La plus émouvante des solidarités(«Dernière Heure» 21 octobre 1996 pg 5)
La plus émouvante des solidarités
Le papa de la fillette aux cheveux blonds sort un stylo et rajoute à la hâte le nom de loubna. Les policiers qui canalisent la foule le regardent d'un air complice. La fillette aux cheveux blonds se dresse alors sur la pointe des pieds et jette une rose blanche sur un amas de fleurs. Elle regarde une dernière fois le panneau avant de disparaître. Anonyme comme ces dizaines d'autres milliers de gosses et de parents qui, après avoir marché du bd Emile Jacquemain au bd Lemonnier, ont laissé en fin de parcours un dernier symbole d'espoir et de pureté.
Ce qui frappe d'abord au carrefour du boulevard Lemonnier et du boulevard du Midi, c'est le calme. Lourd. Pesant. Révélateur aussi de l'état d'esprit qui caractérisera ce dimanche 20 octobre qu'aucun Belge n'oubliera. C'est dans le calme qu'ils ont défilé. C'est dans le calme qu'ils iront déposer les fleurs. C'est dans le calme qu'ils quitteront ensuite le cortège pour rentrer chez eux.
C'est donc sans aucune bousculade mais malgré tout dans le désordre que pratiquement tous les marcheurs blancs vont répéter les mêmes gestes. Une approche difficile, un bref mais sincère moment de recueillement, un regard tendu vers ces noms qui représentent l'innocence volée et, parfois, une larme qui coule sur la joue. Certains s'attardent plus longtemps que d'autres. Ils écrivent un mot qu'ils glissent dans le bouquet ou se font carrément la courte échelle pour inscrire un message sur le panneau. A l'instar de ce scout namurois qui sortira un marqueur noir pour griffonner une formule en lettres capitales que personne ne contestera :
« Tous les enfants du monde entier sont égaux et doivent le rester. »
Régulièrement aussi, des salves d'applaudissements viennent rythmer cette émouvante procession.
A 15 h 20, quand les papas de Julie et Mélissa, ayant pris place dans un combi de la police communale, font leur apparition sur le boulevard du Midi, ce n'est même plus une salve mais un tonnerre de bravos et d'encouragements qui les accueille. Les mamans qui suivent suscitent les mêmes ovations.
A quelques mètres de là, des familles, tout de blanc vêtues, procèdent à un lâcher de ballons. Des milliers d'yeux suivant alors ces petites boules blanches valser dans le ciel gris.
Je suis restée bloquée de très longues minutes à
Plus loin, une maman d'origine marocaine regrette qu'on ait oublié le nom de la petite Loubna sur le panneau. « La seule fausse note » de cette journée, confie-t-elle.
Pour le reste, nous avons donné une belle leçon à tous ceux qui voudraient étouffer cette affaire.
II est 18 h et on ne distingue déjà plus le panneau. Pas à cause du soir qui tombe, mais des fleurs qui n'en finissent plus d'être déposées. La plus belle des signatures que les marcheurs blancs pouvaient laisser...
Lorfèvre
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L'émotion était éminemment palpable dans cette foule d'une exceptionnelle ampleur, hier, vers 13 h 30, lorsque François Saussus a entonné les premières notes de la merveilleuse chanson d'Yves Duteil
Pour les enfants du monde entier véritable hymne à l'amour, à la tolérance et au respect. Lors des funérailles de Julie et Mélissa, le 22 août, le jeune Namurois avait profondément ému l'assistance par sa très belle interprétation de ces quelques couplets aussi purs que du diamant.
« Je n'ai pas l'ombre d'un pouvoir, mais j'ai le coeur rempli d'espoir et de chansons pour aujourd'hui qui sont des hymnes pour la vie. »
Autour du podium installé devant les bâtiments de
« A chaque enfant qui disparaît, c’est l'Univers qui tire un trait,sur un espoir pour l'avenir,de pouvoir nous appartenir. »
Ce sentiment, chacun le partageait profondément. « La voix de ce garçon traduit si bien l'émotion qui nous anime tous aujourd'hui », raconte Élisabeth, qui a effectué le voyage depuis Gand. « Je n'ai pas d'enfant, mais cela ne m'empêche évidemment pas d'être solidaire d'un combat qui concerne l'ensemble de la population. » René, un pensionné de Mons, remet un mouchoir dans sa poche : « Le temps cicatrisera peut-être les blessures, mais elles ne se refermeront jamais vraiment ».
Pour les enfants du monde entier... François, pour la seconde fois en une poignée de semaines, nous a fait frissonner.
Le plus patient était Christophe. Guère inquiet, il attendait depuis l'après-midi que ses parents viennent le récupérer en feuilletant un Spirou. Christophe n'osait pas le crier trop haut, mais il n'était pas pressé de rentrer chez lui, chouchouté comme i l l'était par des demoiselles de la police. Il faisait partie d'un groupe de scouts que la maire e humaine avait emporté tel un fétu de paille. Ayant perdu le contact, il s'était adressé au premier policier qu'il avait croisé. Au commissariat, la figure bonhomme du commissaire Cools l'avait vite rassuré.
Il avait pu choisir jeux, boissons et bédés préférés. Le psychologue n'a même pas eu à intervenir.
Le bureau des enfants égarés a eu du pain sur la planche. Il a recueilli Thibaut (10 ans), Christophe (7), Tarik (12), Yannik (12), Suares (13), puis Christophe (14), Jonas (10), Cindy (12), Sarah (16), Laurence (17), Geoffrey, Sébastien (11), loris (8) et encore Sarah (16).
Les parents ont bien compris le message : ils ont su exactement où et à qui s'adresser... et tout est à chaque fois rentré dans l'ordre.
Un Sébastien, qui avait perdu sa maman, a pensé comme un grand qu'il la retrouverait sans doute au commissariat. Elle y était !
Saluons aussi le travail efficace de
Baudouin. Son rôle s'est avéré plus qu'indispensable puisque, au dernier bilan, elle avait comptabilisé près de cent interventions, dont 1 (ou 2) malaise cardiaque.
La plupart - une soixantaine - des interventions ont été enregistrées en début de parcours. Les médecins les attribuent à l'engorgement qui s'est créé au départ de la gare du Nord. Ils ont eu à traiter des cas classiques d'hyperventilation, d'hypoglycémie et de crises d'asthme. Ajoutez quelques cas d'éthylisme et d'épilepsie.
Ce qui, au vu au succès phénoménal de la marche, est purement et simplement miraculeux.
Gilbert Dupont
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Participer à la marche un devoir moral en famille
Vers 10 h 20, la sympathique famille embarque dans le train à destination de la capitale. Quelques collègues de Jean l'ont rejointe à la gare de Dinant. Dans le compartiment de plus en plus bondé au fil des arrêts, les conversations vont bon... train. « J'ai un peu peur des grands rassemblements, explique Cécile, mais il faut dépasser cette crainte, car si on n'y va pas cette fois-ci, on n'ira jamais. » « Pour moi, participer a cette manifestation est un devoir moral, poursuit Jean. Il faut montrer aux parents des enfants disparus qu'on est derrière eux, pour leur donner l'énergie de continuer. Honnêtement j'y vais aussi parce que je râle. En tant qu'enseignant on me demande de bien m'occuper des enfants. Or, ici, on avait un juge qui, dans son domaine, agissait de la sorte et on le dégomme
Les enfants, venus nombreux, ont aussi droit à la parole
«
BRUXELLES - Des milliers d'enfants ont participé à la marche blanche. Ceux que nous avons rencontrés sur le parcours n'avaient pas suivi leurs parents par hasard.
Tous ont été marqués par les événements des dernières semaines.
C'est dégueulasse. Mais je ne sais pas ce que l'on doit faire pour que cela n'arrive plus. C'est à la justice d'agir, pas à nous !
Les parents des enfants ne doivent pas se décourager. On leur dit bonne chance. »
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