dimanche 30 août 2009

Une réponse à la marche blanche(« La Meuse » du samedi 7 décembre 1996)


Une réponse à la marche blanche

« La Meuse » du samedi 7 décembre 1996

Le gouvernement a tenu un conclave pour étudier les mesures à prendre pour un meilleur fonctionnement de la Justice Ordre du jour surchargé que celui du conseil des ministres hier après-midi. En quelques heures, le gouvernement devait examiner un nombre impressionnant de mesures très diverses, même si elles partagent un objectif commun: améliorer le fonctionnement de la justice.

Une partie d'entre elles avaient été préparées de longue date, mais c'est bien sûr l'électrochoc de l'affaire Dutroux qui a hâté ce super-conclave. Sa tenue répond d'ailleurs à la promesse faite par Jean-Luc Dehaene aux parents des enfants disparus au soir de la marche blanche. Entre-temps, les lamentables errements révélés devant la commission Dutroux, puis les procédures d'enquête entamées contre deux ministres, ont encore aiguisé le sentiment d'urgence pour une réforme en profondeur.

Urgence toutefois qualifiée de précipitation par la cour de cassation ! A l'issue du conseil, Jean-Luc Dehaene a donc commencé par répéter avec une lourde insistance que « le gouvernement n'avait rien improvisé du tout » et que « tous ces dossiers étaient en préparation, depuis des années parfois » (c'est le cas du projet Franchimont de réforme de la procédure pénale).

Le conseil d'hier n'a d'ailleurs pas mené à leur terme tous ces dossiers. Quels sont-ils?

Le droit des victimes. Conformément au projet Franchimont, la victime (ou, plus exactement, la partie civile) va enfin avoir son mot à dire. Elle pourra réclamer l'accès au dossier d'instruction, elle pourra demander des devoirs d'enquête complémentaires, entre autres.

Important: ce projet peaufiné depuis des années est transmis immédiatement au Parlement. La victime pourra également être entendue avant la libération conditionnelle de son agresseur.

La libération conditionnelle, et, plus largement, la politique de l'exécution des peines. Toute décision concernant l'exécution d'une peine (notamment celle de libérer un détenu avant le terme de sa peine, sous conditions) reviendra à un tribunal, dit d'application des peines, et non plus au ministre de la Justice comme c'est le cas actuellement. Le projet de loi, approuvé hier par le conseil des ministres, est transmis au conseil d'État et devrait arriver sur les bancs des parlementaires dès le mois prochain.

Les délinquants sexuels font l'objet d'une mesure particulière: ils pourront être mis à la disposition du gouvernement (c'est-à-dire surveillés) après avoir purgé leur peine.

En revanche, la problématique des prisons est renvoyée au 20 de ce mois.

Dépolitisation de la magistrature. Renvoyée plus loin encore (à l'exception des nominations au conseil d'État qui font l'objet d'un projet de loi séparé approuvé hier par le conseil des ministres).

En effet, le texte mis au point hier est une note de principe qui sera soumise au Parlement et à la magistrature pour avis. Ce n'est qu'après cette étape qu'un projet de loi sera élaboré. La note du gouvernement préconise de confier les promotions au même collège déjà chargé du recrutement. Le conseil supérieur de la justice n'aura rien à y voir ; cet organe sera seulement chargé d'émettre des avis généraux et de surveiller la «productivité» des magistrats car, selon le Premier ministre, les techniques de gestion du privé doivent pouvoir s'appliquer au domaine de la justice » !

Police et gendarmerie. Le gouvernement tente de mettre fin aux nuisibles guéguerres entre services en répartissant les tâches. Cependant, la vraie réforme de structure est en commissionnée pour six mois.

Premier principe : c'est aux autorités judiciaires (parquet et juge d'instruction) qu'il appartient d'orienter les enquêtes... et les enquêteurs. La gendarmerie se spécialiserait dans la « criminalité lourde», selon le ministre de l'Intérieur, le reste, criminalité économique notamment, revenant à la police judiciaire. Le comité supérieur de contrôle est transféré à la PJ, les polices spéciales à la gendarmerie.

Vient encore s'ajouter à ce vaste panel de réformes l'approbation de la convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.

Enfin, le ministère de la Justice s'est vu donner un coup de main par la politique scientifique;un coup de main évalué à 40 millions. Ils seront consacrés à des travaux de recherche dans le domaine de la criminologie et de la justice.

C.T.

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Le centre américain : un beau rêve?

« La Meuse » du samedi 7 décembre 1996

L'HEBDO propose ce dimanche un reportage réalisé aux États-Unis, au Centre national pour les enfants disparus et exploités. Un centre qui a reçu la visite de Dehaene et d'une délégation officielle.

Le Centre national pour enfants disparus et exploités emploie 80 personnes: une cinquantaine travaillent à Washington, les autres dans les 4 « succursales» de New York, de Floride, de Californie et de Caroline du Nord. Il fonctionne avec des fonds publics et privés: «Il s'agit d'une sorte de partenariat, explique Marc Bouvier, journaliste à L'Hebdo; le Centre a un budget de fonctionnement de 7 millions de dollars par an, soit environ 210 millions de nos francs, fournis à moitié par l'État et à moitié par le privé. Sans compter la logistique: le matériel informatique, les notes de téléphone, par exemple, sont pris en charge par des mécènes. »

L'organisation semble très au point: «Ces gens peuvent compter sur le soutien de firmes privées qui, par exemple, sur les publicités qu'ils envoient à domicile, font imprimer les photos d'enfants disparus.

Soixante millions de feuillets de ce genre sont distribués chaque année dans les boîtes aux lettres !

En plus, le centre a accès et tous les kiosques interactifs, qu'il s'agisse d'Internet ou des réseaux informatiques dans les lieux fréquentés, tels que les gares et centres commerciaux.

Mais l'équipe de l'hebdo ne s'est pas intéressée qu'à l'aspect «technique» de l'institution :

« Nous avons interrogé les gens du centre et nous avons constaté à quel point ils sont motivés, à titre personnel. Ils ont aussi une démarche très intelligente : chez nous, la victime est la personne morte ou disparue; chez eux, c'est aussi son entourage, et même la communauté tout entière: Dans cette optique, ils apportent un soutien considérable aux familles, notamment. Je dirais d'ailleurs que c'est leur fonction la plus importante. Nous avons rencontré des personnes qui ont été touchées directement par une disparition, comme le papa d'un enfant dont on est sans nouvelles depuis 4 ans; il sait qu'il peut passer au centre, demander des informations, compter sur une écoute, un réconfort. Et ça, ça ne coûte pas un franc. »

Ce qui veut dire que tout n'est pas seulement une question de moyens financiers. Ce qui veut dire aussi qu'il n'est pas si facile de transplanter avec succès ici ce qui fonctionne tellement bien aux États-Unis:

« De tout coeur, on a envie de pouvoir le faire, mais je crains que les mentalités soient encore trop différentes chez nous, de même que la législation. Par exemple, aux USA, le centre travaille en totale indépendance; là bas, aucune intervention politique, à quelque niveau que ce soit. Par contre, un réel pouvoir d'action;

le personnel collabore avec énormément de services et parfois cela pourrait même être dangereux. Ainsi , il peut avoir accès au registre national du FBI; il peut même demander assistance aux services secrets... »

Bref, l'équipe de la RTBF est revenue avec une impression de dynamisme, de motivation extrême, de mobilisation permanente: Il y a aussi un élément déterminant qui est la taille des États-Unis ; prévoir un centre de ce genre pour un petit pays comme la Belgique serait illusoire. Il faudrait qu'il soit aux dimensions européennes. Et vous imaginez ce que cela poserait comme problèmes pour ménager les susceptibilités de tous les pays ».

F. Ory

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LOUBNA : Les enquêteurs ont perquisitionné chez l'avocat de Jacques Genevois et du «Dolo »

« La Meuse » du samedi 7 décembre 1996

VIVIANE Lefèvre, interceptée hier matin par la gendarmerie, est en effet un « témoin important» dans l'affaire Loubna Benaïssa. Lorsque la petite fille disparaît le 5 août 1992, vers 12 h 30, à Ixelles, des témoins déclarent qu'un homme identifié plus tard comme étant Jacques Genevois, un informateur de la justice, avait rôdé dans le quartier où l'enfant avait disparu.

Genevois avait produit 3 alibis. Il avait expliqué que ce jour là, il était à Saint-Gilles, à la gare du midi. Il avait dit que la propriétaire de la maison qu'il occupe à Saint-Gilles revenait en train ce jour-là de Milan et qu'elle lui avait demandé de venir la chercher à la gare. Arrivé à la gare du midi, vers 12 h 30, il apprenait que le train de Milan avait du retard. Il patienta 2 heures à la buvette de la gare. Son premier alibi: la serveuse de la buvette. On ignore ce qu'il est advenu de ce témoignage.

Le second témoignage, c'est celui de la propriétaire, laquelle confirme que Genevois l'attendait bien à la gare vers 14 h 30, soit 2 heures après la disparition de Loubna...

3e témoignage: celui de Viviane Lefèvre qui connaît Genevois pour lui avoir fourni un avocat avant la disparition de Loubna. Dans une lettre au parquet de Neufchâteau, elle a confirmé que, le 5 août 1992, elle avait croisé Genevois en gare du Midi. Elle venait de Liège pour se rendre chez son avocat... Un conseil qui est aussi celui du « Dolo », l'établissement géré par Marleen De Cokere, la compagne de Nihoul...

Un avocat qui a subi une perquisition hier matin. Mais Viviane Lefèvre avait toujours refusé de venir témoigner personnellement à Neufchâteau. C'est pourquoi elle a été interceptée jeudi matin.

Pendant ce temps, Jacques Genevois se cache, comme il l'a confirmé téléphoniquement hier.

Philippe Crêteur

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