samedi 7 juin 2008

Des funérailles nationales


Des funérailles nationales

« La Meuse » du mercredi 21 août 1996 page 9

Elles auront lieu à la basilique Saint-Martin de Liège, jeudi à 11 heures
Elles seront retransmises sur RTL et la RTBF On attend près de 100.000 personnes


Si l'on excepte les funérailles du roi Baudouin, jamais depuis la guerre la Belgique n'aura vécu un deuil comme celui qui frappe actuellement notre pays. Car l'émotion suscitée par la mort atroce des deux fillettes touche chaque être humain, au plus profond de lui-même.
C'est pourquoi l'enterrement de Julie et Métissa sera un événement qui fera date dans notre histoire.

Un prêtre-ouvrier comme célébrant

Plutôt que la petite chapelle Saint-Léonard, voisine de leurs maisons de Grâce-Hollogne mais beaucoup trop exiguë, les parents ont donc choisi la basilique SaintMartin de Liège qui peut accueillir un millier de personnes. Ainsi, le public qui les a soutenus durant ces longs mois pourra également se recueillir. «Ils m'ont contacté lundi soir et j'ai tout de suite marqué mon accord, nous explique le doyen Goffinet.

La messe sera célébrée par un ami de la famille, le prêtre-ouvrier Gaston Schoonbroodt, ancien ouvrier de Cockerill et conducteur de bus, bien connu dans la région. Les détails de la célébration d'adieu seront fixés cet après-midi avec les parents. »

Mais bien sûr on attend bien davantage de monde à Liège demain. «Le chiffre de 100.000 personnes que vous citiez hier pourrait très bien être atteint, nous confie le commissaire de la police de Liège, M, Lovinfosse.

Des dizaines de milliers de personnes en tous cas sont attendues en provenance des quatre coins du pays, voire même de l'étranger.
C'est pourquoi tout le quartier entre Saint-Laurent et Sainte Marguerite sera bouclé dès 8 heures et la rue Saint-Laurent sera mise en sens unique vers le centre.
La TEC Liège-Verviers annonce également que des navettes gratuites seront organisées entre le funérarium de Grâce-Hollogne et la basilique Saint-Martin.
Un détail important: après la cérémonie, toutes les personnes présentes pourront venir s'incliner dans l'église devant les deux petits cercueils.

Les horaires

L'horaire des manifestations sera donc le suivant

• A 9 h 30 aura lieu une première levée des corps au funérarium Mestré, chaussée de Liège, 341 à Grâce-Hollogne. Il s'agira d'un moment privé que les familles demandent de respecter.

Les deux cercueils seront conduits vers la petite chapelle-Saint-Léonard située à Mons-lez-Liège, juste à côté du domicile des parents, là où les Lejeune et les Russo se recueilleront une demi-heure.

Ensuite, les deux corbillards reviendront au funérarium Mestré où aura lieu la levée officielle des corps pour le départ vers la basilique. Ils seront certainement suivis d'une dizaine d'autres véhicules funéraires portant les innombrables fleurs.

• A 10 h 30, le cortège empruntera la chaussée de Liège vers Montegnée, le plateau Saint-Gilles et la descente par la rue Saint-Laurent.

• A 11 heures auront lieu les funérailles en la basilique Saint-Martin. Les 1.000 premières personnes pourront assister à l'intérieur. A l'extérieur, il est possible que des écrans soient installés pour le public car la cérémonie sera entièrement retransmise sur nos deux chaînes de télévision RTBF et RTL-TVI. De même, les images seront fournies à l'Eurovision pour une diffusion européenne.
On attend également la presse de toute l'Europe à ces funérailles.

• A 12 heures, la fin de la célébration coïncidera avec la possibilité pour toutes les personnes présentes d'entrer dans l'église et de s'incliner devant les deux enfants. Cet hommage du public est prévu durant une heure, mais il pourrait très bien se prolonger davantage si la foule devait se chiffrer en dizaine de milliers de personnes.

• A 13 h 30 (voire plus tard), le cortège des corbillards repartira vers le Cadran et reprendra l'autoroute jusqu'à la sortie Flémalle pour se rendre au petit cimetière de Mons-lez-Liège. Ici aussi, les familles ont émis le souhait de pouvoir rester dans l'intimité pour l'inhumation.

Les deux petites filles reposeront alors côte à côte dans ce petit cimetière de la rue Pré Malieppe.

Les deux concessions ont été offertes par la commune de Flémalle.

Julie et Mélissa seront alors unies à jamais, tout près du domicile de leurs parents.


Luc Gochel


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Au funérarium, personne ne sait cacher ses larmes

« La Meuse » du mercredi 21 août 1996

A Grâce-Hollogne, des milliers d'anonymes ont défilé devant les deux petits cercueils blancs

JAMAIS il ne nous a été donné de vivre une telle émotion. Parmi les milliers de personnes qui ont défilé au funérarium de Grâce-Hollogne depuis lundi après-midi, pas une n'a réussi à contenir ses larmes.
L'atmosphère est terriblement poignante. Un mélange de beauté pure et de candeur naïve émanent de ces deux petits cercueils blancs qui contrastent terriblement avec les détails sordides qui ont envahi les esprits depuis samedi.

Sur le premier cercueil, celui de Mélissa, une petite couronne de fleurs et cette inscription « A ma petite soeur. Grégory ».

Sur le petit cercueil de droite, celui de Julie, la même couronne et la mention « A ma soeur. Maxime ». Derrière, sur des porte couronnes, les énormes gerbes des parents : « A ma fille chérie. Papa et maman ».

Les gens serrent les mains des membres de la famille présente, s'inclinent ou lisent un petit message à voix haute :
« Ce n'est qu'un au revoir, Julie et Mélissa. Pas un adieu. »

Toutes les mamans pleurent à chaudes larmes, leurs plus petits enfants se demandent ce qui se passe, les plus grands pleurent aussi. Même les hommes, qui sont pourtant plus difficiles à émouvoir, ont les yeux mouillés et sortent leur mouchoir en s'éloignant quelque peu.
Aux entrées et aux sorties du funérarium, d'innombrables fleurs avec ces inscriptions : « La boulangère de Julie », « Les amis du travail de Ferblatil », « Les paroissiens de Neupré », « Cockerill-Sambre », « Les ambulanciers de Liège et environs », « Les postiers d'Aywaille », « Les marcheurs d'Esneux », « A ma grande chérie. Mamy et Bon-papa », « La commune de Flémalle », « La Croix-Rouge d'Ans », « Les cousins et cousines de Mélissa », « L'école communale de la rue des Champs »...

Mais outre les nombreuses autres associations, clubs sportifs, ministères et autres hommes politiques (Robert Collignon), il y a aussi ces multiples initiatives de quartier comme « La rue Johannès et Pansy » ou d'autres rues encore qui supposent évidemment une collecte réalisée en porte à porte pour prouver sa communion avec la douleur des parents.

« Lundi soir, nous avons fermé à 23 heures », explique Mme Mestré, qui en 50 ans de carrière au funérarium n'a jamais connu cela. Et ce matin, il y avait déjà des gens à 7 h 30 alors que les mamans avaient demandé de n'ouvrir qu'à 9 heures. Cela n'a pas arrêté de défiler et cela continuera encore aujourd'hui. »

Les gens viennent de partout. De Bruxelles, de Mons, de Binche, mais aussi de l'étranger. On a vu des plaques allemandes, françaises et même danoises. Les ambulanciers de Liège et environs ont décidé de se relayer pour assurer la sécurité car la chaleur est accablante. Ils sont très vite tombés à court d'eau à distribuer. La protection civile de Kemexhe est venue rapporter 400 litres en berlingots. Les ambulanciers effectueront également les déplacements gratuitement en cas de problèmes.

Une mer de fleurs

A deux kilomètres de là, au domicile des Russo, rue Diérain Patar, on compte aussi de nombreux visiteurs. Des employés de la maison Mestré invitent les gens à se rendre plutôt au funérarium et à ne point troubler les parents de Julie et Mélissa. Ils en ont bien besoin.

Mais sur la pelouse qui borde la maison, ce n'est qu'une mer de fleurs, anonymes la plupart du temps, ou accompagnées d'une simple carte de visite avec les mots « Courage », « Sincères condoléances », « Nous pensons très fort à vous »...

Ce qui frappe surtout, ce sont les dizaines de petites peluches apportées par les enfants, bien souvent des copains de classe ou de jeux des deux fillettes. Des petits ours, des lapins, des Mickey, des Minnie, symboles d'une enfance à jamais arrêtée.

Rien ne sera plus jamais comme avant pour tous les petits amis de Julie et Mélissa.

Luc Gochel

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En signe de deuil

« La Meuse » du mercredi 21 août 1996 page 9


Toutes les cloches du Royaume sonneront jeudi, à 11 heures, durant cinq minutes

Pour souligner le deuil de toute une population, les initiatives en tous genres ont surgi un peu partout. Crêpes noirs aux voitures, affiches sur les maisons, offre spontanée de pétitions, bougies aux fenêtres...

De leur côté, La Meuse-La Lanterne et La Nouvelle Gazette-La Province ont proposé un moment de recueillement qui toucherait tous les Belges à l'heure des funérailles. Mais pour ce faire, il fallait que tout le monde le débute et le termine en même temps.
D'où l'idée de demander la collaboration des clochers d'église pour fixer le début et la fin de ce moment de recueillement.

Nous avons pris contact avec le vicaire épiscopal de l'évêché de Liège, Raphaël Collinet, qui a tout de suite adhéré à cette idée. Il a pris contact avec toutes les paroisses de son évêché et a obtenu l'accord de tous les curés.
Voici le texte de son communiqué:

« Les funérailles de Julie et Mélissa seront célébrées ce jeudi en la basilique Saint-Martin de Liège. A cette occasion, au début de la cérémonie à 11 heures, les cloches de toutesles églises de la ville sonneront pour rappeler la souffrance endurée par deux enfants, pour appeler la population à faire un moment de silence, pour partager la douleur des parents, et les soutenir, pour appeler sur eux, en cette épreuve incompréhensible, le secours de Dieu et la présence de son Christ, et pour leur redire toute notre affection. »

Le vicaire épiscopal nous autorise à demander à tous les clochers du royaume de faire de même.
Jeudi à 11 heures, durant cinq minutes, nous proposerons donc à tout le monde de s'arrêter durant cinq minutes et de penser au calvaire qu'ont enduré ces deux petites filles: Julie et Mélissa.

L.G.
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Message royal aux parents des victimes des pédophiles

« La Meuse » du mercredi 21 août 1996 page 9

Le palais royal a publié mardi en début d'après-midi un communiqué faisant part de la profonde émotion du Roi et de la Reine à la suite des enlèvements et des décès d'enfants qui ont bouleversé le pays ces derniers jours.

Voici le texte intégral de ce communiqué:

Le Roi et la Reine ont été consternés et profondément émus en apprenant les développements récents dans le cadre des enlèvements et, dans ces moments particulièrement pénibles, se sentent très proches des familles des victimes.

Dès qu'ont été connues les circonstances dramatiques des décès de Julie et Mélissa, les Souverains ont exprimé à leurs parents leurs condoléances et leur plus profonde sympathie.
Le Roi et la Reine ont, d'autre part, exprimé leur satisfaction aux parents de Laetitia et de Sabine suite à la libération de leurs filles, ils espèrent qu'à présent elles trouveront la force de surmonter !e pénible cauchemar qu'elles ont vécu.
Les Souverains, qui ont toujours accordé une attention particulière à la problématique de la traite d'êtres humains et des abus commis sur des mineurs d'âge, continuent de suivre de très près ces dossiers d'enlèvements et ont demandé au ministre de !a Justice de les tenir en permanence informés de l'évolution de ces dossiers.
Le Roi et la Reine espèrent que très rapidement toute la clarté sera faite sur tous les aspects entourant ces enlèvements. Dans ce contexte, ils pensent particulièrement aux parents d'Ann et Eefje ainsi qu'aux parents des autres enfants, qui vivent encore dans l'angoissante attente de nouvelles quant au sort de leurs enfants, conclut le communiqué du Palais royal.


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