Des enquêtes sur l'enquête(« Le Vif l’Express » du vendredi 30 août 1996 page 12 à 13)
Des enquêtes sur l'enquête
« Le Vif l’Express » du vendredi 30 août 1996 page 12 à 13
Comme si tout cela ne suffisait pas,la révolte des parents des victimes,associée à de stupéfiantes découvertes, mènent à de très graves interrogations sur le fonctionnement de la justice. D'ores et déjà, il apparaît que, de manière générale, elle a lamentablement failli a sa mission.
Parce que les intentions de Dutroux des enlèvements d'enfants étaient connues depuis 1993.
Comme si tout cela ne suffisait pas,la révolte des parents des victimes,associée à de stupéfiantes découvertes, mènent à de très graves interrogations sur le fonctionnement de la justice. D'ores et déjà, il apparaît que, de manière générale, elle a lamentablement failli a sa mission.
Parce que les intentions de Dutroux des enlèvements d'enfants étaient connues depuis 1993.
Et parce que ces informations n'ont pas été exploitées partout comme il l'aurait fallu. Des enquêtes sont en cours, qui doivent impérieusement permettre de déterminer quelles branches de l'arbre judiciaire sont fautives : la juge d'instruction liégeoise, le parquet ou la PJ de Charleroi, la gendarmerie de Charleroi, de Seraing, de Grâce-Hollogne, voire l'état-major national?
On peut encore espérer que l'erreur - ou la négligence, ou même la protection criminelle dont aurait bénéficié Dutroux - restent localisées.
Certes, découvrir et punir le ou les coupables ne rendra pas la vie aux victimes. Mais identifier les vrais coupables évitera de laisser injustement condamner la justice en bloc.
C'est pour déterminer ces lourdes responsabilités que deux « enquêtes sur l'enquête » sont en cours. La plus vaste est menée par la Cour de cassation : le procureur général Jacques Velu a reçu, dès la semaine dernière, l'intégralité du dossier. Son travail vise la globalité des enquêtes.
A plus petite échelle, le procureur général de Liège, Anne Thily, a commencé ses interrogatoires le 26 août.
On peut encore espérer que l'erreur - ou la négligence, ou même la protection criminelle dont aurait bénéficié Dutroux - restent localisées.
Certes, découvrir et punir le ou les coupables ne rendra pas la vie aux victimes. Mais identifier les vrais coupables évitera de laisser injustement condamner la justice en bloc.
C'est pour déterminer ces lourdes responsabilités que deux « enquêtes sur l'enquête » sont en cours. La plus vaste est menée par la Cour de cassation : le procureur général Jacques Velu a reçu, dès la semaine dernière, l'intégralité du dossier. Son travail vise la globalité des enquêtes.
A plus petite échelle, le procureur général de Liège, Anne Thily, a commencé ses interrogatoires le 26 août.
Pour savoir si le dossier « Julie et Mélissa » a été bien conduit par le juge d'instruction liégeois Martine Doutrewe. Et si, au sein de la cellule d'enquête, composée de la PJ de Liège, de la gendarmerie de Grâce-Hollogne et de la BSR de Seraing, toutes les informations ont circulé normalement.
Anne Thily, qui pourrait se faire aider du Comité P (la « police des polices »), doit rendre son rapport à bref délai.
Un rapport accablant qui l'a écarté?
Dès le 20 août, RTL lançait une information terrible dans son journal du soir : un rapport établi dès 1993 par la BSR de Charleroi signalait que Dutroux avait l'intention de construire plusieurs cages ». Pour y détenir des enfants, en l'attente de leur vente » !
Le rapprochement avec l'horreur actuelle est devenu d'autant plus évident que la RTBF démontrait de son côté l'existence d'une « opération Othello »…menée à l'été 1995 par la gendarmerie
(BSR de Charleroi,de Seraing et groupe Posa, ou peloton d'observation, de surveillance et d'arrestation). La gendarmerie avait fait le lien entre l'information de 1993 et la disparition de Julie et Mélissa...
Mais la surveillance appuyée de Dutroux n'avait rien montré de particulier, pas davantage que les perquisitions opérées dans la foulée. Si l'on ne peut reprocher aucune faute lourde à ce stade
(Les gendarmes ont fait un maximum pour retrouver des enfants en danger), toute la question est de savoir si la gendarmerie n'a pas tenté d'obtenir, seule, le bénéfice d'une éventuelle réussite. Au risque de nuire à l'enquête menée à Liège par un commissaire. De la police judiciaire...
Bien qu'à peine croyable, cette hypothèse d'une monstrueuse bavure née de la « guerre des polices » n'est pas gratuite. D'abord, parce que les explications données par la gendarmerie à propos d' « Othello » ont parfois été contradictoires. Ensuite parce que, étrangement, la gendarmerie dit avoir alerté le juge de façon verbale.
Pas de PV de transmission pour signaler l'existence du rapport de 1993, ni pour annoncer l'opération « Othello » ? Enfin, le juge d'instruction liégeois Martine Doutrewe reconnaît avoir été alertée, mais de manière parcellaire. Les gendarmes de sa cellule d'enquête, au courant de l'affaire, n'auraient, diton à Liège, signalé que vaguement l'existence d'un suspect carolorégien, sans même citer son nom. D'initiative ou sur ordre ?
Toutefois, on se gardera de juger trop vite. Parce que l'enquête du procureur général de Liège n'est pas achevée. Et parce que, rejetant clairement la balle dans le camp de la juge,l'état-major de la gendarmerie a affirmé qu'elle avait bel et bien été prévenue dans les formes requises. Et que l'absence de suite concluante à ce rapport serait dès lors le fruit d'une négligence de Martine Doutrewe. Qui a raison ? Difficile à dire à ce jour. La gendarmerie pratique certes volontiers des enquêtes « en interne » - communiquant les seuls résultats positifs aux magistrats responsables -, mais n'affirme jamais à la légère.
De son côté, même fortement malmenée dans l'enquête Julie et Mélissa », Martine Doutrewe jouit par ailleurs d'une bonne réputation.
En tout cas, il est impérieux que le procureur général de Liège, Anne Thily, aille au fond du problème. D'autant qu'une autre explication encore a été mise en avant. Le parquet de Charleroi, dont la gendarmerie affirme qu'il était tenu au courant, aurait négligé de transmettre les informations à Liège.
Ce qui conduit tout droit à une autre inquiétude.
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Jumet l’angoisse et le zoom
« Le Vif l’Express » du vendredi 30 août 1996 page 12 et 13
Mardi 27 août, atmosphères contrastées. « Chez Minou », la petite épicerie de la rue Daubresse, à Jumet, on vit comme une aubaine le défilé incessant de dizaines de journalistes et de curieux qui tentent d'approcher le sinistre galet de Marc Dutroux. Les premiers ont commencé à installer leurs caméras mardi matin. Puis, les renforts sont arrivés camions, câblages électriques posés sur le sol, antennes paraboliques pour les retransmissions en direct.
Anne Thily, qui pourrait se faire aider du Comité P (la « police des polices »), doit rendre son rapport à bref délai.
Un rapport accablant qui l'a écarté?
Dès le 20 août, RTL lançait une information terrible dans son journal du soir : un rapport établi dès 1993 par la BSR de Charleroi signalait que Dutroux avait l'intention de construire plusieurs cages ». Pour y détenir des enfants, en l'attente de leur vente » !
Le rapprochement avec l'horreur actuelle est devenu d'autant plus évident que la RTBF démontrait de son côté l'existence d'une « opération Othello »…menée à l'été 1995 par la gendarmerie
(BSR de Charleroi,de Seraing et groupe Posa, ou peloton d'observation, de surveillance et d'arrestation). La gendarmerie avait fait le lien entre l'information de 1993 et la disparition de Julie et Mélissa...
Mais la surveillance appuyée de Dutroux n'avait rien montré de particulier, pas davantage que les perquisitions opérées dans la foulée. Si l'on ne peut reprocher aucune faute lourde à ce stade
(Les gendarmes ont fait un maximum pour retrouver des enfants en danger), toute la question est de savoir si la gendarmerie n'a pas tenté d'obtenir, seule, le bénéfice d'une éventuelle réussite. Au risque de nuire à l'enquête menée à Liège par un commissaire. De la police judiciaire...
Bien qu'à peine croyable, cette hypothèse d'une monstrueuse bavure née de la « guerre des polices » n'est pas gratuite. D'abord, parce que les explications données par la gendarmerie à propos d' « Othello » ont parfois été contradictoires. Ensuite parce que, étrangement, la gendarmerie dit avoir alerté le juge de façon verbale.
Pas de PV de transmission pour signaler l'existence du rapport de 1993, ni pour annoncer l'opération « Othello » ? Enfin, le juge d'instruction liégeois Martine Doutrewe reconnaît avoir été alertée, mais de manière parcellaire. Les gendarmes de sa cellule d'enquête, au courant de l'affaire, n'auraient, diton à Liège, signalé que vaguement l'existence d'un suspect carolorégien, sans même citer son nom. D'initiative ou sur ordre ?
Toutefois, on se gardera de juger trop vite. Parce que l'enquête du procureur général de Liège n'est pas achevée. Et parce que, rejetant clairement la balle dans le camp de la juge,l'état-major de la gendarmerie a affirmé qu'elle avait bel et bien été prévenue dans les formes requises. Et que l'absence de suite concluante à ce rapport serait dès lors le fruit d'une négligence de Martine Doutrewe. Qui a raison ? Difficile à dire à ce jour. La gendarmerie pratique certes volontiers des enquêtes « en interne » - communiquant les seuls résultats positifs aux magistrats responsables -, mais n'affirme jamais à la légère.
De son côté, même fortement malmenée dans l'enquête Julie et Mélissa », Martine Doutrewe jouit par ailleurs d'une bonne réputation.
En tout cas, il est impérieux que le procureur général de Liège, Anne Thily, aille au fond du problème. D'autant qu'une autre explication encore a été mise en avant. Le parquet de Charleroi, dont la gendarmerie affirme qu'il était tenu au courant, aurait négligé de transmettre les informations à Liège.
Ce qui conduit tout droit à une autre inquiétude.
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Jumet l’angoisse et le zoom
« Le Vif l’Express » du vendredi 30 août 1996 page 12 et 13
Mardi 27 août, atmosphères contrastées. « Chez Minou », la petite épicerie de la rue Daubresse, à Jumet, on vit comme une aubaine le défilé incessant de dizaines de journalistes et de curieux qui tentent d'approcher le sinistre galet de Marc Dutroux. Les premiers ont commencé à installer leurs caméras mardi matin. Puis, les renforts sont arrivés camions, câblages électriques posés sur le sol, antennes paraboliques pour les retransmissions en direct.
Vers 13 heures, la presse est reléguée à 150 mètres de la propriété présumée maudite. « S'ils nous mettent si loin, c'est que l'affaire est grosse ». Une file de véhicules des forces de l'ordre et des bâches imposantes empêchent tout regard sur les lieux.
Approcher pour « savoir » ? Impossible : la police vérifie les identités et ne laisse passer que les riverains immédiats.
L'hélicoptère de VTM, avec un journaliste de Vers l'Avenir à bord, est prié d'aller voler ailleurs.
Un technicien qui grimpe sur un relais tout proche, pour y installer une antenne, fait une méchante chute. Il est embarqué en ambulance. Au sol, un rempart de zooms frustrés est braqué sur « la » maison.
D'autres photographes ont « réquisitionné » les balcons et les toits de garage. Les locataires assurent l'intendance de « leurs » journalistes. La presse trompe son ennui : pas une seule communication officielle des gendarmes depuis le matin ! Les rumeurs courent : il y aurait cinq cadavres.
Des journalistes britanniques, français, hollandais, allemands hèlent à haute voix leurs techniciens. A chaque passage d'une voiture de police ou de la protection civile, il faut déplacer une partie du matériel photo puis reconquérir son petit espace.
Coups d'oeil méchants, on joue des coudes, on hausse un peu le ton. Flanquée de son interprète, une journaliste japonaise tente de connaître le détail des violences commises par Dutroux.
A 16 heures, cinq privilégiés peuvent visiter et photographier l'endroit. De retour, ils sont assaillis par leurs collègues.
A 17 heures, première déclaration de l'officier de presse de la gendarmerie. On apprend que les chiens ont « marqué un intérêt » pour un coin de terre. Quarante cinq minutes plus tard, qu'« on ne trouve rien ».
Ensuite, nouvelle communication : «Je viens vous dire que je n'ai rien à vous dire ».
Mais, bon prince, l'officier se prête au feu nourri des questions. Séparé du troupeau des journalistes par des barrières Nadar, un autre attroupement s'anime plus distraitement : les voisins, les curieux.
Un peu de tout : un grand barbu croqueur de chips qui a « fait » Sars la Buissière, quelques groupes d'adolescents qui s'amusent à identifier les voitures banalisées de la gendarmerie.
Avidement, on questionne les journalistes. On commente. «Et dire que Dutroux est souvent venu ici sans que personne ne le remarque... »
« Il faudrait l'enfermer sous une dalle de béton avec des nic-nac ». La nuit tombe, les fouilles sont suspendues. « On reviendra demain »...
Ph. L.
Approcher pour « savoir » ? Impossible : la police vérifie les identités et ne laisse passer que les riverains immédiats.
L'hélicoptère de VTM, avec un journaliste de Vers l'Avenir à bord, est prié d'aller voler ailleurs.
Un technicien qui grimpe sur un relais tout proche, pour y installer une antenne, fait une méchante chute. Il est embarqué en ambulance. Au sol, un rempart de zooms frustrés est braqué sur « la » maison.
D'autres photographes ont « réquisitionné » les balcons et les toits de garage. Les locataires assurent l'intendance de « leurs » journalistes. La presse trompe son ennui : pas une seule communication officielle des gendarmes depuis le matin ! Les rumeurs courent : il y aurait cinq cadavres.
Des journalistes britanniques, français, hollandais, allemands hèlent à haute voix leurs techniciens. A chaque passage d'une voiture de police ou de la protection civile, il faut déplacer une partie du matériel photo puis reconquérir son petit espace.
Coups d'oeil méchants, on joue des coudes, on hausse un peu le ton. Flanquée de son interprète, une journaliste japonaise tente de connaître le détail des violences commises par Dutroux.
A 16 heures, cinq privilégiés peuvent visiter et photographier l'endroit. De retour, ils sont assaillis par leurs collègues.
A 17 heures, première déclaration de l'officier de presse de la gendarmerie. On apprend que les chiens ont « marqué un intérêt » pour un coin de terre. Quarante cinq minutes plus tard, qu'« on ne trouve rien ».
Ensuite, nouvelle communication : «Je viens vous dire que je n'ai rien à vous dire ».
Mais, bon prince, l'officier se prête au feu nourri des questions. Séparé du troupeau des journalistes par des barrières Nadar, un autre attroupement s'anime plus distraitement : les voisins, les curieux.
Un peu de tout : un grand barbu croqueur de chips qui a « fait » Sars la Buissière, quelques groupes d'adolescents qui s'amusent à identifier les voitures banalisées de la gendarmerie.
Avidement, on questionne les journalistes. On commente. «Et dire que Dutroux est souvent venu ici sans que personne ne le remarque... »
« Il faudrait l'enfermer sous une dalle de béton avec des nic-nac ». La nuit tombe, les fouilles sont suspendues. « On reviendra demain »...
Ph. L.
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