L’enquête sur l’enquête : Charleroi sur le gril('Soir'28 août 1996 p19)
L’enquête sur l’enquête : Charleroi sur le gril
« Le Soir » du mercredi 28 août 1996 page 19
La guerre des polices envenimait le climat à Charleroi. Il y a de la corruption dans l'air. Et peut-être des aveux dans le dossier de la « Porsche ».
Le parquet de Charleroi et le parquet général de Mons sont au centre de l'enquête confiée par le ministre de la justice Stefaan De Clerck au procureur général de Cassation Jacques Velu.
Le premier magistrat du parquet doit faire la lumière sur les raisons pour lesquelles le ministère de la Justice n'a pas été informé de la ré-arrestation de Marc Dutroux en décembre 1995.
La loi l'impose, on le sait,lorsqu'il s'agit de personnes en liberté conditionnelle, afin de permettre au ministre de révoquer l'arrêté de libération signé, dans le cas Dutroux, par Melchior Wathelet en avril 1992.
Le procureur général doit déterminer où l'on a failli : au parquet de Charleroi ou au parquet général de Mons, dont le chef, Georges Demanet, jure n'avoir été informé de rien?
Deuxième question : les informations obtenues par des gendarmes sur Dutroux dès octobre1993 (il aménageait ses caves pour y séquestrer des enfants) puis en 1995 (il offrait 150.000 F par fillette enlevée) ont-elles été communiquées à temps et entièrement au parquet de Charleroi?
Ont-elles été transmises au parquet de Liège à destination de la juge Martine Doutrèwe chargée de l'enquête sur Julie et Mélissa?
C'est dans ce volet de l'enquête que travaille à Liège le procureur général Anne Thily, chargée de faire le relevé de tous les devoirs effectués dans l'enquête « Julie et Mélissa ».
Troisième question : s'il y a eu blocages à Charleroi, comme certains l'affirment, il faut savoir par qui et pourquoi.
Quatrième question greffée sur la précédente : quel intérêt avaient des policiers, des gendarmes ou des magistrats carolorégiens de protéger Dutroux?
II n'est pas impossible que les réponses se rejoignent. Les explications obtenues se concentrent en effet sur une sale guerre entre policiers et gendarmes, mais, selon les sources, elles divergent quand il s'agit d'identifier les bons et les mauvais.
Les informations sur Dutroux obtenues par des gendarmes carolorégiens en octobre 1993, et complétées pendant l'été 1995, de même que le résultat des surveillances par une unité des Posa et les résultats de la perquisition de décembre 1995 chez Dutroux (on y avait déjà saisi plus de cent cassettes vidéo non pornographiques) ont, on le sait, été transmises par la gendarmerie de Charleroi à la brigade de Grâce-Hollogne.
Les surveillances sur Dutroux avaient notamment permis de le pister lorsqu'il sortait la nuit et sillonnait la région de Namur.
Mais aucun fait révélateur d'infraction permettant de l'inculper n'avait pu être observé.
On nous affirme que la gendarmerie a transmis en 1995 et par écrit ces informations à la section jeunesse du parquet de Charleroi.
Comme le parquet en a le droit, la substitute aurait même exigé de connaître le nom de l'informateur. Ce qui lui aurait été refusé, l'informateur craignant d'être éliminé si Dutroux parvenait à l'identifier.
UN CLIMAT DETESTABLE
C'était l'époque où le climat était devenu plus détestable que jamais à Charleroi. Zicot avait notamment pour informateur Marc Dutroux. Les gendarmes avaient un complice. Dans la chasse aux trafics de voiture, c'était la guerre entre PJ et gendarmes. On dit que Georges Zicot, ancien gendarme passé à la PJ, avait ouvert des dossiers à charge d'un gendarme et de dépanneurs. Que des gendarmes avaient perquisitionné dans un garage où étaient parquées les voitures saisies par le parquet de Charleroi, et que leur enquête visait notamment Zicot.
C'était aussi la guerre entre Zicot et l'expert en voitures Philip pe Demanet, le fils du procureur général de Mons. Zicot cherchait à le pincer dans un trafic.
Le comité P (contrôle des polices) avait investigué. Certains affirment que les enquêteurs auraient promis à des truands des arrangements à l'amiable s'ils chargeaient Zicot. D'autres disent que Philippe Demanet aurait «fait un contrat» avec des truands sur Zicot. D'autres encore, que Zicot aurait proposé au procureur général un arrangement: laisser tomber l'enquête sur son fils Philippe et l'enquête sur le vol en Espagne en 1994 de la Porsche achetée en leasing par l'expert Philippe Demanet. Zicot, ayant repéré trois Porsche suspectes dans un garage, soupçonnait Philippe Demanet, qui avait acheté une autre Porsche en France en décembre 1994, d'avoir fait voler la première pour la faire rapatrier. Après le vol de la Porsche, la société de leasing a été dédommagée par l'assurance.
Où est la vérité dans ce treillis de règlements de comptes? On n'en sait rien. D'aucuns disent qu'à travers le dossier du fils du procureur général, on entendait exercer un chantage sur le père sous pression.
Ce que l'on sait, c'est qu'en raison des enquêtes en cours, le père Demanet avait estimé qu'il était prématuré de nommer Zicot inspecteur principal à la PJ.
Dans ce climat, le ministre estima urgent de créer une cellule anti-corruption. Initiative qui fut battue en brèche à Charleroi où fut créée une cellule «trafics de voitures ».
Le juge Laffineur, à Bruxelles, est chargé du dossier « trafics » à charge de Zicot, et du dossier
«Escroquerie à l'assurance » relatif à la Porsche de Philippe Demanet.
Le juge a entendu plusieurs personnes hier. Et l'on nous affirme qu'un garagiste aurait avoue avoir été paye pour voler la Porsche et la ramener d'Espagne. Le parquet de Bruxelles ne l'a pas confirmé.
Des magistrats du palais de Charleroi auraient, par l'un ou l'autre des enquêteurs, acheté à bon prix de belles « occasions ».
Ce qui, si c'est confirmé, pourrait expliquer les blocages d'informations qui ont paralysé l'enquête à Liège, avec les conséquences que l'on connaît...
RENÉ HAQUIN
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Un dossier de tabassage bloqué ?
« Le Soir » du mercredi 28 août 1996 page 19
L'histoire d'un dossier de tabassages concernant trois gendarmes de Charleroi peut être aussi révélatrice du climat qui empoisonnait les relations dans le monde judiciaire et policier.
Tout a commencé par une enquête interne à la gendarmerie: un officier, un adjudant et un premier maréchal des logis étaient soupçonnés d'avoir frappe un suspect dans la caserne de gendarmerie. L'enquête interne à la gendarmerie débuta, et le substitut chargé des affaires disciplinaires fut tenu informé.
Craignant l'arbitraire d'une enquête interne, les trois gendarmes suspects portèrent plainte en diffamation et calomnie contre X chez un juge carolo auquel leurs avocats demandèrent divers devoirs, notamment de saisir le dossier interne à la gendarmerie. La chambre du conseil rendit un non-lieu.
Un des trois porta alors plainte contre deux collègues pour séquestration arbitraire: il estimait avoir été retenu illégalement dans un bureau lors de son interrogatoire dans le cadre de l'enquête disciplinaire.
La chambre du conseil clôtura aussi ce dossier par un non-lieu. Le gendarme interjeta appel. La chambre des mises en accusation de Mons rendit un arrêt renversant les rôles: c'est le plaignant qui fut condamne a payer des dommages (100.000 F) à ceux qu'il visait dans sa plainte.
DEUX ÉCLAIRAGES TRÈS DIFFÉRENTS
Selon qu'on s'informe de l'un ou l'autre côté, l'éclairage de cette affaire est différent. Pour les uns, les trois gendarmes faisaient un travail remarquable, ceux qui les accusent seraient des ripoux qui auraient voulu les casser.
Pour d'autres, les trois gendarmes seraient les protégés d'un magistrat du parquet et du juge en charge de leurs plaintes. Pour d'autres encore, c'est une enquête simple, qui s'inscrit dans le droit fil de la dynamique de la gendarmerie qui veut remettre de l'ordre dans ses unités.
Tandis qu'on s'interroge sur la suite que le parquet de Charleroi donnera à l'enquête ouverte pour tabassages (Qui était aux mains de l'actuel procureur du Roi avant sa nomination) certains de ceux qui l'ont menée feraient encore l'objet de menaces.
R. Hq.
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La majorité de Braine-l’Alleud attaquera seule l’état belge
« Le Soir » du mercredi 28 août 1996 page 19
Lorsque,, lundi dernier, j'ai proposé au collège de Braine-l'Alleud d'assigner l'État belge en responsabilité pour défaut de prévoyance dans le traitement de l'affaire Julie et Mélissa, je n'avais alors que des informations partielles. Aujourd'hui, l'intolérable est atteint, et celui ou celle qui trouverait ces accusations déplacées adopterait le comportement de ceux qui ont voulu libérer Barabbas.
Pour tenter de convaincre la minorité de soutenir son projet, le bourgmestre de Braine-l'AIleud, Emmanuel Hendrickx (PRL), n'a pas mâché ses mots lundi soir lors du conseil communal.
Selon lui, de telles défaillances, d'autant plus graves que leurs auteurs appartiennent à divers corps de l'État, sont de nature à briser la confiance du citoyen dans les autorités politiques et judiciaires. Un discours qui n'a pas convaincu la minorité PSC qui avait annoncé d'emblée son refus de suivre le bourgmestre (« Le Soir » du 26 août).
Votre proposition nous choque et nous attriste, répondit Paul Maréchal, chef du groupe PSC. Croyez-vous que c'est en hurlant avec les loups que vous répondez à la digne indignation des citoyens? N’y a-t-il pas mieux à faire ? Vous nous proposez une démarche vide de sens.
C'est l'expression de la langue de bois, de la récupération politicienne. Sceptique, mais moins agressif, le conseiller écolo Claude Van Wageningen s'interrogea aussi sur le bien-fondé d'une telle démarche.
Votre proposition, si louable soit-elle, ne va-t-elle pas nous conduire dans une voie sans issue? Plutôt que de pratiquer une autre forme de répression,ne devrions-nous pas pousser plus encore la prévention dans notre commune?
Déçu de ne pas être suivi par tous les conseillers, le bourgmestre les interrogea de front sans recevoir de réponse:
- De quoi donc avez-vous peur? De devoir rendre des comptes à vos dirigeants parce que vous auriez osé attaquer l'Etat ?
Le débat se clôtura alors pas un vote sans surprise: 19 oui (PRL et PS) et 9 abstentions (PSC et Ecolo).
S'il semble bel et bien acquis que la commune de Braine intentera une action en justice, le bourgmestre est resté très vague sur la forme qu'elle prendra. En tant que commune, nous avons peu de chance d'être reçu, conclut-il. Mais nous envisageons de constituer une association de citoyens.
ISABELLE WILLOT
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Emotion et recueillement au congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants
« Le Soir » du mercredi 28 août 1996 page 19
STOCKHOLM De notre envoyée spéciale
Une minute de silence pour Julie, Mélissa et toutes les victimes des abuseurs d'enfants. Le congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales a débuté dans le recueillement et l'émotion ce mardi matin à Stockholm.
Ici, l'affaire Dutroux est sur toutes les lèvres, tant dans les coulisses du congrès que dans les interventions officielles.
Le Premier ministre suédois Gôran Persson a évoqué d'emblée le choc ressenti par les peuples européens lors de la révélation de ce crime abominable au coeur de l'Europe.
Ron O'Grady, le porte-parole d'Ecpat (End Child Prostitution in Asian Tourism), qui coorganise ce sommet avec l'Unicef et le gouvernement suédois, y voit la preuve que la traite des enfants n'épargne désormais plus aucun pays : Nous prédisons que des événements analogues se produiront dans d'autres pays européens, assène-t-il, Nous sommes en face de réseaux infiniment plus forts que nous ne l'imaginions.
Au cours de cette semaine que nous passerons a Stockholm, un million d'enfants prostitués recevront plus de douze millions de clients adultes.
Face à cette réalité, Ron O'Grady dit hésiter souvent entre le désespoir et le cynisme.
Ecpat, en 1991, s'était donné pour objectif de mettre fin à la prostitution, au trafic d'enfants et au tourisme sexuel.
Mais il faut bien reconnaître que ce but s'éloigne de plus en plus. Les enfants sont devenus les premières victimes de la mondialisation de l'économie et des moyens de communication.
Quand les valeurs dominantes sont celles du marché, les enfants deviennent des marchandises comme les autres.
Ecpat, annonce son porte-parole, s'est donné cinq années supplémentaires après ce congrès pour mettre fin à la traite des enfants. Mais cela suppose que les gouvernements se dotent des moyens et surtout de la volonté politique nécessaire pour mettre fin à l'exploitation sexuelle.
Pendant ces cinq jours de congrès, les délégués de 111 pays vont venir préciser quelle législation, quelles mesures ils comptent prendre pour combattre l'exploitation sexuelle d'enfants.
Annita Gradin, commissaire européen chargé des Affaires intérieures, de l'Immigration et de la Justice, a annoncé qu'à l'automne la Commission allait proposer des mesures contre le tourisme sexuel mais également contre l'utilisation d'Internet à des fins pédophiliques.
Mais tout cela suffira-t-il? Les participants au congrès sont visiblement conscients de l'efficacité limitée des conventions internationales (comme celle de 1989 sur les droits de l'enfant).
Il faut que les législations soient appliquées, explique Anita Gradin . Et elles le seront réellement quand notre société considérera la protection de l'enfant comme un enjeu essentiel.
Pour le commissaire européen, l'aggravation du trafic d'enfants est aussi facilitée par le fait qu'un trafiquant d'enfants risque moins aujourd'hui qu'un trafiquant de drogue.
Pour Carol Bellamy, pourtant, il ne faut pas rendre les autorités politiques seules responsables de la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants. La directrice de l'Unicef estime que la société civile a un rôle tout aussi déterminant à jouer. Combien d'enfants ne sont-ils pas vendus par leurs familles? Il serait simplissime de n'envisager le problème que d'un point de vue criminel, explique-t-elle. Plus que jamais, les réponses doivent être variées et nombreuses. Elles doivent tenir compte aussi des facteurs qui encouragent l'exploitation des enfants comme la pauvreté, les discriminations ethniques, les discriminations sexuelles. Une convention pour les droits de l'enfant, c'est d'abord et aussi un mouvement social.
Tous les intervenants sont d'accord sur un point: il y a urgence. Et le maître mot, c'est désormais la coopération. Entre Etats, mais aussi entre Etats et ONG.
Aux milliers de Julie et de Mélissa, je vous dis: « On ne vous oubliera pas», affirme Ayala Lasso, haut commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme. Votre mort n'aura pas servi à rien si elle permettra de canaliser toutes les énergies des hommes, des Etats comme des ONG pour juguler ces crimes.
MARTINE VANDEMEULEBROUCKE
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L’internement pour éviter la procédure pénale
« Le Soir » du mercredi 28 août 1996 page 19
Défendre la société contre les déments... C'était l'ambition du législateur lors de la rédaction de l'article 71 du Code pénal et de la loi du 1er juillet 1964.
En cas de problèmes mentaux, il fallait trouver une autre procédure tant au niveau des juridictions d'instruction que des juridictions de jugement.
Marc Dutroux, qui n'a toujours pas d'avocat, pourrait y recourir... et éviter ainsi les poursuites au pénal.
La loi de défense sociale, de 1964, permet à un inculpé d'être placé en observation dès la mise à l'instruction de son affaire. Pour cela, il faut qu'il soit, soit en état de démence, soit dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale le rendant incapable du contrôle de ses actions. Il est placé dans l'annexe psychiatrique d'un centre pénitentiaire.
La mise en observation peut être ordonnée à toutes les phases de la procédure, explique encore la loi. Et ce, soit d'office, soit sur la réquisition du ministère public, soit sur la requête de l'inculpé ou de son avocat.
L'inculpé peut ainsi être maintenu six mois, au maximum, en observation. Ensuite, c'est d'internement qu'il est question. Une décision qui peut être prise par la chambre du conseil, la chambre des mises en accusation et les juridictions de jugement. C'est la commission de défense sociale qui joue un rôle important dans ce cas. Présidée par un magistrat, elle compte aussi un avocat et un médecin.
C'est elle qui désigne l'établissement dans lequel la personne doit être internée. C'est également cette commission qui peut décider un régime de semi-liberté et même ordonner la mise en liberté définitive ou à l'essai.
Ces dispositions sont souvent critiquées, parce qu'elles fonctionnent mal, parce qu'elles peuvent détourner un criminel d'un procès au pénal et d'une condamnation, mais aussi pour le vague quant à la durée de l'internement.
Dutroux empruntera-t-il cette filière? On en parle dans son entourage. Il serait tenté de demander à son futur défenseur de lancer une procédure en ce sens.
Mais de défenseur, pour le moment, il n'en a point. Difficile, pour un avocat, de plaider une telle cause.
Le bâtonnier de Neufchâteau, Me Jean-Pierre Poncelet, nous a confirmé qu'il entreprenait des contacts avec les avocats pour en désigner un «pro Deo». Mais ils ne sont pas obligés d'accepter...
JEAN-PIERRE BORLOO
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Le premier procès belge du tourisme sexuel ?
« Le Soir » du mercredi 28 août 1996 page 19
Depuis la loi d'avril 1995, la Belgique s'est dotée des moyens de poursuivre pénalement un Belge qui aurait commis des délits sexuels sur des enfants à l'étranger. Cette disposition légale vise clairement a réprimer le tourisme sexuel, comme l'ont déjà fait d'autres pays européens dont la Suède et la Norvège.
Jusqu'ici, cette loi n'a pas encore été appliquée. Mais, selon Katlyn, Declercq (Ecpat Belgique), notre pays pourrait connaître bientôt son premier cas de belge condamné pour pédophilie à l'étranger.
Les faits se sont produits en juillet 1996. Un certain Patrick P. a été arrêté en Thaïlande pour abus sexuels commis sur un jeune garçon de 14 ans. Emprisonné pendant quelques jours et condamné à
240.000 F d'amende, il a été laissé en liberté provisoire, mais les autorités thaïlandaises lui ont retiré son passeport.
Patrick P. a tenté vainement d'en obtenir un nouveau auprès de l'ambassade belge à Bangkok.
Ecpat Belgique a obtenu de son équivalent thaïlandais des informations selon lesquelles ce Belge ferait déjà l'objet d'un mandat d'arrêt de la part de la police thaïlandaise pour avoir organisé, avec deux Français, des «sex-voyages» de l'Europe vers Pattaya, la station balnéaire de Thaïlande qui offre le plus haut taux de concentration de bordels au kilomètre carré.
ASSUMER LES COUTS D'UNE TELLE PROCÉDURE
La loi de 1995 permet à une association comme Ecpat de se constituer partie civile, et Ecpat entend bien en faire un cas exemplaire.
- S'il n'est pas condamné en Thailande, nous nous constituerons partie civile, annonce Katlyn Declercq. Mais la responsable d'Ecpat Belgique est inquiète.
Au ministère des Affaires étrangères, on objecte le coût de pareille procédure. Il faut envoyer un policier sur place, rassembler les preuves de l'infraction. Autrement dit: la Belgique préférerait sans doute que l'homme soit condamné en Thailande.
UN PROCÈS EXEMPLAIRE POUR DISSUADER LES AUTRES
Tout récemment, les tribunaux suédois ont condamné à trois mois de prison un de leurs ressortissants qui avait abusé d'une jeune adolescente aux Philippines. La procédure a dure deux ans et aurait coûté quelques millions au gouvernement suédois.
Mais, selon Ecpat Suède, le gouvernement avait envoyé plusieurs officiers sur place parce qu'il voulait faire un procès exemplaire.
Aujourd'hui, on ne sait pas trop où se trouve le dossier de Patrick P. Il semble qu'il n'ait pas encore été transmis au parquet par l'administration des Affaires étrangères.
Nous ne savons même pas si l'homme se trouve encore en Thailande, déplore Katlyn Declercq, ou s'il a pu s'enfuir et rentrer en Belgique. Si, vraiment, il se confirme qu'il organisait également des voyages organisés pour abuseurs sexuels, il est important que le procès se fasse en Belgique.
Cela donnerait un signal clair aux autres et cela nous semble bien plus efficace que de ficher les pédophiles ou les adeptes du tourisme sexuel.
M. Vdm.
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Interpol pour un fichier de pédophiles
« Le Soir » du mercredi 28 août 1996 page 19
Agnès Fournier de Saint-Maur est l'officier responsable de la cellule « disparitions » a Interpol. Pour elle, l'affaire Dutroux n'a rien d'inattendu malgré l'horreur des faits. Elle explose à la face du public, mais, pour nous, elle se situe dans une certaine logique. Celle des réseaux pédophiliques criminels.
Dans la plupart des pays européens, et en Belgique notamment, on a tendance à nier l'existence de réseaux pédophiliques structurés travaillant en Europe occidentale...
Et l'affaire Standfort, c'était quoi? Sinon un réseau bien implanté en Europe, et dans votre pays notamment. Il est clair que, si Interpol a jugé utile de créer en 1992 un groupe de travail spécialisé sur la traite des enfants pour tous les pays, y compris européens, c'est par ce que nous pensons que l'Europe n'échappe pas non plus au phénomène.
Comment s'élabore aujourd'hui la collaboration avec les forces de police en cas de disparition d'enfants?
Mieux depuis que ce groupe de travail existe. Nous avons maintenant une bonne collaboration avec les pays européens.
Que pensez-vous de l'idée de ficher les délinquants sexuels comme le président américain Bill Clinton veut le faire?
Je suis tout à fait pour ce genre d'initiative. A Interpol, nous plaidons même pour que cela se fasse au niveau de tous les pays européens. L a Grande Bretagne a d'ailleurs annoncé son intention de créer ce type de fichier. Ce serait un instrument de prévention très important.
On va vous objecter que ce type de mesure est une atteinte à la vie privée et qu'elle pourrait faire l'objet d'un précédent dangereux.
Faut-il hésiter entre la défense des droits du criminel et celle des droits de la victime?
Pour nous, la défense des enfants est un intérêt supérieur.
Pour vous, il faut une réponse spécifique au problème de la pédophilie?
Exactement. La spécificité de la pédophilie, c'est le risque de récidive, et on ne peut mener une action efficace si on n'en tient pas compte. Actuellement déjà, nous faisons des notices d'information sur tous les pédophiles condamnés. Nous envoyons la photo, une description du délit et du «modus opérandi » à tous les pays membres. C'est un sorte de pré fichier, si vous voulez, dont le but est essentiellement préventif
M. Vdm.
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