samedi 7 juin 2008

Les enfants ont peur... les parents aussi !



Les enfants ont peur... les parents aussi !

« La Meuse » du mercredi 21 août 1996 page 11

Comment rassurer les gosses sans les bercer d'illusions?

Dis, comment on les a enlevées, les petites filles? Qu'est-ce qu'on leur a fait? Depuis six jours que nous vivons sous le choc de révélations épouvantables, bien des parents ont entendu leurs enfants, inquiets, poser ces questions.
Les gosses n'échappent pas au climat de tristesse et de peur qui a envahi le pays ; au contraire : ils peuvent, eux, se mettre dans la peau des victimes... Comment leur répondre, comment les rassurer sans leur mentir?

La psychologue Monique Meyfroet nous donne quelques pistes.
Monique Meyfroet travaille depuis de longues années dans un centre de santé mentale pour enfants à Bruxelles.
Elle a suivi de nombreux enfants maltraités et abusés. Cependant, aucun cas comparable à l'affaire Dutroux par sa gravité, son dénouement judiciaire et son retentissement médiatique. Aucun cas qui produise un tel électrochoc sur toute une population.

Marc Dutroux n'est pourtant pas le premier sadique que la terre ait porté Monique Meyfroet n'est que trop bien placée pour le savoir. « Quand Cécile a publié « Lettre à Isa » (1), beaucoup de gens n'y ont pas cru, n'ont pas voulu croire à de telles horreurs. Cette fois, grâce à l'aboutissement de l'enquête, tout le monde est obligé de savoir que « ça » existe. Et tout à coup, ça prend une place à la mesure de ce qu'on ne voulait pas voir avant... »

Parents et enfants, chacun à leur manière, sont perturbés par l'affaire Dutroux. « Il est inévitable que les enfants soient mêlés à ça les parents eux-mêmes sont tellement bousculés », dit Monique Meyfroet, elle-même mère de famille.

Du fantasme à la réalité
« Cette affaire renforce les inquiétudes normales de l'en Tant. » Des inquiétudes « normales » ? «Autour de l'âge de 7 ans, explique la psychologue, il est fréquent que l'enfant imagine qu'un cambrioleur va entrer dans la maison pour l'enlever ou qu'il ait d'autres fantasmes du même ordre. C'est l'âge où l'on regarde sous son lit avant de se coucher...
Mais soudain, la révélation de l'affaire Dutroux donne une réalité à ces angoisses. »
Une réalité qui perturbe aussi les adultes et les laisses sans voix face aux angoisses de leurs gosses. «Ou alors ils disent des bêtises du genre : « Je suis là, il ne peut rien t'arriver, à toi »... ce qui est faux ! »

En effet, après l'affaire Dutroux, tous les parents se disent avec effroi : ça aurait pu arriver à mon enfant. « C'est tout de même un fait rarissime, souligne Monique Meyfroet, c'est LE cas où il n'y a rien à faire. Je ne pense pas que ces petites filles (Julie, Mélissa,Sabine, Laetitia auraient pu éviter d'être enlevées.

Or, en tant qu'adulte, on aimerait être toujours tout-puissant pour protéger ses enfants. Et brutalement, on est forcé de prendre conscience que ce n'est pas possible. Qu'on ne peut pas plus protéger ses enfants de ce genre de rapt que d'attraper une maladie.
C'est cet aveu d'impuissance qui est très difficile pour des parents. »

Parents traumatisés

Monique Meyfroet a connu un cas assez similaire à celui de Laetitia:
Un petit garçon de 6 ans enlevé par un pédophile à bord d'une voiture, durant les vacances. L'enfant a été relâché au bout d'une journée. « Lui même est sorti de cette aventure avec une relative tranquillité.
Le petit copain qui était avec lui au moment de l'enlèvement a eu des séquelles post-traumatiques plus importantes : il croyait ne pas avoir fait ce qu'il fallait.Mais les plus traumatisés étaient les parents. Ils n'avaient pourtant commis aucune faute, aucune imprudence. Ils ne pouvaient pas prévoir l'imprévisible. Mais cela, ils ne par venaient pas à l'accepter... »

Alors, que faire? Laisser les enfants exprimer leurs inquiétudes et, s'ils posent des questions, y répondre sans mentir. «On voudrait bien donner des « trucs » à nos enfants pour reconnaître les pédophiles, mais il n'y en a pas!» Sans dramatiser non plus « Par exemple, il faut réaliser qu'on a affaire a un cas très marginal Dutroux n'a pas le profil du pédophile ordinaire et aussi se souvenir que l'arrestation de sa bande est un bien. Mais il ne faut pas non plus nier la réalité; d'ailleurs, croyez-moi, les enfants, même très jeunes, ont assez de bon sens pour savoir que le risque existe!»

Corinne Toubeau

(1) Cécile est le pseudonyme d'une femme, aujourd'hui mariée et mère de famille, qui a été violée, torturée et prostituée par son propre père durant toute son enfance.
Personne avant Monique Meyfroet n'avait pris la peine de la croire.
Son témoignage, « Lettre à Isa », a été publié il y a quelques mois aux éditions La Longue Vue.
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Dutroux avait choisi lui même un thérapeute de 78 ans

« La Meuse » du mercredi 21 août 1996 page 11

Parmi les obligations aux quelles Marc Dutroux devait s'astreindre pour obtenir sa libération conditionnelle, figurait la collaboration dans une action de guidance. Lundi, le ministre de la Justice Stefaan De Clerck déclarait que Dutroux semblait toujours s'y être soumis comme il le devait. Les attestations de ses visites sont là pour en apporter la preuve.
La guidance en question était assumée par un neuropsychiatre dont les rapports n'ont a apparemment jamais laissé filtrer d'inquiétude. Même s'il est facile, a posteriori, de porter un jugement, comme il s'agit tout de même d'un professionnel, on était en droit de se demander qui était le médecin désigné dans cette tâche.
Il faut d'abord savoir que jusqu'à la modification de la loi en 1995, le détenu sur le point d'être libéré conditionnellement avait la liberté du choix du médecin qui le suivrait lors de sa thérapie. Il pouvait ne pas profiter de cette liberté mais elle lui était, en tout cas, offerte. Et aujourd'hui, à la prison de Mons (où il était incarcéré), on confirme que c'est bien Dutroux lui-même qui avait pris contact avec un thérapeute. Lorsqu'on parle de «désignation» d'un thérapeute : c'est donc tout relatif (du moins jusqu'en 1995) puisque c'est le détenu lui-même qui s'en chargeait. A l'époque, son choix avait été confirmé par la prison.

C'est ainsi qu'un neuropsychiatre bruxellois avait été choisi par Marc Dutroux. Aujourd'hui, le médecin en question a 82 ans. Il préfère ne pas commenter son travail avec le pédophile.
Bien sûr, il est couvert par le secret professionnel. Sur sa « désignation » et le type de tâche qu'il avait à accomplir avec son patient aussi, il reste discret. Avait-il une connaissance particulière de la pathologie des pédophiles et avait-il déjà eu des cas semblables à traiter? « En 60 ans de carrière, dit-il, je ne m'étais jamais occupé de pédophiles, mais vous pensez bien que j'avais l'expérience d'autres déviants sexuels. » Il n'en dira pas plus.

Actuellement, ce n'est plus le détenu qui choisit son thérapeute. Les unités d'orientation et e traitement (UOT) ont été introduites dans le circuit et possèdent une autorité d'avis. Toutefois, comme les moyens font encore fortement défaut, M. Gazan, directeur du CRASC (Centre de recherche et d'action sexo-criminologie), fait remarquer qu'il est encore courant que des pédophiles, sous divers prétextes, demandent à être traités par tel médecin plutôt que par tel autre. Dès lors, sans doute est-il injuste d'incriminer les psychologues et neuropsychiatres; une fois de plus, c'est le fonctionnement du système et toutes ses lacunes qui sont à dénoncer.

Pascale Séféridis
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A lire en famille

«La Meuse » du mercredi 21 août 1996 page 11

Nos yeux sont tous braqués sur la violence inouïe de Dutroux. Mais les agissements d'un pédophile « Banal » sont beaucoup plus insidieux, au point que des parents se laissent berner, pendant des années parfois, par un «ami de la famille ».

Contre ce risque-là au moins, on peut, on doit tenter de prémunir les enfants. D'abord en se souvenant que les gosses fragiles, isolés, manquant de confiance en eux sont des proies faciles pour les pédophiles.

Ensuite, en instruisant les enfants. Mais attention, prévient Monique Meyfroet, il faut prendre garde à ne pas mettre la responsabilité sur leurs épaules.
« Toutes les campagnes récentes visent à apprendre aux enfants à dire non », remarque-t-elle. Informer les enfants, c'est très bien, mais ils ne faut pas leur donner l'illusion qu'ils pourront toujours se défendre tout seuls des entreprises d'un adulte. »

Tout ce débat actuel sur l'information des enfants me rappelle les discussions sur l'éducation sexuelle il y a une vingtaine d'années. Certains croyaient que pour répondre à un enfant qui demandait comment on fait les bébés, on pouvait se contenter de lui donner un livre...

Il fera mener une réflexion avec l'enfant, dans un cadre sécurisant. » Les livres et vidéos sur la pédophilie doivent toujours faire l'objet d'un accompagnement et surtout d'une écoute attentive de l'enfant. Quelques références:

Câlinou. Inspiré de « Mon corps m'appartient » réalisé au Canada, ce document vidéo belge destiné aux enfants de 6 à 10 ans sert de hase à des animations organisées par SOS Enfants dans les écoles. II a déjà été diffusé par la RTBf et est disponible dans les médiathèques.

Mimi Fleur de cactus. Un mini livre de Marie-France Botte très joliment illustré par Pascal Lemaître. Éditions La Longue Vue.

Mîssîng Chiidren a édité il y a trois ans une BD traitant spécifiquement des enlèvements.
Chacune des quatorze planches décrit une situation à risque et conseille le meilleur comportement à adopter.

C.T.
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Nos lecteurs veulent réagirent

« La Meuse » du mercredi 21 août 1996 page 11

TOUT le pays est écoeuré par les horribles faits de ces derniers jours.

Et nombreux sont nos lecteurs qui veulent faire quelque chose, réagir.
Certains signent la pétition de l'asbl Marc et Corine en faveur de l'incompressibilité des peines
(dont nous avons publié le formulaire dans nos éditions de lundi). D'autres nous téléphonent ou nous écrivent. Nous allons ouvrir nos colonnes à ces réactions, à condition qu'elles soient écrites et signées.
Vu l'abondance du courrier que nous recevons déjà, nous nous permettrons de ne reprendre que les passages les plus significatifs afin de pouvoir en publier le plus possible.


Pierre Legrand, d'Ougrée:
Ne pourrait-on envisager, par l'intermédiaire de votre journal, de suggérer à tous les grands parents, les oncles et les tantes, les connaissances d'enfants, d'arborer, un jour déterminé, un crêpe noir sur leur véhicule et de mettre le drapeau national en berne sur les façades des immeubles! Ce serait !à, j'en suis sûr, un vaste mouvement qui, s'il ne consolerait pas les infortunés parents, au moins leur montrerait que la nation belge partage leur peine.

Mme George, de Liège:
Les gens bouillonnent, un journal comme le vôtre peut aider à faire ou canaliser les pétitions pour faire enfin bouger nos ministres. Si on touchait à leurs enfants, alors peut-être réagiraient ils plus vite.
P.S.: J'oubliais de féliciter les policiers et témoins de Bertrix, gui ont intelligemment mené à bien cette douloureuse enquête depuis quinze jours

Mme Paenhuys, des Awirs:
Il ne faut plus jamais que ça arrive.

David Mecs : d'Ougrée:
Vous, parents de Julie et Mélissa, j'aimerais rendre hommage à votre courage et vous dire que toute la Belgique est avec vous et que votre combat sera le nôtre. Il faut absolument changer le système judiciaire pourri afin que Julie et Melissa ne soient pas parties pour rien.

A. Kinnen, de Liège:
Nous sommes tous horrifiés par ce gui vient de se passer, mais sans la présence d'esprit de ce gamin anonyme, on n'ose penser au nombre d'enlèvements et de morts probables qu'il y aurait encore eu.

Une mère de famille:
Plus jamais ça dans aucun pays. On ne doit pas tolérer que des enfants innocents soient salis par des gens qui ne contrôlent pas leurs instincts. Je crois que tout le pays demande à la justice de changer la loi.

André Contor, de Chênée:
«Je crois qu'il est du devoir de chaque Belge de prendre conscience de la situation dramatique dans laquelle nous nous trouvons. Il faut que tous ensemble nous mettions fin à ce drame.
Mais, fallait-il vraiment libérer Marc Dutroux, récidiviste, déjà condamné pour des faits semblables? Il faut que la peine de mort soit rétablie. Il faut organiser un référendum national pour ou contre !a peine de mort, avec application.

V. Naveau, d'Amay:
Nous sommes tous glacés d'horreur,la veille encore, nous participions aux activités de recherches des deux petites filles...
Face à une telle souffrance, nous devons interpeller la population encore et encore afin que la justice s'éveille enfin. C'est pourquoi nous avons mis sur pied une opération « CARTES POSTALES»: nous demandons aux gens des cartes postales avec leur signature, leur adresse et la mention «pour nos enfants. Ces cartes seront comptées, groupées et remises au ministre de la Justice afin d'appuyer des changements de lois, et ceci dans les plus brefs délais.

Danny Maitrejean, de Tileur:
A un ministre: Je suis moi-même père et grand-père, je ne sais pas si j'aurais eu la sérénité de ne pas crier révolte. J'admire le sang-froid des parents de Julie et Mélissa et les assure de mon plus profond soutien dans leur malheur. J'aime mieux être à ma place qu'à la vôtre car mes erreurs ne se sont pas lavées dans le sang des autres, réfléchissez-y deux fois, la prochaine fois qu'il vous viendra une idée aussi mauvaise que ce jour-là.

Un anonyme:
Je suis un homme qui a passé sa vie à éviter de subir les peines de prison et j'y suis arrivé presque sans effort. Mais je me demande bien pourquoi, puisque on en sort si facilement.

Frédérique Haulot, de Liège:
Comment croire encore dans la démocratie quand sa justice ne protège plus les plus fragiles?
Comment faire confiance à un système qui peut libérer 1, 10,100 Dutroux ? Dans quelle société voulons-nous faire grandir nos enfants? Voulons-nous d'une société qui se refuse, malgré les évidences, à se doter d'un système de peines incompressibles Certes NON! Je VEUX, pour tous les jeunes, une démocratie armée d'un système de protection efficace; une démocratie qui reconnaisse que la PEDOPHILIE existe, qu'elle TUE ou MUTILE à jamais.

René Tomasinu, de Seraing:
Comment peut-on accepter, ne serait-ce que l'idée que de pareils monstres comme les tortionnaires de Julie et Métissa aient encore droit à la vie; toutes les lois se changent; on peut très facilement créer une loi pour punir ces infanticides... J'ajoute que j'étais contre la peine de mort, mais mon opinion a changé en un seul jour; c'est définitif: PAS DE PITIÉ POUR LES DUTROUX ET CONSORTS, sinon d'autres prendront la relève.

Bernard Bausier, de Haneffe
La violence ici tant haïe et abominée est ailleurs tellement recherchée et aimée qu'on lui consacre les meilleures longues heures d'écoute et les plus grandes salles de cinéma. Aujourd'hui, qui ose encore défendre, sans avoir peur d'être complètement ridiculisé, des valeurs simples comme un peu de renoncement, une certaine pureté, les vertus d'un minimum d'effort? »

Alain Sermon, de Bressoux:
« A l'attention des parents de Julie et Mélissa: avec une très profonde douleur, je compatis à votre tristesse, et votre désespoir, ainsi qu'à votre chagrin. Avec vous je souffre, oui je souffre très fort. Je suis moi-même également père de trois enfants âgés de 16, 17 et 19 ans. J'ai même envoyé en Russie, à mes amis, des coupures de journaux, et des affiches... Tout cela ne peut plus arriver. Non, non, non !!!»

Muriel Deward, de Seraing:
Comme des milliers de Belges, je veux mais je ne peux soulager la douleur des parents de
Julie et Mélissa. Comme des milliers de Belges, par respect pour eux, je tente de conserver calme et dignité. Pourtant, comme des milliers de Belges, je suis révoltée. Comme des milliers de Belges, vous me forcez à brandir le drapeau de l'électeur perplexe.
Que les nuits éternelles de Julie et Mélissa leur soient douces. Et que leur douceur soit, par le soulèvement de toute une nation.

Un papa et une maman de trois enfants:
Battez-vous pour que cela ne se reproduise plus. N'hésitez pas à faire appel à moi et à ma famille pour vous soutenir dans cette épreuve et dans votre lutte contre et pour la justice. Puissent vos petites filles vivre dans un monde meilleur en sachant l'amour que vous leur porterez et la lutte acharnée que vous avez entreprise pour les retrouver et la bataille que vous menez pour eux et tous les autres enfants.

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