Tout un pays derrière deux familles
Tout un pays derrière deux familles
« La Wallonie » du lundi 19 août 1996 page 8
C'est donc ce samedi en début de soirée que le Procureur Général de Liège, Mme Anne Thily, s'est rendue à Grâce-Hollogne pour avertir les parents de Julie Lejeune et de Métissa Russo de la macabre découverte qui venait d'être faite à Sars-la-Buissière
« La Wallonie » du lundi 19 août 1996 page 8
C'est donc ce samedi en début de soirée que le Procureur Général de Liège, Mme Anne Thily, s'est rendue à Grâce-Hollogne pour avertir les parents de Julie Lejeune et de Métissa Russo de la macabre découverte qui venait d'être faite à Sars-la-Buissière
Bien évidemment, il n'était, à ce moment, pas question d'obtenir la réaction des familles. Il ne fallait d'ailleurs pas être "grand devin" pour imaginer la douleur et la consternation que cette annonce a dû faire à ces deux familles qui jamais, au grand jamais, n'ont voulu abandonner leurs recherches.
En un instant, tous leurs espoirs étaient anéantis, une lutte de (très)longue haleine s'achevait brusquement. II est des vérités qui sont importantes à dire, mais elles n'en sont pas moins douloureuses à entendre.
En un instant, tous leurs espoirs étaient anéantis, une lutte de (très)longue haleine s'achevait brusquement. II est des vérités qui sont importantes à dire, mais elles n'en sont pas moins douloureuses à entendre.
Une région sous le choc
Dès l'annonce de cette horrible nouvelle, c'est toute une région,tout un pays même, qui a encaissé le choc. Il n'était probablement pas un bistrot, une maison,un appartement, une rue de Belgique où l'on ne parlait pas du monstre", du "salaud" et de ce qu'il avait fait.
Si on leur avait donné les moyens de le faire, nombreux se seraient portés volontaires pour lui (leur) jeter "un sort"qu'il méritait amplement. La haine et la colère étaient tellement grandes que certains en restaient bouche bée pendant quelques instants avant de se lancer dans des formules du type «comment est-ce possible ?
Mais dans quel monde vivons-nous ? Et dire qu'elles étaient-là, près de chez nous !»
Mais, ce n'était certainement pas le sentiment dominant pour la majorité de la population. En effet, ce qui touchait, semble-t-il, le plus les Belges, c'était plutôt la tristesse, la souffrance, la rage et la haine des parents des deux fillettes. Tous voulaient se joindre à eux pour ce terrible moment.
Des fleurs, des rubans noirs
Le soir et la nuit déjà, des couples, des familles, des personnes âgées s'étaient rendus à Grâce-Hollogne pour apporter, comme ils le pouvaient, leur soutien aux familles. Certains avaient amené des bouquets de fleurs, mais un barrage de police les empêchait d'approcher des maisons. Sans importance, ils les déposaient alors au pied des barrières nadars.
Peu après l'aube, le va-et-vient des "amis inconnus" recommençait. C'étaient ainsi des habitants de Visé, de Liège, de Verviers, des gens venus d'autres provinces et même de pays étrangers qui venaient se recueillir un instant et signifier aux familles leur solidarité.
Le matin, sur les antennes des radios, on entendait également les nombreux témoignages de sympathie et des réactions plus ou moins pondérées. Certains réclamaient des peines plus fortes et incompressibles pour les ravisseurs d'enfants, d'autres souhaitaient un jour de deuil national à la mémoire des petites filles. Une habitante d'Overijse proposait, pour sa part, que chaque automobiliste noue un morceau de tissus noir sur l'antenne de sa voiture.
Au fil des heures, les bouquets de fleurs s'entassaient de plus en plus dans le jardin des Russo et des Lejeune. Ces personnes auraient certainement bien aimé pouvoir en faire plus, mais ils savaient que c'était impossible, malheureusement.
Les parents, après une longue et pénible nuit, informaient tout le monde qu'ils tiendraient une conférence de presse vers 15 heures devant le domicile des Russo. Certains avaient eu vent que cette réaction serait conforme à la situation : empreinte de tristesse et de rage.
A ce moment, de nombreux regards se tournaient alors vers le Limbourg, et Hasselt plus particulièrement. Là, deux familles restaient dans l'incertitude et l'inquiétude.
Les parents d'Ann et Eefje attendaient des nouvelles de leurs enfants. Dutroux avait, semble-t-il, avoué avoir participé à leur enlèvement, mais où étaient-elles?
Raphaël Hensenne
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RUE DIERAIN-PATAR
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RUE DIERAIN-PATAR
Un quartier en deuil une solidarité touchante
«La Wallonie» du lundi 19 août 1996 page 8
La gendarmerie a enlevé dans la matinée de dimanche les barrières qui, à la demande des parents de Julie et Métissa, bouclaient depuis la veille les abords de leur domicile, au quartier du Dièrain-Patar à Grâce-Hollogne
Samedi soir, malgré ces barrages, des centaines de personnes étaient déjà venues sur place, maintenues à distance, derrière les barrières, par les forces de l'ordre.
Selon les gendarmes, il y avait encore du monde sur les lieux vers 4 heures, dans la nuit de samedi à dimanche.
Très vite, dans la matinée de dimanche, une foule, de plus en plus nombreuse au fil des heures a de nouveau afflué sur les lieux et s'est rassemblée cette fois devant la maison de Mme et M. Russo: parents, voisins, amis, enfants et petites compagnes de classe de Julie et Mélissa, y côtoyaient des centaines, sinon des milliers d'inconnus, venus parfois de l'autre bout du pays, pour manifester par leur présence réconfort et solidarité envers les parents.
Des dizaines de visiteurs sont allés déposer des bouquets de fleurs, des lettres et parfois aussi des dessins d'enfants, sur la pelouse de Mme et M. Russo. Tous se recueillent ensuite longuement devant la photo de Julie et Métissa affichée à la fenêtre de la maison, aux côtés de celles des autres jeunes disparues. Les yeux embués de larmes, ils s'en vont ensuite lentement, certains après un signe de croix, dans un silence pesant où une profonde tristesse le dispute à une sourde colère difficilement contenue.
Dans la foule, des bénévoles de l'association "Marc et Corinne" sollicitent des signatures pour une pétition en faveur de l'incompressibilité des peines en matière de pédophilie.
Très vite, dans la matinée de dimanche, une foule, de plus en plus nombreuse au fil des heures a de nouveau afflué sur les lieux et s'est rassemblée cette fois devant la maison de Mme et M. Russo: parents, voisins, amis, enfants et petites compagnes de classe de Julie et Mélissa, y côtoyaient des centaines, sinon des milliers d'inconnus, venus parfois de l'autre bout du pays, pour manifester par leur présence réconfort et solidarité envers les parents.
Des dizaines de visiteurs sont allés déposer des bouquets de fleurs, des lettres et parfois aussi des dessins d'enfants, sur la pelouse de Mme et M. Russo. Tous se recueillent ensuite longuement devant la photo de Julie et Métissa affichée à la fenêtre de la maison, aux côtés de celles des autres jeunes disparues. Les yeux embués de larmes, ils s'en vont ensuite lentement, certains après un signe de croix, dans un silence pesant où une profonde tristesse le dispute à une sourde colère difficilement contenue.
Dans la foule, des bénévoles de l'association "Marc et Corinne" sollicitent des signatures pour une pétition en faveur de l'incompressibilité des peines en matière de pédophilie.
Sur la porte d'entrée de la maison Russo, on peut toujours apercevoir l'inscription apposée la veille
"L'ancien ministre M. Wathelet a-t-il la conscience tranquille?".
Dans la foule, face à la maison,deux jeunes brandissent un calicot portant cette inscription: « il n'y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Peine de mort pour les Dutroux ! ».
Dans la foule, face à la maison,deux jeunes brandissent un calicot portant cette inscription: « il n'y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Peine de mort pour les Dutroux ! ».
A tous les carrefours routiers du quartier, un tissu noir est arboré aux plaques indicatrices, en signe de deuil.
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REACTION
Le ministre de la Justice choqué
«La Wallonie» du lundi 19 août 1996
Dans un communiqué diffusé à l’agence Belga dimanche peu avant 18 heures, le Ministre de la Justice Stefaan De Clerck est profondément choqué par les développements récents de l'enquête concernant les disparitions d'enfants.
"Ses premières pensées vont aux familles Russo et Lejeune qui depuis près d'une année ont vécu un véritable calvaire dans l'incertitude du sort de leurs enfants.Il leur adresse, au nom du gouvernement et en son nom personnel, ses condoléances émues et les assure de sa profonde sympathie.
Il partage le sentiment de révolte qui s'est manifesté dans la population ces dernières heures face aux situations d'horreur vécues par les jeunes victimes.
Ses pensées vont aussi à Sabine et Laetitia qui ont retrouvé la liberté après avoir vécu un véritable cauchemar.
Il encourage les forces de police et les magistrats chargés de l'enquête à poursuivre les efforts entrepris pour faire toute la lumière sur les agissements des auteurs, en particulier pour retrouver An et Eefje et peut-être d'autres victimes.
Il conviendra demain d'analyser ces faits tragiques et d'en tirer toutes les conséquences politiques de manière à mettre tout en oeuvre pour éviter leur reproduction", conclut le communiqué du ministre de la Justice.
Signalons que le ministre tiendra ce lundi une conférence de presse pour évoquer cette terrible affaire.
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Samedi à 20hr30, l’effroyable confirmation
Journal «La Wallonie» du lundi 19 août 1996 page 7
C'est donc samedi en début de soirée que l'effroyable nouvelle a été confirmée. Le procureur général Anne Thily, qui s'était déjà rendue à deux reprises dans l'après-midi au domicile des parents de Mélissa Russo en compagnie d'un psychologue de la gendarmerie et d'un enquêteur, y est revenu...
Mme Thily n'a fait aucune déclaration avant d'entrer à nouveau dans la maison de la famille
Russo, rue Dierin-Patard à Grâce-hollogne ne. Elle avait le visage particulièrement tendu.
Russo, rue Dierin-Patard à Grâce-hollogne ne. Elle avait le visage particulièrement tendu.
Auparavant, on avait observé sur place un va-et-vient incessant de voitures avec des membres des familles Lejeune et Russo, notamment la grand-mère de la petite Julie. L'attente angoissante avait ensuite repris.
Vers 20h., Mme Russo a collé une affiche à la fenêtre de la maison, sur laquelle on pouvait lire:"L'ancien ministre Wathelet a-t-il la conscience tranquille?".
Dès ce moment, il apparaissait de plus en plus évident que les deux petites disparues de Grâce-Hollogne figuraient au nombre des victimes de Marc Dutroux.
Peu après 20h30, Anne Thily est sortie de la maison des parents Russo et a fait une brève déclaration à la presse.
Elle a confirmé que l'on avait retrouvé deux corps d'enfants dans le jardin de la maison de Marc Dutroux à Sars-La Buissière. "Les autopsies sont en cours mais tout laisse craindre qu'il s'agit de Julie et Métissa. Il s'agit de deux fillettes en bas âge et les boucles d'oreilles de l'une d'elles ont été retrouvées", a précisé Mme Thily.
Elle a confirmé que l'on avait retrouvé deux corps d'enfants dans le jardin de la maison de Marc Dutroux à Sars-La Buissière. "Les autopsies sont en cours mais tout laisse craindre qu'il s'agit de Julie et Métissa. Il s'agit de deux fillettes en bas âge et les boucles d'oreilles de l'une d'elles ont été retrouvées", a précisé Mme Thily.
"Les décès remonteraient à plusieurs mois et il est donc vraisemblable que les deux malheureuses ont été détenues en vie un certain temps par leurs ravisseurs.
Mme Thily a encore rappelé que depuis le début de l'enquête, "tous les moyens avaient été mis en oeuvre pour les retrouver coûte que coûte et confirmé que la maison de Dutroux avait fait l'objet de deux perquisitions en août et décembre 1995."
Mme Thily a encore rappelé que depuis le début de l'enquête, "tous les moyens avaient été mis en oeuvre pour les retrouver coûte que coûte et confirmé que la maison de Dutroux avait fait l'objet de deux perquisitions en août et décembre 1995."
Elle a encore rendu hommage au courage des parents des deux fillettes, entourés de leur famille.
"Jusqu'à cet après-midi, on gardait encore un espoir minime de les retrouver vivantes", a-t-elle affirmé.
Le juge d'instruction chargé de l'enquête sur la disparition des deux petites, Mme Doutrèwe, s'est rendue sur !es lieux de la découverte des corps.
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