lundi 26 mai 2008

Une lettre digne et émouvante


Une lettre digne et émouvante

«La Meuse» du lundi 19 août 1996 page 10

Gino et Carine Russo, Jean-Louis et Louisa Lejeune ont adressé une ultime requête afin que leur calvaire ne se reproduise plus

Comme une ultime requête et par l'intermédiaire de M° Hissel, les parents de Julie et Mélissa ont demandé à la presse de publier dans son intégralité le message qu'ils avaient préparé (voir ci-contre). « Pour qu'elles ne meurent jamais » ont précisé les parents.
Mais aussi pour que la justice se pare d'un peu plus d'humanité et que s'instaure un vrai dialogue avec les victimes.

Celles-ci sont bien disposées à poursuivre leur combat pour qu'évolue la justice dans notre pays. Les 14 mois passés dans l'angoisse et l'attente furent jalonnés d'incompréhension, d'absence de communication et de mise à l'écart.
Beaucoup de questions restent encore à l'heure actuelle sans réponse.

Nous sommes persuadés que nos filles seraient ici actuellement si on nous avait permis de participer à l'enquête de la justice. Elles auraient entendu notre voix et se seraient manifestées lors des perquisitions du mois d'août à Sars-la Buissière » affirme M. Russo.

Le fossé entre les parents et la justice n'a fait que s'accroître. Convaincus que leurs filles étaient encore en vie, ils n'ont jamais obtenu le soutien qu'ils espéraient de la justice.

« Trois jours après leur disparition, on nous disait déjà qu'il fallait s'attendre à les retrouver mortes. Si la justice y avait prêté attention, elles seraient peut être encore en vie. Si on avait réellement pensé les retrouver vivantes lors des perquisitions du mois d'août, on aurait peut être déployé les moyens techniques sophistiqués mis en oeuvre ces derniers jours... » Fait encore remarquer Mme Russo
Se soutenant mutuellement, les parents ont toujours puisé leur force dans cet espoir de les retrouver en vie.

« Pourtant, quand on m'a proposé d'aller voir les corps, je n'ai pas pu, malgré ce besoin de savoir s'il s'agissait bien de notre fille. On aura remué ciel et terre, malgré des réticences, et nos petites filles ne sauront jamais qu'on les a cherchées de tout notre coeur. »

Pendant tout ce temps, ils se sont accrochés à cet espoir et l'avenir devait leur donner raison. « Mais les enquêteurs ne nous ont pas écoutés. Combien de fois ne les avons-nous pas entendu dire qu'il fallait laisser faire les professionnels. Il n'empêche qu'elles sont restées en vie durant 9 mois. Pour toutes ces raisons, nous en voulons plus à la justice qu'à Dutroux. »

Ce manque de communication dénoncé par les parents leur a fait très mal. Ils n'ont jamais pu obtenir de renseignements sur l'évolution de l'enquête,informés uniquement par la presse des développements de l'enquête. C'est pour que pareille chose ne se reproduise plus jamais qu'ils ont décidé de continuer leur lutte, bien décidés à obtenir l'accès au dossier.

Cet accès au dossier, ils l'espèrent de toutes leurs forces. Afin qu'il puisse permettre une plus grande transparence de la justice. « La justice favorise trop la défense » fait remarquer Mme Russo. Il est vrai que Dutroux, lui, aura tout le loisir de consulter le dossier...

P.Graff
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Le lent réveil de la Belgique

«La Meuse » du lundi 19 août 1996 page 10

Une législation laborieuse se met en place pour traiter les pédophiles

La récidive est une tendance générale des pédophiles. On le sait depuis plusieurs années. Pourtant, ils bénéficient, comme n'importe quel autre détenu, des possibilités de libération conditionnelle. Les choses sont en train d'évoluer quelque peu et il semblerait que la loi leur devienne moins favorable, actuellement. Du moins, les modifications vont-elles en ce sens.

Mais Marc Dutroux avait encore bénéficié de la loi Lejeune à son stade précédent; qui ne faisait pas la différence entre les détenus en général et les pédophiles.
La fameuse loi Lejeune incriminée ces derniers jours remonte à 1888 et a subi de nombreuses transformations au fil du temps. La loi Lejeune, c'est la libération conditionnelle. Pour en bénéficier, le condamné doit s'être amendé et accepter de se soumettre à un certain nombre de conditions; cela peut aller de la recherche d'un travail stable au fait de ne plus pouvoir entrer dans des débits de boissons. Si le condamné contrevient à ces conditions, il retourne en prison.

Tous les condamnés ne peuvent toutefois pas profiter de la libération conditionnelle dans les mêmes délais. Un délinquant primaire (qui en est à sa première condamnation) peut entrevoir une libération conditionnelle au tiers de sa peine. Un récidiviste, lui, ne peut être libérable qu'aux deux tiers de la peine.

La décision de libérer un détenu conditionnellement se prend à la suite de plusieurs avis. Il y a d'abord une première commission qui se réunit pour discuter du cas du condamné.
Participent à cette première réunion: des représentants du parquet, de la commune où se situe la prison et des notables.
Leur avis est alors transmis à une deuxième commission qui rassemble les surveillants de la prison qui connaissent le détenu concerné, le directeur de l'établissement et des membres d'une «unité d'orientation et de traitements » (des psychologues).
La conclusion de ces deux commissions est remise au service des libérations conditionnelles. Et, finalement, un rapport aboutit sur le bureau du conseiller du .ministre de la Justice. Le procureur général remet également un avis mais la décision finale appartient au ministre de la Justice.

Dans le cas de Marc Dutroux, c'est ce qui s'était passé. Le procureur du Roi du Hainaut, M. Demanet, au vu des différents rapports, avait émis un avis négatif mais le ministre de la Justice, M. Wathelet, n'en avait pas tenu compte...

Une meilleure loi... mais difficile à mettre en pratique

Depuis, la loi a été modifiée. En 1995, il a été décidé que les condamnés coupables d'abus sexuels- sur des mineurs d'âge feraient désormais l'objet d'une expertise plus approfondie de la part des «unités d'orientation et de traitements». Mais pour cela, il faut que les psychologues qui en font partie se spécialisent. Or, hier au ministère de la Justice, on disait de façon à peine voilée, que ce n'était pas encore le cas.

Les pervers sexuels sont des délinquants, paraît-il, particulièrement habiles lorsqu'il s'agit de brouiller les pistes et de monter les gens les uns contre les autres.

Il faut donc que ce soit toujours le même spécialiste qui suive les mêmes délinquants sexuels. Ceci lui permet de connaître les particularités de l'individu qu'il a en face de lui et de ne pas se laisser manipuler aussi facilement. Car ce type de pervers sont, paraît-il, des as de la manipulation.
Par ailleurs, Communautés et Régions se font quelque peu tirer l'oreille pour savoir qui assumera la charge de cette nouvelle spécialisation.
Elles semblent ne pas apprécier que l'Etat fédéral décide de nouveautés dont elles doivent ensuite elles-mêmes supporter la charge...

En septembre, une décision devrait être prise. Elle devrait mettre en place un ou deux centres spécialisés dans ce domaine par province. Mais le plus difficile est d'instaurer un réseau cohérent.

De cette façon, un délinquant sexuel ne pourrait pas, au nom de son droit à la thérapie, se faire transférer d'un centre à l'autre et ensuite prétendre que, dans le centre précédent, il bénéficiait de tel ou tel avantage.

En fait, la Belgique semble seulement commencer à prendre conscience de la réelle difficulté de traiter les pédophiles. Et c'est seulement aujourd'hui que, peu à peu, les structures se mettent laborieusement en place.

Pascale Séféridis


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Pas de réactions de Wathelet

« La Meuse » du lundi 19 août 1966 page 10

Nous avons essayé hier d'obtenir une réaction de l'ex-ministre de la Justice, Melchior Wathelet, dont beaucoup estiment qu'il a une grande part de responsabilité dans cette affaire.
L'ex-ministre est en fait en Italie, au mariage d'un de ses collègues, juge comme lui à la Cour européenne de justice à Luxembourg. Il ne reviendra qu'en fin de semaine.

Il faut toutefois rappeler que le ministre de la Justice ne s'occupe qu'exceptionnellement de dossiers judiciaires bien précis et que ses décisions ne sont, dans l'immense majorité des cas, que l'approbation de rapport que son administration lui a confectionné.
Dans une lettre qu'il nous avait adressée à la fin de son ministère en 1995, il nous expliquait qu'il refusait de plus en plus les demandes de libérations anticipées qu'on lui adressait. Celle de Dutroux est pourtant passée...

Par ailleurs, on a attendu hier une réaction de l'actuel ministre de la Justice, le CVP Stefaan De Clerck. Elle est venue sous la forme d'un communiqué de condoléances aux familles éplorées. Il annonce une conférence de presse pour ce lundi après-midi. Lui qui a aboli la peine de mort sans vouloir y adjoindre dans le même temps des peines dites incompressibles devra certainement s'expliquer sur le sujet.

L.G.





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