L'ENQUÉTE('CinéRevue'6 septembre 1996 p22)
L'ENQUÉTE
Guerre des polices et magouilles: jusqu'où ira l'indécence?
Ciné Télé Revue du vendredi 6 septembre 1996 page 22
Les parents de Julie et de Mélissa ont même dû négocier pour avoir une mèche de cheveux de leurs filles
Flics corrompus, magistrats sourds et aveugles,, fonctionnaires peu compétents (pour ne pas dire plus) : c'est sur fond de guerre des polices et de grande déglingue de notre système judiciaire que se poursuit l'enquête sur le « réseau Dutroux » et les crimes qui lui sont reprochés. Point positif : les « chevaliers blancs », Michel Bourlet et Jean-Marc Connerotte, vont peut être, enfin, pouvoir donner le coup de balai nécessaire.
Ou, au moins, un solide coup de pied dans la fourmilière. Point négatif : les erreurs de certains, si elles sont netternent moins graves que celles qui furent enregistrées dans le dossier « Julie et Mélissa », ne risquent pas moins de gêner ou de ralentir le bon déroulement des investigations. Le point sur l'enquête.
L'actualité du week-end dernier a eu ceci de bon qu'elle a démontré que les autorités compétentes avaient tiré quelques leçons du drame vécu par Julie, Mélissa et leurs camarades d'infortune.
La mobilisation qui a suivi la disparition de Rachel Logeard et de séverine Potty à Liège, jeudi dernier, en témoigne. Un juge d'instruction a aussi tôt été nommé, et il a coordonné, avec efficacité, le travail des polices et de la gendarmerie, elles-mêmes appuyées par l'association « Marc et Corinne ».
La mobilisation ainsi provoquée a rapidement permis de retrouver les deux jeunes filles à Cologne. Droguées, ne se souvenant pas de grand-chose et peut-être victimes de sévices, mais, au moins, vivantes.
A contrario, l'action efficace de la justice met en relief les incroyables errements des magistrats et enquêteurs dans les dossiers « Julie et Mélissa » et An et Eefje ». Ayant déjà exposé ces erreurs, nous n'y reviendrons pas.
Contentons-nous de signaler que certains semblent ajouter à plaisir le mépris des victimes et le manque total de sensibilité à l'incompétence : souhaitant se faire remettre une mèche de cheveux de leurs filles, au lendemain de la découverte des corps, les mamans de Julie et de Mélissa ont été reçues dans de tels termes par la juge qu'un pénible incident n'a pu être évité, il leur a fallu négocier, dans des conditions honteuses. Jusqu'où ira donc l'indécence de certains?
Dans l'enquête en cours sur Marc Dutroux et dans l'attente de la publication des conclusions de Mme le procureur général Thily, on en est encore réduit à poser des questions. Ainsi, on ne sait toujours pas qui a menti, de la juge Doutrewe, qui nie avoir été tenue au courant de leur enquête par les gendarmes, ou de ceux-ci, qui affirment avoir transmis à la magistrate liégeoise toutes les informations nécessaires. Mais le fait même d'avoir à poser cette question est déjà grave en soi.
Contentons-nous de signaler que certains semblent ajouter à plaisir le mépris des victimes et le manque total de sensibilité à l'incompétence : souhaitant se faire remettre une mèche de cheveux de leurs filles, au lendemain de la découverte des corps, les mamans de Julie et de Mélissa ont été reçues dans de tels termes par la juge qu'un pénible incident n'a pu être évité, il leur a fallu négocier, dans des conditions honteuses. Jusqu'où ira donc l'indécence de certains?
Dans l'enquête en cours sur Marc Dutroux et dans l'attente de la publication des conclusions de Mme le procureur général Thily, on en est encore réduit à poser des questions. Ainsi, on ne sait toujours pas qui a menti, de la juge Doutrewe, qui nie avoir été tenue au courant de leur enquête par les gendarmes, ou de ceux-ci, qui affirment avoir transmis à la magistrate liégeoise toutes les informations nécessaires. Mais le fait même d'avoir à poser cette question est déjà grave en soi.
Il nous revient, en revanche, que c'est sans doute pour se protéger du climat détestable qui règne dans le monde judiciaire carolorégien que la gendarmerie avait entamé (sous le nom de code « Othello ») une opération secrète à propos de Marc Dutroux : connaissant l'étendue des protections dont celui-ci a pu bénéficier, les pandores se seraient douté, nous dit-on, « qu'on allait casser les reins à leur enquête » si celle-ci se déroulait normalement. D'où la nécessité de la mener « undercover ». Reste à savoir, on l'a dit, si ses conclusions ont bel et bien été transmises au magistrat instructeur.
Sur le terrain, pendant que nous posons ces questions, la tension est à son comble. Certes, les gendarmes qui travaillent sans relâche à Neufchâteau font du bon boulot, et ne ménagent pas leur peine, pas plus que ceux qui mènent, dans la région de Charleroi, des fouilles harassantes et qui ont fait la découverte macabre que l'on sait.
Pour certains, d'ailleurs, l'épreuve est, psychologiquement, a la limite du supportable. Marc Dutroux ne parle qu'à deux enquêteurs, qui doivent à la fois lutter contre la fatigue, la lassitude et le dégoût pour effectuer leur tâche. Certes, l'équipe du commissaire Marnette, chargée, à Bruxelles, d'enquêter sur le « volet Ni houl » de l'affaire, multiplie les démarches et les recoupements et semble être sur le point d'arriver à certains résultats qui pourraient être accablants pour « l'homme d'affaires » et escroc.
Mais tout n'est pas, pour autant, pour le mieux dans le meilleur des mondes. C'est ainsi qu'on a eu la surprise, à Ixelles, il y a une dizaine de jours, de voir débarquer en trombe deux gendarmes proches de la « cellule disparition » venus récupérer une photographie de la petite Loubna Benaissa, disparue depuis plusieurs années, mais dont les enquêteurs n'avaient même pas de portrait ! De même, les gendarmes ne se sont procuré que très récemment des moulages dentaires d’An et d'Eefje, moulages pourtant indispensables à l'éventuelle identification de corps...
Mais le sommet est atteint par la P.J. de Charleroi. Ainsi, l'arrestation du policier véreux Georges Zicot a été accueillie par les vociférations syndicales de ses collègues, qui s'échinent a le présenter comme un « bon flic et essayent d'entraîner dans sa défense les membres d'autres P.J. du royaume. C'est ainsi que nous avons pu entendre un membre d'une police judiciaire s'indigner de la « guerre des polices » que se livreraient gendarmerie et P.J.
Le lien avec l'affaire Cools
Le lien avec l'affaire Cools
Il semble de plus en plus évident aux enquêteurs que le « groupe Dutroux » menait, de front, au moins deux activités criminelles majeures.
L'une d'elles consistait à trafiquer les véhicules volés (voire à organiser leur vol) dans le but d'en tirer de substantiels bénéfices. Ce trafic peut sembler mineur au regard des autres faits reprochés à Marc Dutroux, mais il ne faudrait pas oublier que le vol et le trafic de voitures sont, aujourd'hui, l'une des principales sources de revenus du milieu du crime organisé.De plus, les véhicules volés peuvent servir aux mauvais coups des truands.
Enfin et surtout, dans le cas Dutroux et consorts, l'activité de vol de voitures recouvrait la réalité beaucoup plus sinistre du trafic d'enfants : c'est cette activité qui procurait aux membres de la bande les revenus leurs permettant de vivre et leur assurait, en tout cas au niveau policier, d'indispensables protections. C'est ce trafic également qui permettra, peut-être, de relier « l'affaire Cools » au dossier Dutroux : on le sait, c'est à Charleroi que De Santis, l'un des inculpés du dossier des titres volés, considéré par le juge Connerotte comme l'un des rouages essentiels de l'assassinat d'André Cools, aurait fait voler le véhicule ayant servi à exfiltrer » le tueur. Or, la bande Dutroux et la mouvance De Santis bénéficiaient, au minimum, des mêmes protections policières.
Nous sommes aujourd'hui en mesure d'ajouter que, selon une source proche du milieu, ce sont des Albanais, utilisés à l'occasion comme hommes de main par De Santis et compagnie, qui auraient, plus ou moins régulièrement, servi de chauffeurs au réseau de Marc Dutroux pour véhiculer de jeunes Tchèques que Dutroux faisait venir en Belgique pour tourner des films pornographiques sauvages ». Dans ce contexte, les sollicitudes de Georges Zicot pour Marc Dutroux pourraient bien ne pas être tout à fait anodines et dépasser
le cadre normal des relations entre unindic » et son traitant.
Plusieurs bombes
le cadre normal des relations entre unindic » et son traitant.
Plusieurs bombes
Zicot en sait beaucoup sur les sordides magouilles qui forment la trame de la vie de bon nombre de Pijistes carolorégiens. C'est devenu un secret de polichinelle, mais la police judiciaire de Charleroi ressemblait, jusqu'il y a peu, étrangement à un souk.
On pouvait, nous dit-on, pour peu de savoir à quelle porte frapper, s'y procurer à peu près n'importe quoi biens volés saisis par la police et jamais restitués aux victimes, vidéospornos (tout à fait « classiques » plus ou moins « tombées du camion » ou même voitures volées. Plusieurs notables de la ville se déplaceraient ainsi dans des véhicules achetés, dans des circonstances qui auraient dû leur mettre la puce à l'oreille, auprès de membres de la P.J. C'est peut-être ce qui explique que le parquet ait (trop) longtemps fermé les yeux sur les petits trafics des amis de M. Zicot...
Une anecdote prouvera d'ailleurs à quel point ces brillants défenseurs de la loi considèrent être bien au-dessus de celle-ci. Tout le monde connais le système dit des « pyramides », cette escroquerie qui consiste (comme « l'avion » iI y a quelques années) à acheter une place dans une organisation virtuelle n'ayant d'autre but que d'enrichir ses dirigeants. Le nouveau membre de la pyramide ne rentrera dans ses gains que s'il parvient à engager trois gogos qui, à leur tour, n'auront d'autre choix que de se transformer en recruteurs. Les réunions de motivation des nouveaux membres des pyramides se font aux Pays-Bas, non loin de la frontière belge, et sont protégées, plusieurs informateur dignes de foi nous l'ont confirmé, par des hommes armés. Selon deux sources indépendantes, ces hommes armés ne seraient autres, du moins pour certains d'entre eux, que des proches de la P.J. de Charleroi.
C'est, apparemment, à ce genre de pratiques que Georges Zicot aurait fait allusion lorsqu'il déclarait aux enquêteurs, le lendemain de son arrestation, qu'ils « allaient faire éclater une bombe ». « Plusieurs bombes », corrige l'un de nos « contacts », proche de l'enquête.
Encore faut-il que leur explosion, pour nécessaire qu'elle soit, ne masque pas l'essentiel : mettre au jour les activités exactes de la bande Dutroux » et, entre autres, établir les protections qui ont permis à ce chancre criminel de se développer.
C.M
C.M
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