jeudi 14 août 2008

Les carolos vivent mal la tragédie qui les salit(«Soir illustré»4 septembre 1996 p16,17)


Les carolos vivent mal la tragédie qui les salit

Toute une région refuse d’être associés aux violeurs qui s’y sont infiltrés

« Soir illustré » du mercredi 4 septembre 1996 page 16,17

Suite de la page 15 …
……..chargea de toute l'affaire, mais, à sa grande colère, fut enfermé en prison jusqu'en mars 1996: Avant d'entrer en prison, il avait eu le temps d'éliminer Weinstein, qui le doublait, et de demander à Lelièvre de nourrir Julie et Mélissa, prisonnières de la maison du 128, route de Philippeville, à Marcinelle, dans ce réduit inventé par un bricoleur animé du génie du mal. Si Lelièvre n'alla pas nourrir les petites, Michèle Martin non plus.
Elle a avoué avoir nourri les chiens de Dutroux, mais n'a jamais tenté de délivrer ou même de nourrir Julie et Mélissa. Elle était effrayée, ment-elle.

Marchienne-Docherie, rue Destrée; Marcinelle, route de Philippeville;Jumet,rue Daubresse; Mont-sur Marchienne, rue des Hayettes; Sars-la Buissière, et quels autres lieux encore?

Dutroux avait infiltré le corps de la ville où il était venu vivre au début des années soixante, après le retour du Congo, et les événements tragiques de l'indépendance de la colonie. Dutroux, qui avait étudié dans plusieurs écoles de Charleroi et qui avait fini par décrocher son diplôme A3 d'électricien, est la face noire d'un pays qui voudrait déchirer les ténèbres, arracher ce masque qui nous fait horreur.

MARIE-LOU FAIT du CAFE AUX REPORTERS


L'envoyée spéciale d'un mensuel japonais était frappée par l'urgence des Carolos à crier qu'ils ne sont pas des Dutroux. Dans sa maison ouverte à tous, Madame Booman, que les journalistes connaissent désormais comme Marie-Lou, avait à peine le temps de préparer un thermos de café qu'il était vide. Et elle revenait avec des biscuits.
Sa maison lumineuse, pareille au sourire des habitants de ce pays qui encaisse les coups de la crise, depuis le début de la fin, la fermeture des charbonnages, puis les coupes sombres qui blessèrent la sidérurgie, et ce chômage qui pourrit la vie, qui sert de terreau à toutes les combines, forcément, parce qu'il faut s'en sortir, malgré tout.
Malgré les pubs à la télé qui vantent des bagnoles que peu oseraient encore s'acheter, malgré le crédit si facile. Les gens auraient voulu montrer aux journalistes ce terril couvert d'arbres, sillonné de sentiers de promenades, dominant le ring reliant la cité au réseau d'autoroutes: deux heures et demie de Paris, 45 minutes de Bruxelles. Ils auraient voulu emmener les journalistes sur le ring qui encercle le coeur de Charleroi et leur montrer les communes satellites qui forment la trame de la première ville wallonne, par le nombre d'habitants. Jumet, Marcinelle, Gilly, Châtelet, Fleurus, Courcelles, autant de centres animés, avec leur vie, leur folklore. Des centres formant un tissu de commerces, de cafés chaleureux, où l'on offre une pinte pour nourrir la conversation, de lieux où les gens ont leurs racines, une région riche en artistes.
Puis, au-delà, les villes à la campagne, comme Thuin, voisine de Sars la Buissière, où Dutroux s'était planqué dans sa fermette désormais maudite.
Cette région frappée par la fin des entreprises qui avaient besoin de bras, tente de se reconvertir. Le bourgmestre Jacques Van Gompel et le ministre Jean-Claude Van Cauwenberghe, pour lutter contre l'image projetée aujourd'hui de Charleroi, ravalée au rang de ville des crimes les plus odieux, ont même rédigé un communiqué. Un plaidoyer pour la justice, et pour ce coin dont l'hymne, connu par coeur de tous ses enfants, est, avec sa nostalgie d'une autre époque, "Pays de Charleroi, c'est toi que je préféré, le plus beau coin de terre, à mes yeux, oui, c'est toi". Un hymne qui, vu de la rue Daubresse à Jumet, donnerait envie de pleurer sur les illusions perdues.

C'EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS


Pourtant le paysage a été travaillé, comme le potier malaxe sa terre glaise, pour le préparer à l'avenir. On veut extirper les ruines industrielles du décor pour ouvrir des espaces à ces entreprises nouvelles que l'on n'en finit plus d'attendre. Au Pont de Waterloo, sur le site de l'ancien terril de la Croix, le cinéma géant Carollywood et les galeries de Ville 2 montrent qu'un Charleroi du futur se dessine.

La reconversion est dure à réaliser, quand les économistes ne jurent plus que sur le néo-libéralisme le plus débridé.

D'autres villes d'Europe, comme Detroit aux USA, redeviennent, partiellement, des jungles urbaines que les gens ne voyaient pas ailleurs que dans les films américains du Carollywood.

Et voilà que la fiction vole en éclats sous la pression d'une réalité insupportable, accablante. Alors, Madame Booman accueille à Jumet les journalistes avec du café et son sourire.

Chez Minou, à l'épicerie, on peut acheter des sandwiches, des pizzas et des pains au boudin chaud pour pas bien cher et se réchauffer gratuitement, le matin, d'une tasse du café offerte par la Ville. La seule manière d'essayer d'effacer les horreurs commises par Dutroux et son gang, qui ont maculé de sang tout un coin de terre.

Tous les gens de la région de Charleroi, comme ceux du pays, et du monde entier, éprouvent de la répulsion pour ce qui s'est produit à côté de chez eux, comme le disait le titre du film belge qui sidéra le festival de Cannes.

Mais Charleroi, c'est aussi Le Huitième Jour. L'évolution a voulu que la crise finisse par mélanger deux mondes en un même lieu. Les gens comme Dutroux, Lelièvre, Diakostavrianos ou Weinstein se sont faufilés entre les nantis et les minimexés, profitant de la déglingue pour tisser leurs trafics. La région de Charleroi est constellée de champs de démolition d'autos.

Les gens y font leur marché de pièces d'occasion, pour prolonger la vie de voitures aussi usées que leur moral. Beaucoup n'ont plus les moyens de vivre dans le monde dont on leur présente l'image à la télé. A Charleroi, des marchands de voitures d'occasion voient refuser des prêts de 30.000 francs à des clients qui rêvent d'une auto pour retrouver un boulot. L'auto permet d'aller voir ailleurs, procure l'illusion fugitive d'échapper à sa destinée.

CE CAUCHEMAR QUI N'EN FINIT PLUS...
Dans la région de Charleroi, on voit des familles déménager leurs meubles sur des charrettes à bras.

Les fourgueurs de voitures en noir finissent par prendre le pain de ceux qui paient des impôts.

Cercle infernal. Comme celui des jeunes sans futur qui se droguent. Et qui cassent des pharmacies, ou finissent rue du Moulin, à la Ville Basse. Là où des jeunes filles se gâchent pour quelques billets, à la sauvette, à la rage des filles des vitrines. Elles-mêmes arrivées là parce qu'elles n'avaient plus d'homme ni d'emploi, et qu'il fallait bien nourrir les gosses. C'est sur ce pays de Charleroi-là, celui qui est à la dérive, qui s'éloigne très vite de celui qui survit à la crise, de la ville qui se redéploie avec ses boutiques de luxe et ses restaurants de qualité, que Dutroux rayonnait. Lui, l'intelligent, le pervers, le manipulateur, la victime de la justice, le violeur, qui hantait la Belgique à bord de sa camionnette déglinguée pour enlever, droguer et violer des enfants et des jeunes filles rentrant à la maison. Son forfait accompli, il garait sa camionnette infernale dans une de ses tanières éloignées des regards et tournait ses vidéos immondes, avec sa femme, Michèle Martin, l'ancienne institutrice. Chef craint et manipulateur régnant sur une bande de paumés, Dutroux tenait sous sa coupe des plus faibles, comme Lelièvre, ou Diakostavrianos.

Ceux qui ont bu une chope avec Michel le Grec, au dancing La Réserve, ne le trouvaient pas bien malin. Le vendeur de pneus d'occase rachetés en Allemagne était parfois escorté d'une fille venue de l'Est.

Elle ne parlait pas un mot de français. Il racontait n'importe quoi, qu'elle venait de Slovaquie, ou quelque chose comme ça. Des filles vendues comme des pièces de bagnoles à la décharge.

Et des cassettes vidéo montrant des enfants violés, torturés. A qui Dutroux montrait-il ses immondes catalogues d'enfants torturés, à vendre, comme s'ils n'étaient que des débris glanés au bord des routes, au hasard de ses dérives?

Marcel Leroy.

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