Belgique,plaque tournante de la pédophilie ? (« La Dernière Heure » mardi 3 décembre 1996 page 3)
Procureur tenu à l’écart
L'examen a commencé par l'audition des magistrats de Charleroi concernés par des faits reprochés à Dutroux, antérieurs à la disparition des deux fillettes.
En 1993, la gendarmerie savait déjà que Dutroux projettait d'enlever des enfants et faisait tout pour se renseigner. Encachette.
Au parquet de Charleroi, peu de gens étaient au courant...
« Je n'ai plus entendu le nom de Dutroux après sa condamnation en 89. Après cette date, ce fut le silence radio complet. Quand j'ai appris durant les dernières vacances qu'il avait été arrêté, j'ai dit m..., c'est ce saligauds-là... »
Au parquet, l'habitude voulait que le procureur soit consulté par ses substituts pour les affaires graves.
Le dossier Dutroux, lui, n'a pas été porté à sa connaissance... Il est évident que ce n'est pas normal. Il est évident que j'aurais du être prévenu. Je ne sais pas pourquoi ça n'a pas été fait. Je retiens surtout de tous ces épisodes qu'une meilleure concertation entre tous les acteurs des enquêtes judiciaires serait préférable pour tout le monde et pour la justice en particulier ».
Comme Mme Janssens, sa collègue Favaro a dit avoir ignoré tout de l'enquête menée par la gendarmerie sur les projets d'enlèvements de Dutroux. Elle était pourtant la responsable au parquet du dossier des vols reprochés à Dutroux. C'est elle aussi qui a demandé le renvoi de Dutroux en correctionnelle pour 7 vols mis à sa charge. Lors des perquisitions menées dans ce dossier, les gendarmes cherchaient des objets recelés mais aussi les caches. Pas un mot là-dessus dans les PV reçus par Mme Favaro. « Le procureur du Roi ou d'autres premiers substituts étaient sûrement au courant », dit elle, sans en être vraiment certaine.
A plusieurs reprises, les députés ont également demandé aux magistrats carolos pourquoi la libération conditionnelle de Dutroux n'avait pas été cassée pour les faits de vols. La réponse est immuable le ministère ne révoquait qu'après une nouvelle condamnation ou des aveux. Et comme Dutroux niait toujours...
Le juge Lorent admet la manipulation des gendarmes
Le juge dorent intervient dans l'enquête Dutroux dès novembre 93. Deux gendarmes de Charleroi ont des informations sur le pédophile. Cela concerne des vols mais, surtout, des projets d'enlèvements d'enfants. Le parquet, qui n'est averti que des premiers soupçons, ouvre une enquête pour ces vols.
Le gendarme Pettens m'a dit que, dans le cadre de ces recherches, il voulait profiter de l'occasion pour vérifier la rumeur qui disait que Dutroux aménageait des caches. J'ai accepté. Pour moi, il s'agissait de caches pour entreposer des objets volés. Personne ne m'a parlé de caches pour séquestrer des enfants ! », dit le juge.
Un second enquêteur, M. Bouvy, dit l'avoir averti. Ces perquisitions ont été négatives, de même que les secondes, quelques mois plus tard.
Des caves à Marchienne étaient bien en chantier, mais rien n'a semblé anormal, au juge en tout cas.
Durant l'été 95, seconde opération de surveillance: Othello. A son insu, le juge Lovent revient en scène,
« Sans le savoir, j'ai court-circuité l'opération Othello, dont j'ignorais tout», dit-il. Début décembre 95, le juge intervient en effet dans l'affaire des jeunes séquestres pour avoir vole un camion à Dutroux.
Un règlement de comptes, explique Lorent. Dutroux est arrêté dans ce dossier et le juge décide de lancer des perquisitions, toujours dans l'optique des vols. C'est là que les gendarmes se montrent, raconte le magistrat. Ils lui parlent enfin des recherches sur les caches d'enfants, mais ne disent pas, toujours selon M. Lorent, que
Dutroux est le principal suspect dans l'enlèvement de Julie et Mélissa.
A Marcinelle, où sont enfermées Julie et Mélissa, la perquisition du 13 ne donne rien. « La maison était un vrai capharnaüm ». Le juge décide de revenir le 19. Et met les scellés durant six jours... Le 19, les gendarmes, plus nombreux, ne trouveront toujours rien.
« Si j'avais su que les gendarmes voulaient se brancher sur le dossier Julie et Mélissa, j'aurais interdit les perquisitions et téléphoné à la juge d'instruction en charge du dossier à Liège, Mme Doutrewe. Je n'ai jamais pensé que des enfants pouvaient être enfermes. Si je l'avais su, c'est au bulldozer que j'aurais fait sauter la maison... Les gendarmes devaient s'adresser à Mme Doutrewe », dit encore le juge Lorent. Celui-ci aurait donc été utilisé, manipulé par les gendarmes, qui travaillaient seuls, en secret, et avaient besoin d'un pantin pour signer des mandats...
B. F.
La colère de Paul Marchal
créé une asbl An et Eefje. Son but est de venir en aide aux parents qui seraient plongés dans le même désarroi et la même détresse que la leur après les disparitions d'An et Eefje en août 95.
Un but généreux.
«A
Devant des dizaines de journalistes belges et 'étrangers. Le show ! Le ministre de
Mais des à-côtés. De quoi serait-il alors question ? La famille Marchal a abordé un sujet qui lui tenait à coeur, celui des spectacles d'hypnose donnés par maître Rasti Rostelli. Nous ne reviendrons plus sur l'affaire.
Nous l'avions nous-mêmes révélée, en juillet dernier. Encore aujourd'hui, Paul et Betty Marchal mènent un combat pour interdire ces spectacles qui violent la loi.
Si An et Eefje s'étaient trouvées dans leur état normal après le spectacle de Me Rostelli au casino de Blankenberge, les deux filles n'auraient pas fait du stop, elles auraient pris le tram et seraient toujours en vie.
Paul Marchal, sans illusion, ils ne font rien. Rien ! Leurs promesses, elles n'ont aucune valeur. Dehaene ? De Clerck ? Pour moi, ils se valent tous...
L'une d'elles avait moins de douze ans au moment des faits. Marc Dutroux a été condamné à lui verser des indemnités pour le dommage subi.
Dutroux a été libéré en
qui n'est pas très grave, ni ma cliente, n'avons été prévenu mais de toute façon rien n'est prévu, ou du moins rien n'était prévu en Belgique dans les faits. L'affaire Dutroux a changé la donne. Désormais, une fiche victime suit le dossier du détenu.
Lorsque ce dernier est remis en liberté, des conditions plus précises peuvent donc maintenant être fixées: que le détenu n'aille pas s'installer à proximité du domicile de la victime par exemple, mais c'est tout à fait nouveau. Cela pourra peut-être permettre d'éviter qu'une victime se retrouve nez à nez, sans y être préparée, avec son agresseur: vous imaginez aisément le choc que cela peut causer chez cette personne.
Il faut évoquer ce genre de situation.
II y a un autre intérêt à mettre les victimes au courant: c'est qu'elle peut alors agir sur les biens ou revenus de l'ex-détenu s'il n'a pas indemnisé sa victime. J'ai appris par la presse, comme tout le monde, que Marc Dutroux possédait toute une série de biens, j'ai donc alors demandé des saisies conservatoires de ces biens car ma cliente n'avait toujours pas été indemnisée par Dutroux alors que le tribunal avait donné droit à la constitution de partie civile et accordé un montant assez important».
La rapidité de la justice italienne montre l'intérêt qu'elle accorde à l'affaire. Nos confrères de
Il s'agit,dans les deux cas, de passeports volés à la fin de l'année passée en Belgique à l'administration communale de Poppel.
Les quatre enfants asiatiques qui accompagnaient
Selon les Italiens, le Cambodgien aurait fait au cours des trois derniers mois plusieurs dizaines de voyages entre l'Extrême-Orient et l'Europe. S'est-il rendu en Belgique ? Des vérifications sont en cours. Mais on sait, par exemple, qu'il a visite Paris. Des photos ont été trouvées, prises devant la tour Eiffel.
Les deux garçons, âgés de 6 et 8 ans, sont trop petits. Filière illégale d'adoption? Les deux filles, âgées de 10 et 12 ans,sont trop âgées. Reste la pédophilie. Dans quel pays ? Le Corriere delta Serra, dans ses éditions d'hier, cite trois villes : Hambourg, Amsterdam et Bruxelles.
Selon la police italienne, « ce n'est pas un hasard si les passeports ont été volés en Belgique ». Nous parlions, hier, du fait que les policiers auraient trouvé des « dizaines et des dizaines » de photos d'enfants dans les bagages du Cambodgien. Les chiffres doivent être revus à la baisse. En réalité, les Italiens n'en auraient trouvé qu'une vingtaine.
En revanche, trois agendas ont été saisis, dans lesquels figurent au total quelque 200 numéros de téléphone, la plupart codés, dont un certain nombre en Italie et en Belgique. C'est ce qui risque de déclencher des enquêtes en Belgique, pour autant que la police parvienne à les décrypter, la plupart des numéros étant en effet privés de préfixe et truffés d'idéogrammes qu'il va s'agir d'interpréter.
Tout serait bien sûr plus facile si
Quant aux enfants, ils sont pris en charge par l'hôpital Grassi, à Ostia. Sous le choc. Les médecins n'ont pas encore osé les examiner, pour ne pas les brusquer. Leur sort est incertain. Rapatriement au Cambodge ?
En septembre, des enfants étaient arrivés dans des conditions à peu près similaires en Italie. Ils se trouvent toujours dans ce pays, attendant que des familles les adoptent.
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