lundi 14 juillet 2008

L’HORREUR et des questions !(TéléMoustique jeudi 22 août 1996)



L’HORREUR et des questions !

Télé Moustique du jeudi 22 août 1996 page 10 et 11

A la joie de la libération de Sabine Dardenne enlevée le 28 mai et de Laetitia Delhez kidnappée à Bertrix le 9 août de la cave où les séquestraient Marc Dutroux et ses complices a succédé l'horreur: le monstrueux aveu de Dutroux, la découverte ce week-end des corps ensevelis et mutilés des petites Julie et Mélissa. Tandis que demeurait l'incertitude sur le sort d'An et Eefje, les deux jeunes filles disparues en août 1995 au littoral et dont Michel Lelièvre, complice de Dutroux, aurait avoué l'enlèvement.

Julie et Melissa avaient huit ans: enlevées en juin 1995, enfermées, violentées, elles ont passé huit mois d'enfer et de sévices pendant lesquels elles ont probablement servi de jouets sexuels à Dutroux et aux clients de la bande avant de succomber - de faim selon leur geôlier - alors que celui-ci, arrêté pour une affaire de vol en décembre, les avait dit-il confiées à la garde de Michel Lelièvre.

Dégoût, douleur, révolte, désir de vengeance, incompréhension, (Les sentiments se bousculent devant ces agissements monstrueux (voir Vos réactions, p. 12). Ils ont agité la foule en colère groupée devant le palais de justice de Neufchâteau, autour de la maison des Russo (les parents de Melissa) à Grâce-Hollogne, de la maison de Sars-la-Buissière où fut faite la macabre découverte, sur l'indication de Dutroux. On n'a pas manqué de regretter devant les caméras l'abolition toute récente -juin dernier - de la peine de mort.

Indulgence de la justice?

Au-delà de la litanie de questions posées à l'adresse des pouvoirs judiciaires depuis un an par les parents de Julie et Mélissa et du réquisitoire qu'ils firent dans ces colonnes le 20 juin contre l'inefficacité mais aussi le « manque d'humanité» de certains de leurs interlocuteurs judiciaires et policiers (TM n° 3673), une critique plus générale est faite envers le retard de notre système judiciaire dans les affaires de pédophilie.
Tout le monde est d'accord pour admettre que les sévices sexuels sur des enfants, parce que leurs victimes sont plus fragiles et sans défense, et parce qu'ils laissent chez elles des séquelles physiques et psychologiques plus difficiles à cicatriser que chez des adultes, sont parmi les plus graves.
Et pourtant leurs auteurs semblent bénéficier d'une indulgence de la justice qui ne profite pas toujours à des délinquants plus ordinaires et peut-être moins néfastes.
A son habituel train de sénateur, notre législation a pris son temps pour s'adapter: la loi sur les infractions sexuelles à l'égard des mineurs date d'avril 1995...
Libéré en 1992 après avoir purgé la moitié d'une peine de 13 ans pour viol et séquestration de jeunes filles de 12 à 19 ans et d'une quinquagénaire, Marc Dutroux n'a pas été soumis aux nouvelles dispositions qui contraignent les délinquants sexuels, pendant leur libération conditionnelle, à suivre une thérapie dans un centre spécialisé.

"Rusé, cynique, pervers"
Celui qu'on appelle déjà le « monstre »de Marcinelle a-t-il ce profil du pédophile "soignable". Pas si l'on en croit les enquêteurs qui le décrivaient après les premiers interrogatoires comme "très intelligent, rusé, cynique, pervers", "un bourreau insensible aux monstruosités qu'il raconté'.
Alors les questions pleuvent. Connaissait-on ces aspects de sa personnalité, ou même s'en doutait-on lorsqu'en 1992 le ministre de la Justice d'alors, Melchior Wathelet, signa - contre l'avis du Parquet - la libération conditionnelle de Marc Dutroux? Ou bien est-ce que la justice, dans sa clémence comme dans sa sévérité, fait-elle finalement peu de cas des circonstances... et s'applique stylo à la main et signature au bas de formulaires types?

Pour Gino Russo, le père de la petite Mélissa, « Julie et Mélissa ont payé une connerie administrative ». «M. Wathelet a pris la décision de remettre en liberté quelqu'un d'anormal et « joué à quitte ou double ».
Dutroux en liberté conditionnelle, bénéficiant de la loi Lejeune, comment a-t-il pu collectionner maisons et voiture tout en émargeant au chômage sans attirer davantage l'attention de ceux chargés de s'assurer du bon usage qu'il faisait de sa liberté?

Règlement encore, ou surpopulation carcérale: arrêté et incarcéré le 6 décembre 1995 pour une histoire de séquestration-règlement de compte après un vol, Dutroux était à nouveau relâché par un juge de Charleroi - tandis que Julie et Mélissa agonisaient dans la fameuse cave de Marcinelle -, son temps de préventive écoulé et n'étant pas passé en jugement.

Après la disparition des deux fillettes, il avait pourtant, et logiquement, figuré sur la liste des suspects et la maison de Marcinelle perquisitionnée. Comment, dans la cave, les policiers ont-ils pu passer à quelques mètres des petites, prisonnières d'une cache, derrière une bibliothèque, sans se rendre compte de rien?

Ont-ils assez fouillé? Sondé les cloisons? Menacées par leurs geôliers, Julie et Mélissa sont restées silencieuses. D'où le regret de Gino Russo: « Si nous avions été là, elles auraient peut-être répondu à notre voix. »

L'horreur de Sars-la-Buissière débouchera-t-elle sur un renforcement de la législation concernant la pédophilie organisée, peut-être une "modernisation" des procédures d'enquête, voire comme en France un projet de loi sur des "peines de sûreté incompressibles" (avant le terme desquelles il n'y a pas de libération conditionnelle possible)?

Si c'est le cas, ce sera comme souvent, sous la pression des événements et de l'émotion populaire.

A.V.


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L'avis d'un psychiatre des prisons

Expliquer n'est pas absoudre

Télé Moustique du jeudi 22 août 1996 page 11

40 ans, électricien de formation, divorcé et remarié à une institutrice de 36 ans, Michèle Martin
(Également incarcérée), dont il est séparé depuis 1994, père de trois enfants, le "monstre" Marc Dutroux n'est pas qu'un pédophile.
C'est même un aspect secondaire de sa personnalité, selon un psychiatre des prisons que nous avons interrogé. Pas non plus un psychopathe coupé de la société.
"C'est d'abord un criminel. Il n'a pas perdu les pédales. Il sait ce qu'il fait, il n'a pas perdu le sens des réalités. Il y a une grande différence avec un pédophile classique, qui n'est pas forcément criminel. "Lui aussi arrive à la fin, monstrueuse, d'une histoire personnelle. "La sexualité est une partie de son problème. Le tableau complet se dessinera au fil des expertises. Il n’a pas de traitement adapté à ce genre de cas. La seule chose à aire est un suivi social travail, relations, comportement... Comment a-t-il pu acheter sept maisons sans attirer l'attention? On aurait dû s'apercevoir que quelque chose clochait. "
Est-ce qu'une affaire comme celle-là est de nature à remettre en cause la relative indulgence dont la justice fait preuve envers les pédophiles?
- Un traitement social est possible. Il faut des moyens... Pour les névrosés, qui ont des problèmes intrapsychiques et qui parviennent à en parler, le traitement peut-être médical. Là où il y a des problèmes biologiques constitutionnels, il n'y a rien à faire du point de vue médical. Le traitement peut alors être social. On va beaucoup parler de la loi Lejeune. Je suis contre. On condamne des gens et ils sont déjà en train de calculer quand ils sortiront en tenant compte de toutes les remises...
C'est qu'il manque de place dans les prisons.
- Si on commençait à les vider des gens qui seraient mieux ailleurs - je pense aux drogués -, il y aurait de la place pour les criminels.
Vous seriez favorable à des peines incompressibles?
- Je serais pour. Quand on a fait des bêtises, on est condamné.
Quand on parle de pédophilie, il y a la pulsion sexuelle, mais aussi les réseaux, la pédophilie organisée...
- Ça c'est de la criminalité. Il n'y a pas d'autre solution que la prison ferme.
Les gens comme Dutroux, qui sont à ce point pédophiles, psychopathes, pervers, intelligents, sont assez rares...
- La pathologie sociale qui s'est manifestée est exceptionnelle. C'est toute sa personnalité qui est perturbée, asociale. Le seul qui n'en souffre probablement pas, c'est lui. Il a l'air intouchable. L'expertise devrait pouvoir montrer ce qui a flanché, probablement dès sa petite enfance.
Est-ce qu'à force d'analyser les causes profondes de ce type de comportement on ne devient pas très, voire trop indulgent envers les délinquants...
- Pas du tout. C'est pour expliquer comment cela a pu se passer.
Beaucoup de gens, leurs réactions le montrent, confondent cette recherche et celle de circonstances atténuantes...
- Il faut bien faire une différence. Si on retrouve une histoire personnelle, source d'une névrose dont on peut se sortir... Alors oui. Mais pas si on en vient à la conclusion, comme certainement dans le cas de Dutroux, qu'il n'y a rien à faire. C'est pour trouver une explication. La confusion vient de ce que tant de gens s'occupent de tant de choses, tant d'avocats qui demandent aux psychiatres des rapports...




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