samedi 14 novembre 2009

Les fautes de l'enquête livrées en direct à 525.000 téléspectateurs ( «Le Soir» 28 décembre 1996 pg 4)


Les fautes de l'enquête livrées en direct à 525.000 téléspectateurs

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 4

Qui ment? La juge ou les gendarmes?

La commission est ébranlée par les confrontations.

Et maintenant ? Après trois journées consacrées au volet liégeois de l'enquête sur la disparition de

Julie et Métissa, qui ébranla la Belgique; après cette fascinante confrontation de mardi (17 décembre) entre la juge Martine Doutrèwe et le major de gendarmerie Daniel De Craene; après cette incroyable confrontation à six, vers 4 h 45 jeudi (19 décembre), tout le monde n'a qu'une question en tête : que va-t-il se passer ?

Parce que cette nuit fut réellement extraordinaire, dans le sens fort du mot. Ce n'étaient pas des délinquants qu'on confronte habituellement dans le bureau d'un enquêteur, d'un juge d'instruction ou aux assises - , mais bien un juge, un magistrat, un greffier, un policier judiciaire, deux gendarmes qu'on a confrontés devant un parterre de députés et des centaines de milliers de personnes: 525.000 téléspectateurs de 23 heures à minuit, mercredi soir, et encore 315.000 de minuit à 1 h 15.

Et parce que, dans cet aréopage de six personnalités, une, au moins, ne dit pas la vérité, comme l'a dit gravement le président Marc Verwilghen.

Si l'adjudant Lesage, de la gendarmerie de Grâce-Hollogne, dit vrai, c'est que la juge d'instruction connaissait les suspicions sur Marc Dutroux pour l'enlèvement de Julie et Mélissa et qu'elle les a mal appréciées.

Si Martine Doutrèwe dit vrai, c'est que la gendarmerie a tout voulu garder pour elle.

Dans le dossier Julie et Mélissa comme dans le dossier Loubna, il y eut d'autres erreurs, d'autres demi vérités, d'autres mensonges. Cela, au moins, va être sanctionné.(...)

Tout cela ? Une juge qui ne voit les parents que cinq semaines après la disparition de leurs enfants. (...) Des enquêteurs qui ne se passent pas les dossiers. Des magistrats qui ne se parlent pas. (...)

La loi sur les commissions d'enquête parlementaires prévoit (...) que les procès-verbaux des auditions qui contiendraient des indices ou des présomptions d'infraction seront transmis au procureur général près la cour d'appel pour qu'il y soit donné telle suite que de droite. (...) Le travail de la commission n'est pas fini.

Elle prend des vacances pour le moment, elle laisse décanter tout ce qu'elle a appris. Et elle reprendra ses séances le 6 janvier.

Et nous pourrions connaître encore d'autres surprises. Il n'est pas du tout exclu, par exemple,que la commission Dutroux désire entendre la hiérarchie de la gendarmerie. Le général Deridder, le général Franssen et le colonel Berkmoes, patron du BCR, en tête.

Article paru le 20 décembre

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Les familles des victimes sur tous les fronts de la colère.

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 4

Russo : aiguillons de la révolte

Carine et Gino Russo, les parents de Mélissa, de Grâce-Hollogne, forcent l'admiration par leur courage empreint de calme et de bon sens.

Gino est ouvrier dans une division de Cockerill où la solidarité des collègues s'est magnifiquement manifestée. Carine apparaît moins instinctive, plus raisonnée. Ensemble, ils sont, depuis la disparition de la petite soeur de Grégory, de toutes les émissions, manifestations, commissions, réunions... Increvables. Avec Jean-Denis et Louisa Lejeune, parents de Julie, amie de Mélissa disparue avec elle, ils sont l'aiguillon de la révolte contre la justice.

Jejeune : au bout du monde

Jean-Denis et Louisa Lejeune : Jean-Denis et Louisa Lejeune ont conjugué, depuis le 24 juin 1995, leurs efforts à ceux des Russo, également de Grâce-Hollogne, pour retrouver la grande soeur de Maxime, Julie, disparue avec Mélissa. Là où Gino n'est pas, Jean-Denis apparaît pour défendre, à présent, la mémoire des «petites.»

Comme Gino, il a couru le monde. Louisa, plus effacée, complète les actions de son mari dont de fréquents séjours à l'étranger d'un commentaire sensé. Parce que, plus encore que les parents d'autres disparus, les Lejeune - Russo sont sollicités tous les jours par les médias. Louisa aussi fait face.

Marchal: les voix de la Flandre

Betty et Paul Marchal, les parents d'An, avaient, à l'inverse des parents Russo et Lejeune, exprimé – un temps - leur confiance en la justice.

Jusqu'au jour de la découverte des corps d'An et Eefje. Depuis lors, ils affichent une méfiance généralisée à l'égard des politiques.

Ces Flamands de Hasselt (elle est employée de banque, il fait la classe à de jeunes handicapés) ont franchi affectivement la frontière linguistique pour confondre leur révolte à celle de leurs amis Russo, Lejeune, etc. Ils ont eux aussi fondé leur ASBL, leur « deuxième vies. »

Marie-Noëlle Bouzet, la « maman blanche »

Marie-Noëlle Bouzet, professeur de céramique, se dit prête à tout pour retrouver sa fille disparue depuis sept ans. Depuis lors, cette quadragénaire se bat sur la piste du moindre indice: à plusieurs reprises, elle s'est rendue aux Canaries, espérant pouvoir embrasser sa fille aperçue dans les rues de Santa-Cruz. En vain.

Aujourd'hui, elle ne supporte plus la chaussée de Waterloo à Saint - Servais où la gamine a été enlevée. L'enquête est pour elle synonyme d'enfer: suspectée dans un premier temps, oubliée après. Sept ans d'attente ont forgé son caractère : sereine mais déterminée, elle a organisé la marche blanche.

Nabela Benaïssa au porte-voix

Nabela Benaïssa est la soeur aînée de Loubna, disparue en août 1992, à Ixelles, où vit sa famille marocaine depuis une vingtaine d'années.

A dix-huit ans, la jeune fille née en Belgique impressionne par sa maturité et sa modération.

Elle est devenue le porte-parole de ses parents auprès des enquêteurs et de l'opinion. Pour se montrer ainsi parfaitement à l'aise dans la société belge et solidaire des parents d'autres enfants disparus, Nabela a apporté beaucoup d'eau au moulin de l'antiracisme.

La Ligue des droits de l'homme lui a décerné le premier Prix Régine Orfinger-Karlin.

D’autres parents dans l’attente

Francis Brichet. Le papa d'Élisabeth regrette depuis la disparition de sa fille d'avoir été tenu à l'écart de l'évolution de l'enquête. Il dénonce aujourd'hui l'attitude de certains parents trop enclins, d'après lui, à se placer sous les feux des médias.

Philippe Deleuze. Le père de Laurence Matthues, la jobiste de Walibi retrouvée morte à Franc-Warêt le 8 septembre 1992, s'est démené pour que ce dossier d'instruction soit confié à Neufchâteau. L'enquête demeure à Namur.

Anita Crul. L'affaire Dutroux a permis à la maman de Sylvie Carlin, une jeune fille disparue à Peruwelz le 15 décembre 1994, de relancer l'enquête. Après des mois passés dans l'ignorance, elle a été reçue le 19 septembre par le procureur du Roi de Tournai. Une ASBL l'aide désormais dans ses démarches.

Jean Lambrecks. Le papa de Eefje n'a jamais voulu affronter les caméras. Son combat est intérieur. Sa peine est privée. Des conflits, qui ont débouché sur des plaintes en justice, l'opposent à la famille Marchal. Les funérailles des deux jeunes Limbourgeoises ont eu lieu séparément.

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Le Parlement sous le choc du récit des parents

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 4

Les parents des enfants assassinés racontent leur calvaire à huis clos.

La commission parlementaire chargée d'enquêter sur les dysfonctionnements dans l'enquête Dutroux a commencé ses auditions hier (25 octobre).

Tout au long de la matinée et pendant une partie de l'aprèsmidi, Gino Russo, Jean-Denis Lejeune et son épouse ainsi que Pol Marchal ont longuement expliqué aux députés leur calvaire face à des policiers incrédules, à des magistrats absents, à une justice sans visage, fatalement inhumaine et souvent erratique.

(...) A la fin du huis clos réclamé par les familles Lejeune et Russo, bon nombre de députés étaient manifestement sous le choc.

Avant longtemps, on ne saura pas ce qui s'est dit derrière les portes fermées du Parlement.

Hormis que les Lejeune et Russo ont dressé la liste des blocages de l'enquête... trop nombreux pour qu'ils puissent encore empêcher de penser que Dutroux et d'autres ont forgé des réseaux pédophiles et profité de protection sûres. (...)

Ce ne sont que des présomptions, mais, manifestement, bon nombre de députés les partagent désormais. (...)

Ce n'est pas la seule question qui ait surgi au cours des dernières heures. Un autre débat s'empare de la télévision et du rôle qu'elle doit jouer dans la société...

Est-il bon de diffuser en (faux) direct les travaux de la commission, à la mode américaine et au risque de faire de « l'info spectacle »?

Et pourquoi la RTBF n'a-t elle pas diffusé une émission spéciale,

du type « Avis de recherche » ? (...)

Un avocat des familles y voit beaucoup de mépris et une faute aux conséquences incommensurables.

Article paru le 26 octobre

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Marc Verwilghen, le président

Marc Verwilghen, 44 ans, n'était jusqu'il y a peu qu'un jeune parlementaire discret. Fils de magistrat, le député libéral flamand est avocat. Il a d'ailleurs mené sa carrière juridique avant de se lancer dans la politique.

Ex-membre des PW-Jongeren, camarade d'université de Guy Verhofstadt, il est devenu député en 1991. Il est également échevin à Termonde.

Placé sous les feux de l'actualité depuis quelques semaines, cet amateur de surf et de ski n'a commis que peu d'écarts. Il n'a pas voulu exploiter cette publicité inhérente à son nouveau rôle.

(Article paru le 20 décembre)

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La juge Doutrèwe sur le gril

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 4

Martine Doutrèwe, qui est âgée de 39 ans et domiciliée à Tilff, est mariée et mère de trois enfants (dont des jumeaux). Elle a débuté au bureau d'avocats de Me Jean-Marie Defourny. Paralèllement, Mme Doutrèwe est assistante à l'université de Liège. Mais, déjà, son plan de carrière est tracé. Martine Doutrèwe veut devenir juge.

Nommée en 1987, elle va s'occuper pendant 4 ans des problèmes de la jeunesse.

C'est en 1991 qu'elle est nommée juge d'instruction. Interrogée sur la pression qui pèse sur ses épaules, elle a déclaré: « Je suis sereine, les choses sont claires dans mon esprit ».

(Article paru le 22 octobre)

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Une intervention exceptionnelle du Roi,

en accord avec le gouvernement

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 4

Le communiqué de presse diffusé mardi après-midi (10 septembre) par le palais royal est étonnant.

Après un long silence de l'Exécutif (à l'exception du ministre de la Justice),

Albert II intervient directement dans le traitement du dossier des disparitions d'enfants. (...)

Que dit le communiqué royal ? Qu'après avoir reçu les parents d'enfants disparus, le Roi a reçu le ministre de la Justice pour lui transmettre une liste d'observations et de questions faisant suite aux rencontres qu'il a eues. Le Roi, poursuit le communiqué, a rappelé qu'une clarté totale doit être faite sur ce drame, ses origines et toutes ses ramifications. (….) Le communiqué royal est «couvert» par le Premier ministre, le ministre de la Justice et l'ensemble du gouvernement, signale le cabinet de Jean-Luc Dehaene.

On pourrait donc, à juste titre, en déduire que le gouvernement a joué cet atout royal dans des circonstances extraordinaires et dramatiques

Un peu comme si le Roi, aujourd'hui, était le seul à pouvoir tenir ces propos dans un climat antipolitique. Albert Il s'est fait le porte-voix de l'action gouvernementale.

Photo Alain Dewez.

Article paru le 11 septembre

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Des associations nées dans le sillage de « l'affaire Dutroux »

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 4

Depuis le début de l'affaire Dutroux, des associations canalisent la mobilisation populaire.

Marc et Corine. L'ASBL, mise sur pied après le meurtre des jeunes «fiancés de Plombières», fut en première ligne durant les 14 mois qui précédèrent la découverte des corps de Julie et Métissa. Des dissensions sont apparues entre l'ASBL et les Russo et les Lejeune.

En août, les parents diffusaient un communiqué par lequel ils se distanciaient des initiatives de l'ASBL et particulièrement de la pétition réclamant des peines incompressibles. Cette pétition, remise au Parlement le 10 octobre a recueilli 2,7 millions de signatures.

Julie et Mélissa, n'oubliez pas. Cette association est née à l'initiative des parents des victimes, et particulièrement des Russo et des Lejeune. Cette association entend notamment œuvrer à une réforme de la Justice. Les parents ont également créé l'association pour l'enfance violée qui prend en charge la diffusion d'un CD vendu depuis le 18 décembre dans les bureaux de poste.

Pour nos enfants. Cette association créée en octobre par deux jeunes femmes, Nathalie Werpin et Véronique Naveau, entend être près de chaque famille pour écouter, assister dans les démarches et constituer des groupes de soutien. L'ASBL a déterré plusieurs dossiers judiciaires et s'est adressée au Roi.

An et Eefje. Le pendant néerlandophone de l'association «Julie et Mélissa, n'oubliez pas» est né dans la douleur. La discorde est vive entre Pol Marchal, le père d'An, et Jean Lambreks, le père de Eefje. Ce dernier veut interdire l'utilisation du nom de sa fille, accusant le premier de « se faire valoir ».

Enfin, des Comités blancs ont été récemment constitués aux quatre coins du pays.

Une ASBL Sylvie se consacre au cas de Sylvie Carlin, disparue de Péruwelz le 15 décembre 1994.

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