lundi 16 mars 2009

Des milliers de coeurs battant à l'unisson («Wallonie»21 octobre 1996 pg7)


 

Des milliers de coeurs battant à l'unisson

 

« La Wallonie » du lundi 21 octobre 1996 page 7

 

Émotion et dignité étaient les mots qui revenaient le plus    fréquemment, dimanche, lors de la Marche Blanche mise sur pied par les parents des jeunes victimes de ce que l'on appelle l'affaire Dutroux.

Deux cent, trois cent mille personnes avaient rallié Bruxelles pour une formidable démonstration de solidarité, de sympathie, de joie et d'espérance.

 

Les morceaux de crêpe noir ont fait place à des bouts d'étoffe blanche sur les antennes des voitures. La colère a fait place à la dignité. On a changé les pancartes aux slogans poujadistes en grappes de ballons blancs. On a changé les cris de haine en souffles de tendresse dans la bouche des papas et des mamans.

Les fées ont coloré Bruxelles de milliers de petites touches blanches comme des pétales de roses, en cette grise après-midi d'octobre. Et pourtant, si le décor a changé, les acteurs restent les mêmes. Il y a les méchants : ceux qui sont en prison et les autres, ceux qui savaient, ceux qui n'ont rien fait. Il y a les gentils des papas, des mamans, des frères et des soeurs qui ont transformé leur douleur, qui l'ont transcendée en message d'espoir. Il y a des petites princesses : Julie, Mélissa, An, Eefje, Loubna, Elisabeth, Kim, Laetitia et les autres. Il y a un justicier, que l'on vient de désarmer. Et puis il y a la foule, impressionnante et anonyme. Une foule qui suit depuis deux mois, jour après jour, un feuilleton qui dépasse en horreur et en perversion tout ce que la production américaine aurait pu imaginer. Une foule qui projette sur la trame machiavélique tissée par l'abject Dutroux, toutes ses peurs, toutes ses angoisses, toutes ses colères.

Une foule que l'on s'attendait à voir nombreuse, ce dimanche à Bruxelles, et que l'on imaginait capable de tout.

 

Parés de blanc et de bons sentiments

 

On a bien cru que tous les wagons de sympathie, tous les autocars de recueillement, toutes les voitures de fleurs n'y auraient pas suffi. La Belgique entière, d'Arlon à Anvers et de Bouillon à Ostende voulait déverser son émotion sur ce qui reste la capitale de notre pays. Hier dès l'aube, Bruxelles était envahie par une foule hétéroclite, dont le seul signe distinctif était le blanc. Ballons, casquettes, écharpes, pulls, fleurs, chiens ou lapins, chaque marque blanche semblait se muer en marque de sympathie.

Vers 11 h, 20.000 personnes se pressaient déjà devant le podium, dressé à deux pas de la Gare du Nord.

En famille, entre amis, par petits groupes, ils ne cesseront plus d'arriver, en un flot perpétuel, inextinguible.

A 13h, alors que les parents des jeunes victimes font leur entrée à la tribune, bon nombre de participants, devant la foule compacte qui apparaît au loin, ont abandonné toute envie de défiler et se rangent le long du parcours. Les discours des parents sont sonorisés tout au long du tracé de la manifestation. Les promeneurs marquent le pas. De véritables grappes humaines s'amoncellent à proximité des hauts parleurs. Sur les visages rougis par la marche, coulent de grosses larmes d'émotion. Le cortège s'ébroue peu après 14h. Au passage du groupe des parents, la foule massée sur les trottoirs applaudit. Derrière, c'est une longue colonne blanche, un long pantin désarticulé qui défile en silence, dans la dignité. En poussette ou en rollers, en chaise roulante ou à pied, les manifestants empruntent les boulevards Lemonnier et Jacqumain.

Alors que la tête de la manifestation a rejoint la gare du Midi, certains commencent seulement leur longue descente vers la gare du Nord, créant un effet de chaos qui ne viendra pourtant à aucun moment troubler la sérénité de la marche.

Ils étaient peut-être trois cent mille à avoir laissé haine et rancoeur à la maison, pour (re)devenir des papas, des mamans, des hommes et des femmes de ce pays, qui ont défilé dignement, en ce dimanche d'octobre, donnant à tous ceux qui en furent les témoins une formidable leçon de démocratie, de liberté, de solidarité et d'amour.

 

Bernard Barbieaux

 

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LA SNCB SUR PIED DE GUERRE

 « Tout ce qui a des roues est sur les rails... »

 « La Wallonie » du lundi 21 octobre 1996 page 7

Les billets spéciaux vendus par la SNCB pour les participants à la « marche blanche » ont recueilli un succès considérable.

Samedi à 14 heures, ce sont en effet pas moins de 57.791 billets spéciaux qui avaient été vendus aux guichets de la SNCB. Ces billets ont été mis en vente à partir de mercredi dernier dans toutes les gares.

Ils donnaient droit au trajet aller-retour en train entre toute gare belge et Bruxelles; le prix était fixé à 200 francs en prévente (mercredi, jeudi et vendredi) et 250 francs samedi et dimanche.

Dans toutes les gares on assistait au même spectacle de groupes se présentant en rangs serrés, la couleur blanche dominant largement à cause des vêtements clairs, des fleurs, des ballonnets.

"Tout ce qui a des roues est sur les rails aujourd'hui", a résumé notamment un sous-chef de gare anversois.

 La SNCB a en tout cas calculé qu'entre 120.000 et 140.000 personnes avaient emprunté le train pour joindre la capitale.

Quelque 86.000 billets spéciaux avaient été vendus, nombre auquel il faut ajouter les billets week-end et les abonnements réguliers, a indiqué le service de presse de la SNCB.

On signalait dans toutes les gares des provinces wallonnes d'importants rassemblements, et des trains supplémentaires avaient été ajoutés encore en dernière minute, deux à Liège et un à Charleroi, notamment. Trente trains spéciaux avaient été prévus mais la compagnie des chemins de fer a dû en ajouter 26 autres, tous ces convois étant de plus au maximum de leurs capacités. Outre ces trains spéciaux, les navettes régulières circulaient, ce qui représente une vingtaine de trains par heures, également allonges à leur maximum.

Dans la matinée, la SNCB signalait que les retours seraient bien entendu assurés sans aucun problème mais que les voyageurs devraient prendre patience car il était impossible de faire partir tous les trains en même temps.

 

Notre photo (cuissard) sous le titre: la foule massée dimanche matin sur les quais de la gare des Guillemins

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 Les chiffres :

200.000 certainement, 300.000 sans doute

« La Wallonie » du lundi 21 octobre 1996 page 7

La marche blanche a certainement réuni plus de 200.000 personnes, a indiqué lors d'un point presse tenu vers 18h45, le lieutenant Jonniaux, le porte-parole de la gendarmerie. Il a ajouté que ce chiffre était sans doute en-deça de la réalité parce que les comptages ont été difficiles à réaliser puisque de nombreuses personnes ont défilé en dehors de l'axe nord-midi de l'itinéraire.

 

Pour leur part, les organisateurs de la marche ont avancé le chiffre de 325.000 participants, ils l'ont en tout cas annoncé par l'entremise des hauts parleurs installés tout au long du parcours du cortège.

Le lieutenant Jonniaux a encore donné quelques indications chiffrées intéressantes: 100.000 personnes ont été acheminées vers Bruxelles par les trains de la SNCB; 6.600 véhicules ont été comptabilisés sur les parkings de dissuasion aux entrées de la capitale; 200 cars privés ont rallié Bruxelles;

Entre 20 et 30 interpellations sont été effectuées. Il s'agit d'individus appartenant, pour la plupart, à des groupements d'extrême-gauche. A noter qu'un communiqué du bourgmestre de la Ville de Bruxelles, François-Xavier de Donnea mentionne 34 arrestations.

Les divergences s'expliquent par le fait que les interpellations ont été effectuées tant par les polices communales sur le terrain que par la gendarmerie; vers 18 h. des actes de vandalisme ont été enregistrés dans le quartier du Sablon où des jeunes gens se sont attaqué à des voitures garées dans la rue de la Régence, ou près du parc du Sablon. Plusieurs d'entre eux ont été arrêtés;

 

- des incidents, sans grande conséquence, se sont produits au carrefour Louise, tout près du Palais de Justice. Quelque 800 personnes se sont groupées là et ont jeté divers projectiles (pierres, neufs, spaghettis) en direction du Palais de Justice;

 

- vers 18H30, la gare du Midi était noire du monde. Il a fallu organiser les entrées dans les trains en pratiquant le système des "portes ouvertes et fermées" dès qu'un compartiment était bondé;

 

6 enfants ont été perdus, puis retrouvés par leurs parents, même si cela a pris un peu plus de temps pour l'un d'entre eux. A noter que la Police de Bruxelles signale pour sa part que 12 enfants ont été amenés à la Police de Bruxelles et récupérés par les parents;

 

La Croix-rouge a soigné 69 personnes dont 19 ont été évacuées vers un hôpital. Le plus souvent il s'agissait de cas d'hyperventilation.

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3.500 motards samedi à Bruxelles

"RÉPÉTITION GÉNÉRALE" ?

« La Wallonie » du lundi 21 octobre 1996 page 7

Environ 3.500 motards, venus d'un rassemblement de motards organisé à La Louvière, sont venus manifester samedi après-midi é Bruxelles pour affirmer leur soutien aux familles des enfants victimes d'actes de pédophilie.

Les motards ont fait halte près de la station de métro « Arts-Loi », à deux pas du parlement. Ils se sont également rendus devant le palais de Justice, tous phares allumés et klaxonnant é tout rompre

 (notre photo Belga).

Ils y ont été interpellés par les personnes qui veillent sur les marches du palais depuis l'arrêt de la cour de cassation de lundi. Ces derniers les ont incités à conserver leur calme.

Une délégation de motards a également remis une lettre au palais royal à l'attention du Roi Albert II.

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VAUX

La cité était en blanc

« La Wallonie » du lundi 21 octobre 1996 page 7

Même si les marcheurs étaient des dizaines de milliers à Bruxelles, nombreux étaient aussi les Belges qui n'avaient pu rejoindre la capitale, pour une raison ou pour une autre. Cependant, certains d'entre eux voulaient montrer leur solidarité et leur implication dans cette cause.

Ainsi, des habitants de Vaux sous Chèvremont avaient décoré de blanc la cité, et les enfants arboraient tous un foulard blanc durant la journée de dimanche.

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Grâce-Hollogne: marche silencieuse mardi après-midi

« La Wallonie » du lundi 21 octobre 1996 page 7

Mardi prochain, le 22, le travail sera interrompu à l'administration communale de Grâce-Hollogne à partir de 14 heures, afin de permettre aux travailleurs de participer à une marche silencieuse, sans calicots ni drapeaux, en hommage à Julie, Métissa et aux autres enfants disparus. La marche débutera à 14 heures devant l'école de la rue Méan, celle que fréquentaient les deux petites; elle se terminera devant la stèle érigée à leur mémoire près de l'autoroute. Les enfants de l'école de Crotteux participeront à cette marche à laquelle sont invité(e)s tous ceux et celles qui veulent manifester dans le calme et la dignité.

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SABENA : Arrêts de travail

« La Wallonie » du lundi 21 octobre 1996 page 7

Le personnel de la Sabena a annoncé un arrêt de travail symbolique de 5 minutes entre 10h30 et 10h35 dans les services de la compagnie aérienne belge à Bruxelles, et un autre de 5 minutes également, à 15h30.

Un communiqué diffuse" dimanche matin précisait que ces arrêts de travail constituaient une initiative des membres du personnel et des organisations syndicales avec l'accord de la direction.

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MAASTRICHT

Manifestation de solidarité

« La Wallonie » du lundi 21 octobre 1996 page 7

Quelque 150 personnes ont manifesté dimanche à Maastricht en signe de solidarité avec la « Marche Blanche » de Bruxelles et sont allées déposer une pétition au consulat belge.

La manifestation était organisée par quatre étudiants de Heerlen et Sittard, qui se sont insurgés contre la décision de la Cour de Cassation belge de dessaisir le juge Connerotte du traitement de l'affaire Dutroux.

Les manifestants, qui entendaient également s'associer aux objectifs de la marche en faveur des enfants organisée à Bruxelles sont allés remettre une pétition au Conseul général belge à Maastricht, M. H. Schaepman.

Cette pétition exhorte notamment le parlement belge à faire en sorte que le système judiciaire belge recouvre davantage de crédibilité.

Le vice-premier ministre s'en mêle

« Il y a en Belgique les signes d'une grave crise nationale », estime le vice-Premier ministre et ministre des affaires étrangères néerlandais Hans Van Mierlo. Les citoyens se demandent « ce qui reste de leurs aspirations à la justice », a-t-il ajouté, dimanche, au cours d'une émission de télévision.

Selon le ministre, des manifestations de masse, comme celle qui se déroulait ce dimanche à Bruxelles pour exprimer le mécontentement général,peuvent cependant constituer un remède salutaire, en ayant un « effet psychiatrique »

Sur un plan plus général, le chef de la diplomatie néerlandaise a déclaré que la commotion provoquée dans l'opinion publique par l'affaire Dutroux démontrait combien « il fallait batailler pour maintenir un état de droit ».

Enfin, faisant allusion à l'intervention du Roi Albert II dans le débat sur le fonctionnement de la justice, M. Van Mierlo a remarqué que la Reine Béatrix des Pays-Bas ne pourrait se permettre de critiquer de cette façon les autorités du pays. « Cela conduirait à un grave problème constitutionnel », a constaté le ministre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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