mardi 22 juillet 2008

Nous avons peur le soir('DH'29 août 1996 p4)


Nous avons peur le soir

«La Dernière Heure» du jeudi 29 août 1996 page 4


DES JEUNES ÉTAIENT INVITÉS PAR LA DERNIÈRE HEURE À ÉVOQUER LE DANGER QUE REPRÉSENTENT LES PÉDOPHILES

BRUXELLES - « Pourquoi, quand on a enlevé An et Eefje, les gens n'ont pas bougé ? Pourtant ils ont vu qu'on les poussait dans un camion. »

L'étonnement de Maya, 11 ans, ouvre le débat. Autour d'elle, à la table de discussions, quatre garçons de son âge, Jérémie, Rahaël, Maxime et Johnny. Et, dans le rôle de l'animateur, Emmanuel de Becker, pédopsychiatre de l'équipe SOS-enfants de St-Luc à l'UCI, qui n'a guère eu voix au chapitre, tant les interventions se sont succédées à un rythme soutenu, en témoignent ces quelques extraits de plus d'une heure d'échanges.

- Maxime : « Mais, Maya, si les gens n'ont rien fait pour An et Eefje, c'est peut-être qu'ils avaient peur. De se faire attaquer. On ne sait jamais, ils étaient peut-être armés. Et puis, les voisins de Dutroux aussi, ils savaient, lis ont tout vu, tout entendu. Mais ils n'ont jamais rien dit.

- Jérémie : « Ce qui est dégueulasse, c'est ce qu'ils ont dit aux enfants. Quand ils venaient voir Laetitia et Sabine, ils leur racontaient que leurs parents ne voulaient plus les revoir et qu'ils ne voulaient pas payer la rançon. Et les policiers, ils n'ont pas toujours bien travaillé. Un jour, il y a un prisonnier qui leur a dit qu'il leur donnerait des renseignements s'il était libéré. Il ne fallait peut-être pas le relâcher, mais il fallait au moins essayer de le faire parler. »

- Maya : « 1l fallait le menacer. Et il paraît qu'en prison, on n'aime pas les pédophiles, alors on n'avait qu'à lui dire que, s'il parlait, il ennuyait un pédophile. »

Honte devant les gens

Le mot est lâché, ce que n'a pas manqué de relever Emmanuel:
« Mais c'est quoi, exactement, un pédophile ?»

- Raphaël : « C'est quelqu'un qui viole des enfants. »

- Jérémie : « Et qui fait des films pornographiques. »

- Maya : « lis font ça aussi pour de l'argent. Parfois, ils ont 500.000 francs pour un film. »

-Jérémie : « Et même un million. C'est énorme. Moi, avant, j'étais pour la peine de mort avec ces gens-là.
Mais maintenant, je me dis que cela ne sert à rien. »

- Maya : « Et ils prennent presque toujours des filles. »

- Johnny : «lci, ce sont surtout des hommes qui font ça. Mais en Amérique, il y a aussi des femmes. »

- Maxime: « D'ailleurs, Dutroux, il avait sa femme avec lui. »

- Johnny : « Le problème, c'est qu'on a trop peur pour aller raconter ce genre de trucs quand ça arrive. Si on essaie d'en parler, on a honte devant les gens. Le plus grave, ce sont les parents qui donnent leurs enfants aux pédophiles

Quand Emmanuel tente de cerner les sentiments qui s'agitent dans leur tête à la vue de Dutroux et consort, la réponse fuse : « On a peur »

- Maya : « J'ai peur de sortir toute seule.

-Maxime : « Moi, c'est surtout le soir dans mon lit que j'ai peur. De la journée, ça va. Mais le soir... »

- Jérémie : « Moi aussi, quand je me couche, je mets ma tête sous les couettes dès que j'entends du bruit.

- Raphaël : « Moi, je me cache dans les coussins.

- Jérémie : « Pour nous, c'est mieux. Mais ça ne change rien pour eux. Eux, ils savent quand même qu'on est là, qu'on est sous les couvertures. Quand j'ai vraiment trop peur, je vais dans le lit de mes parents. Et je laisse un orteil contre leur peau. ».

A chacun son truc
Une réaction épinglée par Emma n u e I : « C'est une bonne idée de se donner des trucs pour se rassurer. Vous en avez d'autres ? » Leur imagination a déjà bien travaillé.

- Johnny : « Moi, je prends des cours d'arts martiaux. Cela aide,parce qu'on se sent plus fort.

- Maya: « Quand je suis toute seule pour rentrer chez moi, je change de trottoir souvent. Ma rue est vide et il ne passe presque personne.

- Raphaël : « !I faut prendre !es sens uniques, comme ça, s'ils te suivent en voiture, ils doivent faire tout un tour et ils ne savent pas te rattraper.

- Jérémie : « Si je vois quelqu'un de suspect, je fais demi-tour, pour rentrer à la maison. De toute façon, je vais vite, avec mes rollers. »

- Johnny : « ll faut quand même faire attention : tous les gens dans la rue ne sont pas tous méchants.

- Maya : « Oui, mais il y en a. Moi, une fois, j'ai été suivie par un type qui m'a dit: Bonjour, comment ça va ?.
Il m'a pose une question, je n'ai pas répondu et j'ai continué à marcher. Heureusement, il ne m'a pas suivie.

- Jérémie : « C'est pour ça que nos parents sont plus sévères. Pendant les vacances, je suis allé à Knokke et je ne pouvais pas sortir comme les autres années. Je trouvais qu'elle avait raison. Pour nous, c'est pas juste, mais pour les parents, c'est bien. Le problème, avec les adultes, c'est qu'ils ont peur, comme nous. Mais ils n osent pas le dire. Ils se disent : Qu'est-ce que nos enfants vont penser si on le montre ?
C'est un tort. Ils ne doivent surtout pas avoir honte de leur peur...

Propos recueillis par Véronique Lamauin
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EN PARLER ? OUI MAIS...

Déjà - trop - bien informés

«La Dernière Heure» du jeudi 29 août 1996 page 4

BRUXELLES - Ils n'ont peut-être pas encore quitté les bancs de l'école primaire mais ils sont déjà des téléspectateurs assidus des JT. Il suffit de les écouter parler de l'enquête pour se rendre compte à quel point leur jeune mémoire enregistre ces comptes-rendus d'horreur.
Ainsi Jérémie n'ignore-t-il pas que « Weinstein avait déjà enlevé deux garçons et une fille, qu'il avait attachés avec des chaînes. Heureusement, la fille était mal attachée, elle a pu se libérer, aller prévenir la police. Ils ont arrêté Weinstein mais il leur a dit qu'ils avaient pris les jeunes parce qu'ils avaient volé des voitures. »

Et de s'étonner : « Comment ont-ils pu le croire : ce n'est pas possible de voler des véhicules à leur âge. » Jérémie comprend encore moins que « à la sortie du tribunal, Sabine et Laetitia se sont jetées dans les bras de Dutroux. Pourquoi ?

Maxime s'indigne quant à lui des conditions de détention des petites victimes. « Elles étaient enfermées dans une toute petite cave, il faisait noir. La seule chose, c'est qu'elles avaient des jeux vidéo. »

Maya pense quant à elle au calvaire de Julie et Mélissa. «C'est horrible, elles sont mortes de faim. Et il y en a une qui a vu mourir l'autre. Pourtant, Dutroux avait demandé à quelqu'un de leur demander à manger. »

Jérémie a quant à lui entendu hier que « Dutroux avait enterré cinq filles vivantes. Ou alors qu'elles ont été envoyées dans les pays de l'Est.

Gare à la surinformation
« Mais vous êtes super-informés », s'exclame Emmanuel. « Forcément. Il n`y a plus que ça à la télé », lui répond Jérémie.
« Leurs réactions mettent en évidence le risque de surinformation que courent tous les enfants. Dans certaines familles, tout le monde fait silence devant les bulletins d'information. Et après, on n'en parle pas.
Or, il faut en discuter, il faut décortiquer les images et les commentaires. » Le pédopsychiatre lance dès lors une mise en garde: « Sans quoi, les jeunes risquent de ne plus se retrouver dans cette avalanche d'information. Certains finiront par perdre tous leurs repères. Ils ne sauront finalement plus qui croire.

Et Emmanuel de Becker de lancer un appel aux parents : « S'il vous plaît, nouez le dialogue avec les enfants. Laissez-les parler, sondez. Pour voir ce qu'ils ont compris. » A côté de cela, les pères et mères doivent quelques explications à leur progéniture. « Il faut qu'ils disent pourquoi ils sont plus sévères qu'avant. Ce qui les amènera à livrer leurs sentiments, à oser avouer leur colère, leur tristesse, leurs craintes. »

V. l.
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Eric Derycke plaide pour une Cour criminelle internationale

«La Dernière Heure» du jeudi 29 août 1996 page 4

STOCKHOLM - Programmé de longue date - tout comme la participation belge à Stockholm – le Congrès mondial contre les abus sexuels des enfants a cependant pris, on s'en doute, un tour très particulier, en raison du sinistre dossier Dutroux.
A Stockholm, on ne parle évidemment plus que de ce scandale belge dans les couloirs du congrès et l'intervention du ministre des Affaires étrangères,Eric Derycke, qui devait prendre la parole après le Dr Peter Piot, notre compatriote qui dirige le programme sida des Nations-Unies,était hier particulièrement attendue...
Je m'adresse à vous, au nom de la Belgique, a déclaré le ministre devant une assemblée composée de délégués du monde entier, un pays qui vient de vivre un immense deuil, un immense traumatisme », ajoutant que nous ne pouvons plus nous cacher « derrière des statistiques, ou des rapports sur des situations de violation des droits de l'enfant commises à l'autre bout du monde. Nous vivons tous, aujourd'hui en Belgique, dans l'ombre de l'infamie et de l'horreur ».

Plaque tournante
A Stockholm, le ministre devait encore préciser sa crainte de voir la Belgique, au carrefour de l'Europe, devenir une « plaque tournante de la criminalité internationale, dont l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales est l'un des aspects les plus choquants ».
Dans ces circonstances difficiles, notre pays entend néanmoins se profiler comme tête de pont de a lutte mondiale contre ce fléau qu'est la pédophilie : le ministre compte bien, à cet effet, donner de la voix pour qu'en Europe une véritable solidarité et une coopération multilatérale s'instaurent. « Un tel sujet trouverait sa place dans les négociations en cours à New York sur la création d'une Cour criminelle internationale ».

Un tribunal où les pays qui laisseraient encore faire seraient mis à l'amende....
C'est devant un mur de caméras que le ministre a, plus tard, développé son idée d'un système répressif mondial, au cours d'une conférence de presse ou il eut le délicat privilège de parler au nom de la Belgique. Sa critique fut amère : « Ce qui vient de se passer est aussi le résultat d'un système ultra-libéral poussé à l'extrême, où tout est possible, où tout devient marchandise, même le corps d'un enfant ».
Les circonstances difficiles que nous vivons sont l'occasion de rappeler que cela peut se passer n'importe où, même en Europe, en Europe de l'Ouest, même en Belgique, où les parents protègent naturellement leurs enfants, une telle criminalité peut nous affecter ».

En attendant, vendredi, au conseil des ministres, Eric Derycke, aux côtés du ministre de la Justice Stefaan De Clerck, présentera un programme en cinq points à une assistance préventive et curative aux victimes, une responsabilisation des magistrats pour l'exécution des peines, les moyens de traiter les détenus, en prison, une meilleure coopération judiciaire, et le problème d'Internet (selon les experts, un million d'images pornographiques et 40 millions de pages d'Internet sont actuellement consacrées à la pornographie enfantine) seront à l'ordre du jour.

Dans la capitale suédoise, le congrès a rejoint le ministre, adoptant une déclaration et un plan d'action pour étendre la répression à l'encontre des marchands de sexe, qui maintiennent des centaines de milliers d'enfants en esclavage.
Les 1.200 participants appellent les Etats à mettre en œuvre un plan national d'action d'ici l'an 2000 (comprenant la création de banques de données) et à criminaliser davantage ces activités illicites.

N. F.
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LE TROUBLANT AVEU DE L'ANCIEN JAMES BOND

Roger Moore reconnaît avoir été victime d'abus sexuels


«La Dernière Heure» du jeudi 29 août 1996 page 4

STOCKHOLM - « J'ai été victime d'abus quand j'étais enfant –cela n'a pas été grave- mais je ne l'ai pas dit à ma mère avant l'âge de 16 ans, parce que j'avais le sentiment que c'était quelque chose dont je devais avoir honte », a déclaré mardi à l'APTV l'acteur britannique Roger Moore.

Celui qui fut dames gond à l'écran est aujourd'hui âgé de 68 ans et se trouve à Stockholm pour participer en tant qu'ambassadeur de bonne volonté de l'Unicef aux travaux du congrès mondial consacré à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants.

Eliminer tout sentiment de culpabilité chez l'enfant

J'avais le sentiment d'avoir fait quelque chose mal. Je n'avais rien fait de mal », a souligné Roger Moore sans toutefois donner plus de précision sur la nature de cet incident dans son enfance.
Nous devons absolument éliminer tout sentiment de culpabilité dans l'esprit de l'enfant. Il faut qu'il sache que ce sont eux (les auteurs d'abus) les responsables, ce sont eux qui font quelque chose de mal.
Nous devons dire aux enfants qu'ils sont exploités », a encore dit Roger Moore.

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