UN JOUR HISTORIQUE ( «Dernière Heure » lundi 21 octobre 1996 pg 2)
UNE FOULE IMPRESSIONANTE DE DIGNITE
Puis Gino Russo prend la parole et lance à sa petite fille qui, dit-il, « Elle nous regarde » : « Mélissa, je t'aime. » Son épouse enchaîne. « Quand tu es née, petite princesse, c'était un grand jour pour ton papa et maman, tu étais un cadeau de la vie.»
Le ton est donné. La marche silencieuse, la marche des fleurs blanches, la marche des enfants, la marche des papas et des mamans, la marche blanche est tout simple ment devenue une marée blanche, sans précédent historique chez nous et sans doute au monde.
Marée de ballons et de fleurs blancs, roses, oeillets, lys, marguerites et muguets; marée de casquettes et de foulards blancs arborés par plus de 325.000 participants (selon les organisateurs), 275.000 (police de Bruxelles), entre 204 et 250.000 (ministère de l'Intérieur), entre 150 et 200.000 (source gendarmerie), massés sur les boulevards du centre, du Nord au Midi. Les familles voulaient un défilé silencieux. Mais, tout au long, la foule, restée digne, n'a pu s'empêcher d'acclamer les parents de Julie et Mélissa, Sabine, An et Eefje, Élisabeth et Loubna... qu'on a failli oublier.
Les prévisions de la police ont rapidement été dépassées. Le rassemblement prévu au bd Jacqmain a débordé sur Ie Botanique, le boulevard Max, la rue Neuve,
Magnifique
De Sabine, les manifestants n'ont aperçu que le visage baigné de larmes quand la frêle adolescente leur a lancé un bref « merci». François, 12 ans, qui avait chanté aux funérailles, entonne la chanson d'Yves Duteil: « Pour les enfants du monde entier. »
Les mouchoirs sortent des poches. Car c'est aussi la marche des mouchoirs blancs. Il est 13 h 35 quand le cortège s'ébranle dans une ambiance familiale de promenade du dimanche.
Les calicots, les cris, les sifflets sont rares. Les mots qui reviennent parlent plutôt de solidarité, de sympathie et d'espoir. Des rumeurs circulent sur la présence de la reine Fabiola. II n'y a plus de Flamands, de Wallons ni de Bruxellois, mais des Belges unis comme la promesse faite à la mort du Roi. Jacques Brel ne reconnaîtrait plus sa place de Brouckère, qui n'a jamais été aussi belle. Y défilent José et Eunice Arias, des Chiliens en Belgique depuis 22 ans et le putsch de Pinochet. Ils défilent « pour que ça n'arrive pas à Pablo, notre fils qui est né ici ». Devant ce succès immense, parler des incidents devient dérisoire. Comme prévu, une vingtaine de manifestants non violents du PTB ont été arrêtés administrativement. Ajoutons que la foule avait pris le parti de les ignorer. Seules quelques pancartes ont dénoncé la « Cour de castration », référence à
Ils ne pourront s'y arrêter, mais fileront, par les tunnels, vers le 16, rue de la loi, où les ministres les attendent. Quatre heures après – il est alors 19 h - les derniers marcheurs, deux milliers, parviennent au Midi. La nuit est tombée.
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Même des agents de mezzanine (guichets), capables de prendre un volant, ont été réquisitionnés. Au total, 102 trams, 156 bus et 141 voitures de métro ont assuré les liaisons vers le point de départ de la manifestation.
Trente trains spéciaux avaient été prévus, mais la compagnie des chemins de fer a dû en ajouter 28 autres, tous ces convois étant, de plus, au maximum de leur capacité. Outre ces trains spéciaux, les navettes régulières circulent, ce qui représente une vingtaine de trains par heure, également allongés à leur -maximum. Pour les retours du Midi, les manifestants ont dû s'armer de beaucoup de patience.
B. F.
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