vendredi 25 juillet 2008

SA MERE ÉCLAIRE LE MYSTERE DUTROUX('Paris Match'29 août 1996)


SA MERE ÉCLAIRE LE MYSTERE DUTROUX

Voisins, policiers, avocats, juges... il les a tous bernés.

"Marc n'a aucune morale, s'insurge t elle, il livrait les enfants aux pédophiles pour de l'argent"


« Paris Match » du jeudi 29 août 1996

Désormais, on ne verra plus Marc Dutroux que menottes aux poignets des cendre de ces fourgonnettes qui mènent de geôles en prétoires. Tant mieux. Aujourd'hui, même sa mère, Jeannine Lauwens, sait ce qu'il vaut.

Un pointeur, comme ils disent en prison.» Et de la pire espèce. Voleur, vendeur, violeur, tueur... de petites filles. « N'inventez pas je ne sais quelle histoire qui ferait de lui un enfant martyr, explique t’elle dans l'encadrement de la porte de la maison blanche de la rue du village, à Obaix, sur laquelle elle a noué un ruban noir en signe de deuil. Le prendre pour un malade, ce serait trop facile. C'est un pervers, simplement.»

Pervers et rebelle a toute autorité, toute règle, d'aussi loin que s'en souvienne celle qui le mit au monde le 6 novembre 1956, à Ixelles, en Belgique.

Lorsque, en 1986, on lui propose d'entrer, comme sa seconde épouse, Michèle Martin, et sa belle-mère, Henriette, chez les témoins de Jéhovah, le refus de Marc est éloquent: « Vous êtes des moutons dont on tond la laine. Moi, je suis de la race de ceux qui tondent les moutons! »
Une supériorité dont il se persuade depuis longtemps. Cela n'est pas arrivé tout de suite.
D'abord, il y a eu les premiers pas au Congo belge où ses parents, instituteurs, trouvent un poste avant que l'indépendance ne les en chasse. En 1960. Puis il y aura l'école communale primaire, à Roux, où son père et sa mère enseignent. Sans problème.

Après huit années sans vacances, si ce n'est de rituelles incursions dans le jardin des grands-parents maternels, horticulteurs à Jemeppe-sur-Sambre, la famille Dutroux, qui s'est enrichie de quatre autres enfants, trois garçons et une fille, acquiert, en 1970, le chalet 169 du camping « De Tourist », à Wilkskerke : six mètres sur six, deux chambres, une pièce à tout faire et un cabinet de toilette, non loin de la grande plage du nord de Middelkerke, jalonnée de bunkers. Marc, à 12 ans, se révèle en société. Au « 170», Armand et Amélie, que les années ont privés de la vue, gardent un souvenir précis de lui. « Marc ne se mêlait pas aux groupes. Quand on ne faisait pas à son idée, il s'en allait ailleurs. Les autres enfants Dutroux étaient plus sociables.»

Ils n'ont pas oublié non plus Victor, le père Dutroux, qui proposait à tous les pékins du coin de s'initier aux échecs, dont il avait été champion junior de Belgique, et qui, subitement, un été, a disparu. Jusqu'à ce qu'il réapparaisse, sans sa famille, mais avec de nouvelles conquêtes. « Elles n'étaient pas bien vieilles, dit Armand. Victor, le coquin, disait qu'il leur donnait des petits cours. Parfois, il venait avec deux filles.

Une fois, il y en a une qui, en pleine nuit, a crié au secours. Au matin, ils étaient tous partis. Quand Victor est revenu, la directrice du camping lui a dit que sa présence n'était plus souhaitable.» Tel père?... Evidemment, Victor Dutroux, lui, dément.

Jusqu'à l'âge de 17 ans, Marc, sa mère, ses frères et Valérie, sa sueur, continuent de fréquenter, en été, ce camping à caravanes de bois, dérisoires roulottes sans roues, alignées sur de longues allées de béton. En 1968, Marc termine ses études primaires. « Ce n'est alors ni un bavard ni un "taiseux". Il ne lit guère autre chose que des B.d.»Jeannine l'inscrit tout de même en athénée, équivalent belge du lycée, à Morlanwelz. Il est renvoyé encore une fois pour indiscipline. Idem dans les trois écoles professionnelles où il tente d'achever sa scolarité et propose déjà sous le manteau des photos osées à vil prix. «J'ai fini par le mettre en A3 pour qu'il devienne ajusteur-fraiseur sans qualification », conclut sa mère de guerre lasse. Elle se souvient avec soulagement du départ, à 18 ans, de Marc,
« qui voulait sans cesse être plus fort que tout le monde et s'attaquer toujours aux plus faibles.»

Dans la région de Charleroi, où il s'installe, il commence à « chipoter », comme on dit de l'autre côté des Ardennes. « Il avait une moto, se rappelle Jeannine, qu'il vendait à trois ou quatre personnes différentes.

A cette époque, il a commencé à tourner autour des filles. Il s'était même inscrit à la patinoire pour en ramener.» Il finira par rencontrer Françoise. Elle lui trouve l'air timide et tellement fragile ! Amoureux, à 20 ans à peine, il épouse cette orpheline. L'année suivante naît un de leurs deux fils.

Quatre saisons plus tard, en 1982, on les retrouve à Goutroux, rue des Anémones. Répétant l'attitude que son père avait eue à son égard, Marc ne supporte pas l'intrusion de ses propres enfants dans sa vie de couple.
Ses voisins le remarquent. On n'a pas oublié, à Goutroux, son goût immodéré pour la musique aux heures les plus tardives, ni les cris des enfants, si petits, enfermés seuls dans leur chambre lors des sorties de Françoise et Marc. On se souvient aussi de scènes conjugales violentes. « Elle était si faible, il ne risquait rien à la frapper », commente laconiquement Jeannine.

Françoise a peur. Elle se met à espérer ces absences que multiplie Marc, en même temps que les conquêtes. Pour satisfaire un appétit sexuel « boulimique », d'après des témoins de cette époque et des suivantes, Dutroux a installé une caravane face à sa maison.Il y visionne des vidéos porno et reçoit des compagnons de ferraille, quelques relations policières et, surtout, des filles.

Parmi celles qui grimpent et se dénudent dans la garçonnière à quatre roues, en 1983 il y a Michèle Martin, une jolie fille qui a perdu son père à l'âge de 6 ans dans un accident de voiture.
« Instit, comme toi », explique t-il fièrement à Jeannine. Blonde et bien roulée, une fille de trop pour Françoise, qui, les enfants sous le bras, se sauve.

En 1985, leur divorce est prononcé. De temps à autre, Marc visite ses deux fils. Entre-temps, il en a un troisième, de Michèle, avec laquelle il s'installe à Marcinelle, dans la banlieue de Charleroi.


C'est là qu'ils' « accomplit », entre voie ferroviaire et hauts fourneaux. Une étroite maison de brique rouge.
Celle-là même où, plus tard, derrière un placard coulissant, il entraîne dans une cage sans issue ses petites proies chloroformées.

En 1985, Marc s'achemine vers son monstrueux destin. A la fin de l'année, il est interpellé et incarcéré pour vol avec violence et torture. Sa victime : une quinquagénaire qu'il torture pour obtenir le secret du chemin de ses économies.
S'ajoutent au palmarès les enlèvements, séquestrations et viols de cinq filles, dont la plus jeune n'a que 12 ans.

En 1989 a lieu le procès. Résultat : Michèle, en dépit des pétitions de soutien, écope de trois ans de prison pour complicité et participation aux séquestrations. Marc, lui, est condamné à treize ans et six mois.
Il n'en fera que le tiers, bénéficiant en 1992 de la liberté conditionnelle que l'on connaît, et se targuant aussitôt des « solides protections » qui l'ont permise.

A sa sortie, les fils de son premier mariage, qui le surnomment « la Taupe », refusent de le revoir. Petit à petit, les liens du passé se délient. Son père, en qui il n'a jamais pu trouver un modèle, s'est enfoui dans une tanière, à Gand. Au milieu de deux mille pots de yaourt dans lesquels il cultive, avec un soin maniaque, des plantes, Victor vit reclus dans un studio cloaque où nul ne pénètre depuis dix ans.
Puis c'est avec sa mère que Marc se brouille, lorsqu'il essaie de la dépouiller de sa maison de Jemeppe-sur-Sambre...

Son frère cadet, Serge, ne supporte pas ces disputes et toutes les histoires autour; il se pend. C'était en 1993.

Ensuite... Ensuite, Marc s'ébauche une nouvelle famille. Facile à dominer. A Michèle, qu'il a épousée en détention, après Frédéric, 12 ans aujourd'hui,
il fera deux autres enfants Andy, 3 ans, et Céline, 14 mois, née alors que Julie et Mélissa agonisaient.

Le cercle des amis se fait aussi plus précis. Chaque jour, dans un périmètre qui ne dépasse guère une cinquantaine de kilomètres autour de Charleroi, il va les visiter.

La plupart sont ou ont été comme lui ferrailleurs, trafiquants de voitures ou de pneus.

Il y a là tous ceux que l'on retrouve aujourd'hui dans cette affaire : Claude Thirault, 30 ans, Bernard Weinstein, le Français que Dutroux enterre, inconscient mais vivant, juste au dessous de julie et Mélissa.

Il y a aussi Jean-Michel Nihoul, qui, avec son téléphone portable et ses beaux costumes, fait figure de milliardaire de la bande.
Il y a enfin Michel Lelièvre, l'ancien toxicomane. Et Michael Diakostavrianos, dit « Michel Tout Fou », qui, d'après sa soeur de 18 ans, a un « grain » et « adore faire la sortie des écoles, mais juste pour draguer ».

Au coeur d'une région où le chômage fait 30 % de victimes, Dutroux et son train de vie de chômeur-chipoteur de luxe font impression.

Même si, officiellement, il ne perçoit qu'une allocation sociale d'environ 6 000 francs français, beaucoup ont entendu dire qu'il a payé cash les six maisons acquises au cours des dernières années.

Toujours en bleu de travail, souvent dans des voitures différentes, lisant les cours de la Bourse et se jetant sur n'importe quelle rondelle de caoutchouc, persuadé de la revendre, l'homme intrigue.

Tantôt armé, il joue les caïds dans un bar et susurre à l'oreille d'une petite frappe qu'il a déjà tué, histoire de la faire frémir; tantôt affable auprès de voisins qui s'interrogent sur ses terrains qu'il retourne, il propose ses services de terrassier à un prix défiant toute concurrence; tantôt voulant conquérir un proche voisin, père d'un ami de son fils Frédéric, il propose une partie d'échecs, auxquels, initié par son père, il excelle.

Quant à Michèle Martin, on admire sa douceur, la dévotion qu'elle a pour ses enfants et sa décision d'abandonner le métier d'institutrice pour s'occuper de son foyer. Lui bricole, elle jardine.
On croirait presque à cette image du couple idéal, si l'on n'avait pas vu régulièrement Michèle «sortir avec des coquards ». «On avait même pitié d'elle », commente une voisine. Les Dutroux, la nuit, font des travaux et aménagent leur cave en labyrinthe et cages à fillettes, tandis que, le jour, ils font aboyer les chiens et jouent du synthétiseur pendant des heures.

Toute une stratégie du bruit. Marc faisait croire à ses otages qu'en criant elles attireraient l'attention de vilains prêts à les tuer.

Et cela a marché. En 1993, les gendarmes de Charleroi perquisitionnent la maison de Dutroux. Ils ne découvrent aucune de ses cachettes. Idem en 1995.
Patience... Encore une année et on va serrer le monstre à l'histoire tristement insipide en façade et abominablement cruelle en sous-sol.

1995, donc. Juin, précisément. Il y a là réunis Dutroux, Lelièvre - face de rat coiffée d'une casquette noire - et Weinstein - sa grosse silhouette et son odeur d'ours mal douché.

Par boutade », expliquera-t-il aux gendarmes, Marc leur propose «pour 100 000 à 150 000 francs (18 000 à 27000 francs français) de «ramener une enfant ».
Ils reviennent le 24juin, avec Julie et Mélissa. La cage n'était pas encore prête.

En août, non loin d'Ostende, c'est An et Eefje que l'on enlève. Puis c'est Dutroux qui repart en prison.
En décembre, dans le cadre d'une affaire de règlement de comptes entre voleurs de voitures rivaux.

En mars 1996, quand il sort, il découvre dans la cage de Marcinelle les petites Julie et Mélissa agonisantes,que ni Michèle ni Lelièvre n'ont nourries.

Il devient nerveux. De Sars-la-Buissiere, où il enterre leurs corps, il ne bouge presque plus. Des oies gardent le fond du jardin. Deux bergers allemands, installés au grenier, guettent à l'entrée tous les intrus approchant.

La perquisition sans résultat des gendarmes de Charleroi à cette époque va le ragaillardir.
Il court à sa perte. Le 28 mai 1996, à Kain, il embarque Sabine Dardenne et l'installe dans la planque de Marcinelle.

Le 9 août, Laetitia Delhez vient l'y rejoindre. Mais la camionnette dans laquelle il la contraint à monter est repérée. Trop tard. On l'interpelle le 13.

Avec ses cachets d'acteur d'infâmes pornos, ses rançons écoeurantes, ses meurtres lâches, ses victimes innocentes, ses mensonges minables, ses médiocres serviteurs, son bleu de travail et sa moustache, c'était Barbe Bleue. Effrayant !

1 commentaires:

À 24 août 2019 à 02:58 , Anonymous Anonyme a dit...

Et personne ne parle de son réseau, évidemment...

 

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