lundi 14 juillet 2008

Incompréhension et révolte (TéléMoustique jeudi 22 août 1996)


Incompréhension et révolte : Vos premières réactions :


Télé Moustique du jeudi 22 août 1996 page 12 et 13

C'est un sentiment d'incompréhension, mêlé de révolte impuissante face à l'horreur découverte ce week-end, qu'expriment vos premières lettres plus "furieusement vôtre" que d'habitude. Voici deux de vos réactions significatives d'un état d'esprit encore sous le choc.

Julie, Mélissa, An,Eefje, Sabine, Laetitia et toutes celles dont on ne connaît pas le nom. Toutes ces jeunes filles ont été kidnappées, séquestrées, violentées ou tuées par des crapules: les Dutroux, Michel Lelièvre, d'autres peut-être.
Au moins deux d'entre eux sont multi-récidivistes libérés avant terme par M. Wathelet, alors ministre de la (in)justice. Comment un ministre, homme qui devrait être responsable et réfléchi dans ses actes, a-t-il pu libérer un criminel dangereux comme Marc Dutroux près de 9 ans avant le terme de sa peine?

Si vous me lisez, sachez, M. le ministre, qu'à votre place je n'en dormirais plus! En tout cas, j'ai honte d'être dirigé par des gens tels que vous.
En Belgique on vire les pédagogues, on libère ou gracie les pédophiles.
En Belgique, un pédophile restera moins longtemps en prison qu'un braqueur.
En Belgique, des autorités libèrent des crapules que les policiers et les juges ont mises en prison, des crapules qui détruisent la vie de familles entières, des crapules qui violent nos filles et nos soeurs.
Comment nos gouvernants peuvent-ils encore avoir la conscience tranquille? Je suis habituellement tout à fait opposé à la peine de mort, mais parfois je me demande comment oser laisser des violeurs d'enfants en vie.
Je me demande si, pour de tels salauds, il ne faudrait pas réintroduire des méthodes d'exécutions raffinées et cruelles. Pourtant, si on les proposait, je serais contre ces méthodes, mais certainement pas contre la mort.
Je m'excuse de mes termes crus, voire violents, mais aucun autre mot ne pourrait exprimer justement ma colère et ma révolte.

Olivier Goldberg, Bruxelles

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Julie, Mélissa, Laetitia, Sabine, Eefje, An et les autres...

On aurait tous voulu que cet alignement de prénoms ne fût autre chose que le titre d'un film, du genre de celui dont Michel Piccoli fut la vedette. Hélas, il ne s'agit pas de cinéma.
Ce qui avait commencé par un conte de fées en ce 15 août s'est, au fil du temps, transformé en une succession d'horreurs.
Les chaînes de télévision étrangères ont, d'un seul coup, redécouvert l'existence de la Belgique. Elles, d'ordinaire si discrètes lorsque chez nous se passe quelque chose méritant d'être mentionné, ont relaté le déroulement de cette affaire dans les moindres détails. Je leur reconnais toutefois le mérite du style direct: alors que notre RTBF parlait encore de M... D..., RAI UNO le traitait de pédophile assassin.

Comment ce type a-t-il pu être remis en circulation, malgré la gravité des faits pour lesquels il avait été condamné? Et voilà qu'avant le terme de sa peine, il a eu le temps de commettre assez de délits pour y retourner pour le reste de son existence.
Mes félicitations à ceux qui ont permis cela! Qu'ils aillent expliquer la loi Lejeune et son application aux parents de ces petites filles mortes de faim après avoir subi les assauts immondes de cette brute. Qu'ils aillent ensuite raconter cela aux jeunes filles qui ont revu le jour ce 15 août et dont la restructuration psychologique prendra sans doute plus de temps que celui qu'avait passé en prison le monstre de Marcinelle.

A la sortie du palais de justice de Neufchâteau, la foule a spontanément exprimé la condamnation d'un peuple tout entier.
Seule la présence des gendarmes a soustrait le monstre au lynchage. Bien sûr, les gendarmes ont fait leur devoir et nul ne penserait à le leur reprocher. Mais que personne n'adresse le moindre reproche à cette foule de parents et grands-parents, qui mieux crue n'importe quel expert ou membre de
L’une ou l'autre commission pénale mesuraient l'horreur des faits.
Que l'on ne vienne pas opposer à ces sentiments spontanés la nécessaire pondération d'une justice sereine. Nous voyons maintenant à quelles aberrations des mesures prétendument humanitaires peuvent conduire. 80 % de récidives
Un responsable namurois de la protection de la jeunesse a dit récemment que le taux de récidive parmi les pédophiles relâchés atteignait près de 80 %. On sait donc le risque que l'on fait courir aux enfants chaque fois que l'on invite un pédophile à se réinsérer.

Notre position vis-à-vis de la pédophilie, au niveau de la répression, me paraît empreinte d'un laxisme coupable. Le hasard a voulu que j'aie à témoigner contre un pédophile qui "exerçait» tant en famille que dans le cadre de ses activités professionnelles. La matérialité des faits ayant été confirmée tant par les petites victimes que par les familles, l'intéressé n'en a pas moins réintégré son emploi et instruction a été donnée à ses compagnons de travail de ne jamais mentionner en quelque manière que ce soit les faits qui avaient justifié son éloignement momentané. A la limite, il aurait pu les attaquer en diffamation...

Peines incompressibles

Au moment où ces lignes paraîtront peut être, une pétition nationale circulera en vue d'obtenir une révision des peines applicables aux pédophiles, assassins ou non.
Devant l'horreur des scènes dont nous venons d'avoir connaissance, par respect pour l'innocence et la candeur des petites victimes, en signe de partage de la douleur des familles détruites par ces agissements inqualifiables, il est du devoir de chacun de signer afin qu'une plus grande sévérité préside au jugement de pareils monstres. Que ceux qui y verraient un appel à l'application
de la loi du talion s'abstiennent de répondre. Que ceux qui douteraient de l'utilité d'une sévérité accrue s'en gardent également. Devant un tel irrespect de la vie humaine dans ce qu'elle a de plus prometteur, qu'ils fassent preuve d'un minimum de décence face à la peine de parents ainsi anéantis. Que les habituels auteurs de beaux discours en faveur des justiciables se taisent. Ils ont assez parlé et leur clémence a malheureusement les effets que l'on sait.
Il ne s'agit pas pour autant de réclamer le retour à la peine de mort. Mais ayons au moins la dignité de faire en sorte que les peines applicables traduisent notre respect de la vie des enfants et de leur intégrité physique et psychologique. Si nous n'en sommes pas capables, non seulement nous avouerons notre indifférence face à une enfance bafouée, mais nous encouragerons l'extension de pareilles aberrations. Bien sûr, pas plus que d'autres, je ne crois à l'exemplarité de la peine. Mais, en l'occurrence, le respect des termes de la peine au rait au moins évité le martre à quatre fillettes.
Pour autant que, d ici quelques jours, on n'en découvre pas d'autres...
Il est évident que ces inculpés seront jugés et défendus selon les règles en vigueur dans notre démocratie. Personne ne songe à leur nier la présence d'un avocat. Mais faudra-t-il encore assister au cortège des experts chargés de définir leur degré de responsabilité et d'entendement?

Ces choses n'ont-elles pas été analysées à suffisance lors de précédents procès? Sans réclamer une justice expéditive, n'est-on pas en droit d'exiger qu'en des délais raisonnables on puisse être fixé sur la peine à appliquer?
Nos législateurs n'ont-ils pas le temps d'introduire dans notre arsenal pénal la notion d'incompressibilité de la peine, afin de nous protéger contre la « générosité provocante» de l'un ou l'autre futur ministre de la Justice en mal d'action d'éclat?

Solidarité aux familles

Je ne voudrais pas terminer sans relever les quelques points positifs qui, comme dans toute tragédie, redonnent malgré tout espoir en la nature humaine. Je veux parler de la solidarité qui s'est manifestée envers les familles, au plus profond de leur détresse, du dévouement des associations qui ont contribué au dénouement partiellement heureux de cette tragédie, et du travail des forces de l'ordre.
Souhaitons que cette expérience, pour malheureuse qu'elle soit, ait permis à nos enquêteurs d'acquérir des méthodes de travail et des automatismes qui les mettent en état de faire face avec une efficacité encore accrue à l'avenir.

Mais que dire de ces parents détruits par des mois d'attente et anéantis par l'irréparable, alors qu'enfin des raisons d'espérer venaient de leur être données? Bien sûr, chacun de nous se sent proche d'eux et partage leur peine. Mais, le soir, alors que nous embrassons nos enfants ou petits-enfants, mesurons-nous notre bonheur de n'avoir pas eu à connaître dans notre chair la douleur qui leur a enlevé la raison de leur vie?

En parler dans les classes aussi, pour éviter dans la mesure du possible que de tels drames ne se renouvellent, soyons conscient de ce qu'ils restent possibles. D'autres M... D... sont aux aguets.
Ne craignons pas d'exercer une surveillance relativement rapprochée sur notre jeunesse.

Rappelons-nous que la présence d'esprit de ce jeune étudiant de Bertrix a permis le dénouement partiellement heureux de ce drame du mois d'août 1996.

Sans en arriver à une psychose disproportionnée, prenons conscience des risques et apprenons à nos enfants à les connaître et à y faire face.
Dans quelques jours, c'est la rentrée scolaire. Prenons l'engagement, tous, dans nos classes, de consacrer une heure à traiter de ce problème. Certes, il s'agit d'un sujet que d'aucuns trouveront délicat à exposer en classe.

Que ceux-là sachent que la majorité des parents, éprouvant eux aussi cet embarras, risquent de ne pas le faire. Ne vaut-il pas mieux prendre le risque de "choquer" un enfant en attirant son attention sur un danger qu'il ne soupçonne peut-être pas plutôt que de lui laisser courir celui de le vivre dans toute son horreur, faute de l'avoir préparé à s'en défendre?

Des structures existent, qui peuvent aider les familles et les enseignants à assurer cette prévention avec l'efficacité et la délicatesse qui s'imposent. Chaque école, par le truchement du Centre PMS dont elle dépend, peut avoir accès à la documentation utile et aux aides en personnel si nécessaire.

Même si une telle prévention ne devait épargner ce que nous savons qu'à un seul des enfants qui franchiront le seuil de nos écoles ce 2 septembre, elle vaut la peine d'être pratiquée.

J. Doumont, Taurines

(Les intertitres sont de la rédaction.)

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