On croise les doigts pour Loubna(«Meuse» 7 septembre 1996 pg 8)
On croise les doigts pour Loubna
Marocaine disparue il y a quatre ans. Et trop souvent oubliée...
Loubna, c'est la plus jeune des filles du couple. Alors âgée de neuf ans, elle n'a d'yeux que pour le dernier-né de la famille. Que ne ferait-elle pas pour bébé Ilias,sept mois et demi ? Surtout ce mercredi 5 août 1992, vers midi, lorsqu'elle s'aperçoit qu'elle a oublié d'acheter le yaourt pour son petit frère. «Je vais le chercher! » dit-elle aussitôt à ses parents. Avec
Quelle fierté ! «C'était ses premières courses en solitaire, sans la grande soeur ou le grand frère» se souvient le père. Mais Loubna n'en est jamais revenue. Plus la moindre nouvelle, plus la moindre trace de la petite fille.
Une famille, seule «Et puis ce jeudi, en début d'après-midi, en apprenant à la radio et à la télé les fouilles à
Depuis ce moment-là, le père s'est mis à guetter les nouvelles, de minute en minute. Malgré la fatigue d'une longue nuit de travail: Lahsen nettoie les trains en gare de Forest. Rongé d'inquiétude, il se rend aussitôt sur les lieux: «On ne voyait pas grand chose, sauf du monde. Alors, je suis rentré.» Sur le coup de 15 h 30, puis de 19 h, les gendarmes viennent le tenir au courant de l'évolution des travaux.
Et lui assurent qu'il sera immédiatement prévenu du moindre résultat des fouilles. «J'en attendais tellement.» Espoir déçu. Hier, après une nouvelle nuit de boulot, le papa de Lahsen se rend à nouveau à l'endroit des fouilles: calme plat pour cause d'interruption des travaux...qu'il apprendra par la radio. De nouveau l'attente.
Quatre ans déjà d'incertitude pour la famille Benaïssa. Et ici aussi, des regrets de ne pas avoir été pris de suite au sérieux:
«Une demi-heure après la disparition de Loubna, je déposais plainte à la police. Rien n'a bougé pendant trois jours. Le vendredi, j'ai alerté la gendarmerie. Les premières recherches ont commencé le lundi. Cinq jours après la disparition. Maintenant les enquêteurs font un travail magnifique. Mais en 92, on n'a pas beaucoup bougé: deux ou trois jours de fouilles. Et puis fini » déplore le père. L'une ou l'autre piste est évoquée, un suspect est interrogé. En vain. L'enquête retombe dans l'oubli.
Et la famille se retrouve bien seule: «En quatre ans, nous n'avons reçu aucun contact de policiers. C'est moi qui de temps à autre appelle l'inspecteur. Qui me répond toujours la même chose: rien de neuf.» Pour surmonter leur chagrin, les Benaïssa ne peuvent compter que sur eux-mêmes, sur l'appui de leurs proches, des amis du quartier. « L'ASBL Marc et Corine ne s'est jamais manifestée, nous n'avons eu aucun contact avec les parents des autres enfants disparus. C’est dommage, et nous comptons maintenant réparer cette lacune. C'est vrai qu'on s'est senti bien seuls pendant quatre ans. Et qu'on en a souffert» poursuit Nabela.
Sur la table du salon, devant les parents attristés, un tas de messages de sympathie, envoyés des quatre coins du pays: «Depuis quelques semaines, on en reçoit des centaines. Mais elles nous auraient fait plus plaisir en 92.»
Depuis 22 ans en Belgique, les parents Benaïssa, qui ont toujours la nationalité marocaine, reconnaissent aussi n'avoir jamais chercher de contacts extérieurs. «Ce n'est que maintenant que l'on découvre que d'autres familles ont vécu le même drame. Nous avons d'ailleurs l'intention de nous rendre aux funérailles d'An et Eefje. »
Il aura fallu l'explosion d'horreur de ce mois d'août pour se rappeller que Loubna, aussi avait disparu. «On s'attend au pire, on s'est préparé au pire. Vaut-il mieux apprendre une mauvaise nouvelle que de rester sans nouvelles du tout? Nous n'osons pas répondre» confesse Nabela. «Depuis la découverte de Julie et Mélissa, on pense évidemment au sort qui a pu être réservé à Loubna. On gardera aussi l'espoir jusqu'au bout, bien sûr. Mais quand on voit toutes ces images de parents en pleurs, on se dit que notre tour viendra peut-être aussi» murmure Lahsen. A ses côtés, Haliba laisse couler ses larmes. En silence.
Pierre Havaux
_____________________
Mais celui-ci vient tout droit du Palais royal: nos souverains souhaitent recevoir les parents de Loubna. A l'instar de tous ceux qui pleurent la disparition ou la perte d'un enfant. « On s'attendait à être reçus par le Roi et
En 92, au lendemain de la disparition, les Benaïssa avaient écrit une lettre au roi Baudouin :
Après avoir fait débroussailler par les services communaux environ
Les enquêteurs étaient assistés par un membre du DVI, le service d'identification des victimes de catastrophe. Ces spécialistes ont une connaissance approfondie des indices qui trahissent les endroits où sont enfouis des cadavres. Ils ont également une technique de fouille très particulière afin d'exhumer les victimes en préservant un maximum d'indices. Ils enlèvent la terre par couches de 5 à
A Sars-la-Buissière, une équipe réduite d'une demi-douzaine d'hommes a continué à fouiller le jardin de Marc Dutroux avec une excavatrice. Dans le village voisin de Biercée, des fouilles ont été réalisées hier en deux endroits. En fin de matinée, les enquêteurs ont achevé d'explorer la clairière située ans le bosquet au bout de la rue en cul-de-sac du Bois de Navez, près de
L'après-midi, ils ont entamé un nouveau chantier de recherche à la ferme de Pommerœul, située le long d'un chemin de lierre perpendiculaire à la route qui mené à Erquelinnes. Une dizaine de chiens de la gendarmerie, de la police allemande et de la police hollandaise ont ratissé chaque mètre carré de cette magnifique ferme et de ses dépendances. Les chiens ont également exploré le terrain aux alentours et le bois situe a l'arrière de la ferme. Il faudra probablement plusieurs jours pour explorer cette propriété qui est très vaste. Comme les chiens étaient très fatigués vendredi après-midi, les maîtres-chiens envisageaient de ne reprendre leur travail que lundi.
Une voiture Audi 80, utilisée par Michel Nihoul mais appartenant à une société au sujet de laquelle « l'homme d'affaires » bruxellois va devoir s'expliquer, devait être convoyée en province par Marc Dutroux et Michel Lelièvre. Nihoul, qui, pour l'heure, persiste à expliquer ses relations avec la bande par un simple problème de voiture, l'a reconnu.
Mais ce 31 juillet, Lelièvre n'est pas venu à Bruxelles avec Dutroux mais avec quelqu'un, d'autre qui reste à identifier. Lelièvre et l'inconnu ont embarqué dans l'Audi tandis que Nihoul rentrait chez lui mais, après avoir roulé sur une cinquantaine de mètres, ce véhicule est tombé en panne. C'est alors qu'intervient la patrouille de police; intriguée par cet incident et par le «look» de Lelièvre. La voiture étant au nom d'une société, et constatant qu'il y avait un «problème» avec la plaque, les policiers ont poussé plus loin leur contrôle.
Lelièvre faisant alors l'objet d'un avis de recherche au BCS (Bulletin central de signalement), il est embarqué. Mais le jeune homme se démène comme un beau diable « Je suis chargé de convoyer cette voiture pour le compte de M. Nihoul. Allez le lui demander, il habite à
La voiture est dépannée par la firme Radar et Lelièvre est emmené au commissariat. Nihoul, blanc de colère, éructe : «Vous ne savez pas qui je suis, votre carrière est foutue, je connais tous vos chefs de corps. Croyez-moi, cela ne va pas se passer comme cela. »
Les policiers, qui en ont vu d'autres, se contentent d'acter ces mâles déclarations, dont Nihoul est coutumier. Une fois arrêté dans le dossier Dutroux, Nihoul sera beaucoup moins affirmatif : « Je n'ai jamais dit cela, les policiers mentent», dira-t-il devant la chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Liège.
Les policiers, qui ont bien sûr confirmé la teneur de leur PV, en rient encore.
Mais qu'est devenue l'Audi? Emmenée par Radar le 31 juillet, elle devait être récupérée par la bande.
Il était prévu que Lelièvre et Dutroux viennent pour cela à Bruxelles la matinée du 10 août, soit le lendemain de l'enlèvement de Laetitia.
Mais Dutroux postposera le rendez vous à l'après-midi, dans un premier temps: «J'ai un contretemps, il se passe quelque chose de grave », dira-t-il. Finalement, il ne viendra que le 11 récupérer cette voiture.
Pour l'emmener où? Il faudra en fait plus de quinze jours pour la retrouver. L'Audi a en effet été découverte il y a dix jours par la 23e brigade. Dans la région de Charleroi, bien sûr. Elle est pour l'heure examinée par les spécialistes.
Il n'empêche. On ne peut s'empêcher de trembler rétrospectivement. Un vent favorable (peut-être dû à des règlements de comptes internes, si l'on en croit la porte-parole du Forem) nous a soufflé dansl'oreille des informations qui donnent froid dans le dos.
Adolescent, il avait achevé un cycle d'études de l'enseignement secondaire inférieur en sciences économiques à l'institut Notre-Dame d'Auvelais. Il avait par la suite décroché un brevet d'animateur. Mais il n'avait jamais suivi de formation au Forem.
Des questions restent posées : où et quand a-t-il obtenu le brevet en question ? Où et quand a-t-il preste les stages obligatoires pour l'acquérir ? Ces activités étaient-elles une couverture pour rencontrer des enfants ? Aurait-il repéré certaines des victimes passées ou futures de la bande à Dutroux ?
« Michel Lelièvre n'a jamais fait l'objet d'une présentation à l'employeur », nous a fait savoir hier la responsable de la communication. Toujours est-il qu'il avait été bel et bien retenu, parmi d'autres, comme candidat éventuel.
Pourquoi l'avoir écarté ? « Ça, c'est toujours une histoire de confiance entre le conseiller emploi et la personne. Après une première sélection qui s'opère sur base des renseignements fournis par divers services publics et d'autres donnés par le demandeur d'emploi lui-même. »
La relation de confiance a apparemment joué à plein quand Lelièvre a affirmé qu'il possédait son brevet d'animateur pour enfants.
Question: Comment l'avez-vous su? Réponse : « C'est sur ses dires». Question: «Avez-vous pu les vérifier?» Réponse : «Je crois que nous allons en rester là. Au revoir, Monsieur. »
Comme nous l'annoncions dans nos éditions d'hier, une proche du locataire de ce logement, Roland Corvillain (49 ans), avait remarqué que plusieurs des membres de la bande à Dutroux fréquentaient l'appartement du quadragénaire. Selon ce témoin, Dutroux serait venu sur les lieux à une reprise au moins, Nihoul beaucoup plus souvent de même que... Georges Zicot, l'inspecteur de
Ce qui intrigue les enquêteurs car la maison d'Ixelles ne semble pas apparaître dans le volet « voiture » du dossier dans le cadre duquel Zicot a été inculpé. Comme on le sait, Roland Corvillain est détenu à Bruxelles depuis le début du mois de juillet dans le cadre d'une affaire de viols d'enfants pour laquelle il est en aveux partiels. La brigade judiciaire de la police d'Ixelles, qui avait mis ce dossier au jour, avait saisi à l'époque un abondant matériel à caractère pédophilique (cassettes, photos, vibromasseur, etc).
Comme nous l'annoncions aussi, un élément matériel concernant la disparition de la petite Loubna Ben Aïssa a peut-être été retrouvé jeudi soir à Ixelles. Lors des fouilles, les enquêteurs ont retrouvé dans une vieille citerne récoltant l'eau de pluie... une poupée.
Or, sous cette citerne, on a retrouvé une dalle de béton. Il était prévu qu'on la fasse sauter ce vendredi matin. Pour des raisons que nous ignorons mais liées à l'enquête ce travail a donc été reporté à lundi. C'est la preuve en tout cas qu'il n'y a pas lieu, pour l'heure, de tirer des conclusions hâtives.
On sait également que le témoin qui accuse Roland Corvillain a expliqué aux enquêteurs que, le jour de la disparition des deux jeunes flamandes, An et Eefje, le 22 août
En tout cas, les enquêteurs de Neufchâteau paraissent prendre ce volet ixellois très au sérieux. Selon nos informations, le juge Connerotte a étendu son dossier pédophilie à Roland Corvillain sans que celui-ci fasse l'objet pour l'instant d'une inculpation.
La société vient d'imprimer une édition spéciale de son journal d'entreprises « Info Plus », datée du 5 septembre, pour dire à tout le personnel que «Thierry Dehaan jours rempli ses missions avec une grande compétence professionnelle, que
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire
Abonnement Publier les commentaires [Atom]
<< Accueil