jeudi 10 juillet 2008

L’indicible tristesse devant les deux petits cercueils('DH'jeudi 22 août 1996 p3)



L’indicible tristesse devant les deux petits cercueils

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 3

GRÂCE-HOLLOGNE - Pour les familles Russo et Lejeune, la journée d'hier a été très éprouvante. Le matin, les mamans se sont rendues à l'Institut médico-légal de Dos Fanchon, où se trouvaient les corps des petites. Ironie du sort, elles ont été contraintes d'attendre quelques minutes devant les grilles fermées. Attendre qu'on veuille bien les faire entrer. Un peu comme si leur visite était une surprise...

Les parents n'ont pu revoir les fillettes avant leur ensevelissement. Dimanche soir, leur avocat affirmait d'ailleurs: « On nous dit que ce sont Julie et Melissa; nous n'en sommes pas certains ». Pour mettre fin à ce doute, les parents ont demandé que l'examen médico-légal soit confronté à des éléments d'enquête.

Notamment à des radiographies dentaires que les parents sont allés chercher chez le dentiste le matin même.
Faut-il ajouter que, en juillet 1995 déjà, ils avaient proposé à la juge d'instruction que ces radios soient placées dans le dossier?

Plus triste que le Roi...

Les corbillards ont finalement quitté Liège à 13 heures 20. Vingt minutes plus tard, ils sont arrivés au funérarium Mestré, à Grâce-Hollogne. C'est d'abord le cercueil de Melissa qui est extrait du véhi cule blanc, aux poignées dorées, le prénom de la petite gravé sur une plaque argentée. Celui de Julie est identique.

Une heure plus tard, les mamans arrivent sur les lieux. Elles demandent à rester seules quelques minutes puis autorisent la foule à pénétrer dans la chambre funéraire. Les deux cercueils se trouvent côte à côte. Les mamans sont installées de part et d'autre. Leur regard est vide. Carine Russo, vêtue de noir, est figée. Elle ne peut quitter le cercueil des yeux. Le petit frère de Julie se love sur les genoux de sa maman. On ne peut s'empêcher de remarquer qu'il a les mêmes yeux que sa grande sueur...
Dehors, la file s'allonge. « C'est comme pour 1e Roi. Si ce n'est que pour le Souverain, les gens étaient simplement tristes. Ici, nous sommes tristes et révoltés », commente une dame âgée.

Protection pour les assassins

Les papas sont restés à ta maison de Crotteux. Le matin, Jean-Denis Lejeune s'est rendu à Sars-la Buissière. Pour voir...
Plusieurs objets ont été rapportés aux parents : une pince à cheveux garnie d'un noeud, un chouchou et des boucles d'oreilles.
Les mamans n'ont pas reconnu les accessoires pour cheveux. Carine Russo a récupéré les bijoux de sa fille. Louisa Lejeune n'a rien...

A 16 heures 40, alors que les mamans viennent de regagner leur domicile, le ministre de la Justice, Stefaan de Clerck, arrive chez les Russo. Il est accompagné du procureur général de Liège, Mme Thily. Il ressort une heure vingt plus tard. Discrètement, il regagne son véhicule.

C'est Gino Russo qui se charge de prendre la parole. « Il est venu de sa propre initiative pour manifester son soutien. Il a expliqué qu'il était choqué par le déroulement de l'enquête. Nous avons toujours eu de bons contacts avec lui. Lorsque nous nous sommes adressés à lui, nos demandes ont été entendues.

La preuve, la création de la cellule spéciale pour les disparitions. Il a expliqué qu'il allait tirer les enseignements de cette affaire et nous a fait des promesses.
Lesquelles?
Je ne désire pas en dire plus pour l'instant Il a demandé notre collaboration, expliquant qu'il était rare de voir des parents connaissant aussi bien le système judiciaire. On doit le revoir dans un mois. Il a ajouté qu'il avait lui aussi demandé des comptes à la justice liégeoise mais qu'il n'était pas au courant de tous les aspects du dossier ».
Les parents, qui réaffirment leur position contre la peine de mort, ont également demandé au ministre que des mesures de protection rapprochée soient prises pour les inculpés.

La colère masque le chagrin

Gino Russo semble fatigué. Ses lèvres tremblent. Il a du mal a retenir ses larmes. Mais sa colère prend le dessus.
Ainsi, lorsqu'il évoque Marc Dutroux - «Je suppose que quand je verrai les cercueils, j'aurai beaucoup de haine contre ce monsieur... enfin monsieur... ce n'est pas un monsieur ! »

- ou encore l'ex-ministre Wathelet :
- «il aurait mieux fait d'être artiste de variétés, on verrait ses autographes un peu partout ».

Malgré leur tristesse, les parents ont tenu à rappeler qu'ils comptaient introduire des actions en justice. Pour que Julie et Melissa soient un exemple...

Nathalie Evrard

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Des milliers de sympathisants

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 3

GRÂCE-HOLLOGNE - Le jardin de la maison Russo, au numéro 51 de la rue Dierain Patar, à Grâce-Hollogne, ressemble maintenant à un gigantesque tapis de fleurs.

Depuis dimanche matin, les sympathisants se sont déplacés par milliers pour apporter leur soutien aux familles des petites victimes. Dans leurs yeux, beaucoup de larmes.

Dans leur voix, une sourde colère. « C'est un scandale que de tels assassins soient en liberté. Je suis venu de Mons pour apporter mon soutien aux familles. Je peux vous affirmer une chose : je voudrais avoir M. Wathelet devant moi à l'instant Je vous armure qu'il ne passerait pas un gai moment », s'indigne un quadragénaire.

Sur une barrière en face de la maison, de nombreux calicots. Certains réclament la mort de Dutroux et de ses complices. Ceux-là, les familles des petites préféreraient ne pas les voir. D'autres s'adressent à l'ancien ministre de la Justice Melchior Wathelet Sur l'un d'eux, on peut lire : « M. Wathelet et ses amis... Assassins »...

Des sanglots
Au funérarium, la foule est également très nombreuse. Les premières personnes sont arrivées dès midi. II s'agissait le plus souvent de familles. Elles ont attendu longtemps, observant un silence lourd. A l'arrivée des mamans, les applaudissements ont retenti. Certains n'ont pu retenir leurs larmes.

A 15 heures, le public, réparti en petits groupes, peut enfin pénétrer dans la petite chambre où reposent Julie et Melissa. A la sortie, les visages sont couverts de larmes; les épaules secouées de sanglots. Une future maman se tient le ventre, elle est livide. Elle avoue qu'elle ne se sent pas très bien. « le viens d'Outrée. 11 y a 2 heures que je suis là. Mais en tant que future maman, je ne pouvais pas faire autrement que de venir ici. Je suis triste et en colère ,balbutie-t-elle.

Deux dames, les yeux cachés par des lunettes fumées, pleurent à chaudes larmes. « Pourquoi nous sommes là ? Je n'en sais rien... Sans doute par simple amitié... C'est abominable... Nous sommes mamans et grands-mères... Nos enfants, on n'ose plus les laisser sortir... Pauvres petits anges ! Pauvres familles! »

Les fleurs, les nounours et les messages de solidarité sont nombreux. Ils viennent d'un peu partout. Certains quartiers n'ont pas hésité à cotiser pour envoyer un soutien aux parents. Ainsi, Le boulanger et ses clients, de Statte...

Le funérarium Lambert Mestré accueillera les sympathisants aujourd'hui et demain, de 9 à 21 heures. Les funérailles sont prévues jeudi.
Mais l'heure et l'endroit doivent encore être déterminés par les familles.

N.E.
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Loi Lejeune

Pas à pas, toute les étapes de la procédure à suivre

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 3

BRUXELLES - La libération conditionnelle est régie par une ancienne loi du 31 mai 1888, dite loi Lejeune, du nom du ministre de la Justice de l'époque.
Quelles sont les étapes de la procédure?

- Le moment de l'accès possible a la libération conditionnelle est fixée au tiers de la peine pour un délinquant primaire (non récidiviste) et aux deux tiers de la peine pour un récidiviste. La durée de la détention préventive compte dans le calcul du tiers ou des deux tiers accomplis. La libération n'est pas un droit mais une possibilité, soumise à différentes conditions.

- Deux mois avant la date du tiers ou des deux tiers, c'est la prison qui va s'occuper automatiquement du dossier. Le détenu peut aussi demander l'ouverture de la procédure.

- La conférence du personnel de la prison examine le cas et rend un premier avis. Cette conférence du personnel est notamment composée des directeurs de la prison, des responsables des gardiens, des représentants des cultes, des services sociaux et des psychiatres.

- Si l'avis de la conférence du personnel est positif, la direction de la prison prend également position. Le directeur rédige un formulaire reprenant l'avis détaillé de cette conférence, puis émet des commentaires personnels. Dans l'hypothèse favorable au détenu, la direction transmet alors une proposition de libération à toutes une série d'instances.

- Une commission administrative doit se prononcer. Cette commission regroupe des citoyens respectables de l'arrondissement, désignés par le ministre. Ils représentent la société.
Tous les parquets où des condamnations ont été prononcées contre le détenu remettent également un avis motivé.

- L'ensemble de ces avis sont synthétisés par l'administration pénitentiaire, qui transmet le dossier au cabinet du ministre de la Justice, après un détour, dans le cas de condamnations criminelles, par les bureaux des grands patrons de l'administration pénitentiaire, qui émettent eux aussi un avis.
Après avis de ses conseillers, le ministre décide ou non de signer la remise en liberté. Il est le seul responsable final.

Pédophiles

Depuis 1995, cette procédure a été renforcée pour les auteurs de crimes sexuels sur des enfants.
Des avis supplémentaires de services spécialisés sont nécessaires, de même qu'une obligation d'un suivi de la guidance médico-sociale.
On le lira également en page 2, le ministre de la Justice De Clerck va instaurer prochainement un nouveau verrou général : une commission de magistrats qui rendra un avis pour les faits les plus graves.
Un avis que le ministre devra suivre.

B. F.

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