensemble à la police pour régler l'amende et les frais de la fourrière et obtenir ainsi l'autorisation de retirer la voiture.

Pour l'avocat de Michel Nihoul, Dutroux et Lelièvre ne parviennent pas à justifier leur emploi du temps pendant la période de l'enlèvement de Laetitia et tentent d'invoquer le remorquage de la voiture de Nihoul comme alibi. «Nous avons le sentiment que, si cette voiture avait été dépannée le week-end précédent, dit encore l'avocat, on n'aurait jamais parlé de Nihoul dans ce dossier. Nous plaiderons la libération de notre client, car j'estime qu'à ce jour, tel que le dossier est constitué, il n'y a pas d'indice de culpabilité de notre client en ce qui concerne le dossier rapt et séquestration d'enfants».

Et qu'en est-il des fameux alibis de Nihoul le jour de l'enlèvement de Laetitia, le 9 août 1996 ?

Différentes déclarations plaident, en effet, en faveur d'un alibi béton, comme on dit. Michel Vanderhelst, l'ancien avocat qui avait été impliqué dans l'affaire de la bande à Haemers, atteste que Nihoul aurait fait des travaux de nettoyage dans son appartement le 8 août. Le 9, Nihoul et Vanderhelst auraient pris un lunch, place Dailly, et se seraient ensuite retrouvé dans un établissement de la rue Edith Cavell, Le Bistouri, vers 15h30. Le même soir, Vanderhelst aurait invité Nihoul à dîner chez lui, dans sa maison de Linkebeek, où ils auraient rencontré un autre couple qui atteste aussi de leur présence. Qu'en est il alors de la patronne du Bistouri et du personnel qui y travaillait et qui ne se rappellent pas avoir vu, ce jour là, les deux personnes dont on leur montre les photos, Nihoul Vanderhelst?

Et pourtant, lors des interrogatoires de Dutroux, qui semble passer aux aveux, et de Lelièvre qui s'embrouille dans des explications bizarres, il ressort que les trois protagonistes entretenaient des relations suspectes

Du moins en ce qui concerne projets dont l'un prétend que c’est l'autre qui en a eu l'idée ou l'initiative.

Dutroux affirme que Nihoul l'aurait contacté car il cherchait des filles à placer dans un réseau de prostitution en Belgique et qu'il savait que Marc Dutroux avait des contacts dans ces différents pays. Quand Nihoul, il prétend que cette verssion est fausse. Ce serait au contraire Dutroux qui lui au demandé s'il connaissait quelques patrons de bars qui pouvaient accueillir des jeunes filles,il aurait même ajouté qu'il fallait choisir des filles avec une cerne classe pour travailler dans les bars et aurait fait mine de marcher dans la combine  dans le but de monter un dossier pour son ami de BSR...

 «Non, insiste l'avocat Nihoul, dans ce dossier, à ce jour,à moins que des éléments complémentaires ne viennent le contredire, il n'y a rien qui puisse justifier l'inculpation de mon client dans le rapt et la séquestration. Il est possible que d' autre P.V. ne soient pas encore verser au dossier. Mais normalement nous avons accès à tout le dossier c'est la loi. Nous devrions repasser en chambre du conseil puisque la cour de Cassation à rejeté le pourvoi».

Vous avez introduit un recourt en suspicion légitime?

Oui pour trois raisons: premièrement, nous estimons, mon associé et moi, qu'il y a une trop grande proximité entre le juge d'instruction et certaines partie au procès. Deuxièmement, nous estimons qu'il y a une trop grande proximité entre le juge d'instruction et le parquet. Et troisièmement, sur certains élément précis de l'enquête,on instruit exclusivement à charge, ce qui nous semble extrêmement inquiétant.

 

Michel Jaspar

 

Dutroux distille l’angoisse (« Soir illustré» 9 octobre 1996 pg 28 et 29)


Dutroux distille l’angoisse

« Soir illustré » du  mercredi 9 octobre 1996 pages 28 et 29

Tandis que les parents des victimes appellent à manifester le 20 octobre pour la vérité,une ancienne galerie de mine est explorée à Jumet. Dutroux a laissé entendre que ce tunnel pourrait se révéler intéressant.

Les parents des victimes de Marc Dutroux ont lancé un appel à tous ceux qui veulent marcher pour la vérité, dans le cadre de l'affaire qui secoue tout notre pays. Le 20 octobre, à Bruxelles, une délégation de ces manifestants, anxieux de vérifier si l'enquête ira bien jusqu'au bout de ses révélations, sera reçue par le premier ministre. Jean-Luc Dehaene, budget bouclé, a reconnu que d'autres priorités existaient. Notamment celle des moyens à accorder à la rénovation de la justice. Face au dépôt de la pétition sur les peines incompressibles dans certains cas, par l'asbl Marc et Corine, les deux millions et demi de signatures recueillies forcent, au moins, à réfléchir.

Au même moment, depuis plusieurs jours déjà, le pays de Charleroi a de nouveau les nerfs à vif.

Sur base des indications de Marc Dutroux, des fouilles se déroulent dans des conditions particulièrement pénibles, à Jumet, dans une ancienne galerie de mine située dans un décor verdoyant, proche des étangs Caluwaert. Cette petite route qui part de Roux, surplombe le canal Charleroi-Bruxelles, longe Jumet et retombe sous Gosselies, est connue des amateurs de raccourcis et des pêcheurs qui fréquentaient les étangs Caluwaert, autrefois agrémentés d'une guinguette champêtre. Dutroux disposait d'une caravane sur ce terrain où il est revenu, après avoir laissé entendre aux enquêteurs qu'ils pourraient bien y trouver quelque chose d'intéressant. Comme les agents du FBI l'avaient expliqué, en août, Dutroux cherche à exercer le contrôle dont il dispose. C'est un des traits de sa personnalité intelligente et manipulatrice. Il distille ses informations avec condescendance, selon son bon vouloir.

Désormais barbu et portant des lunettes, il fait danser ses interlocuteurs. Ceux-ci savent qu'il n'a pas menti, jusqu'à présent. Il avait désigné le fond de la propriété de Sars la Buissière, et on retrouva Julie et Mélissa, ainsi que Weinstein. Il avait évoqué la maison de la rue Daubresse, à Jumet, et ce fut la découverte, après une infernale semaine, d'An et Eefje. Chaque fois, le pays fut submergé d'émotion, lors de funérailles qui étaient celles de beaucoup d'illusions.

Aujourd'hui, d'autres parents d'enfants disparus accomplissent un calvaire, tandis que les hommes de la protection civile et deux spéléologues explorent une ancienne galerie d'évacuation des eaux du puits Saint-Louis. Haute d'un mètre cinquante, en mauvais état, envahie par l'eau, cette galerie doit être étançonnée pour ne pas se refermer sur les fouilleurs.

Ceux-ci mesurent le taux de méthane d'un air pauvre en oxygène, ce qui signifie des risques d'explosion. Impossible de travailler debout dans cet environnement qui est comparable à celui que connurent les mineurs, autrefois. A 90 mètres, un éboulement a arrêté les enquêteurs, qui ont découvert qu'un autre tunnel s'orientait vers la gauche, après 200 mètres. Un autre éboulement, naturel celui-ci, devrait constituer le point extrême du chantier des macabres recherches. Une fois encore, Dutroux entretient l'angoisse, comme s'il se réservait de savourer les heures et les jours d'efforts qui rongent les nerfs des autres. De ceux qui ne sont pas comme lui, comme étrangers à toutes les horreurs dont il est l'auteur, mais dont il accable Weinstein, ce compagnon qu'il enterra vivant, après l'avoir endormi.

Avec ce nouveau chantier de l'enfer, l'image de l'enquête sur Dutroux, explorant les tréfonds d'une Belgique qui cherchait à cacher ses problèmes, revient à la surface. Les hommes que dirige le juge Connerotte doivent aller bien au-delà des apparences, creuser à même la société, au risque de provoquer des éboulements, d'effriter la confiance. Mais cette démarche est essentielle. Ce travail, long, pénible, complexe, doit être étançonné, construit sur base de preuves et de témoignages. La longue marche vers la lumière, pour les enquêteurs, s'apparente à l'exploration des maisons et du tunnel, ces lieux qui définissent les exactions de Dutroux, qui ricane, et qui nous fait peur.

Marcel Leroy.

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LE «SOS JUSTICE» DES BELGES

« Soir illustré » du  mercredi 9 octobre 1996 pages 28 et 29

Alors que le suspense sur le dessaisissement du juge Connerotte agitait l'opinion, des fleurs furent déposées sur les marches du palais de justice de Neufchâteau, où l'enquête progresse, malgré les pièges.

A Neufchâteau, comme partout dans le pays, la semaine écoulée a été marquée par les recours, et montre la cassure profonde entre le droit pur et le sentiment d'angoisse profonde de la population. Pour un spaghetti et un stylo-bille valant mille francs et des poussières, le juge Connerotte devrait, peut-être, remettre son tablier, avant que le procureur Bourlet ne soit frappé, à son tour. De la sorte, après avoir pas mal dérangé et, surtout, obtenu des succès incommensurables, la juridiction de Neufchâteau pourrait en revenir aux vols de vaches qui lui seraient propres, selon ce que d'aucuns avaient dit, avant les événements de cet été (la décision de la cour de cassation est attendue ce mercredi). Il y a eu tout d'abord le recours en cassation de Nihoul. Manqueraient au dossier quelques procès-verbaux. Ce sont ses avocats qui le disent, mais rien qu'eux. Tout au plus, nous dit-on, ces PV avaient été mal répertoriés dans un dossier qui en comptent déjà près de 2.000?

Quoi qu'il en soit, la cour, la semaine dernière, avait confirmé le mandat d'arrêt à charge de Michel Nihoul, ce sinistre joyeux compagnon dont le dossier s'alourdit.

L'AVOCAT SE TROMPE DE CLIENT

Il y eut ensuite, d'une tout autre envergure, la requête en suspicion légitime déposée par Dutroux. Ou, plus précisément, par Me Julien Pierre. Car nous apprenions, de sources très bien informées, que Me Pierre s' était lancé dans cette aventure sans que son client ne soit trop d'accord, en dépit de son paraphe au bas de la requête. Lorsque le procureur Bourlet a appris l'existence de la requête, quasi à l'instant de son dépôt à la cour de cassation, un très large sourire a éclairé son visage. Pour lui, c'était cousu de fil blanc.

Il se remémorait l'année 1994, et la piste des titres volés. Puis il a appelé le juge Connerotte qui passait par là. Lui aussi a souri. N'a pas été surpris. «La cour prendra ses responsabilités» Et de glisser: «On pourra peut être relâcher les mesures de sécurité».

La requête va bien au-delà du célébrissime spaghetti de Bertrix. Elle porte surtout sur les craintes que nourrit l'avocat du barreau liégeois à l'égard de la police judiciaire. Le plaideur redoute le travail du juge Connerotte lorsque celui-ci enquête dans les milieux PJistes carolorégiens. Me Pierre cite en vrac des opérations qui jusqu'à présent en tout cas, ne concernent pas vraiment Marc Dutroux: l'arrestation de Georges Zicot, l'opération Zoulou, l'interpellation d'un inspecteur retraité. Il aurait pu évoquer l'inculpation (qui s'accompagne d'un mandat immédiatement suivi d'une libération sous conditions) du supérieur de Zicot, M Vanderhaegen.

Un goût de déjà vu... Les premiers ennuis de la juridiction chestrolaise, dans son enquête sur les «titres volés» avaient débuté très précisément lorsque le juge Connerotte a osé toucher à l' inspecteur de la PJ liégeoise, Gilbert Preud'homme, défendu aussi par Me Pierre.

Les avocats de Michel Nihoul, Me Baranyanka et Me De Cléty, ont emboîté le pas à Me Pierre.

On connaîtra très rapidement le résultat des deux premières requêtes. Les premières car, Me Pierre, au cas où il serait débouté, en garderait d'autres dans les manches de sa toge.

Ces requêtes ont suscité un immense sentiment d'incompréhension, quasi d'injustice, au coeur de la population. Au nord et au sud du pays, d'Anvers à Florenville, des milliers de personnes se sont mises en marche, en toute dignité, les bras parfois chargés de fleurs, pour demander à la justice qu'elle conserve sa

Confiance en Jean-Marc Connerotte et à Michel Bourlet. Qu'elle laisse à Neufchâteau l'enquête sur la bande de Marc Dutroux. les manifestants ont lancé un «SOS Justice», comme on a pu le lire sur un calicot déposé sur le monument aux morts, sur le parvis du palais de justice de Neufchâteau.

Une certitude: la population, elle, fait totale confiance au duo de choc. Même si elle doit rester de marbre, la paire Bourlet-Connerotte n'est pas restée insensible à une telle vague Dans le genre «rétention d'informations», ce gendarme, déplacé de la BSR à la brigade de Dinant, tenait le pompon. Il n'a fourni des indications à sa hiérarchie, sur les trafics de Dutroux et Lelièvre que lorsqu'il a appris l'affaire, à la mi-août. Décidément, l'affaire Dutroux est aussi une affaire de protections policières. Au fil des jours, les enquêteurs de Neufchâteau dessinent avec plus de précision le rôle de Georges Zicot. On parle aujourd'hui d'un nouveau dossier «Pinon-Zicot» et compagnie, relatif à un trafic de voitures. Gérard Pinon et Georges Zicot ont été libérés après un mois de préventive. Pinon, le possesseur d'un hangar de Dutroux, et indic' de Zicot, tombe une seconde fois, pour complicité d'assassinat de Bernard Weinstein. Que devien dra l'inspecteur Zicot dans ce contexte?

Reste le trafic des armes. Les enquêteurs de Neufchâteau ont donné un sacré coup de pouce à la PJ de Nivelles pour découvrir la cache de Trazegnies, chez Patrice Charbonnier, l'un des braqueurs, copain de Dutroux, d'un transport de fonds. La cache, semblable à celle de Marcinelle, a-t-elle pu dissimuler des enfants? Pas sûr.

Elle servait plutôt de planque pour des armes, comme celles volées chez un armurier de Châtelineau où Georges Zicot avait ses habitudes.

Dutroux avait-il des liens plus étroits encore avec les braqueurs? Une quasi-certitude, il était présent à l'endroit où l'on a soudé le butoir de wagon de chemin de fer sur le camion utilisé pour immobiliser le véhicule de la firme GMIC, à Mellet, le 14 août!

 

La longue liste des faits à charge de la bande à Dutroux va peut être s'allonger encore dans les jours à venir. On attend effectivement les résultats d'une analyse d'ADN qui permettra peut-être d'élucider un viol à Obaix, datant de novembre 1995, une période que l'on sait très suspecte.

L'agresseur a tenté de mettre fin aux jours de sa jeune victime, il lui a profondément entaillé le cou. Très vite, «l'enquête» a abouti à un non-lieu. Une enquête diligentée dans un premier temps par la police locale. A laquelle à succédé Georges Zicot. Décidément, on le retrouve partout.

 

Michel Petit

 

 

Le long parcours du monstre («Dernière Heure» 9 octobre 1996 pg 3)


Le long parcours du monstre

« La Dernière Heure » du mercredi 9 octobre 1996 page 3

Dutroux de 1956 à 1996

1956, Marc, Paul, Alain Dutroux naît à Ixelles, le mardi 6 novembre. Il est le premier enfant de Victor et Jeanine Dutroux, tous deux instituteurs. La famille de Victor est originaire de Tirlemont, celle de Jeanine de

Jemeppe-sur-Sambre. Très vite, le couple d'enseignants part pour les colonies belges en Afrique. Johan, petit frère de Marc, naît là-bas. Après les événements du Congo, en 1960, les Dutroux rentrent en Belgique et s'installent entre Nivelles et Charleroi, à Obaix, rue des Deux Chapelles, puis rue du Village.

 

1968, Marc Dutroux entame ses études secondaires. Le début d'un parcours agité. Il passe successivement pas l'Athénée de Morlanwelz et trois écoles professionnelles, à Fleurus, Charleroi et Nivelles. Il veut devenir électricien. Il décroche son diplôme d'A3 électricien en 1974. Il a 18 ans. Il n'accomplit pas son service militaire, réformé pour raison médicale. Il quitte alors définitivement Obaix, pour vivre seul.

Il s'installe d'abord rue Emile Vandervelde, à Monceau-surSambre.           

-En 1975, il se trouve rue Haute, dans la même localité. Dutroux décroche ses premiers boulots en usine, comme tourneur, puis comme électricien.

1976. Le 3 mars, Marc Dutroux épouse Françoise, à Haine Saint-Paul. Ils se sépareront en 1983, alors que le divorce officiel n'interviendra que le 24 janvier 1985. Le couple s'installe à Onoz, puis à La Louvière et à Goutroux. Interrogée, la première épouse de Marc Dutroux reconnaît qu'elle était une femme battue, mais que

Dutroux ne s'en était jamais pris à leurs enfants, deux garçons. En 1981, Dutroux exerce un nouveau boulot: surveillant à la patinoire de Forest...

1983, Dutroux rencontre celle qui deviendra sa seconde épouse. Michelle Martin a alors 23 ans. Originaire de Waterloo, elle a une formation d'institutrice.

En juin 84, un premier enfant, Frédéric, voit le jour. C'est le troisième garçon de Dutroux qui aura encore avec Martin deux autres enfants, Andy (2 ans et demi aujourd'hui) et Céline (10 mois).

Dutroux et Martin se marient le 16 décembre 1988 à Ham-surHeure.        

-D'abord en concubinage, ils vont vivre à Marcinelle, chaussée de Philippeville, dans la maison (achetée en 85) où l'on retrouvera Sabine et Laetitia. Officiellement, Dutroux est domicilié à Marcinelle entre 1989 et 1992, puis entre 1994 et 1996. On sait aussi aujourd'hui qu'il a vécu au début des années 80 dans une caravane à Jumet aux abords des étangs Caluwart.

1985, L'année des premiers crimes connus du couple infernal. En janvier, juin, octobre et décembre, Dutroux (officiellement entrepreneur à cette époque) et un complice enlèvent des jeunes filles.

Trois de celles-ci, enlevées à Gilly, Roux et Marcinelle, sont mineures. Elles sont séquestrées, violées, filmées. Michelle Martin est également considérée comme complice. Un autre crime est mis à charge de

Dutroux: l'agression sauvage d'une vieille dame. C'est la prison.

Le 24 juin 1988, le tribunal correctionnel de Charleroi condamne Martin à 3 ans. Le 12 avril 89, Dutroux écope de 13 ans et 6 mois devant la cour d'appel de Mons.

1992, Après avoir passé un peu plus de la moitié de sa peine en prison, Dutroux est libéré conditionnellement, le 8 avril. Marchand de pièces de voitures, il va vivre quelque temps avec Martin dans la maison de la rue Lenoble, à Jemeppe su rSambre. --En dispute avec sa mère à propos de cette maison, Dutroux achète une autre propriété, celle de Sars la Buissière.          

-A ce moment, lui et sa femme ne travaillent plus officiellement et touchent des allocations de la mutuelle.

1995, En décembre, Dutroux retourne en prison, à Jamioulx. Il est incarcéré jusqu'en mars 96, pour la séquestration de trois jeunes, cette fois pour une histoire de camion volé. Avant de retourner derrière les barreaux, il assassine son complice Weinstein.

1996, Le 13 août, Marc Dutroux et sa femme sont arrêtés à Sars la Buissière. La Belgique va plonger dans l'horreur et découvrir que Marc Dutroux, père de 5 enfants, était un monstre. Laetitia et Sabine sont retrouvées saines et sauves. Il est trop tard pour Julie, Mélissa, An et Eefje. Pour d'autres aussi, peut-être.

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Disparitions : l’exemple américain

Les parents de Julie ont passé une semaine aux Etats-Unis

« La Dernière Heure » du mercredi 9 octobre 1996 page 3

LIÈGE- Julie et Mélissa. Deux prénoms qui resteront gravés dans la mémoire de bien des Belges durapt de longues années. Deux prénoms qui ont mis le feu au monde judiciaire. Qui sont associés à une des plus horribles affaires criminelles belges de ces dernières années.

Les manifestations de soutien aux parents des victimes ont été incroyables. Aujourd'hui, soit un mois et demi après la découverte des corps, les familles doivent encore répondre à de nombreuses sollicitations, tant des journalistes que de la population. Les parents n'ont maintenant qu'un souhait que personne n'oublie jamais Julie et Mélissa...

Milliers de lettres

Ces dernières semaines, des dizaines de milliers de lettres sont arrivées au domicile des parents des enfants. Hier, dans la boîte aux lettres des Lejeune, on trouvait encore une dizaine d'enveloppes.

Parmi les témoignages de soutien, une lettre a touché plus particulièrement la famille Lejeune. Elle mérite d'être soulignée. Il s'agit d'un courrier émanant d'un détenu de la prison de Verviers et simplement signé Pierre. « Je me permets en mon nom propre et certainement au nom de tous mes codétenus de vous remercier de cette leçon d'humanisme, de cette démonstration de courage, de cet élan de votre charité », écrit le détenu, faisant allusion à la visite de Jean-Denis Lejeune aux prisonniers de Lantin.

Vous êtes à mes yeux, Monsieur, ce qui devrait culpabiliser à jamais les pauvres et simples humains que nous sommes avec nos défauts et parfois certaines qualités... Personne ne pourra me donner de plus grandes leçons de savoir vivre. Je viens de me réconcilier avec l'être humain... Votre geste, votre désarroi, votre courage (il en fallait pour braver les bien-pensant qui nous mettent tous dans la même auge) me font un bien énorme... Merci! »

Avec Anne-Marie Lîzin

La semaine dernière, les parents de Julie se sont rendus aux États-Unis, à Arlington (Virginie) plus précisément, où se situe le siège du « National Center For Missing and Exploited Children ». Fondée il y a 12 ans, cette association se préoccupe des enfants disparus et maltraités. Elle est présidée par Mme Élisabeth Yore, une amie de Mme Anne-Marie Lizin. Louisa et Jean-Denis Lejeune sont restés une semaine sur les bords du Potomac en compagnie de la députée bourgmestre hutoise. « Ce que nous avons vu là bas est génial; formidable ! Tout d'abord cette association est exceptionnelle. Rien de ce type n'existe en Europe. Elle emploie 80 personnes et a un grand pouvoir sur les autorités américaines. Il faut savoir que là, il existe 17630 corps de police différents, qui arrivent à travailler ensemble... L'association sait mettre la pression sur eux car elle a aussi des renseignements à donner. Conclusion, aucun dossier ne dort au fond d'un tiroir », commente le papa de Julie.

Et en Belgique

Si l'association a autant de pouvoir, c'est avant tout parce qu'elle possède des moyens. « Elle est financée en partie par les pouvoirs publics mais aussi par des particuliers; des entreprises et des citoyens américains. Ainsi, par exemple, la société « Pizza Hut », qui a investi 8 millions de dollars (NDIR: environ 250 millions de francs belges !) pour mettre en place 400 centres de données un peu partout aux Etats-Unis. Il s'agit d'espèce de cabines téléphoniques équipées d'une TV, comme un minitel. Dans la banque de données, on trouve des photos de personnes disparues, des conseils de prévention,...

C'est très simple à utiliser; pas besoin d'être magicien ! », poursuit Jean-Denis Lejeune, émerveillé.

Les Liégeois ont également été impressionnés par un système de photos satellites qui couvre tout le territoire des États-Unis. « Tout est répertorié, même les bosquets.

Quand quelqu'un disparaît, on entre les données sur l'endroit de la disparition et immédiatement on peut visionner les lieux », explique M. Lejeune. Aux États-Unis, es disparitions sont prises très au sérieux. « Oui, il faut savoir que chaque semaine, 61 millions de foyers reçoivent un «toute boîte» reprenant les photos de 3 ou 4 enfants disparus ».

Une telle association pourrait elle être mise en place en Belgique, au niveau européen ? Peut-être, et c'était la raison sur place de Mme Lizin. Mais le nerf de la guerre restera évidemment l'argent... Où trouver des moyens pour financer un centre de cette envergure ? Un appel est d'ores et déjà lancé aux sponsors !

Nathalie Evrard

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La Maison de l’Horreur livrée à la démolition

ÉPILOGUE DE L'AFFAIRE WEST

« La Dernière Heure » du mercredi 9 octobre 1996 page 3

GLOUCESTER - Une douzaine d'ouvriers ont commencé lundi la démolition de la Maison de l'Horreur de Fred et Rosemary West à Gloucester, pour débarrasser la ville du souvenir des tortures et meurtres qui s'y sont déroulées pendant 20 ans, et décourager tout tourisme morbide.

A l'aube, devant des dizaines de caméras et appareils photos, les ouvriers ont érigé échafaudage et palissade autour de la terne demeure edwardienne de trois étages du 25 Cromwell Street.

En 1994, après d'interminables fouilles, les policiers avaient découvert les restes de neuf filles et jeunes femmes martyrs du couple pervers.

La rue a été bloquée pendant la durée de la démolition, et tout au long du week-end, la police a monté une garde discrète pour éviter des raids de dernière minute d'amateurs de souvenirs morbides.

Un scénario « Mur de Berlin » que le conseil municipal de Gloucester (ouest) veut justement éviter en faisant détruire le No 25: depuis deux ans, pas une journée ne s'est déroulée sans visites de grappes de touristes ou de curieux, en quête d'une photo souvenir.

La démolition, qui durera 15 jours et coûtera à la ville 120.000 livres, se fera minutieusement, pierre par pierre, la ferraille sera fondue, les briques réduites en poussière, meubles et charpente en cendres, mélangés à des déchets puis enfouis dans une vaste décharge.

Une dalle de béton sera ensuite coulée sur le site du No25, ainsi que sur  le No23 mitoyen, à l'abandon et également promis à la démolition.

« C'est le dernier chapitre de la terrible affaire Cromwell Street », a déclaré, soulagé, l'élu local John Holmes, en assistant au début de la démolition, « la meilleure chose que nous puissions faire pour la ville ».

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Nouvelles inculpations pour Martin

PENDANT QUE L'ENQUÊTE SE POURSUIT À NEUFCHÂTEAU

« La Dernière Heure » du mercredi 9 octobre 1996 page 3

NEUFCHÂTEAU - Philippe Darge, l'avocat de Michelle Martin doit aujourd'hui être satisfait. Le juge d'instruction de Neufchâteau, Jean-Marc Connerotte, a copieusement allongé la liste des faits qu'il reproche à l'épouse de Marc Dutroux. Ces inculpations s'accompagnent aussi d'un nouveau mandat d'arrêt.

Vendredi dernier, Me Darge avait obtenu la libération de sa cliente, libération contre laquelle le parquet avait de suite interjeté appel. L'action du parquet empêchait évidemment Michelle Martin de quitter sa prison de Namur.

Me Darge demandait « que le juge sorte du bois, qu'il précise les inculpations, que je sache très précisément les charges qui pèsent sur Martin ». Selon lui, en fonction de l'inculpation initiale (juste l'enlèvement de Laetitia), on ne pouvait rien reprocher à sa cliente puisque, le jour des faits, Michelle Martin faisait du tourisme en famille, avec ses enfants, à Dinant.

Exaucé

Le juge n'a pas traîné à exaucer l'avocat. Après une journée d'audition de la détenue, il a délivré un mandat d'arrêt pour association de malfaiteurs, complicité dans l'enlèvement et la séquestration de Laetitia mais aussi de Sabine, Julie, Mélissa, An et Eefje. A quoi s'ajoute la circonstance que quatre des victimes des kidnappeurs sont décédées lors de leur séquestration à Sars la Buissière et à Jumet.

En septembre dernier, le juge avait regretté que l'on réunisse trop rapidement la chambre des mises en accusation, instance d'appel. Cette fois, semble-t-il, c'est le parquet qui a demandé que l'on fasse vite et que l'on rassemble 3 détenus. Ceci afin d'éviter les aller retours incessants du dossier entre Neufchâteau et Liège.

Aussi, c'est jeudi que la chambre des mises décidera du sort immédiat à réserver à Michelle Martin, Annie Bouty (victime de l'appel du parquet suite à l'ordonnance de libération, vendredi dernier) et Michaël Diakostavrianos.

Sur le plan des investigations proprement dites (pédophilie et trafic de voitures), rien ne filtre pour le moment. On sait que les enquêteurs entendent de nombreuses victimes de pédophilie, souvent inconnues de la justice.

Rien ne dit que ces auditions, tôt ou tard, ne déboucheront pas sur de nouvelles instructions. L'enquête se poursuit aussi à Bouillon où les gendarmes de la brigade locale et la cellule disparition n'ont pu encore identifier les agresseurs des deux jeunes filles venues de Corbion.

En tout cas, ils ne sont, semble-t-il, pas en mesure d'attribuer l'enlèvement, tel que décrit par les deux adolescentes, à Aouali, ce Français habitant Vresse et toujours détenu à Châlons-sur Marne, notamment pour des menaces proférées contre un gendarme et le procureur Bourlet.

M. Pe.

 

 

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