Michel Bourlet le Chevalier blanc(« Le Vif l’Express » du vendredi 30 août 1996 page 22 et 23)
Michel Bourlet le Chevalier blanc
« Le Vif l’Express » du vendredi 30 août 1996 page 22 et 23
Son visage nous est devenu familier depuis le 14 août 1996.
Humain, chaleureux, direct, il incarne une justice de terrain, à cent lieues des pompes compassées
Marie-Cécile Royen
Les Belges se souviendront longtemps de sa première apparition à la télévision dans le cadre des enlèvements d'enfants, le soir du 14 août, à Charleroi. Michel Bourlet, procureur du roi de Neufchâteau, avait la chemise ouverte, la mèche pendante et l'élocution un brin pâteuse.
Mais il émanait de cet homme au physique de baroudeur une joie tellement simple et humaine qu'une vague d'euphorie avait gagné le pays. Une semaine après sa disparition à Bertrix, Laetitia Delhez, 14 ans, était retrouvée saine et sauve dans une maison de Marcinelle, en compagnie - surprise inespérée - de la petite Sabine Dardenne, 12 ans, dont on était sans nouvelles depuis septante huit jours.
« Le Vif l’Express » du vendredi 30 août 1996 page 22 et 23
Son visage nous est devenu familier depuis le 14 août 1996.
Humain, chaleureux, direct, il incarne une justice de terrain, à cent lieues des pompes compassées
Marie-Cécile Royen
Les Belges se souviendront longtemps de sa première apparition à la télévision dans le cadre des enlèvements d'enfants, le soir du 14 août, à Charleroi. Michel Bourlet, procureur du roi de Neufchâteau, avait la chemise ouverte, la mèche pendante et l'élocution un brin pâteuse.
Mais il émanait de cet homme au physique de baroudeur une joie tellement simple et humaine qu'une vague d'euphorie avait gagné le pays. Une semaine après sa disparition à Bertrix, Laetitia Delhez, 14 ans, était retrouvée saine et sauve dans une maison de Marcinelle, en compagnie - surprise inespérée - de la petite Sabine Dardenne, 12 ans, dont on était sans nouvelles depuis septante huit jours.
Trois jours plus tard, sanglé strictement dans son costume, les yeux perdus dans l'horreur, Michel Bourlet décrivait, avec le même poids humain et des mots sans apprêt, le supplice subi par Julie et Mélissa.
Pour une société gravement traumatisée et placée sous perfusion médiatique, le procureur du roi d'une petite bourgade du Luxembourg est devenu l'incarnation même du justicier, cet homme intègre et droit qui, dans les séries américaines, est chargé de débusquer les coupables et de faire toute la lumière sur une affaire où la réputation de la justice est mise en cause.
Pourtant, rien n'est plus étranger à la personnalité de Michel Bourlet que l'exaltation du redresseur de torts ou les sombres ruminations du révolutionnaire-né.
Pourtant, rien n'est plus étranger à la personnalité de Michel Bourlet que l'exaltation du redresseur de torts ou les sombres ruminations du révolutionnaire-né.
A 47 ans, le procureur du roi peut savourer les fruits de la vie. Né dans une famille d'avocats liégeois, il a fait son droit dans la Cité ardente, où il laisse le souvenir d'un étudiant volontiers guindailleur, bon élément sans être brillant.
Avocat, puis substitut du procureur du roi à Liège, où son étiquette libérale lui barre toute chance de promotion, il prend la tête du parquet de Neufchâteau en 1983, devenant ainsi le plus jeune pro cureur du roi de Belgique.
Un exil pour ce Liégeois pur sucre? Pas vraiment. Monsieur le procureur cultive l'art de vivre aux champs.
Dans un ancien moulin restauré, plus exactement. C'est là qu'il vit, à une vingtaine de kilomètres de Neufchateau, avec sa femme, dont l'activité politique (elle est secrétaire régionale Ecolo de Neufchâteau-Virton) n'entame en rien son indiscutable autorité dans la région. Il a aussi trois filles et des roses qu'il cultive passionnément.
Le poste qu'il occupe n'est pas davantage une sinécure pour avocat fatigué. Avec une énergie et une obstination peu communes, Bourlet empoigne des affaires complexes et graves, en parfaite symbiose avec le juge d'instruction Jean-Marc Connerotte, auquel, par sa manière et le physique, tout semble l'opposer.
Autant le premier, félin dans son mètre quatre vingt-cinq, est pétri de bon sens, autant le second, chétif et ombrageux, ne se prive d'aucune foucade.
Voir sa lettre ouverte au roi Albert II où il imagine une conjuration médiatico-policière mafieuse visant à discréditer, et sa personne et la piste dite des « titres volés » dans l'assassinat d'André Cools, dont la juridiction de Neufchâteau a été dessaisie en 1994, au profit de Liège, par la Cour de cassation...
Malgré ces dissemblances, le tandem fonctionne à merveille et, avant l'affaire Dutroux, avait déjà en charge une autre affaire d'intérêt international, fondée sur des renseignements venant de la Sûreté de l'État luxembourgeois : l'attentat du GIA contre des gendarmes à Arlon.
L'amertume des 'titres volés'
De la période mouvementée des « titres volés », le procureur du roi, qui est resté dans l'ombre derrière Connerotte, garde une vive amertume.
Aujourd'hui, il clame sa volonté d'aller jusqu'au bout, mais la tempère d'une petite phrase assassine : « Si on me laisse faire... », lâchée au cours d'un récent débat, à la RTBF, et mûrement réfléchie.
La réponse du berger à la bergère ne s'est pas fait attendre. Dès le surlendemain, Anne Thily, procureur général de Liège, montait la garde, avec deux magistrats nationaux, autour d'un Michel Bourlet satisfait.
Un exil pour ce Liégeois pur sucre? Pas vraiment. Monsieur le procureur cultive l'art de vivre aux champs.
Dans un ancien moulin restauré, plus exactement. C'est là qu'il vit, à une vingtaine de kilomètres de Neufchateau, avec sa femme, dont l'activité politique (elle est secrétaire régionale Ecolo de Neufchâteau-Virton) n'entame en rien son indiscutable autorité dans la région. Il a aussi trois filles et des roses qu'il cultive passionnément.
Le poste qu'il occupe n'est pas davantage une sinécure pour avocat fatigué. Avec une énergie et une obstination peu communes, Bourlet empoigne des affaires complexes et graves, en parfaite symbiose avec le juge d'instruction Jean-Marc Connerotte, auquel, par sa manière et le physique, tout semble l'opposer.
Autant le premier, félin dans son mètre quatre vingt-cinq, est pétri de bon sens, autant le second, chétif et ombrageux, ne se prive d'aucune foucade.
Voir sa lettre ouverte au roi Albert II où il imagine une conjuration médiatico-policière mafieuse visant à discréditer, et sa personne et la piste dite des « titres volés » dans l'assassinat d'André Cools, dont la juridiction de Neufchâteau a été dessaisie en 1994, au profit de Liège, par la Cour de cassation...
Malgré ces dissemblances, le tandem fonctionne à merveille et, avant l'affaire Dutroux, avait déjà en charge une autre affaire d'intérêt international, fondée sur des renseignements venant de la Sûreté de l'État luxembourgeois : l'attentat du GIA contre des gendarmes à Arlon.
L'amertume des 'titres volés'
De la période mouvementée des « titres volés », le procureur du roi, qui est resté dans l'ombre derrière Connerotte, garde une vive amertume.
Aujourd'hui, il clame sa volonté d'aller jusqu'au bout, mais la tempère d'une petite phrase assassine : « Si on me laisse faire... », lâchée au cours d'un récent débat, à la RTBF, et mûrement réfléchie.
La réponse du berger à la bergère ne s'est pas fait attendre. Dès le surlendemain, Anne Thily, procureur général de Liège, montait la garde, avec deux magistrats nationaux, autour d'un Michel Bourlet satisfait.
Avec un message urgent l'affaire ne sera pas étouffée. En haut lieu, on n'est pas loin de céder à la panique devant les ravages causés par le sentiment largement répandu dans l'opinion publique, selon lequel Dutroux aurait disposé des hautes protections pour pouvoir agir impunément de si longues années.
Bref, à l'heure qu'il est, personne n'a rien à refuser à Bourlet, pas même Stefaan De Clerck,ministre de la Justice, avec qui le « courant passe bien », et qui lui a adjoint des moyens considérables, en hommes et en matériel, pour mener à bien son enquête et retrouver, si c'est encore possible, An et Eefje.
Assez solide pour résister lui-même au vertige médiatique, Michel Bourlet a appris, en effet, à jouer en virtuose sur le clavier des médias. Sa personnalité bourrue et franche, « brute de décoffrage », lui vaut d'ailleurs des fidélités passionnées comme des inimitiés sans nom, car il n'a pas fait de la diplomatie sa vertu maîtresse.
Sans être autoritaire, le procureur tient son monde d'une main ferme. Ancien capitaine de l'équipe de hockey sur gazon de Liège, « Li Torè », il possède au plus haut point l'art de faire travailler les gens ensemble. Et de les protéger, au besoin contre toute logique, lorsqu'il est persuadé qu'ils sont injustement attaqués. Lui-même paie de sa personne : il prend son tour de garde le week-end et va requérir en chambre du conseil, à l'égal des substituts placés sous son autorité.
Enfin, il descend sur le terrain sans hésiter : quinze minutes après le signalement de la disparition de Laetitia, à Bertrix, il était déjà sur les lieux. Et il a fait établir une ligne directe avec les parents de An Marchal et Eefje Lambrecks, dont il espère toujours retrouver la trace, bien que les pistes tchèque et slovaque, dont il faisait grand cas, peinent à aboutir.
Pour les citoyens qui, à l'instar des parents de Julie et Mélissa, se révoltent contre les compromissions et les médiocrités du système, le procureur du roi de Neufchâteau qui ne fait pas mystère d'avoir lui-même été freiné dans certaines affaires, Michel Bourlet, donc, fait figure de chevalier blanc.
Sa relative marginalité dans l'appareil judiciaire, comme la haute idée qu'il se fait de ses fonctions, l'acculent à un exercice délicat : restaurer la crédibilité de la justice sans jouer « seul contre tous ».
Assez solide pour résister lui-même au vertige médiatique, Michel Bourlet a appris, en effet, à jouer en virtuose sur le clavier des médias. Sa personnalité bourrue et franche, « brute de décoffrage », lui vaut d'ailleurs des fidélités passionnées comme des inimitiés sans nom, car il n'a pas fait de la diplomatie sa vertu maîtresse.
Sans être autoritaire, le procureur tient son monde d'une main ferme. Ancien capitaine de l'équipe de hockey sur gazon de Liège, « Li Torè », il possède au plus haut point l'art de faire travailler les gens ensemble. Et de les protéger, au besoin contre toute logique, lorsqu'il est persuadé qu'ils sont injustement attaqués. Lui-même paie de sa personne : il prend son tour de garde le week-end et va requérir en chambre du conseil, à l'égal des substituts placés sous son autorité.
Enfin, il descend sur le terrain sans hésiter : quinze minutes après le signalement de la disparition de Laetitia, à Bertrix, il était déjà sur les lieux. Et il a fait établir une ligne directe avec les parents de An Marchal et Eefje Lambrecks, dont il espère toujours retrouver la trace, bien que les pistes tchèque et slovaque, dont il faisait grand cas, peinent à aboutir.
Pour les citoyens qui, à l'instar des parents de Julie et Mélissa, se révoltent contre les compromissions et les médiocrités du système, le procureur du roi de Neufchâteau qui ne fait pas mystère d'avoir lui-même été freiné dans certaines affaires, Michel Bourlet, donc, fait figure de chevalier blanc.
Sa relative marginalité dans l'appareil judiciaire, comme la haute idée qu'il se fait de ses fonctions, l'acculent à un exercice délicat : restaurer la crédibilité de la justice sans jouer « seul contre tous ».
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