mercredi 4 mars 2009

LA MARCHE BLANCHE( «LE SOIR»21 octobre 1996 pg3)


Jean-Luc Dehaene prend quatre engagements

« LE SOIR » du lundi 21 octobre 1996 page 3

Quinze heures et des poussières. Jean-Luc Dehaene débarque au Lambermont et s'engouffre dans sa résidence en longeant, pressé, le cordon rouge derrière lequel Moniek Delvou, sa porte-parole, a parqué une presse nombreuse nationale, bien sûr, mais aussi française ou espagnole.

Les organisateurs de la « marcheblanche » seront reçus par le premier ministre, ici, dans une petite demi-heure.

Avec des attentions et des patiences d'institutrice, Moniek Delvou précise aux journalistes que son patron attend une délégation de - très précisément vingt-trois personnes, qu'une séance de « handshake » (sic) aura lieu dans la petit cour devant la résidence du Premier, que les journalistes ne seront pas admis à l'entretien, mais qu'un point presse sera organisé à l'issue de la réunion.

Un point presse au cours du quel, précise Moniek Delvou, «il y a aura des possibilités de déclarations ». Du Premier ministre, dit-elle, des familles. .. ou même peut-être des deux. Il est 15 h 45. Soudaine effervescence devant la résidence du Premier. Un minibus transportant la délégation vient d'arriver. C'est la confusion. Delvou et les parents parlementent de longues minutes: on avait dit 23, mais les visiteurs sont bien plus nombreux.

En fait, on attendait, accompagnées de leurs enfants, les familles Lejeune, Russo, Marchal et Benaïssa, de même que Marie-Noëlle Bouzet, la mère d'Elizabeth Brichet. Mais la famille Lambrecks est du nombre, ainsi que Nathalie Delhez et Sabine Dardenne.

Moniek Delvou consent à enfler la délégation: c'est dit, ils seront donc 31 en tout.

Dehaene les reçoit dans la courelie. Bienvenue !, lance-t-il, sonore, rayonnant. II serre la main de Nathalie et de Sabine, chargées de fleurs, et que le protocole a placées en tête du mini cortège.

Paternel, le « Premier » embrasse le frère de Julie Lejeune qui lui tendait le front. Le climat sera bon.

DEUX HEURES D'ENTRETIEN

La délégation disparaît à l'intérieur. La grosse difficulté, avait encore précisé Delvou, ce sera de savoir si l'entretien durera une demi-heure, trois quarts d'heures ou une heure... II durera deux heures.

Vers 17 h 45, Denis Lejeune et Nabela Benaissa apparaissent sur le pas de la porte. Les micros se ruent. La presse se bouscule. On n'entend que des bribes. « ... promis d'accélérer les choses ». Nabela Benaissa:

... obtenu du concret». Jean Denis Lejeune: « ll» nous a dit que le monde ne s'était pas fait en un jour, on en est conscient, mais... Puis, cette sentence: C'est la première fois qu'on a une aussi bonne réunion, décrète le papa de Julie. Pour une fois, on a du concret!

REMANIER LA CONSTITUTION

Une fois les parents partis, le premier ministre fera le point.

J'ai d'abord félicité les parents pour la façon digne et sereine avec laquelle s'est déroulée cette manifestation, lance-t-il, avant d'indiquer qu'il a « pris un quadruple engagement».

1. L'enquête ira jusqu'au bout.

II faut être clair là-dessus, déclare Dehaene. Même s'il est vrai que ça, c'est la responsabilité de la justice. Ce n'est pas le politique qui fera l'enquête; notre responsabilité sera de donner les moyens nécessaires à la justice.

2. L'enquête sur l'enquête ira jusqu'au bout.

Et là où des fautes auront été commises, des sanctions seront prises, promet le «Premier».

Au cours de l'entretien, il a laissé entendre que les parents seront, d'une façon ou d'une autre,associés à la commission que le Parlement vient de former pour relever les dysfonctionnements qui ont miné les enquêtes sur la disparition des enfants.

3. Rappelant que deux projets de loi viennent d'être déposés

(Pour créer un fonds d'aide aux victimes et pour former un collège des procureurs), le Premier ministre ajoute que le Conseil des ministres de vendredi prochain planchera sur la révision de l'article 151 de la Constitution, afin de mettre fin à la politisation des promotions dans la magistrature (à l'instar de ce qui vient d'être décidé pour le recrutement des magistrats).

Parenthèse : on notera à cet égard que deux projets de texte «concurrents» existent déjà, l'un rédigé par le cabinet Dehaene, l'autre par le vice-Premier socialiste Elio Di Rupo.

4. D'ici au début de décembre, au plus tard, un «Conseil des ministres spécial » se réunira

(Et plus d'une journée s'il le faut a, indique Dehaene...) pour étudier d'autres réformes. Notamment pour renforcer le droit des victimes. Le premier n'en a pas dit davantage. Mais, selon les parents présents à la réunion, il s'agira d'améliorer le projet de loi Franchimont et d'accorder, aux parents désireux d'accéder au dossier, un droit de recours si le juge d'instruction s'y oppose (le projet de loi Franchimont ne prévoit pas ce recours).

Ce «Conseil des ministres spécial» étudiera aussi la possibilité de créer un centre de recherche des enfants disparus, bâti à l'image de l'exemple américain (voir ci-dessous). Au cours de l'entretien, il a été précisé que ce centre, à échelle européenne, serait «indépendant» de la police et de la magistrature.

Avant de s'éclipser, Dehaene s'est dit satisfait de cet entretien. Mais il faut éviter les malentendus, dira-t-il, en soulignant que la plupart des engagements faisaient déjà l'objet de réflexions au sein du gouvernement

"Aujourd'hui, nous n'inventons rien... », dit-il, mais que les événements de l'été ont accéléré le mouvement. Avec la pression,on ira plus vite... Pour lui, la marche de dimanche était, à la fois, un « aboutissement» et un «point de départ».

Maintenant, il faut se mobiliser pour faire aboutir les réformes. Parents et « Premier» sont convenus de se revoir avant la fin de l'année pour faire le point.

RENCONTRE CHALEUREUSE

Avant de quitter la résidence du premier ministre, les parents avaient donné leur version de l'entretien.

Marie-Noëlle Bouzet a parlé d'une « rencontre chaleureuse». Parce qu'on a pu dire tout ce que nous voulions et comme nous le voulions. M. Dehaene a un franc-parler. Il nous a fait des promesses. Ce ne sont pas encore des actes. Mais je crois qu'il tiendra ses promesses.

Il s'est manifestement dit beaucoup de choses, pendant ces deux heures d'entretien, dans le huis clos du Lambermont. On lui a aussi posé quelques questions gênantes, confiait Gino Russo.

De quel genre? Est-ce vrai qu'il a conseillé au Roi de ne pas rentrer en Belgique, pendant le mois d'août ? ..

Réponse ? C'est un secret... Les enfants, eux aussi, ont interrogé le premier. Pour notamment lui demander «Pourquoi il n'avait pas réagi plus tôt ». Réponse ? Selon Marie-Noëlle Bouzet, Dehaene a reconnu un «manque de prise de conscience du phénomène de la pédophilie».

Une confrère française interpelle Gino Russo. C'est parce que vous étiez 300.000 en rue que vous êtes écoutés? R é p o n s e: Non. Pour ça, il a fallu quatre cadavres...

Gino Russo, résolu à faire profiter la commission parlementaire de l'expérience des parents, ajoute que ceux-ci comptent, avant toute chose, vérifier que les membres de cette commission n'avaient pas des «accointances avec M. Nihoul ».

PIERRE BOUILLON

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Manifestation à Maastricht

« LE SOIR » du lundi 21 octobre 1996 page 3

 Quelque 150 Néerlandais ont manifesté dimanche après-midi dans le centre de Maastricht (Pays-Bas) en signe de solidarité avec la «marche blanche» de Bruxelles. La manifestation était organisée par des écoliers de classes secondaires de la région et avait pour objet de demander à la Belgique de rendre son système judiciaire plus crédible qu'il ne l'est. Les manifestants, essentiellement des parents accompagnés de leurs enfants, se sont rendus au consulat de Belgique où ils ont déposé une pétition en ce sens adressée au gouvernement belge.

Par cette pétition, les manifestants ont également demandé au parlement européen de prendre position «contre le tort qui est fait aux enfants». Jeudi, quelque 600 salariés du constructeur néerlandais de voitures

Nedcar, dont une énorme majorité de Belges, avaient observé un arrêt de travail pour protester contre le dessaisissement du juge Connerotte.

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Arrêt de travail à la Sabena et à la foire de Liège

« LE SOIR » du lundi 21 octobre 1996 page 3

Alors que les premiers participants à la «Marche blanche» commençaient à affluer vers Bruxelles dimanche matin, le personnel de la Sabena a annoncé un arrêt de travail symbolique de 5 minutes entre 10 h 30 et 10 h 35 dans les services de la compagnie aérienne belge à Bruxelles, et un autre de 5 minutes également, à 15 h 30. Un communiqué diffusé dimanche matin précise que ces arrêts de travail constituent une initiative des membres du personnel et des organisations syndicales avec l'accord de la direction.

Par ailleurs, à Liège, la foire d'octobre a éteint dimanche soir ses lumières et s'est arrêtée un moment, en solidarité avec la «marche».

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Les Pays-Bas jugent la Belgique...

« LE SOIR » du lundi 21 octobre 1996 page 3

II y a en Belgique les signes d'une «grave crise nationale», estime le vice-Premier ministre et ministre des affaires étrangères néerlandais Hans Van Mierlo. Les citoyens se demandent «ce qui reste de leurs aspirations à la justice», a-t-il ajouté, dimanche, au cours d’une émission de télévision. Selon le ministre, des manifestations de masse, comme celle qui se déroulait dimanche à Bruxelles pour exprimer le mécontentement général, peuvent cependant constituer un remède salutaire, en ayant un « effet psychiatrique». Sur un plan plus général, le chef de la diplomatie néerlandaise a déclaré que la commotion provoquée dans l'opinion publique par l'affaire Dutroux démontrait combien il fallait batailler pour maintenir un état de droit.

... et l'intervention du Roi

Enfin, faisant allusion à l'inter vention du roi Albert Il dans le débat sur le fonctionnement de la justice, M. Van Mierlo a remarqué que la Reine Béatrix des Pays-Bas ne pourrait se permettre de critiquer de cette façon les autorités du pays. Cela conduirait à un grave problème constitutionnel, a constaté le ministre,

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Deux débats identiques

« LE SOIR » du lundi 21 octobre 1996 page 3

Pourquoi cette «première» de la RTBF qui a diffusé le même débat sur la marche blanche à la radio (Samedi Première) et à la télévision (Mise au Point) ?

Parce que les familles des petites victimes ont émis des objections à être interrogées par des membres du Journal télévisé et préféraient la présence sur le plateau de journalistes liégeois, dont José Dessart.

 

 

 

 

 

 

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