Je suis horrifiée par l’affaire
« La Meuse » du mercredi 18 décembre 1996 page 10
DEPUIS plusieurs mois, j'ai fait l'objet de nombreuses critiques. Je me suis tue. Maintenant je suis heureuse d'être déliée du secret de l'instruction et de pouvoir enfin m'expliquer. Je souhaite le faire en audience publique. Je n'ai rien à cacher.
D'emblée Martine Doutrèwe, le juge d'instruction liégeois chargée de l'enquête sur la disparition de Julie et de MéIissa, a donné le ton de ce que sera son intervention devant les membres de la commission d'enquête
Dutroux. Elle parlera pendant plus de huit heures pour expliquer ses devoirs d'enquête et pour répondre aux critiques dont elle est l'objet depuis l'enlèvement des deux fillettes de Grâce-Hollogne.
Au cours de son audition, Martine Doutrèwe s'est montrée convaincante, surtout dans sonterrible réquisitoire contre la gendarmerie qu'elle accuse de lui avoir caché tous les éléments concernant Dutroux.
Les parents ont écouté cela attentivement. Mais eux restent fort sceptiques...Je pense avoir fait tout ce qui était possible pour retrouver les fillettes», a ajouté le juge Martine Doutrèwe
«Quelle qu'ait été la nature de mes relations avec les parents de Julie et de Mélissa, je suis horrifiée par cette affaire. Moi, aussi, je suis une maman. Je pense avoir fait tout ce qui était possible pour que l'on retrouve les
deux fillettes. Mais je garderai toujours au fond de moi un horrible sentiment de frustration ».
Au début de son exposé, Martine Doutrèwe est à la fois émue et parfaitement maîtresse d'elle même. Elle va d'abord relater aux membres de la commission d'enquête tout ce qu'elle a fait pour retrouver Julie et Mélissa. Quelques chiffres : son dossier comprend 2.100 procès verbaux et quelque 12.000 pages. Elle a ordonné
150 devoirs à ses enquêteurs. 58 commissions rogatoires ont été envoyées dans les autres arrondissements judiciaires et 14 à l'étranger. Elle a aussi ordonné 11 perquisitions et a fait procéder à 24 visites domiciliaires (des perquisitions autorisées sans un mandat, etc.).
Martine Doutrèwe est en charge du dossier depuis le 26 juin 1995, soit deux jours après la disparition de Julie
et Mélissa. Elle a été saisie par le parquet d'une instruction pour disparition de mineures et enlèvement de
deux enfants âgées de moins de 16 ans. «Des faits passibles d'une peine de 8 à 10 ans de réclusion, explique
Martine Doutrèwe. Si je précise cela, c'est parce que j'avais aussi en charge des dossiers, en droit, beaucoup
plus graves tels que des homicides volontaires. Et pourtant, j'ai consacré toute mon énergie à cette affaire ».
Le 26 juin, Martine Doutrèwe a eu une première réunion avec les enquêteurs de la P.J. et de la gendarmerie.
Trois jours plus tard : une nouvelle réunion a défini les tâches, considérées comme les plus urgentes à cette époque: la P.J. se concentrait particulièrement sur l'aéroport de Bierset et la gendarmerie sur le manège de Grâce-Hollogne.
Puis le 1er juillet, Martine Doutrèwe est partie en vacances et c'est le juge Coumanne, qui la remplacait, qui a nomme le commissaire Lamoque, de la P.J., chef d'enquête. « A mon retour, j'ai approuvé ce choix, souligne Mme Doutrèwe. C'est en effet un homme compétent et coopérant avec les magistrats.
En outre, ce qui facilite les choses, c'est que son bureau se trouve au palais de justice ».
Aux enquêteurs, Mme Doutrèwe a livré quatre orientations:
- Ne rien se cacher entre eux au sein de la cellule mixte
- Rédiger dés PV pour tous les éléments importants
- Ne pas rédiger de PV pour des devoirs mineurs
- S'intéresser surtout aux suspects moeurs, soit géographiquement proches de Liège, soit susceptibles de commettre un enlèvement.
Toutes les vérifications possibles ont été effectuées, souligne le juge d'instruction. Il y a eu des enquêtes de voisinage et des enquêtes concernant les familles et leurs proches. Toutes les lettres anonymes ont fait l'objet de vérifications. On a analysé toutes les communications données par GSM le 24 juin dans la région. On s'est intéressé à toutes les voitures qui s'étaient arrêtées sur le parking de l'autoroute, notamment en vérifiant les identités de ceux qui avaient payé avec des cartes de crédit. Un témoin important avait cru apercevoir une Peugeot 205 peu avant l'enlèvement: on a identifié plus de 2.000 conducteurs de Peugeot et on a vérifié leurs alibis, etc.
«Et que l'on ne dise pas que je ne rencontrais pas régulièrement mes enquêteurs, insiste Mme Doutrèwe.
Je voyais le commissaire Lamoque au moins tous les deux ou trois jours. Plus, si nécessaire.
Et j'ai eu une douzaine de réunions avec la cellule de Grâce-Hollogne.»
Mme Doutrèwe a encore ordonné de nombreux autres devoirs. Plusieurs suspects ont été interpellés. Il y a eu la diffusion d'un portrait-robot, des enquêtes ont été accomplies à la Côte et dans la région de Charleroi.
« Malheureusement, conclut Martine Doutrèwe en parlant de son enquête, on ne m'a jamais parlé de Dutroux. Si ce n'est d'une manière très vague. »
J.H.
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Martine Doutrèwe a réfuté point par point les accusations contre elle
« La Meuse » du mercredi 18 décembre 1996 page 10
DEPUIS la disparition de Julie et Mélissa, Mme Doutrèwe est l'objet de vives critiques, particulièrement de la part des parents des petites victimes qui lui ont vivement reproché, dans des interviews, de ne pas avoir fait tout ce qu'elle pouvait pour retrouver les deux fillettes. Et surtout de ne pas les avoir associés à l'enquête et de ne pas leur avoir donné l'accès au dossier. Hier, Mme Doutrèwe a tenu, avant même que les députés ne l'interrogent, à réfuter les accusations qu'elle estime évidemment non fondées.
Ses vacances.
Mme Doutrèwe, par le jeu des services de garde, a été saisie du dossier le 26 juin. Le 1er juillet, elle partait en vacances pour un mois. « A ce moment là, souligne t-elle, le dossier était relativement simple. N'importe quel magistrat pouvait le prendre en charge pendant mon absence et la cellule d'enquête était mise en place.
D'ailleurs, tous les devoirs nécessaires ont été effectués durant le mois de juillet. Rentrée à Liège, Mme Doutrèwe a de nouveau été de garde pendant 15 jours puis elle a repris des congés.
«Initialement, il était prévu que je parte 15 jours en Grèce avec mes enfants. J'ai annulé ce voyage pour aller visiter pendant 4 jours - dont un week-end – les châteaux de la Loire. On me l'a assez reproché mais j'avais emprunté un GSM et le commissaire Lamoque connaissait tous les numéros de téléphone et de fax des hôtels où je descendais ».
Ses rapports avec les parents et l'accès au dossier
Il est exact que mes rapports avec les familles Lejeune et Russo étaient particulièrement difficiles.
Les familles souhaitaient savoir ce qu'il y avait dans le dossier et être associés de plus près à l'enquête.
Je leur ai expliqué que légalement c'était impossible et je leur ai conseillé de prendre un avocat. En effet, avec un avocat, on peut se laisser aller à certaines confidences que l'on ne ferait pas à des familles de victimes.
Malheureusement, mes contacts avec Me Hissel n'ont pas été meilleurs. Il faisait de cette affaire quasi un dossier politique. II voulait un accès intégral au dossier que je n'avais d'ailleurs aucun pouvoir de lui accorder. J'aurais voulu sincèrement que ces contacts soient meilleurs mais, à un certain moment, je ne pouvais absolument plis rien laisser filtrer. En effet, j'avais appris que les parents des victimes faisaient leur enquête eux-mêmes et qu'ils avaient même malmené un suspect.
L'autopsie.
Quand Martine Doutrewe a évoqué ce devoir d'enquête, elle contenait difficilement son émotion. Les parents, eux, étaient au bord des larmes. « Le jour de l'autopsie, un psychologue m'a dit que les parents ne souhaitaient pas voir les corps, explique-t-elle. Le lendemain, ils avaient malheureusement changé d'avis.
J'ai estime que, en conscience, je ne pouvais pas leur laisser voir leurs enfants. C'était en effet un spectacle insoutenable. Les deux fillettes étaient mortes de faim et les corps étaient en état de décomposition.
En outre, l'autopsie avait eu lieu. C'est déjà insupportable pour un magistrat. Humainement, je ne pouvais laisser voir les corps aux parents ».
Le rapport du comité P
La police des polices n'a fait aucun cadeau à Martine Doutrèwe. On peut dire en résumé que les enquêteurs estiment qu'elle porte une énorme part de responsabilité dans l'échec de l'enquête alors que les rapports du procureur général de Liège et de l'ancien procureur général près la Cour de cassation Jacques Velu épinglent
plutôt les dysfonctionnements au sein de la gendarmerie. «En fait, souligne Martine Doutrèwe, chaque fois que les gendarmes disent quelque chose, les enquêteurs du comité P. prenne cela pour argent comptant.
Par contre, quand !e rapport évoque ce que disent les membres de la PJ., ce sont des prétendues affirmations. Le comité P. n'a aucune compétence pour enquêter sur les magistrats. Mais cela n'a pas empêché ses membres de se renseigner sur ma vie privée et celle de son mari».
Bref, Mme Doutrèwe a tenté de réfuter toutes les accusations portées contre elle et qui lui ont valu bien sûr, de très nombreuses questions des membres de la commission.
J.H.
Légende photo : Quand on évoque l'autopsie des fillettes, le père de Julie fond en larmes.
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OTHELLO
Le cavalier seul de la gendarmerie
« La Meuse » du mercredi 18 décembre 1996 page 10
NON seulement on m'a caché des informations, mais on ne m'a pas donné des renseignements quand je les demandais ». C'est en résumé le terrible réquisitoire qu'a fait Martine Doutrèwe contre la gendarmerie.
Pourquoi une telle attitude des gendarmes? « Parce que la gendarmerie a voulu faire cavalier seul et s'est ainsi privée de moyens d'investigations essentiels ».
Manifestement, comme elle l'avait annoncé, Martine Doutrèwe, n'avait pas hier, l'intention de se laisser faire. Son exposé concernant le volet Dutroux a été particulièrement clair et accablant pour la gendarmerie.
« II n'y a aucun P. V. dans mon dossier concernant Dutroux, si ce n'est après la découverte des corps.
Parce qu'on ne m'avait jamais parlé de lui si ce n'est de manière évasive.
La première fois que Martine Doutrèwe a entendu parler du pédophile de Sars-la Buissière, c'est lors d'une réunion qui s'est tenue avec l'adjudant Lesage, chef de la BSR de Seraing, le 16 ou le 29 août 1995, soit moins de deux mois après l'enlèvement de Julie et Métissa. « Il m 'a parlé d'un suspect moeurs connu à Charleroi et qui, selon des informations, faisait des travaux dans ses caves pour loger des jeunes filles. Il n'a pas insisté du tout sur cette information et ne m'a d'ailleurs demandé aucun devoir d'enquête. Peu après, lors d'une autre réunion, il m'a signalé que l'enquête faite sur Dutroux à Charleroi n'avait rien donné. Le nom du pédophile ne sera plus prononcé devant moi avant que l'on ne retrouve Sabine et Laetitia ».
Quant à l'opération Othello, Martine Doutrèwe soutient avec vigueur qu'elle n'en a entendu parler pour la première fois que le 18 août, après l'autopsie des deux fillettes de Grace-Hollogne.
L'adjudant Lesage m'a montré un dossier en précisant qu'il ne pouvait pas le faire, car c'était un document confidentiel de la gendarmerie. En le survolant, je me suis rendu compte que la gendarmerie possédait depuis longtemps un maximum d'informations sur Dutroux et que je n'en avais jamais été informée. J'ai aussitôt convoqué l'adjudant Lesage pour le lendemain et j'ai exigé qu'il fasse un PV avec tous ces renseignements.
Je lui ai dit textuellement «je veux la vérité et non vous assassiner». Cela est devenu par la suite mais vous voulez m'assassiner».
En fait, Mme Doutrèwe n'a jamais reçu l'original de ce P.V., mais une copie qui lui est parvenue par fax le 20 août. Car, entretemps - c'est un gendarme de Grâce-Hollogne, M. Thonet qui le lui a affirmé -un général, à l'état major voulait lire le P.V.
Mme Doutrèwe est outrée: «J'ai fait faire des enquêtes sur des suspects contre lesquels je disposais de 10 fois moins d'éléments que contre Dutroux. Si j'avais eu connaissance des devoirs effectués à Charleroi et de son passé - personne non plus ne m'en a jamais parlé - il devenait aussi pour moi le suspect n° 1. Il est clair que j'aurais ordonné des perquisitions chez lui d'autant que le fameux rapport Othello signalait qu'il se déplaçait parfois à bord d'une Ford Fiesta bleue ancien modèle.
Une voiture Que l'on pouvait facilement confondre avec la Peugeot 205 signalée par un témoin.
Cela aurait peut-être permis de sauver Julie et Métissa ».
Mais Mme Doutrèwe accuse la gendarmerie non seulement de lui avoir caché des informations, mais aussi de ne pas avoir répondu à ses demandes de renseignements. « Je me suis adressée au bureau disparition mis en place par la gendarmerie pour demander tout ce qui pouvait concerner l'enlèvement de Julie et Métissa, explique-t-elle. On a pris bonne note de ma demande mais jamais on ne m'a rien fait parvenir. »
« En fait, conclut Martine Doutrèwe, je n'ai jamais été informée pas plus que le commissaire Lamoque qui dirigeait l'enquête. Les gendarmes ne devaient pas être heureux que ce soit lui qui ait la responsabilité des investigations. Et qu'on ne vienne pas me dire que les informations récoltées sur Dutroux n'intéressaient pas mon enquête. Tous les rapports faits par Charleroi portaient la mention «concerne affaire Julie et Mélissa ».
J.H.
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Le major Decraene a interdit à des enquêteurs liégeois de se rendre à Charleroi
« La Meuse » du mercredi 18 décembre 1996 page 10
La commission d'enquête avait annoncé, lors de ses travaux préliminaires que, si c'était nécessaire, elle organiserait des confrontations. Jamais jusqu'à hier, elle n'avait usé de ce pouvoir que lui confère la loi. Mais certaines accusations de Martine Doutrèwe étaient tellement graves que les commissaires ont fait venir d'abord le major Decraene, du Bureau central de recherche (le BCR) puis MM. PJ et De Cloedt du comité P. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette confrontation a tourné à l'avantage du magistrat liégeois, pour le moins en ce qui concerne le major Decraene.
L'officier de gendarmerie appartient au BCR mais il est également responsable de la cellule disparition. C'est donc à lui que Martine Doutrèwe s'est adressée, par écrit, pour avoir tous les renseignements concernant son
enquête. Le major Decraenene peut que confirmer qu'il ne lui a rien envoyé mais que ces renseignements étaient connus de la cellule d'enquête de Grâce-Hollogne. Ce qui a fait bondir l'ensemble des députés et particulièrement Patrick Moriau : « C'était connu des gendarmes de la cellule d'enquête mais par de leur chef le commissaire Lamoque. Pourtant, la cellule disparition a été créée pour aider l'ensemble des services de police. »
Pendant de longues minutes, le major Decraene s'est enferré. Mais ce n'était rien à côté de ce qui l'attendait.
Après la découverte de Sabine et de Laetitia, Mme Doutrèwe s'était adressée au juge Connerotte pour lui demander si elle pouvait envoyer deux enquêteurs, l'adjudant Gillot et le commissaire Lamoque à Charleroi. Le magistrat avait accepté mais, par téléphone, le major Decraene avait interdit à l'adjudant Gillot de faire ce déplacement.
Et il voulait encore moins voir le commissaire Lamoque. Son explication nous étions trop occupés à Charleroi. Et il n'était surtout pas question de rencontrer un membre de la P.J. car nous avions évoqué le cas de l'inspecteur Zicot.
Nouveau déluge de questions de la part des députés. Qui est responsable de l'enquête ? Un officier de gen
darmerie ou un juge d'instruction? (à ce moment, on avait toujours pas retrouvé Julie et Mélissa).
Le major connaît évidemment la réponse, mais il essaye de s'en tirer par des faux-fuyants en affirmant qu'il n'a pas vraiment donné l'ordre a l'adjudant Gillot de ne pas venir à Charleroi, etc. Bref, il s'est encore empêtrés dans ses déclarations.
Quant aux deux membres du comité P. ils ont bien dû admettre qu'ils avaient essayé de rencontrer de manière informelle Mme Doutrèwe (ce qui est illégal) et qu'il avait dosé des questions au commissaire Lamoque tant sur ses capacités professionnelles que sur sa vie privée et celle de son mari. Ce qu'ils n'avaient pas non plus le droit de faire et qui ne pouvait intervenir dans leur appréciation pour rédiger leur rapport.
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Dutroux cité...pour l'anecdote !
« La Meuse » du mercredi 18 décembre 1996 page 10
JAMAIS, au grand jamais, le juge d'instruction Martine Doutrèwe n'a pris l'enquête sur la disparition de Julie et Mélissa à la légère... Soumise au feu roulant des questions, elle l'a soutenu mordicus... Alors que toutesles apparences plaident contre elle. « J'étais parfaitement consciente que cette affaire était d'une extrême importance » assure Martine Doutrèwe. Non, cette jeune maman d'une fille de 8 ans n'a pas lésiné sur son temps pour prendre ce dossier à bras le corps:
« Le plus préoccupant, celui auquel j'ai consacré le plus de temps en 14 mois». Jamais non plus, elle n'a baisse les bras: «A aucun moment, on ne s'est dit que c'en était fini ».
Dieu sait pourtant si on lui en a adressé des reproches sur sa façon de mener l'enquête. Ou plutôt de ne pas la diriger. La juge a tout réfuté. Ces fâcheuses vacances ?
«J’étais très fatiguée, j'avais des problèmes de santé. Cela m'obligeait à décrocher». Cette obstination à limiter le champ des recherches à la région liégeoise ? Faux !
«J'avais donné un second critère aux enquêteurs : de contrôler tous les suspects de moeurs. Hélas, la liste disponible est gigantesque. Donc ne sert à rien ».
Finalement, si le juge Doutrèwe n'a eu qu'un tort, c'est d'avoir fait confiance à ses enquêteurs. A ceux de la Gendarmerie. Là, Madame le juge ne décolère pas d'« avoir été mise de côté, comme M. Lamoque», le chef d'enquête.
Elle est intarissable sur le sujet. «L'adjudant Lesage nous a noyé sous une pluie d'informations, il est entré dans énormément de détails. Il a bien évoqué le suspect Dutroux. Mais sans insister. De manière quasi... anecdotique».
Incrédulité de plusieurs députés: n'était-ce pas son rôle de juge de saisir l'essentiel? Eh bien non!
Chacun son job: « C'était à eux de faire un premier tri. Un juge d'instruction n'est pas quelqu'un qui retrousse ses jupes pour courir après les bandits». Et pourtant, elle ne demandait que cela: une piste intéressante à creuser, parmi tant d'autres. Au lieu de cela, «les enquêteurs n'établissent aucun lien entre Dutroux et l'enlèvement des deux fillettes ». Pas de quoi faire tilt dans la tête. Martine Doutrèwe non plus prétend ne pas comprendre, ou plutôt n'ose pas imaginer, ce qui a pu se passer. Alors que « la solution était là, que la Gendarmerie la connaissait depuis le 7 juillet». Cette Gendarmerie, qui l'a proprement roulée dans la farine:
« Alors que je croyais avoir la maîtrise du dossier, je me suis rendu compte que je ne l'avais pas ».
Mais dans ce cas, à qui se fier? « On peut alors mettre la clé sous le paillasson » dira candidement la juge Doutrèwe. CQFD ?
P.Hx.
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Gino Russo : «Tout le monde ment. Le tout est de trouver qui ment le plus... »
« La Meuse » du mercredi 18 décembre 1996 page 10
PRÉSENT dans la salle avec son épouse et les parents de Julie, Gino Russo n'a pas été convaincu par les explications du juge d'instruction Martine Doutrèwe. ll n'en est pas plus surpris que cela: «Je m'attendais à cette défense ». Plusieurs confirmations, tout de meure, dans l'esprit du papa de Mélissa. Celle d'abord d'une certaine attitude : froide, distante. Déjà rencontrée par les parents dans leurs contacts avec le juge d'instruction.
Entre eux et Martine Doutrèwe, le courant n'est décidément jamais passé : «la dernière fois qu'on l'a vue, après la découverte des corps, je suis sorti de la pièce. Tellement j'étais choqué ». C'est ensuite la confirmation d'une inertie difficile a comprendre: «elle a montré à quel point elle était complètement passive dans cette enquête». A la merci de gendarmes contre lesquels elle ne décolère pas. Sûre de son bon droit.
Gino Russo, lui, n'en est pas convaincu. A force d'avoir vu défiler tant de témoins, de les avoir entendu jurer de «dire toute la vérité », il ne retire qu'un cruel constat: « tout le monde ment. Le tout est à présent de trouver qui ment le plus»....
P.Hx.
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