mercredi 27 mai 2009

Suite : ÉVITER UN « Othello bis » pages 32 et 33


Suite : ÉVITER UN « Othello bis » pages 32 et 33

……obtenir des mandats de perquisition afin de s'assurer du passage ou de la présence d'enfants dans une ou des demeures ou dépendances de Dutroux».

- «Sous le motif de vols», c'est dire si la juge d'instruction Doutrewe n'est plus concernée par cette enquête que la Gendarmerie va continuer à mener tambour battant: le lendemain 10 août, un gendarme de Charleroi rencontre deux informateurs qui fournissent énormément de détails sur les plans de Marc Dutroux. Ces détails sont d'une précision telle que le gendarme Pettens est quasi sûr de son coup.

De plus, «fin juin 95, Dutroux Marc vient chez Y (ndlr: le second informateur anonyme). Il propose à Y de faire le guet lors d'un coup. Dutroux lui explique que cela va lui rapporter beaucoup. Y demande des précisions mais Dutroux Marc lui dit qu'il en dira plus le moment opportun. Depuis lors, plus de contact».

«Fin juin», il y a donc de fortes chances que cela concerne l'enlèvement de Julie et Mélissa. Car les propositions antérieures faites à Y par Dutroux concernent précisément des enlèvements d'enfants et Y avait failli y être entraîné en juillet 1993. Et le rapport de se terminer: «A notre connaissance, les deux informateurs ne se connaissent pas. Nous pouvons donc en conclure que deux personnes différentes ont reçu les mêmes propositions de Dutroux concernant des enlèvements d'enfants».

De nombreuses recherches seront effectuées par la Gendarmerie sur les revenus, le patrimoine immobilier et les voyages en Slovaquie des époux Dutroux-Martin. Le couple sera également placé sous observation. Normal puisque, selon un procès-verbal daté du 23 août 1996,dans lequel les gendarmes de la BSR Grâce-Hollogne se justifient face au juge d'instruction Doutrewe, «dès la réception du fax du 7/7/95 de Charleroi, nous avons pris très au sérieux les informations qu'il contenait. Cette information était une des plus sérieuses qui nous parvenaient à cette époque». Pourtant, les gendarmes n'adresseront aucun procès-verbal au juge d'instruction. Ils reconnaissent l'avoir mise au courant verbalement «après (..) la réunion organisée (...) par le BCR à Charleroi», donc vers la mi août. Cela ressemble à s'y méprendre à une couverture des sous-officiers qui se rendent compte à l'époque que le BCR les entraîne dans un jeu dangereux.

Car pourquoi ne pas prévenir, par procès-verbal, la juge d'instruction ? Sous la classification «secret», le rapport concernant les contacts avec les deux informateurs carolos souligne dès le départ qu'«étant donné la précision des informations relatées ci après,nous demandons qu'actuellement, elles ne soient pas utilisées opérationnellement afin de pouvoir garantir la sécurité des informateurs». Dans un autre rapport «secret» transmis cette fois le 22 août 1996 au ministre de la Justice Stefaan De Clerck par le général Deridder, commandant de la Gendarmerie, ce dernier reprend l'argument de la sécurité des informateurs.

Pour rappel, selon la Gendarmerie, Dutroux est un «vrai truand (...) dont il faut se méfier». Est-ce pour cette raison que la Gendarmerie, voulant éviter toute fuite, garde l'information «interne»?

- Pas du tout. Le 25 août 1995, un rapport de la Gendarmerie est remis au parquet de Charleroi. Sous l'objet Opération Othello, il contient les éléments à charge de Dutroux, en évitant soigneusement les précisions qui permettraient d'identifier les deux informateurs. D'autres rapports concernant l'opération Othello arriveront encore au parquet de Charleroi les 1 er septembre et 29 novembre 1995. Ces informations ne seront jamais transmises par le parquet de Charleroi à son homologue de Liège.

PROTECTIONS?

- En novembre 1995, la question de la protection de Marc Dutroux par les milieux judiciaires de Charleroi doit aussi être posée. L'opération Othello est en cours lorsque se déroulent le 5 novembre des faits d'enlèvement et de séquestration de trois personnes liées à un vol de camion. Parmi les suspects, Marc Dutroux. Ce dossier qui amènera l'inculpation de l'inspecteur de la PJ de Charleroi Georges Zicot. Mais le 22 novembre, à Obaix, une gamine est victime d'un viol avec tentative d'égorgement. Premier sur place, un gendarme de Thuin qui a déjà enquêté sur Dutroux dans les années `80. Pour lui, pas de doute, les faits sont signés Dutroux. Mais en fonction de la répartition des tâches entre services de police, le juge d'instruction Somville confiera l'enquête à la PJ. Le lendemain, l'inspecteur Zicot et le commissaire Van der Haegen (lui aussi inculpé par Neufchâteau) rendront visite à la gamine à l'hôpital. Le 24 novembre, le parquet de Charleroi avait donc sous la main trois dossiers (Othello, la séquestration suite au vol de camion et Obaix) dans lesquels Dutroux était suspect. Il faudra hélas attendre le 13 décembre pour que la première perquisition ait lieu chez lui. Sans résultat. Si la perquisition avait eu lieu immédiatement après la tentative d'égorgement d' Obaix au domicile de Dutroux, les enquêteurs auraient retrouvé sans difficulté Julie et Mélissa. C'est en effet Weinstein, le complice de Dutroux, qui était alors enfermé dans la cache, les deux fillettes se trouvant temporairement retenues au premier étage du 128 route de Philippeville à Marcinelle.  Mais l'enquête sur le viol et la tentative d'égorgement d' Obaix, qui n'a pas abouti à l'époque, révèle encore de bien curieux éléments. Au moment des faits, un jeune témoin signalait à trois policiers en civil qu'il avait vu l'agresseur. Mais il n'avait jamais été interrogé. Réentendu en septembre dernier par les enquêteurs de Neufchâteau qui ont repris le dossier, ce témoin a reconnu Marc Dutroux sur photo comme étant, à 70%, l'agresseur d'Obaix. De même, deux suspects ont bénéficié d'un non-lieu grâce à une prise d'empreinte génétique. Le 6 décembre 1995, on prélevait un cheveu lors de l'interrogatoire du suspect Dutroux. Le test génétique n'a jamais été effectué. Voici deux mois, les enquêteurs de Neufchâteau retrouvaient ce cheveu dans le tiroir d'un bureau de la PJ de Charleroi...

- On sait qu'un gendarme de Dinant a aussi été inculpé dans le cadre de ces protections. Sur son sous-main, les enquêteurs avaient retrouvé l'inscription «NihoulLelièvre, ne pas toucher» en liaison avec un trafic de drogue. De même, on a retrouvé chez Dutroux une liste de cafés de la région de Charleroi avec, en regard, des indications sur le fait que le patron était un «indic» de la police ou que le café était fréquenté par des policiers en civil.

MANQUEMENTS, TOUJOURS

- La commission pourra aussi constater d’autres manquements concernant le traitement des informations sur Marc Dutroux. Ainsi, en juin dernier, deux fax émanant du Service Général d'Appui Policier (SGAP) revenaient encore sur ce suspect carolo. Le premier, daté du 18 juin, était adressé à la PJ de Liège dans le cadre de l'enlèvement de Julie et Mélissa. Le second, plus complet, est daté du 20 juin. Il était destiné à la Gendarmerie de Tournai, dans le cadre cette fois de l'enlèvement de Sabine. Dans un cas comme dans l'autre, ces renseignements n'ont pas été exploités. Certes, il était dramatiquement trop tard pour An et Eefje comme pour Julie et Mélissa. Mais cela aurait pu mettre un terme aux souffrances de Sabine et éviter l'enlèvement de Laetitia.

pourquoi ?

- Au-delà des dysfonctionnements et des protections, il reste à expliquer la curieuse attitude de la Gendarmerie dans le dossier Dutroux. Si, comme tout le laisse penser, la juge d'instruction Doutrewe a été mise hors course lors de la réunion du 9 août 1995 organisée par le BCR, il s'agirait d'une décision de l'Etat-Major de la Gendarmerie. Cela expliquerait quelques incongruités comme ces informations du député Decroly et de la sénatrice Milquet sur la destruction de certains documents du BCR.

- Le 20 août dernier, l'adjudant Gilot de la BSR de GrâceHollogne rédigeait un procèsverbal destiné à la juge Doutrewe sous la qualification «personne disparue, enlèvement d'un enfant». Il y explique toutes les recherches de la Gendarmerie concernant Dutroux et conclut: «Au vu des recherches (..) et des résultats finaux «négatifs», tous ces échanges de courrier étaient internes Gendarmerie et n'avaient pas fait l'objet d'un PV négatif à Mme le juge d'instruction de Liège, conformément aux instructions».

- La commission devra se pencher sur les conditions d'envoi de ce pv au juge d'instruction. Il semble en effet que Gilot, le 21 août, se trouvait au BCR de Bruxelles et ait demandé à un de ses collègues de transmettre le pv par fax au juge Doutrewe. A la lecture de ce pv, il est évident que la Gendarmerie a mené une enquête parallèle en échappant au contrôle du magistrat instructeur chargé du dossier.

- Curieusement, après cette «visite» au BCR, l'adjudant Gilot se met à rédiger, le 23 août, un nouveau pv sur les mêmes faits qualifiés cette fois de «problème social: information-renseignements». Beaucoup plus volumineux que le premier et rédigé dans un tout autre style, ce second pv «charge» cette fois la juge Doutrewe. Il est vrai qu'entre les pv des 21 et 23 août de Gilot, le général Deridder a rentré le 22 août son rapport «secret» au ministre de la Justice et que celui-ci ne correspond pas à la première version des faits présentés par Gilot. Mais même le général Deridder est contraint de constater que la seule trace écrite du volet Dutroux dans le dossier concerne un devoir d'enquête tout à fait périphérique au noeud de l' affaire Dutroux.

- L'attitude de la Gendarmerie, qui a mené son enquête parallèle, a eu pour conséquence de mettre tant l'appareil judiciaire liégeois que la PJ sur la touche. Dans le «simple» cadre de la guerre des polices ou parce que la Gendarmerie se méfiait d'un appareil judiciaire liégeois qu'elle estime fort corrompu?

Philippe Brewaeys

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CONNEROTTE, LE RETOUR

Soir illustré du mercredi 6 novembre 1996 page 32

Viré des dossiers Cools et Dutroux par la cour de Cassation, le juge d'instruction de Neufchâteau Jean-Marc Connerotte a de nouveau le temps de s'occuper du troisième gros dossier qu'on lui a confié, celui du GIA. Et il a frappé fort en arrêtant Kamel Noureddine, un islamiste algérien soupçonné d'avoir participé à l'attentat du RER qui fit 8 morts et 84 blessés dans la station du RER Saint-Michel à Paris le 25 juillet 1995.

• Paris a affirmé qu'il n'y avait «actuellement» pas de lien entre Noureddine et cet attentat. En fait, il semble surtout que l'information se soit retrouvée trop tôt dans la presse, mettant en danger certains témoins.

• Tout a commencé la nuit du 11 au 12 décembre 1995 par ce qui aurait dû être un banal contrôle de police, auquel une voiture tente d'échapper près de Bastogne. Au cours de la poursuite, les fuyards perdent un fusil mitrailleur d'origine yougoslave et balancent une grenade en direction des gendarmes.

Celle-ci est semblable à celles découvertes en mars 1995 dans les milieux proches du GIA à Bruxelles. Suite à l'incident de Bastogne, les enquêteurs arrêtent Ali El-Majda, déjà arrêté en mars 1995 dans le cadre de l'affaire d'Ahmed Zaoui. Mais ils foncent aussi sur des Bosniaques résidant au Luxembourg qui sont soupçonnés d'entretenir des liens étroits avec la mouvance islamiste armée en Europe. Dans la foulée, les enquêteurs démantèlent un trafic d'armes passant par Liège, qui servait à alimenter soit les combattants bosniaques soit les islamistes algériens.

- L'enquête prend alors de l'envergure et les services de sécurité de six pays européens (Grande-Bretagne, Pays-Bas, Allemagne, Luxembourg, Belgique et France) s'y intéressent de fort près.

Car Nusret Jusuvovic, un ancien combattant bosniaque arrêté au Luxembourg, semble être lié à la bande de Roubaix démantelée en mars dernier. Kamel Noureddine, l'homme aux multiples identités arrêté aux Pays-Bas en avril dernier puis relâché et enfin livré à la Belgique en octobre dernier serait, lui, l'une des têtes du GIA en Europe.

Il pourrait avoir servi de relais entre Londres et Paris dans le cadre de l'attentat du RER. A Neufchâteau, on ne chôme pas.

Ph.B.

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GAME OVER

Soir illustré du mercredi 6 novembre 1996 page 33

- Le baron Benoît de Bonvoisin a donc été condamné en appel à 5 ans de prison ferme avec arrestation immédiate à l'audience pour une série de délits de type financier dans la gestion de deux sociétés PDG et CIDEP. La justice a provisoirement - car l'intéressé peut faire opposition à ce jugement puis se pourvoir en Cassation -, mis fin à une procédure entamée en janvier 1979 par une plainte à Genève pour escroquerie.

- Bras droit de Paul Vanden Boeynants à l'époque du CEPIC, de Bonvoisin a ainsi entretenu, grâce à ses deux sociétés, tout un petit monde d'extrême droite pendant les années `70 et `80: le mensuel « Nouvel Europe Magazine », le Front de la Jeunesse,le Parti des Forces Nouvelles ainsi qu'un service de barbouzes militaires, PIO. Il oeuvrait encore au rapprochement entre cette extrême droite et l'aile droite du PSC.

- Si cette procédure judiciaire a mis aussi longtemps à aboutir, c'est grâce aux écrans de fumée lancés par le baron qui visaient à déstabiliser l'appareil judiciaire qui avait l'impudence de s'occuper de ses petites affaires: Sûreté de l' Etat comploteuse, magistrats payés par le KGB,...

- Hasard ou pas, l'un des derniers défenseurs du baron n'est autre que Julien Pierre, l'avocat de Marc Dutroux. Au moment où son client de Bonvoisin en prenait pour cinq ans, l'avocat liégeois s'attaquait violemment au procureur du Roi Michel Bourlet dans une interview à la télévision canadienne, le traitant de poujadiste. Toujours selon le défenseur du baron et de Marc Dutroux, la Marche blanche n'aurait été qu'une gigantesque manipulation de la Gendarmerie sur le thème du rejet du séparatisme

- Le poujadisme et la manipulation, Me Pierre connaît. Il est en effet très (très) proche d'Agir, un groupuscule fascisant liégeois. De même, les avocats de Michel Nihoul, Virgine Baranyanka et Frédéric Clément de Cléty, sont, eux, liés au Front National. Il n'est pas question de contester ici, comme le pensent certains esprits faibles, le droit de chacun à être défendu.

Mais force est de constater que dans le dossier de Bonvoisin comme dans celui de Dutroux et Nihoul, des personnes partageant une même idéologie d'extrême droite utilisent des méthodes identiques: traîner dans la boue des magistrats et des enquêteurs honnêtes, compétents et travailleurs.

On constatera qu'aucun des autres avocats du dossier Dutroux n'a introduit de requête en suspicion légitime et ne tente de salir la réputation des magistrats et des enquêteurs. Parce qu'ils ne sont pas, eux, d'extrême droite?

Ph. B.

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