mardi 26 août 2008

Combien d’autres victimes ?('Vif' 6 septembre p12-13-14-15)


Combien d’autres victimes ?

Le Vif/L’express du vendredi 6 septembre page 12-13-14-15

An et Eefje ont été les innocentes victimes d'un monstre. Et peut-être d'un réseau infect, dont on cherche dans l'urgence les connexions

>Roland Planchar

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An et Eefje retrouvées mortes, l'horreur s'est installée au quotidien.

Après le sauvetage de Laetitia et de Sabine, seul épisode « heureux » de l'affaire, tout avait basculé avec la découverte de la fin atroce de Julie et de Mélissa.

Avait-on espéré sortir du cauchemar ? Impossible. Le 27 août, Marc Dutroux avait fait des aveux supplémentaires, lors d'une confrontation avec sa femme et complice,Michèle Martin. Des aveux qui jetaient l'effroi parmi les enquêteurs, car le « monstre » désignait l'une de ses propriétés, à Jumet, comme terrain de recherche. En prédisant de nouveaux cadavres, ceux des jeunes Limbourgeoises, An Marchal (17 ans) et Eefje Lambrecks (19 ans) disparues le 22 août 1995, à Ostende...

Aussitôt, la rue Daubresse, à Jumet, était mise en quarantaine.
Mais les fouilles s'articulaient autour d'indications trop vagues : les corps se trouvaient-ils sous le chalet de Dutroux - qu'avait occupé son complice Bernard Weinstein -, sous un hangar connexe, sous le garage?
Chiens pisteurs et radar de sol s'accordaient rapidement à désigner des endroits suspects. Las, des intempéries retardaient d'abord les recherches, puis forçaient leur abandon momentané. Mais mardi matin, le faisceau mélangé de demi certitudes et de doutes se dénouait.

Des ossements étaient mis au jour, qui montraient que Dutroux n'avait pas menti. Les restes de deux jeunes filles étaient là. Sous plus de 2 mètres de terre et des mois de silence...

Le jour même, l'identification d'An et d'Eefje était rendue certaine, grâce à des radiographies dentaires et à la présence, sur place, d'une montre reconnaissable. Loin de marquer la fin de l'enquête, cette découverte mettait par contre fin aux espoirs angoissés des parents. Pauvres parents... La veille encore, ils se battaient sur le plateau d'une télévision française contre l'insoutenable, en tentant d'obtenir quelque indice.

Ecorchés par une pleine année de souffrance, ils avaient tenu bon avec une dignité et un courage superbe, balancés entre l'espérance et le désespoir. Sort écoeurant, c'est finalement ce dernier qui l'a emporté.

Cette escalade dans l'épouvante tourne au drame de société. A quelques jours des premières découvertes, qui avaient ébranlé le pays, l'indignation est générale. D'autant que l'enquête fait surgir de très nombreuses questions. A vrai dire, elle s'est même scindée en plusieurs pistes divergentes : turpitudes pédophiles, réseau national ou international, protections éventuelles et, accessoirement, trafic de véhicules volés.

Côté meurtres et pédophilie, on sait déjà beaucoup sur Dutroux. Et, notamment, qu'il rejette systématiquement la responsabilité de toutes les morts sur son complice, Bernard Weinstein. Sauf une : Dutroux reconnaît avoir tué ce complice.

Mais il affirme, pour Julie, Mélissa, An et Eefje, que c'est Weinstein qui les a laissées mourir ou qui les a tuées. Une explication vraiment trop facile, et d'ailleurs partiellement infirmée par des aveux de Michèle Martin. Laquelle reconnaîtrait avoir elle-même laissé mourir Julie et Mélissa. En tout cas, de ce côté, la question qui appelle la plus urgente réponse est celle de savoir si, comme on le redoute, Dutroux et sa bande n'ont pas commis d'autres atrocités encore. Et combien.

Pour le savoir, une formidable machine s'est mise en place. Loin des enquêtes « à la bonne franquette menées par deux ou trois hommes sans moyens, et dont on mesure aujourd'hui toute l'inadéquation aux réalités, on approche cette fois d'une équipe de 250 enquêteurs, mélange de gendarmes, de « PJistes » et de limiers étrangers. Ce dernier élément démontre d'ailleurs, si l'on en doutait encore, que certaines spécialisations ne sont pas assez ou pas du tout suivies en Belgique. Dans l'enquête en cours, l'aspect le plus

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spectaculaire de cette collaboration internationale est sans doute le travail mené par les analystes criminels du FBI américain. Ils tentent, par des méthodes de pointe, de définir les caractéristiques de Dutroux et de sa bande.


Est-il « seulement » un pédophile prédateur ou un tueur en série ? Ou le maillon d'un réseau ? Ou encore les trois, comme c'est possible ?
L'absence de réponse certaine à cette question ajoute encore au malaise et à l'inquiétude. Un double sentiment qui étreint les parents d'autres enfants disparus, tels que Gevrije Kavas (6 ans), dont on a perdu la trace en février 1985, Elisabeth Brichet (12 ans lorsqu'elle a disparu en décembre 1989) Nathalie Geijsbregts (10 ans en février 1991) et Loubna Ben Aïssa (9 ans en août 1992).

Un réseau mais lequel?


L'hypothèse d'un réseau retient effectivement l'attention. C'est à première vue paradoxal, car on pouvait croire, au premier abord, que le fait de tuer ses victimes implique que Dutroux ne les destinait pas à la vente ». Sauf à considérer, horreur, qu'elles étaient pour lui tellement sacrifiables qu'il n'aurait pas vu dans leur mise à mort le moindre obstacle.

De fait, les nombreuses cassettes vidéo à caractère pornographique ou pédophile découvertes chez Dutroux et dans son entourage plaident pour l'existence d'un commerce immonde.

Premier suspect : Jean Michel Nihoul, l'« agent immobilier » bruxellois arrêté le 15 août. Il nie certes en bloc, mais la chambre des mises en accusation de Liège a confirmé son mandat d'arrêt (pour association de malfaiteurs) sans grande hésitation. Parce que Nihoul est fortement suspecté d'avoir été un intermédiaire pour la vente des cassettes, voire carrément un « rabatteur » oeuvrant à trouver des clients, notamment en région bruxelloise.

Peut-être allait-il même jusqu'à participer à la sélection des victimes ? Des témoignages font état de sa présence à Bertrix peu avant l'enlèvement de Laetitia Delhez, le 9 août dernier.

Pour sa défense, il fait état de sa présence aux côtés de diverses personnes, ce vendredi-là. Il nomme par exemple l'ancien avocat Michel Vander Elst, qui avait été condamné dans le cadre de l'affaire Haemers.

Ce rôle, il aurait pu le partager avec Michèle Martin. Mais l'enquête est néanmoins grevée d'un point faible. Si on soupçonne que le réseau puisse aussi être international, avec des ramifications dans les pays de l'Est, les pistes slovaques et tchèques n'ont pas donné grand-chose. Certes, les liens que Dutroux et son complice Lelièvre ont noués dans ces pays ont été mis en évidence.

Dutroux y a par exemple séduit plusieurs jeunes filles – y compris des mineures - loué les services d'autres (pour tourner des films pornographiques), et il y est même suspecté d'un meurtre et d'un viol.


Toutefois, malgré les efforts des enquêteurs belges partis sur place, conjugués à ceux des polices locales et d'Interpol, on n'a jusqu'à présent pas pu identifier les nécessaires contacts qu'implique un véritable réseau. Comme Le Vif/L'Express le signalait la semaine dernière, c'est cependant l'examen des paramètres financiers qui pourrait faire progresser l'enquête, puisque plusieurs dizaines d'enquêteurs sont chargés de démonter l'écheveau des revenus et des dépenses de Dutroux et Nihoul. Si l'enquête à l'Est ne donne rien sur le terrain, les mouvements d'argent pourraient parler plus efficacement.

Justice contre justice


Ils pourraient aussi focaliser à nouveau l'attention vers le milieu judiciaire de Charleroi, ainsi que vers d'éventuelles protections dont auraient profité Dutroux et sa bande.

De ce côté, les choses sont loin de s'éclaircir. Elles se scindent, là aussi,en dossiers connexes.

D'abord, parce qu'au nombre des suspects se trouve un inspecteur principal de la PJ de Charleroi, Georges Zicot. Arrêté le 25 août dernier, il est inculpé d'escroquerie à l'assurance, de faux et usage de faux. Mais il clame son innocence et crie au complot, parlant d'une vengeance qu'exercerait contre lui le procureur général de Mons, Georges Demanet. Il faut reconnaître que, de ce côté, certains faits sont troublants.

En effet, Philippe Demanet, fils du « PG » et expert automobile auprès du parquet de Charleroi, a été soupçonné par Zicot de s'être lui-même livré à une escroquerie à l'assurance, en simulant le vol de sa Porsche en Espagne. L'inspecteur avait dressé PV, une instruction étant ouverte à sa suite par le juge

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d'instruction bruxellois Guy Laffineur.
Or il se trouve que, le 30 août, Philippe Demanet a bel et bien été inculpé à la suite des déclarations de Zicot. Pour avoir, pense le juge d'instruction, commandité le faux vol de cette Porsche 911, remboursée par la Royale Belge pour près de 3 millions de francs. L'auto avait été déclarée volée en septembre 1993, à Playa de Oro d'abord. La déclaration avait plus tard été confirmée à Thuin, où habite l'expert automobile.

Compensation du dommage prétendument subi, le versement d'une somme d'argent avait été effectué par la compagnie d'assurances en faveur de la société du garagiste Bernard Adam. Parce que celle-ci louait l'auto au fils Demanet. Supposant le garagiste complice, le juge Laffineur l'a inculpé dans la foulée.

Par contre, il n'a pas eu besoin d'inculper Thierry Dehaan, le responsable du service fraude de la Royale Belge, qui avait donné son blanc-seing à l'opération. En effet, Dehaan a lui-même été inculpé comme complice supposé de l'inspecteur Zicot, par Neufchâteau.

Nouvelles perquisitions


Le serpent semble donc se mordre la queue. Et il est bien difficile de savoir, à ce stade, si la PJ de Charleroi abritait effectivement un ripoux ». Ou si, au contraire, Zicot ne paie dans cette affaire que le PV qu'il avait osé dresser contre le fils du procureur général.

Mais l'enquête est loin d'être close. Mardi soir encore, le juge d'instruction Jean-Marc Connerotte a mené plusieurs perquisitions. D'informations filtrant de Neufchâteau - où des mesures de sécurité supplémentaires ont été prises aux alentours de la gendarmerie et du palais de justice -, il ressort que le juge d'instruction suspecte chez quelques membres du monde judiciaire de Charleroi des connexions mafieuses.

Cette hypothèse doit encore être considérée avec une très grande prudence. Néanmoins, il faut impérativement que la vérité la plus complète soit faite, que toutes les complicités soient mises en lumière. A quelque niveau qu'elles se situent.


On ne peut dès lors que se féliciter des moyens exceptionnels mis à la disposition de la justice, qui pourra ainsi éclaircir les graves suspicions qui pèsent sur des magistrats, des policiers et des gendarmes de Charleroi. Ces moyens servent aussi à ouvrir de nouveaux chantiers, à entreprendre de nouvel les fouilles, comme dans le village de Keumiée. Où l'on cherchait cette semaine des indices relatifs aux trafics de Dutroux.

En tout cas, le dégoût est aussi général que profond. La population tout entière est écoeurée et, fait plus rare, ce sentiment est de plus en plus ouvertement exprimé. Côté politique, on a d'ailleurs bien senti le danger potentiel.

Les reproches sont pris au pied de la lettre et si, par exemple, Jean-Luc Dehaene s'est exprimé dès mardi pour dire tout son effroi et présenter les condoléances du gouvernement aux familles, ce n'est sans doute pas étranger au fait que, lors de la découverte de Julie et Mélissa, des voix s'étaient élevées pour regretter l'absence du Premier ministre.

Côté judiciaire, les problèmes liés à des carences et des lenteurs ne semblent pas tous résolus.

Ainsi, à la mi-août, après une première perquisition chez Dutroux, des documents avaient été saisis par Neufchâteau. Empaquetés, ficelés, ils portaient, clairement indiquée, la mention Très urgent ». Leur analyse aurait, peut-être, fourni des indications supplémentaires. Mais ces cartons n'ont trouvé un destinataire, au sein de l'enquête, qu'au tout début septembre. Urgence ?

L'enlèvement resté très mystérieux de Rachel Legeard (19 ans) et de Séverine Potty (18 ans), deux jeunes filles de Nandrin disparues à Liège le jeudi 29 août dernier, et retrouvées à Cologne le samedi suivant, est lui aussi symptomatique. Ainsi, la gendarmerie et le parquet ont traité le cas avec efficacité. Mais ils ont étrangement omis de prévenir la PJ, qui n'a été informée du fait que ce même samedi. Par le journal parlé de la RTBF... Le parquet ne pouvait-il avertir sa propre police ?

Enfin, c'est dans la même Cité ardente que l'actualité devrait trouver un point de chute en fin de semaine. Anne Thily, procureur général de Liège, devrait en effet remettre son rapport sur l'« affaire Othello ». Il s'agit de la non transmission supposée, au juge d'instruction liégeois chargé de l'enquête
Julie et Mélissa », d'un PV de 1993. Par lequel la gendarmerie de Charleroi établissait la dangerosité de Dutroux, précisant même son intention de construire des cages » pour y enfermer des enfants. Il avait donné lieu, à l'été 1995, à une surveillance de l'intéressé, ainsi qu'à une perquisition de ses maisons.

Dossier transmis, oui ou non ? La réponse impliquera de lourdes sanctions.
Elles contribueront à l'éclatement de l'indifférence si souvent manifestée pour les horreurs liées à la pédophilie. Qu'il ne sera plus jamais possible de cacher.

Car, découvrant des rouages insoupçonnés et nauséabonds en son sein, assommée par l'amoncellement des horreurs, la société belge doit désormais se chercher un avenir sans cauchemar. Cela ne se fera pas sans dégâts.

L'ENQUÉTE('CinéRevue'6 septembre 1996 p22)




L'ENQUÉTE

Guerre des polices et magouilles: jusqu'où ira l'indécence?

Ciné Télé Revue du vendredi 6 septembre 1996 page 22

Les parents de Julie et de Mélissa ont même dû négocier pour avoir une mèche de cheveux de leurs filles

Flics corrompus, magistrats sourds et aveugles,, fonctionnaires peu compétents (pour ne pas dire plus) : c'est sur fond de guerre des polices et de grande déglingue de notre système judiciaire que se poursuit l'enquête sur le « réseau Dutroux » et les crimes qui lui sont reprochés. Point positif : les « chevaliers blancs », Michel Bourlet et Jean-Marc Connerotte, vont peut être, enfin, pouvoir donner le coup de balai nécessaire.

Ou, au moins, un solide coup de pied dans la fourmilière. Point négatif : les erreurs de certains, si elles sont netternent moins graves que celles qui furent enregistrées dans le dossier « Julie et Mélissa », ne risquent pas moins de gêner ou de ralentir le bon déroulement des investigations. Le point sur l'enquête.

L'actualité du week-end dernier a eu ceci de bon qu'elle a démontré que les autorités compétentes avaient tiré quelques leçons du drame vécu par Julie, Mélissa et leurs camarades d'infortune.

La mobilisation qui a suivi la disparition de Rachel Logeard et de séverine Potty à Liège, jeudi dernier, en témoigne. Un juge d'instruction a aussi tôt été nommé, et il a coordonné, avec efficacité, le travail des polices et de la gendarmerie, elles-mêmes appuyées par l'association « Marc et Corinne ».


La mobilisation ainsi provoquée a rapidement permis de retrouver les deux jeunes filles à Cologne. Droguées, ne se souvenant pas de grand-chose et peut-être victimes de sévices, mais, au moins, vivantes.

A contrario, l'action efficace de la justice met en relief les incroyables errements des magistrats et enquêteurs dans les dossiers « Julie et Mélissa » et An et Eefje ». Ayant déjà exposé ces erreurs, nous n'y reviendrons pas.

Contentons-nous de signaler que certains semblent ajouter à plaisir le mépris des victimes et le manque total de sensibilité à l'incompétence : souhaitant se faire remettre une mèche de cheveux de leurs filles, au lendemain de la découverte des corps, les mamans de Julie et de Mélissa ont été reçues dans de tels termes par la juge qu'un pénible incident n'a pu être évité, il leur a fallu négocier, dans des conditions honteuses. Jusqu'où ira donc l'indécence de certains?

Dans l'enquête en cours sur Marc Dutroux et dans l'attente de la publication des conclusions de Mme le procureur général Thily, on en est encore réduit à poser des questions. Ainsi, on ne sait toujours pas qui a menti, de la juge Doutrewe, qui nie avoir été tenue au courant de leur enquête par les gendarmes, ou de ceux-ci, qui affirment avoir transmis à la magistrate liégeoise toutes les informations nécessaires. Mais le fait même d'avoir à poser cette question est déjà grave en soi.

Il nous revient, en revanche, que c'est sans doute pour se protéger du climat détestable qui règne dans le monde judiciaire carolorégien que la gendarmerie avait entamé (sous le nom de code « Othello ») une opération secrète à propos de Marc Dutroux : connaissant l'étendue des protections dont celui-ci a pu bénéficier, les pandores se seraient douté, nous dit-on, « qu'on allait casser les reins à leur enquête » si celle-ci se déroulait normalement. D'où la nécessité de la mener « undercover ». Reste à savoir, on l'a dit, si ses conclusions ont bel et bien été transmises au magistrat instructeur.

Sur le terrain, pendant que nous posons ces questions, la tension est à son comble. Certes, les gendarmes qui travaillent sans relâche à Neufchâteau font du bon boulot, et ne ménagent pas leur peine, pas plus que ceux qui mènent, dans la région de Charleroi, des fouilles harassantes et qui ont fait la découverte macabre que l'on sait.


Pour certains, d'ailleurs, l'épreuve est, psychologiquement, a la limite du supportable. Marc Dutroux ne parle qu'à deux enquêteurs, qui doivent à la fois lutter contre la fatigue, la lassitude et le dégoût pour effectuer leur tâche. Certes, l'équipe du commissaire Marnette, chargée, à Bruxelles, d'enquêter sur le « volet Ni houl » de l'affaire, multiplie les démarches et les recoupements et semble être sur le point d'arriver à certains résultats qui pourraient être accablants pour « l'homme d'affaires » et escroc.

Mais tout n'est pas, pour autant, pour le mieux dans le meilleur des mondes. C'est ainsi qu'on a eu la surprise, à Ixelles, il y a une dizaine de jours, de voir débarquer en trombe deux gendarmes proches de la « cellule disparition » venus récupérer une photographie de la petite Loubna Benaissa, disparue depuis plusieurs années, mais dont les enquêteurs n'avaient même pas de portrait ! De même, les gendarmes ne se sont procuré que très récemment des moulages dentaires d’An et d'Eefje, moulages pourtant indispensables à l'éventuelle identification de corps...

Mais le sommet est atteint par la P.J. de Charleroi. Ainsi, l'arrestation du policier véreux Georges Zicot a été accueillie par les vociférations syndicales de ses collègues, qui s'échinent a le présenter comme un « bon flic et essayent d'entraîner dans sa défense les membres d'autres P.J. du royaume. C'est ainsi que nous avons pu entendre un membre d'une police judiciaire s'indigner de la « guerre des polices » que se livreraient gendarmerie et P.J.

Le lien avec l'affaire Cools


Il semble de plus en plus évident aux enquêteurs que le « groupe Dutroux » menait, de front, au moins deux activités criminelles majeures.
L'une d'elles consistait à trafiquer les véhicules volés (voire à organiser leur vol) dans le but d'en tirer de substantiels bénéfices. Ce trafic peut sembler mineur au regard des autres faits reprochés à Marc Dutroux, mais il ne faudrait pas oublier que le vol et le trafic de voitures sont, aujourd'hui, l'une des principales sources de revenus du milieu du crime organisé.De plus, les véhicules volés peuvent servir aux mauvais coups des truands.

Enfin et surtout, dans le cas Dutroux et consorts, l'activité de vol de voitures recouvrait la réalité beaucoup plus sinistre du trafic d'enfants : c'est cette activité qui procurait aux membres de la bande les revenus leurs permettant de vivre et leur assurait, en tout cas au niveau policier, d'indispensables protections. C'est ce trafic également qui permettra, peut-être, de relier « l'affaire Cools » au dossier Dutroux : on le sait, c'est à Charleroi que De Santis, l'un des inculpés du dossier des titres volés, considéré par le juge Connerotte comme l'un des rouages essentiels de l'assassinat d'André Cools, aurait fait voler le véhicule ayant servi à exfiltrer » le tueur. Or, la bande Dutroux et la mouvance De Santis bénéficiaient, au minimum, des mêmes protections policières.

Nous sommes aujourd'hui en mesure d'ajouter que, selon une source proche du milieu, ce sont des Albanais, utilisés à l'occasion comme hommes de main par De Santis et compagnie, qui auraient, plus ou moins régulièrement, servi de chauffeurs au réseau de Marc Dutroux pour véhiculer de jeunes Tchèques que Dutroux faisait venir en Belgique pour tourner des films pornographiques sauvages ». Dans ce contexte, les sollicitudes de Georges Zicot pour Marc Dutroux pourraient bien ne pas être tout à fait anodines et dépasser
le cadre normal des relations entre unindic » et son traitant.

Plusieurs bombes


Zicot en sait beaucoup sur les sordides magouilles qui forment la trame de la vie de bon nombre de Pijistes carolorégiens. C'est devenu un secret de polichinelle, mais la police judiciaire de Charleroi ressemblait, jusqu'il y a peu, étrangement à un souk.

On pouvait, nous dit-on, pour peu de savoir à quelle porte frapper, s'y procurer à peu près n'importe quoi biens volés saisis par la police et jamais restitués aux victimes, vidéospornos (tout à fait « classiques » plus ou moins « tombées du camion » ou même voitures volées. Plusieurs notables de la ville se déplaceraient ainsi dans des véhicules achetés, dans des circonstances qui auraient dû leur mettre la puce à l'oreille, auprès de membres de la P.J. C'est peut-être ce qui explique que le parquet ait (trop) longtemps fermé les yeux sur les petits trafics des amis de M. Zicot...

Une anecdote prouvera d'ailleurs à quel point ces brillants défenseurs de la loi considèrent être bien au-dessus de celle-ci. Tout le monde connais le système dit des « pyramides », cette escroquerie qui consiste (comme « l'avion » iI y a quelques années) à acheter une place dans une organisation virtuelle n'ayant d'autre but que d'enrichir ses dirigeants. Le nouveau membre de la pyramide ne rentrera dans ses gains que s'il parvient à engager trois gogos qui, à leur tour, n'auront d'autre choix que de se transformer en recruteurs. Les réunions de motivation des nouveaux membres des pyramides se font aux Pays-Bas, non loin de la frontière belge, et sont protégées, plusieurs informateur dignes de foi nous l'ont confirmé, par des hommes armés. Selon deux sources indépendantes, ces hommes armés ne seraient autres, du moins pour certains d'entre eux, que des proches de la P.J. de Charleroi.

C'est, apparemment, à ce genre de pratiques que Georges Zicot aurait fait allusion lorsqu'il déclarait aux enquêteurs, le lendemain de son arrestation, qu'ils « allaient faire éclater une bombe ». « Plusieurs bombes », corrige l'un de nos « contacts », proche de l'enquête.


Encore faut-il que leur explosion, pour nécessaire qu'elle soit, ne masque pas l'essentiel : mettre au jour les activités exactes de la bande Dutroux » et, entre autres, établir les protections qui ont permis à ce chancre criminel de se développer.

C.M

L’ancienne institutrice a laissé mourir Julie et Mélissa de faim et de soif.('CinéRevue'6 septembre1996 p21)



L’ancienne institutrice a laissé mourir Julie et Mélissa de faim et de soif.

Ciné Télé Revue du vendredi 6 septembre 1996 page 21

NOS RÉVÉLATIONS SUR LE COUPLE MONSTRUEUX

Elle préférait nourrir les chiens de Dutroux. « Ciné-Télé-Revue » a pu obtenir des lettres personnelles du pédophile assassin et de sa complice, qui confirment leur personnalité diabolique

Touchés dans notre chair.


Ce lundi matin, la Belgique a serré très fort la main de ses enfants sur le chemin de l'école.
Pour de nombreux parents, les baisers ont été plus appuyés, les embrassades, plus fortes.
Comme si on voulait que l'amour protège de toutes les blessures. Faudra-t-il vivre dans un climat de psychose permanente ?
Dans nos esprits, il y a désormais un Marc Dutroux au coin de chaque rue. Comment faire comprendre à ceux que nous aimons
que la menace est omniprésente ? Nos petites têtes blondes nous assurent qu'elles n'accompagneront jamais l'inconnu. Mais le danger est sournois.


L'horreur est toujours tapie dans l'ombre. Tourner la page sera impossible. Oublier ?

Comment le pourront Sabine Dardenne (12 ans) et Laetitia Delhez (14), miraculées de la terreur ?
Comment, à l'école communale de Crotteux, à Grâce-Hollogne, qui sera rebaptisée « Ecole Julie et Melissa », deux enfants ne manqueront jamais plus à l'appel ?

Le courage des familles nous commande de nous battre pour dénoncer la conspiration de la folie. Nous le ferons. Cette semaine, nous publions des documents qui démontrent comment des êtres machiavéliques finissent par tromper leur monde.

Et comment les pourris de notre société ferment les yeux sur les pires méfaits.
Oui, familles déchirées : si vous voulez trouver dans notre combat la force de croire encore à un avenir meilleur, alors nous serons cette main tendue.

Marc DERIEZ

Légende des photos :

Nos documents : trois lettres écrites par Michelle (et non Michèle comme on l'écrit dans la presse) Martin et Marc Dutroux.

La première est datée du 13 janvier 1987: c'est une réponse de l'institutrice au juge d'instruction après que la police eut saisi des lettres chez sa mère, lettres contenant des aveux.
La deuxième est datée de février 1988: Michelle Martin se dit « stupéfaite et bouleversée d'être accusée ».
Enfin, la troisième est rédigée (à la machine à écrire) par Marc Dutroux lui-même, en date du 26 septembre 1988, à l'intention du juge Born.

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Elle a d'abord nié les évidences et expliqué qu'elle n'avait rien à voir avec les crimes perpétrés par son mari, mais l'enquête a établi sa participation aux travaux préparatoires de Marc Dutroux, lorsqu'il oeuvrait à la construction des « cachots » destinés à accueillir ses victimes. De même, elle a effectué des repérages pour des enlèvements d'enfants, et porte une responsabilité directe dans la mort de Julie et de Melissa : depuis quelques jours, Michelle Martin se retrouve en première ligne face aux enquêteurs de Neufchâteau. Divers éléments factuels ont rapidement fait apparaître l'invraisemblance et l'incohérence de ces dénégations. Les enquêteurs ont donc recommencé, en début de semaine, à la « travailler ». Avec des résultats à la hauteur de leur attente, mais en restant prudents : la personnalité fragile de l'inculpée et son état mental (« à la limite de la démence », nous confie une source proche de l'enquête) impose aux policiers et au juge d'avancer lentement « Si on la brusque, le fil risque de casser. Or, elle est sans doute, et pour cause, la personne qui connaît le mieux les actes de son mari et de ses complices. Elle peut donc nous apporter des éléments essentiels pour résoudre cette affaire et, peut-être, nous aider à aller très loin. Le tout est une question de temps.

En quelques phrases, Michelle est passée du rôle peu glorieux, mais, somme toute, assez confortable, de femme soumise et effacée, ignorant tout, ou presque, des coupables activités de son mari, à celui d'une complice active, qui, de plus, porte directement la responsabilité de la mort de Julie et de Mélissa. On sait désormais que c'est elle (et non pas Michel Lelièvre) que Dutroux avait chargée de nourrir les deux malheureuses fillettes durant son enfermement, de décembre 1995 à mars 1996.

« Je ne l'ai pas fait », a-t-elle avoué, il y a quelques jours à des enquêteurs atterrés, « parce que j'avais peur d'entrer dans la cave... » Peur ? Mais de quoi ? Sur ce chapitre, Michelle Martin refuse encore de s'expliquer et ne balbutie que des mots vagues et vides de sens, laissant entendre qu'elle aurait craint de découvrir l'état de délabrement psychique et physique des deux petites prisonnières. Piètre système de défense qui ne sert, en définitive, qu'à « l'enfoncer » un peu plus : si Michelle Martin savait et connaissait l'horreur de la situation des deux jeunes séquestrées, son attitude de « non-intervention » est au moins aussi abjecte qu'une complicité active. Et, en tout état de cause, cet argument témoigne de sa totale absence de sentiments humains.

D'autant que, étant donné la personnalité plus que trouble de leur a cliente », certains enquêteurs en sont à se demander si la réalité n'est pas encore plus sinistre.
Martin aurait fini par être jalouse des relations que son mari entretenait avec les fillettes », nous a dit l'un d'eux. Son état mental la rendant, parfois, presque incapable de discerner les réalités et d'avoir un rapport normal au monde qui l'entoure ; craignant, de surcroît, son époux, c'est sur les deux victimes qu'elle aurait reporté ce sentiment. Et quand elles lui ont été confiées, elle ne s'en est pas occupée. Elle n'a rien tenté, directement, contre elles, toujours par crainte de Dutroux, mais elle s'est contentée de fermer les yeux, et a d'oublier » les petites en les condamnant ainsi à la pire des morts : la soif et la faim, dans une cave de quelques mètres carrés, avec la certitude que leurs parents les avaient abandonnées. Bref, la dégradation physique et la souffrance. Et le désespoir le plus absolu, avec, comme seule issue, tout au bout, la mort. Pour une fois, celle-ci a dû être une libération...

Détail horrible, rapporté par des voisins : Michelle Martin, à cette époque, se serait rendue régulièrement à la maison de Marcinelle pour y nourrir des chiens, passant ainsi à quelques mètres de Julie et de Melissa, livrées, par sa lâcheté ou son calcul, au pire des calvaires.


Cette version serait, d'ailleurs, corroborée par les témoignages d'autres voisins, ceux de sa mère, à Waterloo (durant la détention de son époux, Michelle Martin vivait, une grande partie du temps, avec la vieille dame) : « Elle retournait régulièrement à Charleroi pour s'occuper des chiens », affirment aujourd'hui ceux qui l'ont côtoyée depuis son enfance et qui ont, dans l'ensemble, plutôt gardé un bon souvenir de celle qu'ils ont connue comme une gamine effacée mais « pas méchante N. C'est que rien, en effet, ne prédisposait cette petite fille, gentille et attachante, quoique très renfermée depuis la mort de son père, à devenir ta complice du plus horrible des crimes.

Elle rôdait à Grâce-HoIIogne


-Autre certitude acquise ces derniers jours par les enquêteurs de Neufchâteau : Michelle Martin servait ainsi, semble-t-il, que Michel Nihoul) de a rabatteur » à la bande. Plusieurs enfants de Grâce-Hollogne, où avaient été enlevées Julie et Melissa, se souviennent en effet de l'avoir vue rôder dans leur quartier dans les jours qui précédèrent la disparition des deux fillettes.

D'autres témoignages établissent encore que Michelle Martin n'hésitait pas à mettre la main à la pâte lors des sinistres travaux de terrassement et de maçonnerie de son mari, qui préparait les prisons de ses futures victimes : on l'a vue pousser des brouettes de terre et de ciment, porter des briques, passer des outils. Bref : un parfait petit apprenti maçon. Pouvait-elle vraiment ignorer la finalité réelle de ces chantiers?
Cette complicité totale dans le crime et l'abjection n'est pas franchement nouvelle pour Michelle Martin.
Cela fait belle lurette qu'elle est, pour le meilleur et surtout pour le pire, la fidèle compagne de son mari.


En 1985 et 1986, déjà, elle prêtait main forte à celui qui n'était alors que son concubin, lorsqu'il enlevait et violait des enfants et des jeunes filles : le 14 décembre 1985, lorsque A.D. est enlevée et violée, Michelle Martin est présente dans la camionnette Peugeot dans la quelle se déroulent les faits. Idem quatre jours plus tard, le 18 décembre, avec la petite E.G. Circonstance aggravante : elle ne se contente pas d'assister aux viols commis par son mari et un complice de celui-ci, mais, de temps à autre, photographie et filme ces scènes d'horreur.

Incapable de contrôler ses actes


Comment expliquer cette conduite, qui plus est de la part d'une institutrice ? La semaine dernière, nous publiions, en exclusivité, des extraits du rapport psychiatrique de Michelle Martin, établi en mai 1986 par le Dr
Schittecatte. Celui-ci laisse peu de doute sur l'état mental de l'intéressée : elle entend des voix qui lui dictent sa conduite, elle est soumise à des forces surnaturelles, etc. En d'autres termes, « elle vit dans un monde fantasmatique et délirant » et est totalement soumise à Dutroux.

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Nous pouvons, aujourd'hui, à l'aide de nouveaux documents inédits, compléter ces informations : le 4 février 1987, le Dr Schittecatte concluait que « Mme Martin est dans un état grave de déséquilibre mental la rendant incapable du contrôle de ses actes. » Le professeur Dumont, tout à la fois neuro-psychiatre et criminologue, confirmait partiellement, dans un rapport en date du 3 novembre 1987, les conclusions de son confrère, en tout cas quant à l'importance de l'ascendant exercé par Marc Dutroux sur sa compagne, et soulignait chez la jeune femme, « une dépendance et une influençabilité, voire une idéalisation de la figure masculine, qui rendent plausible la version d'une emprise aliénante exercée dans son lien amoureux à son concubin...

Une dépendance qui explique, du reste, la longue correspondance amoureuse entretenue par Michelle Martin avec Marc Dutroux, lors de la détention de ce dernier. Mieux, à l'époque, Michelle Martin, après des aveux dans lesquels elle chargeait Dutroux, revenait sur sa déposition et prétendait que ses aveux lui avaient été extorqués par le chantage (on la menaçait de placer son fils dans un orphelinat).

Le 6 janvier 1987, une perquisition effectuée au domicile de la mère de Michelle Martin permettait à la police de saisir des dizaines de lettres que la jeune femme lui avait écrites pendant sa détention. Or, ces lettres confirmaient ses aveux. Prise entre deux feux sa rétractation et la confirmation de ses aveux dans les lettres à sa mère , Michelle Martin se lançait, dans une lettre envoyée le 13 janvier 1987 au juge d'instruction en charge du dossier, dans une explication des plus alambiquées. Au sujet de phrases établissant le fait qu'elle « accorde son pardon à Marc Dutroux » ou « oublie les mauvais moments vécus à ses côtés », la jeune femme écrit : «


Qui peut se vanter de ne pas connaître de désagréments au sein d'un ménage ? Etant donné que Marc D, entretenait des relations intimes avec d'autres personnes, ce dont j'étais au courant, je souffrais un peu... Lorsque je parle, dans mes lettres, de lui pardonner, c'est bien de ses infidélités dont il s'agit...

Elle a indiqué la cache macabre de Jumet


Précisons-le, si Michelle Martin, après avoir « chargé Dutroux, se rétracte, son concubin la couvre de manière permanente... tout en se servant d'elle pour expliquer ses propres aveux ainsi, dans une lettre envoyée le 26 septembre 1988 à un magistrat, Dutroux écrit que les enquêteurs lui auraient fait croire que seuls des aveux circonstanciés permettraient d'établir la responsabilité de Michelle Martin dans les faits négligeable » de Michelle Martin dans les faits reprochés au couple : Je me suis cru dans l'obligation de prendre le rôle de complice de van Peteghem (son co-inculpé) pour permettre à mon amie de retrouver sa liberté, avec l'espoir de lui voir reprendre ses esprits après le véritable lavage de cerveau... » Et Dutroux passe aux aeux pour aider Martin. La boucle est bouclée...

Un autre document prouve avec quelle légèreté sont traités, dans ce pays, les cas de pédophilie et d'abus sexuels de mineurs : placée sous mandat d'arrêt le 3 fé vrier 1986, Michel le Martin était déjà en liberté le 28 avril de la même, année, après moins de trois mois de préventive. Pire : poursuivie et inculpée pour complicité dates plusieurs viols, reconnue à peu près irresponsable par les expertises psychiatriques, elle avait pu, après sa libération (niais avant sa condamnation),, exercer plusieurs intérims d'institutrice... Qui dit mieux ?

Voilà donc la femme avec laquelle les enquêteurs de Neufchâteau et le juge Connerotte doivent «travailler ».
Ils attendent encore beaucoup de sa collaboration. D'abord, elle est forcément au courant de pas mal d'éléments quant au fonctionnement même du réseau et peut donc aider de manière décisive à la manifestation de la vérité. Ensuite, ses aveux peuvent permettre de piéger ses co-inculpés : le fait que tous les inculpés (à l'exception, semble-t-il, de Jean-Michel Nihoul) soient en aveux, au moins partiels, offre en effet la possibilité de les utiliser les uns contre les autres. C'est par cette méthode que les gendarmes en sont venus, la semaine dernière, à focaliser leurs recherches sur Jumet Michelle Martin a commencé par leur avouer qu'An et Eefje avaient d'abord été détenues à Marcinelle (où elles ont peut-être, brièvement, côtoyé Julie et Mélissa), mais « qu'il s'était passé quelque chose... » Et qu'elles avaient été « refilées » à Weinstein. D'après Michelle Martin, Dutroux lui aurait alors dit que les deux jeunes filles avaient été éliminées par le truand français. Confronté à cette version des faits, Dutroux avait emmené les enquêteurs à Jumet, pour leur désigner quatre endroits où « se trouveraient sans doute des choses qui les intéresseraient »... Mais l'inculpé restait assez vague, attentif à construire son système de défense : « N'attendez pas de moi que je vous désigne des endroits précis. Comment le pourrais-je ? Je n'ai pas participé à ces faits-là... »

Les révélations de Michelle Martin devraient s'avérer décisives pour la suite de l'enquête. Encore faut-il faire le tri. Michelle Martin, elle, a tout le loisir, dans sa cellule de la prison de Namur, de méditer sur cette petite phrase qu'elle écrivait en janvier 1987: « Le mal que l'on fait autour de soi nous revient toujours...

Claude MONIQUET


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La plupart des propos que j'ai pu écrire (il serait plus facile pour moi de les avoir sous les yeux pour mieux les expliquer) sont d'une part influencés par mes états d'âme de ces très pénibles moments que j'ai endurés, jusqu'à en subir une fausse couche ! » (Michelle Martin)
« En 2 mots, ma mère, veuve depuis mes 6 ans, s'est très fort raccrochée à moi, au point de refuser que je la quitte un jour.
C'est donc bien malgré moi que je lui ai fait beaucoup de peine, lorsque je m'éloignais d'elle et cherchais à m'assumer.
Pourtant, j'en suis toujours culpabilisée... De plus, je pense que "le mal" que l'on fait autour de soi nous revient toujours. »(Michelle Martin) connaît le mieux les actes de son mari et de ses complices. Elle peut donc nous apporter des éléments essentiels pour résoudre cette affaire et, peut-être, nous aider à aller très loin. Le tout est une question de temps»
En quelques phrases, Michelle est passée du rôle peu glorieux, mais, somme toute, assez confortable, de femme soumise et effacée, ignorant tout, ou presque, des coupables activités de son mari, à celui d'une complice active, qui, de plus, porte directement la responsabilité de la mort de Julie et de Melissa. On sait désormais que c'est elle (et non pas Michel lelièvre) que Dutroux avait chargée de nourrir les deux malheureuses fillettes durant son enfermement, de décembre 1995 à mars 1996. a Je ne l'ai pas fait », a-t-elle avoué, il y a quelques jours à des enquêteurs atterrés, n parce que j'avais peur d'entrer dans la cave... »
Peur ? Mais de quoi ? Sur ce chapitre, Michelle Martin refuse encore de s'expliquer et ne balbutie que des mots vagues et vides de sens, laissant entendre qu'elle aurait craint de découvrir l'état de délabrement psychique et physique des deux petites prisonnières. Piètre système de défense qui ne sert, en définitive, qu'à a l'enfoncer » un peu plus : si Michelle Martin savait et connaissait l'horreur de la situation des deux jeunes


Jusqu’où iront les horreurs ?(CinéRevue 6 septembre 1996)


Jusqu’où iront les horreurs ?


Par jalousie elle a tué Julie et Mélissa.

Les lettres du couple diabolique

« UNE » Ciné Télé Revue du vendredi 6 septembre 1996

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