Un mot aurait suffi pour sauver Julie et Mélissa !
« Télé-Moustique » du jeudi 19 décembre 1996 pages 24 et 25
Le 22 novembre 1995, une jeune femme était violée à Obaix. Cette affaire dans laquelle Dutroux fut aussitôt considéré comme le suspect potentiel aurait dû permettre à la gendarmerie d'obtenir des mandats de perquisition dans les habitations du kidnappeur de Julie et Mélissa à une époque où elles n'étaient pas détenues dans la sinistre cache de la maison de Marcinelle, mais à l'étage, dans une chambre. Cette fois-là aussi, on aurait pu sauver les deux petites martyres de Grâce-Hollogne. Mais un non-dit entre deux membres de la BSR de Charleroi ne l'a pas permis.
« Suite a une vérification que j'ai faite récemment, il est exact que mon collègue Delpierre a rencontré M. Laitem de la PJP (NDLR:Police judiciaire) de Charleroi, dans le cadre du viol d'Obaix. Je ne me souviens pas qu'il m'en ait parlé lors de mon retour de congé. Je tiens à préciser que par après j'ai appris que Delpierre avait été évincé de l'enquête sur le viol d'Obaix lors de sa descente sur place le 22.11. 95. C'est peut-être la raison pour laquelle il n'a pas songé de me parler de cette affaire ou qu'il m'en a parlé d'une manière superficielle.
De toute manière comme je vous l'ai déjà déclaré précédemment, si j'avais su que Dutroux était un suspect potentiel dans les faits d'Obaix il avait matière à rechercher des éléments chez les suspects (soporifiques, couteau, etc.), il existait donc un élément infractionnel pour rédiger un P.-V. et demander des mandats de perquisition. »
L'homme qui, le 26 novembre dernier, faisait cette déclaration lourde de sens à deux membres du service d'enquête du Comité permanent de contrôle des services de police s'appelle René Michaux. Maréchal des logis à la BSR de Charleroi, ce gendarme était aussi le qestionnaire de la désormais célèbre opération
« Othello ». Pour bien peser la portée de ses propos, il importe de les mettre en rapport avec un autre élément d'information capital relevé par le second rapport du Comité P. sur les dysfonctionnements autour et alentour des enquêtes menées sur Marc Dutroux.
Dans ce document confidentiel, désormais en possession de la Commission d'enquête Dutroux...et de Télémoustique, on peut en effet lire que
« Selon l'audition de Dutroux, le 23.11.95 Bernard Weinstein (NDLR: pour rappel, l'un de ses complices dans les enlèvements d'enfants) a été placé dans la cache de la cave de Marcinelle pendant une huitaine de jours, tandis que Julie et Melissa furent transférées dans une chambre à l'étage ».
Dès lors, estime logiquement la police des polices:
« II semble donc qu'au niveau policier, le manque de communication entre Delpierre et Michaux (NDLR: tous deux gendarmes à Charleroi et tous deux concernés par l'opération Othello) est à l'origine de l'absence de réaction dès le 24.11.95, aux fins d'obtenir des mandats de perquisition pour les immeubles du couple Dutroux, sur base des faits de viol à Obaix. »
Il est en effet dramatique de constater, à la lueur des données connues aujourd'hui, que si les perquisitions avaient été effectuées dans les divers immeubles et dépendances appartenant aux époux Dutroux, vers le 24 novembre 1995, Julie et Mélissa auraient peut-être pu être retrouvées vivantes ».
« Dramatique », le constat du Comité P l'est encore plus lorsqu'on le replace dans le contexte global des enquêtes extraordinairement foireuses qui ont été menées sur Dutroux. Par souci de clarté, nous le ferons cette semaine, sous forme d'une chronologie en y intégrant les faits relatifs à l'affaire d'Obaix.
24 juin 1995: Enlèvement de Julie et Mélissa.
7 juillet 1995: La gendarmerie de Charleroi fait le rapprochement avec Dutroux sur la base d'informations recueillies dès octobre 1993 par la maréchale des logis Pettens. Un informateur, Claude Thiraut, lui avait confié à l'époque que Dutroux aménageait des caches pour y loger des enfants en attente d'être expédiés vers l'étranger. Mais des perquisitions en novembre 1993 et en juin 1994 n'avaient pas été jugées positives... bien que Dutroux ait fait des travaux d'aménagement de ses caves dans la maison de Marchienne désignée par Thiraut.
Du 7 juillet au 8 août 1995: Divers éléments sont encore recueillis sur Dutroux par la gendarmerie sans qu'elle en avertisse la juge d'instruction chargée du dossier « Julie et Mélissa » à Liège.
9 août 1995: Réunion de coordination de différentes BSR de gendarmerie organisée par le Bureau central de recherche (BCR). Une décision étonnante est prise. A savoir: « Sous le motif de vols, obtenir des mandats de perquisition afin de s'assurer du passage ou de la présence d'enfants dans une des demeures ou dépendances de Dutroux". Signification: l'état-major décide de travailler en dehors du dossier d'instruction "Julie et Mélissa" ouvert à liège. Or, des mandats de perquisition pourraient très bien être obtenus dès ce moment-là si on s'adressa de manière logique, à la juge d'instruction Doutrewe.
Au passage, on rappellera qu'il n'existerait pas, selon la gendarmerie, de compte-rendu de la réunion du 9 août. Seul un document daté du 16 août, que Télémoustique révélait il y à quelques semaines déjà ferait référence.le bruit a (couru ces derniers jours, que la Commission Dutroux avait pu se procurer le compte rendu du 9 août. C'est faux. Où en tout cas prématuré, les commissaires n'ont toujours pas en leur possession ce document manquant... même s'il est fort improbable qu'il n'exista pas.
16 août 1995: Si l'on en croit la version de la gendarmerie, la juge d' instruction Doutrewe est informée verbalement par l'adjudant Lesage du fait que Dutroux est un suspect très important, mais elle ne serait pas très chaude à ce que cette piste soit investiguée à partir de son dossier d'instruction. Cette thèse tient mal la route dans la mesure où les gendarmes ont de toute façon déjà décidé le 9 août qu'ils ne travailleraient pas dans le cadre de ce dossier d'instruction. Par ailleurs, Doutrewe prétend que Dutroux fut évoqué comme un
« Suspect parmi d’autres ».
22 août 1995: Enlèvement d'An Marchal et d'Eefje Lambreks.
24 août 1995: Un avis non urgent du BCR de la gendarmerie fait l'impasse sur les suspicions en matière d'enlèvements d'enfants pesant sur Dutroux.
25 août 1995: Le commandant Legros demande au parquet de Charleroi de mettre Dutroux sous observation. C'est le début de l'opération Othello. Précision capitale: en décidant d'enquêter sur Dutroux dans le cadre d'une mise sous surveillances et non pas dans le dossier d'instruction liégeois, les gendarmes se privent de certains moyens d'action. Par exemple, il leur est interdit légalement de perquisitionner chez Dutroux sans son consentement.
Certes, s'ils prennent le kidnappeur d'enfants en flagrant délit ils peuvent le coincer. A moins qu'ils ne découvrent une nouvelle infraction qui leur permettrait de rédiger le P.-V. initial d'un nouveau dossier et partant, d'obtenir des mandats de perquisition chez Dutroux. Mais les observations qui s'étalent du 28 août au 16 octobre ne donnent rien qui permette d'intervenir.
2 novembre 1995: La substitut Troch de Charleroi apprend « fortuitement » l'existence de l'opération Othello et elle communique l'information au procureur du Roi Marchandise. Mme Robert, le procureur du Roi faisant fonction qui avait signe pour accord en août 1995, n'ayant pas transmis à ses successeurs puisque aucune règle ne l'obligeait à le faire...
5 novembre 1995: Dutroux et Weinsteîn séquestrent trois personnes (R., D. et J.) dans le cadre d'un règlement de comptes relatif à une histoire de camion volé.
L'une des victimes parvient à s'échapper et une enquête est ouverte par la police communale de Charleroi.
8 novembre 1995: La substitut Troch organise une réunion avec le commandant Legros. Elle annonce qu'elle prend en charge le dossier Othello. Selon les protagonistes de la réunion, personne n'est au courant des faits de séquestration du 5 novembre. Legros est assez évasif sur l'opération Othello et Troch demande des renseignements complémentaires, notamment sur les indicateurs de la gendarmerie. Le dossier est mis à représenter pour le 15 novembre.
15 novembre 1995: La gendarmerie répond aux abonnés absents. Elle ne donne pas les renseignements complémentaires demandés le 8 novembre.
16 novembre 1995: Le maréchal En novembre, Julie et Mélissa se trouvaient à l'étage de la maison de
Marcinelle. Si l'information avait circulé normalement sur l'affaire d'Obaix, une perquisition aurait été immédiatement ordonnée et fort probablement, on aurait pu tes délivrer.
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