« La Justice savait » suite de la page 43
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……et l'homme qui la tient lui ordonne d'être « sage ».
Il la force à se coucher sur une couverture à même le plancher du véhicule, avant de recouvrir ses yeux de sparadrap.
Lorsque la camionnette démarre, l'un des passagers s'approche d'Anne pour lui demander son nom. Elle lui répond et l'homme dit aux autres Oui, c'est ça, c'est elle.
Ils roulent. Longtemps. Arrivés devant une habitation entourée d'autres, les occupants descendent du véhicule. Après avoir gravi une marche à l'entrée, ils entrent dans une première pièce qui semble très encombrée, sans chauffage. Odeurs de poussière, de plâtre et de ciment.
Anne est immédiatement introduite dans la pièce suivante, où se trouvent deux chaises et un parc à barreaux pour enfant. Le pavement est constitué de petits carrelages rectangulaires de couleurs blanche et bleu clair.
Anne entend les hommes parler à voix basse dans la première pièce. Mais elle ne comprend pas leurs propos. Elle demande l'heure au gardien resté avec elle : 8 heures. Il la conduit aux toilettes par un couloir aux murs de béton, situé dans le prolongement de la seconde pièce. Lorsqu'ils reviennent, l'homme prépare le divan sur lequel il installe Anne, en position debout. Sous une lumière puissante, elle entend le déclic d'un appareil photographique. Toujours debout, elle est contrainte de se déshabiller. Pas d'autre solution que d'obéir. Une fois nue, elle entend un nouveau déclic. Le geôlier oblige ensuite Anne à se coucher sur le divan. En lui disant de rester sage et de se laisser faire. « Sinon, je ferai appel à mes trois amis, qui sont bien plus méchants que moi », menace t-il.
Un acte de vengeance
L'homme se déshabille et se couche sur Anne en lui maintenant les bras. Il l'embrasse, pétrit ses seins et la viole. Anne n'avait jamais eu de rapport sexuel. Après le viol, l'homme lui dit de se rhabiller et lui demande si elle a faim. Pendant qu'elle mange une croûte de pain et un morceau de fromage, il la questionne. « Quel âge a ta soeur ? Et tes parents ? Couchent ils ensemble ? Ta mère est-elle toujours bonne à "baiser" ?
Ta sœur a-t-elle déjà couché avec des "mecs" ? » Anne lui demande alors le motif de l'enlèvement et des violences sexuelles. L'homme lui répond qu'il s'agit d'un acte de vengeance à l'égard de son père, qui ne s'est pas toujours montré « régulier ».
Il est 14 h 30. Anne veut rentrer chez elle. L'homme lui annonce que les autres reviendront la chercher vers 18 heures. « Si tu es sage. Sinon, tu resteras ici pour trois jours », précise-t-il.
Quand ils la relâchent, vers 18 h 45, sur un chemin de terre qui relie l'autoroute à Gouy-lez-Piéton, les violeurs d'Anne glissent cinq billets de 100 francs dans sa poche.
C'est pour payer le médecin qui te fera un certificat d'absence aux examens », explique l'un d'eux. « C'est parce qu'on t'a "dépucelée" », lui dit l'autre.
Dette et rançon
Le temps a passé depuis cette journée de l'hiver 1985, la plus sombre de la vie d'Anne. Dix ans plus tard, tout recommence cependant. De manière identique, mais démultipliée. Dutroux et ses complices sévissent à nouveau. Leurs nouvelles victimes s'appellent Julie, Mélissa, An, Eefje, Sabine et Laetitia.
Comme elle aussi, Julie et Mélissa gardent le silence, de peur que les amis de Dutroux, « bien plus méchants» que lui, n'entrent dans leur cache. Comme les victimes précédentes, les enfants enlevées en
1995 et en 1996 sont plongées dans les affres de la maison de Marcinelle. Au n° 128 de la route de Philippeville, que Dutroux et Martin se sont attelés à «aménager» dès leur sortie de prison.
Viols et photos
Les deux violeurs de Valérie se vantent d'être à la tête d'« une bande très organisée » dont feraient également partie trois personnes surnommées « le fou », « le muet » et « l'Italien ». Avant de la libérer, à
Solange n'a que 11 ans lorsque Marc Dutroux et son complice, Jean V.P., la repèrent à la sortie de la piscine de Gilly, le 8 juin 1985. Après l'échec du vol de pièces mécaniques qu'ils avaient initialement prévu, ils décident d'embarquer la petite fille à bord de
Arrivés dans un garage loué par Martin, rue de Marchienne, à Roux, Dutroux congédie son ami. Il couvre les yeux de l'enfant au moyen de sparadrap, l'oblige à se déshabiller et à s'allonger sur le siège du passager, dont il vient d'abaisser le dossier. Dutroux photographie alors la petite Solange au moyen d'un appareil Polaroid.
Puis il lui offre quelques dragées avant de la violer.
Quelques jours plus tard : «Déshabille-toi », ordonne l'homme à Martine (18 ans), séquestrée à Marcinelle le 17 octobre 1985. Une fois nue, les yeux couverts de sparadrap, la jeune fille est attachée au lit par les poignets. Elle entend une autre personne respirer dans la pièce. Après avoir été violée, Martine est reconduite en camionnette, à Péronnes-lez-Binche, à proximité de la cité où elle habite avec sa famille.
La vague d'enlèvements perpétrés par Dutroux, Martin et leurs complices ne s'arrête pas pour autant.
Le soir tombe, ce 31 janvier 1985, quand une Toyota de teinte bordeaux s'immobilise dans un sentier, près d'une décharge, à Buzet. Les deux ravisseurs de Cécile (18 ans) lui disent devoir prendre des photos d'elle afin que ses parents leur versent plus rapidement la rançon. Sous les menaces, la jeune fille doit se dénuder et prendre des positions obscènes. Après une séance de viols, Cécile est libérée à proximité de la gare d'Obaix.
Circonstances atténuantes
Devant la gravité de ces événements en série, les juges Lacroix, Hennuy et Dandois, qui se succèdent à l'instruction jusqu'en 1987, frappent fort. Les gendarmes des BSR de la région (Binche, Charleroi,
Charleroi ». Les devoirs d'instruction se poursuivent alors sous la houlette des commissaires en chef aux délégations judiciaires, Christian De Vroom et Pol Choiset.
En vertu de « circonstances atténuantes » (notamment l'absence d'antécédents judiciaires pour Martin et de récidive pour faits de viol pour Dutroux), les violeurs d'enfants sont condamnés par les magistrats professionnels de la cour d'appel de Mons, et non par un jury populaire.
Pourtant, il sortira libre dès le 3 avril 1992: ignorant l'avis négatif du procureur général du Hainaut, le ministre de
Contrairement aux enquêteurs de terrain, qui n'ont pas nécessairement une vision globale du dossier auquel ils contribuent, les magistrats, quant à eux, accèdent à l'entièreté des pièces. De même que les nombreux experts psychiatres appelés à examiner les auteurs des viols et leurs victimes, à la lumière du dossier répressif. De même, aussi, que les avocats appelés à défendre les intérêts des uns et des autres, tout au long de la procédure.
(Les prénoms sont fictifs.)
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