Suite de « La veillée d’arme des parents de Julie et Mélissa »(«Soir illustré»16 octobre 1996 pg 32 et 33)
Un jour, Louisa espère reprendre son travail. Une manière de rendre service, de vivre l'instant en oubliant, un instant, la petite, les petites.
Comme chez les Lejeune, des caisses rouges sont bourrées de dossiers. Un classement les répartit: courrier des enfants, lettres officielles, courrier des personnalités politiques, faits portés à leur connaissance, idées et propositions, témoignages de sympathie, offres d'aide concrète. Ils croulent sous la tâche, mesurent, effarés, que ce torrent de confidences qui leur arrachent des larmes, ne révèlent que la pointe d'un iceberg de crimes contre l'enfance. Gino, Carine, Louisa et Jean-Denis participent à des débats, sont invités à des inaugurations, devraient se démultiplier pour répondre aux invitations. Le suivi du dossier de Julie et Mélissa reste leur priorité. Carine Russo, qui découvre des lettres d'enfants, des encouragements touchants, répète, comme à la conférence de presse de Liège, qu'ils veulent rendre la justice plus humaine. Ils cherchent à améliorer, avec les gens de bonne volonté qui le souhaitent, des institutions qui fonctionnent mal. Mieux traiter les victimes revient à resituer les vraies valeurs. Il faut que les institutions soient moins glaciales. Ils savent de quoi ils parlent. «Après la prise de conscience, il faudra organiser la pression» explique Gino.
C'est ce qui les sauve, alors que le travail de deuil n'est pas entamé.
Vous, les grands préparez nous un monde meilleur».
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La manifestation du 20 octobre démarrera à 14 heures, à la gare du Nord, et se disloquera à la gare du Midi, après avoir suivi les grands boulevards. Répétons que les parents veulent que cette marche, par sa dignité et sa retenue, soit un signe non-violent, et d'autant plus ferme.
« A MES YEUX PERSONNE NE POURRA PROUVER, MIEUX QUE VOUS, CE QUE SIGNIFIE
Je ne suis pas mieux que quiconque, je suis en prison pour payer des coups de canif à la morale, mais c'est vous et votre grandeur d'âme qui me font ressentir combien je suis petit et commun.
Vous êtes à mes yeux, Monsieur, ce qui devrait culpabiliser à jamais les pauvres et simples humains que nous sommes, avec nos défauts et parfois certaines qualités. Personne ne pourra me donner de plus grande leçon de savoir-vivre. Je suis détenu et je sais ce que pensent les uns, victimes de petits méfaits et les autres, victimes de plus grandes pertes, et je ne leur ferai jamais aucun reproche. Ils ont raison, je me mets à leur place (sérieuse ambiguïté) et je reste convaincu que tous autant que nous sommes (détenus) nous avons nos victimes et «nos» gens qui nous en veulent et en veulent à tous les détenus sans aucun discernement. Tous dans le même sac. Vous qui avez connu le drame le plus cruel, le plus inacceptable, même par nous, Vous,vous donnez au monde entier, seul, la preuve de la nécessité d'exister en tant qu'être humain, rien que pour vous faire honneur. A mes yeux, Monsieur, personne ne pourra prouver, mieux que vous, ce que signifie la dignité. J'ai fait des années de prison et je n'ai jamais rencontré que la misère humaine en dedans comme en dehors, des mesquineries, des bassesses. Des personnes qui fuient leurs responsabilités. Un système déviant, dévié, et moi-même qui ne suis pas des plus acceptables au sein d'une société dont je n'apprécie pas tous les agréments. A qui la faute? Là n'est pas la question.
Je viens de me réconcilier avec l'être humain. Votre geste, votre désarroi, votre courage (il en fallait pour braver tous les bien-pensants qui nous mettent tous dans la même auge), me font un bien énorme. Merci.
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VISAGES
Le living-room des Lejeune est devenu leur quartier général. Leurs destins sont désormais indissolublement liés et leur histoire est aussi devenue la nôtre.
Pour qu'elles ne soient pas mortes pour rien et pour tous les enfants de Belgique et d'ailleurs, ils iront pourtant jusqu'au bout, y compris de leurs forces.
En face, l'avocat de Dutroux, lui, met aussi toute son énergie et son talent à défendre un client difficilement défendable, utilisant la loi au maximum.
Parmi les envois, beaucoup de portraits de Julie et Métissa, certains naïfs, d'autres très professionnels, tous touchants. Comme les avis de recherche des disparues toujours affichés aux fenêtres et que personne ne se résigne à enlever.
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