dimanche 30 août 2009

Michel Martin vu par son avocat (« La Dernière Heure » du lundi 9 décembre 1996 )


Michel Martin vu par son avocat

Portrait d’une femme perdue « Une mouche dans une toile d’araignée »

« La Dernière Heure » du lundi 9 décembre 1996

ARLON - « Oser dire qu'elle est,elle aussi, victime de Dutroux serait attenter aux vraies victimes de cet individu, mais, s'il fallait utiliser une image, je dirais que Michèle Martin est à comparer a une mouche qui s'est jetée dans une toile d'araignée. C'est seulement maintenant, en prison, qu'elle se détache de l'emprise qu'il exerçait sur elle ».

Sur la bibliothèque de Me Philippe Darge, iI y a les photos de ses deux filles, de son épouse, et d'un avocat sportif, en short et singlet concourant à la dernière édition du marathon de New York. Sur le mur du bureau de l'avenue Nothomb, au coeur d'Arlon, il y a aussi la balance de la justice, et, au milieu de l'épais dossier, barré du seul nom de la cliente, Michèle Martin, il y a la photo de Julie et Mélissa. Parce que l'avocat est avant tout un homme et que, comme chaque Belge, il a été marqué au plus profond de lui par les tragiques événements. Parce qu'il aura beau trouver, plus tard, au moment du procès, un tombereau de circonstances atténuantes

à Martin,qu'iI cherchera encore la réponse à la question essentielle: pourquoi elle, pourquoi cette femme, mère de trois enfants, a-t elle laissé Julie et Mélissa mourir de faim dans la cache de Marcinelle, alors qu'elle nourrissait les chiens?

Le dossier de ma cliente, c'est un peu comme une partie de jokary », nous a confié l'avocat, qui a su, jusqu'ici, se faire beaucoup plus discret que Mes de Clety,Baranyanka et Pierre, respectivement défenseurs de Nihoul et Dutroux. Je peux taper de plus en plus fort sur la balle, lui trouver des excuses, mais la balle revient toujours dans mon camp et il y a toujours ces questions sans réponses. C'est pour cela que j'ai demandé à ce que l'on désigne au plus vite un collège d'experts psychiatres pour l'examiner: ce fut un des derniers devoirs du juge Connerotte. Et d'ici au premier trimestre 97, je devrais y voir plus clair ».

Une haine corse

Ainsi, derrière les murs de la prison de Namur, quatre psychiatres se penchent sur le profil de celle qui fut l'épouse de Dutroux. Oh, le divorce est loin d'être prononcé, et ce n'est qu'accessoire par rapport au reste, au procès à venir, aux nouvelles et longues heures d'interrogatoires par les enquêteurs de Neufchâteau, nous

dit Me Darge, mais déjà, dans son coeur, Michèle Martin a fait une croix sur celui qui dirigea sa vie pendant treize ans. II fut son dieu, son Homme, le premier et le seul de sa vie. Elle lui voue à présent, souligne son défenseur, une haine corse. Elle refuse de le voir, de même croiser son regard en chambre du conseil. Dutroux a voulu lui écrire, mais la missive a été interceptée. Elle, depuis Namur, n'a même pas tenté d'aligner, à son attention, quelques phrases de sa fine écriture régulière d'ancienne institutrice.

Elle dit qu'elle n'a pas voulu la mort des petites, elle répète cela sans arrêt. Mais elle est parfaitement consciente qu'elle est, quelque part, responsable de leur décès. Et moi j'essaie de trouver une explication à son comportement qui l'a vue entièrement dépendante de Dutroux. Les menaces (y compris avec une arme à feu), les coups, ne résument pas tout. Elle en avait apparemment une peur panique et, en même temps, il était son seul amour ».

A son avocat, à qui elle écrit souvent, Michèle Martin a encore confié comment, alors qu'il était emprisonné pour vol de voiture, Dutroux l'obligeait à lui rendre visite tous les deux jours au parloir.

C'est là qu'il lui a demandé de nourrir les fillettes cachées à Marcinelle. Par contre, Martin ne dit rien de sa frayeur de descendre dans la cache. Elle n'était pas jalouse des gamines: elle l'a souligné. Tout comme elle a ajouté que Dutroux répétait sans arrêt qu'il ne les touchait pas. « Ma cliente est tombée des nues quand je lui ai dit ce qu'il y avait dans le dossier concernant les sévices qu'elles ont subis ». La femme du monstre, selon ses propres dires, n'a jamais vu les fillettes, ni An, ni Eefje, ni Sabine et Laetitia. Nihoul, elle l'a croisé une fois, avec Dutroux. Elle n'a jamais entendu parler de Loubna ou d'Élisabeth. « On a dit qu'on l'avait vue, elle, Martin, sur des cassettes vidéo, elle m'assure qu'elle ne savait même pas si Dutroux possédait un caméscope. Depuis sa prison, une chose est certaine : elle regrette sincèrement et ce n'est pas feint. Elle a été jusqu'à imaginer rencontrer les parents de Julie et Mélissa, puis elle m'a dit: « Mais pour leur dire quoi » ? Elle ressent une profonde honte. Dutroux est vraiment sorti de sa vie, mais il a fallu un drame pour en arriver là »

Nancy Ferroni

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En prison, elle lit la Bible !

« La Dernière Heure » du lundi 9 décembre 1996

ARLON - Qui est vraiment cette femme filiforme de 36 ans, au jeans usé, décidément trop maigre pour son gilet pare-balles, qui comparaîtra une nouvelle fois en chambre du conseil ce mardi? Michèle Martin est aujourd'hui définie comme intellectuellement faible; pourtant, elle fut naguère institutrice. A la prison de Namur, depuis qu'elle a été - avec la complicité d'une matonne - rossée par une codétenue, elle ne quitte plus sa cellule et refuse le préau. Elle avale des antidépresseurs, lit la Bible et regarde la télé.

Elle n'ignore donc rien de ce qu'on dit d'elle à l'extérieur de ces épais murs gris. A son avocat, elle a confié qu'elle était bien la femme la plus haie de Belgique».

Combien de fois n'ai-je pas songé à prendre les gamines, à les rendre à leurs parents, mais il me tenait trop bien. Pourtant, je n'avais d'autre objectif que de donner tout mon amour, comme une bouteille que l'on presserait pour en obtenir la dernière goutte », a-t elle répété à son défenseur, son seul lien avec le monde, ce monde dont elle sait qu'il la perçoit comme un véritable monstre.

Un monstre, qui n'en reste pas moins une mère. Martin s'inquiète pour ses enfants, qui ont été placés. Son fils aîné, Frédéric, à 12 ans seulement, a fait une tentative de suicide. II lui écrit en prison, ne comprend pas.

Elle espère obtenir, bientôt, le droit de recevoir sa visite, celle d'Andy (3 ans) et de Céline (1 an).

Fille unique, Michèle Martin a longtemps vécu sous l'emprise d'une mère exclusive, Témoin de Jéhovah.

Son père était employé des postes : il est mort quand elle avait six ans. Déboussolée, Martin dort encore dans le même lit que sa mère à 18 ans! Depuis son incarcération, Henriette est venue une fois au parloir. Sa seule visite, hormis celles de son avocat avec qui elle consulte le dossier, prend des notes, met en exergue tel élément.

Martin a eu dans sa vie un seul amour: Marc Dutroux, qu'elle a rencontré en 83, à la patinoire de Forest. L'homme l'a séduite. Michèle était vierge, il fut sa première expérience. Un amour aveugle, exclusif, comme il n'en existe que dans les films de série B.

De lui, elle accepta tout, ne broncha pas quand il avoua tout de go qu'il ne pouvait «se contenter d'une seule femme ». Le couple a peu d'amis, sort rarement. Pour les enlèvements, les viols, elle savait, après coup. Après son dernier accouchement, celui de Céline, qui a eu un an ce 23 novembre, elle sombre dans la dépression. Elle était encore à l'hôpital quand Dutroux lui a annoncé la mort de Weinstein, son complice. Elle se souvient aussi comment lui, Dutroux, la battait, même quand elle était enceinte, comment il lui shootait dans le ventre.

Mais alors que Dutroux le Monstre s'est fermé comme une huître, refusant d'encore dévoiler quoi que ce soit aux enquêteurs, elle collabore. Et reconnaît sa faute. Quelle faute...

N.F.

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