Le profil du serial killer (« Dernière Heure »10 septembre 1996 pg 5)
Le profil du serial killer
Beaucoup d'éléments, dans sa personnalité, m'incitent à parler d'un tueur en série : au départ, il y a plusieurs victimes - et je pense, hélas qu'il y en aura encore. Il y a ensuite du sadisme, une grande perversité. Cet homme, enfin, ne montre pas de regret, de sentiment. Il apparaît vraiment comme un psychopathe. Les autres personnes sont pour lui des objets. Heureusement que l'on a arrêté Dutroux avant qu'il ne commette d'autres forfaits.
Des psychopathes de son genre, en effet, tuent,tuent encore, et ont toujours la volonté de tuer en préparant soigneusement leur coup : leur cas est irrécupérable. La pédophilie est juste un aspect de tout cela.
Aux Etats-Unis, on relève deux catégories de serial killers : ceux qui sont structurés, qui préparent tout avec minutie, et ceux qui agissent par impulsion. Dutroux relève de la première catégorie. Un autre élément qui me fait penser qu'il est tueur en série est la façon dont il avoue : au départ, il donne des renseignements imprécis, vagues, il joue le grand chef. Pour ces personnes, il est en effet important d'exercer sa puissance sur les autres ».
Le FBI en Belgique
A Neufchâteau, ce ne serait donc pas un hasard si deux enquêteurs du FBI, venus de la base de Quantico en Virginie, plus précisément de l'unité enlèvements d'enfants et tueurs en série, se sont joints aux enquêteurs belges, pour, entre autres, affiner les techniques d'interrogatoires et, a partir de là, le portrait des suspects. Pour la petite istoire, ce sont deux autres enquêteurs du FBI-Virginie, John Douglas et Marc Olshaker, qui avaient créé le profil de Hannibal le cannibale dans le célèbre Silence des Agneaux, dont certaines scènes ont d'ailleurs été tournées à Quantico.
Ces deux spécialistes, qui ont publié un livre sur les serial killers, ont fait parler 40 de ces monstres. Ils se sont exprimés quant à l'affaire Dutroux et à la manière de le faire parler: « Il faut apporter le plus possible d'éléments du crime dans la pièce où a lieu l'interrogatoire : les chaînes avec lesquelles les fillettes ont été entravées, les matelas où elles dormaient, les pilules qu'il utilisait pour les droguer, des photos des enfants kidnappés et disparus... Seulement de cette façon, vous pouvez briser son contrôle.
Contrôle : c'est le mot clé ! Un serial killer n'a pas de contrôle dans sa vie. Il se construit donc son propre monde dans lequel il exerce son contrôle absolu c'est comme cela qu'il trouve sa satisfaction. Pour avoir le contrôle sur Dutroux, quand on l'interroge, pour le déstabiliser, il faut dès lors lui amener autant de preuves que possible de ce qu'on lui reproche ».
Une méthode que confirme Gilles Bourdoux, criminologue, maître de conférences à l'université de liège à l'école de criminologie: « Ces interrogatoires nécessitent une préparation rigoureuse, où l'on envisage deux à trois scénarios possibles, en fonction des réponses du suspect. En général, on procède à plusieurs : un enquêteur- par ailleurs formé à /a psychologie - interroge et l'autre observe, les mimiques, les hésitations...
C'est un jeu subtil du chat et de la souris »... Les serial killers, ajoutent les enquêteurs du FBI, finissent par parler: l'aveu final, c'est aussi le moyen de revivre, une dernière fois, les atrocités commises.
Par ses activités publiques (au profit des jeunes notamment),Henri Tombeur jouit à Etterbeek d'un véritable courant de sympathies. Ses amis ont même décidé de créer un comité de soutien. Celui-ci ne reste pas inactif. Aucun ne croit un seul mot de toute cette histoire. Le comité se demande si les malheurs actuels de M.Tombeur ne sont pas le fruit d'une machination. Le conseiller communal n'avait pas que des amis.
Parti de rien, il rencontrait u n petit succès en politique, ce qui a pu créer des jalousies. L'Etterbeekois était aussi l'administrateur délégué du centre sportif communal.
Fait rare en matière de pédophilie - surtout par les temps qui courent - son arrestation a suscité un élan de solidarité... en sa faveur : une pétition a déjà recueilli deux cents signatures et le dossier s'est enrichi de plus de 150 témoignages de moralité qui lui sont favorables.
Selon ses proches, le dossier serait truffé de failles - indices a moitié vrais... à moitié faux, invraisemblances, contre-vérités, etc.
Dernièrement, les psychiatres auraient conclu en l'absence de dangerosité d'Henri Tombeur, lequel n'aurait par surcroît pas le profil d'un pédophile. Peut-être la prolongation de la détention de l'Etterbeekois ne s'explique-t-elle que par l'absence du juge - M. Jacques Pignolet, en séjour à l'étranger – le tribunal libérant rarement un détenu sans avoir pris l'avis du magistrat instructeur.
A titre de témoin
En attendant, sa détention se prolonge à la prison de Forest et celle-ci est pénible. Henri Tombeur est incarcéré dans une cellule voisine de celle de Michel Nihoul (l'homme clé de l’affaire Dutroux).
Après 62 jours, le conseiller communal a déjà perdu 25 kilos.
Les proches de Tombeur dénoncent, enfin, une enquête partiale menée par une femme, commissaire adjoint à la police d'Etterbeek, qui a trouvé l'occasion de se venger. L'enquête n'aurait jamais dû lui être confiée.
C'est pourquoi cette cassette, s'il y en a une qui circule, est sans prix ». Il insiste : aujourd'hui, ce que les acheteurs recherchent, c'est le réel : ce n'est pas un hasard si les cassettes d'adultes filmant leurs propres ébats sont les plus vendues. « Mais pour ne pas être embêtant, cela doit être de plus en plus hard ». Répugnant...
"Il faut agir. Il n'est pas possible que des gens comme Dutroux puissent sortir de prison. A la maison, mon épouse et moi en discutons depuis plusieurs semaines. Elle est pour la peine de mort dans pareils cas, je demeure contre. Et pourtant, si cela arrivait à mon petit garçon, je crois que je ferais la peau au coupable. Ce qui n'arrangerait évidemment rien. A propos de mon gamin, un jour, en voyant une photo de Dutroux dans le journal, il a dit: "C'est un méchant, il a tué Julie et Mélissa!" Il sait donc, malgré ses 4 ans et demi. C'est une bonne chose. Il ne faut pas cacher de tels faits aux enfants. Ils doivent vivre dans la réalité et savoir que dans notre société, tout n'est pas beau, tout le monde n'est pas bon."
"C'est trop facile de réclamer des têtes pour se donner bonne conscience.
Nous sommes tous responsables de systèmes qui engendrent de tels personnages en divinisant cet univers médiatique basé sur la violence et le non amour. Au lieu d'éduquer nos enfants, nous diminuons le nombre de professeurs dans les écoles, puis nous nous indignons de ce qu'ils deviennent une fois adultes.
Cette douloureuse affaire amène à se poser beaucoup de questions sur notre société construite uniquement autour de l'argent et de l'élitisme."
"Les événements des dernières semaines ont sans aucun doute provoqué dans /a société belge un réveil de la conscience morale. La conviction profonde de la population qu'il y a des limites en morale à ne pas de passer s'était sans doute quelque peu assoupie ou même endormie. L'horreur devant le meurtre d'enfants innocents a suscité, dans les consciences et dans l'opinion publique, un réveil du désir profond d'innocence qui habite le cœur de tout homme droit. La tolérance dans la société ne peut aller jusqu'à tolérer l'intolérable. La découverte des crimes en Belgique ne fait que mettre en plein jour le mal qui existe dans la société et qui rôde dans le cœur de l'homme. Elle révèle aussi comment /e mal dépasse le mal dans le cour de l'homme individuel: il est aussi dans les structures d'une certaine société. Ce qui manque dans notre société, c'est le consensus sur ces valeurs morales qui sous-tendent toute vie humaine et toute vie en société. Une masse de lois et de décrets pour organiser la vie morale en société ne pourra jamais remplacer la conscience éthique bien formée des citoyens.
"Quid leges sine moribus - Que valent les lois sans le sens moral ?". L'Église, avec d'autres, doit se consacrera rétablir ce consensus moral. "
"Avec les joueurs du Sporting, nous avons envoyé un message aux parents de Julie et Melissa, leur disant qu'ils pourraient toujours compter sur notre aide. Je pense, en effet, que c'est dans quelques semaines, lorsque la médiatisation de cette affaire sera plus faible, qu'il faudra relancer à l'avant-plan le débat sur la pédophilie et les lacunes de la justice. En tant que personnalités publiques, c'est le moins que nous puissions faire pour ces familles touchées au plus profond d'elles-mêmes. Ce serait hypocrite de dire qu'on peut se mettre à leur place. Ce qu'ils ont vécu ces derniers mois est tout simplement inimaginable."
"Je me suis toujours attaché a adressera aux jeunes un message d'enthousiasme. Je pense surtout à eux, en
ces moments si difficiles. Nos enfants sont tellement vulnérables ! Il incombe à notre société de les protéger sans failles; par exemple en étant beaucoup plus attentifs au suivi judiciaire d'individus comme Dutroux. Je voudrais à présent que les jeunes retrouvent l'espoir. Cette affaire doit considérablement les impressionner, ils doivent s'interroger sur le monde qui les entoure, façonné par les adultes.
Qu'ils sachent, si cela peut leur redonner quelque peu confiance, que la population unanime a poussé un immense cri de révolte. Une réaction particulièrement salutaire. "
"Nous avons tout dit, tout nous reste à dire. Il nous faudra tout délier. Le présent demande à passer. Les coeurs sont comme des tirelires: pour en voir le fond, il faut les briser."
"On doute de la nature humaine quand on arrive à des dérives aussi horrifiantes qui dépassent l'entendement. On se demande comment la puissance publique n'est pas capable de se prémunir contre de telles choses. Quand une majorité politique va-t-elle comprendre que la hiérarchie des infractions et la sécurité des citoyens sont des principes fondamentaux?
Pour moi, le débat sur la suppression de la peine de mort devait aller de pair avec celui sur des peines incompressibles. Il faut mettre la société à l'abri de personnages capables de commettre des crimes aussi odieux. En France, Dutroux irait en tôle jusqu'en 2028! On s'occupe beaucoup trop de médicaliser le problème. Tout acte irresponsable doit-il donc être justifié médicalement?"
"Comme tous les Belges, l'assassinat des jeunes filles me traumatise et me mène à pousser un cri de révolte. C'est pourquoi, pour une fois, j'espère qu'on ira jusqu'au bout de cette affaire et qu'elle ne restera pas sans réponse comme l'est celle concernant les tueries du Brabant ou comme a semblé l'être, jusqu'à ces dernières heures, celle portant sur l'assassinat d'André Cools. Manifestement, en Belgique, dès qu'il y a une grosse affaire, on s'arrange pour l'étouffer au maximum.
J'ai donc mes doutes sur la volonté qui existe de faire aboutir celle-ci. A cette seule différence, importante, que cette fois toute la population est concernée et réclame la vérité. Il est impossible de ne pas tenir compte de ce phénomène..."
"Ce n'est pas pensable ce qui arrive. On est dans un monde où tout bascule, dans lequel on fait de tout une valeur marchande", dit Louis Smal, le patron de
GSM; ils n'en avaient pas! "Sa conclusion est aussi un constat amer: "Quand on voit des monstres pareils, on se dit que c'est toute la société qui dérape. Il faut se ressaisir. D'urgence!"
"Comme tous les Belges, je suis profondément affecté par l'atrocité de cette affaire. Mais en tant que bourgmestre, il m'est d'autant plus pénible de voir comment la ville de Charleroi est montrée du doigt parle reste du, monde, comme dans les journaux français Le Monde et Le Nouvel Observateur. Cela fait treize ans que je me bats pour changer son image de cité industrieuse et sinistrée à tout point de vue. J'aimai lorsque j'entends des concitoyens dire qu'ils ont honte d'habiter
Charleroi. N'importe quelle ville peut à un moment donné abriter le plus pervers des criminels sans que l'on ne jette pour cela l'opprobre sur sa population. Les Carolos n'ont pas à se sentir coupables des événements."
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire
Abonnement Publier les commentaires [Atom]
<< Accueil