LES CINQ MENSONGES DE L’AFFAIRE DUTROUX
Télé Moustique du mercredi 6 novembre 1996 page 26 ; 27 28 et 29
Pages 26 et 27
Les documents que nous publions cette semaine sont d'une importance capitale pour comprendre les dysfonctionnements de l'enquête Dutroux. Ils démontrent que dès août 1995, la gendarmerie avait décidé de travailler sur l'enquête Julie et Mélissa en dehors du dossier d'instruction de liège. Une décision que la gendarmerie n'a pas avouée à ce jour et que l'on peut juger très critiquable dans la mesure ou ce choix privait les enquêteurs des moyens indispensables à la libération des victimes de Marc Dutroux.
C'est l'un des mensonges de l'affaire Dutroux, nous en évoquons également quatre autres dans ce dossier.
Par souci de clarté, le rappel de quelques dates-clés.
24 juin 1995: enlèvement de Julie et Mélissa à Grâce-Hollogne.
25 juin 1995: Claude Thirault, I homme qui avait déjà informe la gendarmerie de Charleroi en octobre 1993, sur l'aménagement de caches par Dutroux « pour y loger des enfants en attente d'être expédiés vers l'étranger » se manifeste à nouveau parce qu'il voit un rapprochement possible avec l'enlèvement de Julie et Mélissa.
Cette version est en tout cas celle de Thirault lui-même, car si on s'en réfère aux rapports produits par la gendarmerie, ce témoignage est recueilli au début du mois d'août.
7 juillet 1995: un fax de la gendarmerie de Charleroi vers Grâce-Hollogne témoigne du fait que les pandores ont fait le rapprochement entre l'enlèvement de Julie et Mélissa et un suspect potentiel: Marc Dutroux.
17, 27, 28 juillet 1995: différents actes d'enquête sont encore posés par la gendarmerie qui n avertit toujours pas Martine Doutrewe, la juge d'instruction chargée du dossier à Liège, de soupçons pesant sur Dutroux.
4 août 1995: un fax de la gendarmerie de Charleroi témoigne de ce que Thirault a confirmé ses dires de 1993 en ajoutant notamment que Dutroux « lui avait proposé 150.000 francs par enfant enlevé ».
7 août 1995: l'adjudant Lesage, de la BSR de Seraing, faxe le message suivant à l'adjudant Van Rilaert du BCR de la gendarmerie à Bruxelles: « L'intéressé (NDLR: Marc Dutroux) et son épouse (Martin Michelle) sont connus pour viols, séquestration d'entants. Il serait intéressant de « monter » un dossier concernant les intéressés. »
8 août 1995: le BCR faxe aux BSR de Thuin, Seraing, Namur et Charleroi: « Dans le cadre de la disparition de Julie et Mélissa (DUTROUX) vous êtes invités à une réunion organisée le 9 août 1995 à 10 heures dans les locaux de la BSR de Charleroi. »
9 août 1995: la réunion de coordination du BCR a lieu à Charleroi. On peut lire à ce sujet dans le rapport confidentiel du procureur Velu que « cette réunion avait conduit à désigner Dutroux comme suspect potentiel dans le cadre d'enlèvements d'enfants »
1er mensonge : autour de la délocalisation de l'enquête Dutroux à Charleroi
Arrêtons provisoirement notre chronologie. En effet, cette date du 9 août 1995 apparaît aujourd'hui comme le tournant de l'enquête. Il y a alors moins de deux mois que Julie et Mélissa ont disparu. En travaillant dans son coin, la gendarmerie a déterminé que Dutroux est un suspect crédible et par conséquent, il est tout à fait envisageable que les petites soient détenues dans l'une des maisons du monstre. La réaction logique serait donc d'en avertir au plus vite le juge d'instruction chargé du dossier "Julie et Mélissa" à Liège, à savoir Mme Doutrewe. De dresser un procès-verbal et demander un mandat de perquisition pour aller voir ce qui se passe vraiment dans les maisons de Dutroux. Mais ce n'est pas ce qui se passe, malgré le tait qu'un second informateur de la gendarmerie de Charleroi confirme, dès le 10 août 1995, les dires de Claude Thirault.
Que se passe-t-il en Fait?
On lit ceci dans le P.-V. n'101471/96 rédigé le 23 août dernier par l'adjIudant Gillot de la brigade de Grâce-Hollogne et par l'adjudant Lesage de la BSR de Seraing:
« A une date ignorée mais que nous situons après le 09/08/95, soit après (... la réunion organisée à notre demande par le BCR à Charleroi, nous avons fait part verbalement à Mme le Juge d'instruction Doutrewe qu'une enquête était menée par nos collègues de Charleroi. Nous lui avons cité le nom de Dutroux. Nous lui avons précisé que nous maintenions un contact avec nos collègues de Charleroi afin de vérifier s'il n'existait pas de lien entre ce suspect et la disparition de Julie et Mélissa. Ces renseignements ont été communiqués au magistrat en présence du commissaire Lamoque de la Police Judiciaire de Liège. Madame Doutrewe nous a demandé de la tenir informée de l'évolution du contrôle de ce suspect. Elle ne nous a demandé aucun écrit pour confirmer l'existence de cette information. »
Dans le rapport du Comité P, l'organe de contrôle des services de police, concernant l'enquête sur l'enquête, on peut lire le compte-rendu de la gendarmerie d'une conversation téléphonique, datant du 17 août 1995, de l'adjudant Lesage avec un de ses collègues du BCR, l'adjudant Van Rilaert:
« Hier, a eu lieu une réunion avec Mme Doutrewe, Lesage et Gilot. (...) Doutrewe n'est pas chaude à l'idée que l'enquête sur Dutroux soit diligentée depuis Liège. »
A cela, il convient évidemment de confronter la déclaration de la juge d'instruction Doutrewe:
« C est fin août 1995, au cours d'une réunion, que l'adjudant Lesage de la BSR de Seraing, dans la série d'informations portées à notre connaissance nous a informé de ce qu'il avait un suspect en matière dé moeurs, un dénommé Dutroux de Charleroi, qui selon une information faisait des travaux dans ses caves pour abriter des jeunes filles. Il nous a précisé que cette enquête était en cours à la gendarmerie de Charleroi. M. Lesage n'était pas particulièrement insistant sur cette information. »
Que déduire de tout cela? Une première lecture de ces informations contradictoires peut se limiter au constat que la gendarmerie informe bien la luge d'instruction Doutrewe des soupçons pesant sur Dutroux dans le courant du mois d'août 1995. Tout le monde est d'ailleurs d'accord la-dessus.
En quels termes? Comme un suspect parmi d'outres ou comme un suspect très intéressant?
Les protagonistes ne sont plus d'accord et seuls ceux qui étaient dans le bureau de la juge d'instruction connaissent vraiment la réponse à cette question. Toujours est-il qu'il ressort de but cela que la juge liégoise ne se préoccupe pas de la piste Dutroux et que ce serait cela qui conduit finalement les gendarmes à s'adresser le 25 août au parquet de Charleroi pour continuer leur enquête par le biais d'une "mise sous observation", la fameuse opération Othello.
Mais s'agit-il vraiment de la bonne lecture ? On peut en douter à la découverte d'un autre document en notre possession. II s'agit d'un rapport interne et confidentiel de la gendarmerie rédigé le 16 août 1995 par le capitaine Bal de la brigade de Charleroi. Le libellé de ce rapport est explicite.
On y lit en effet: « OBJET : Disparition de Julie et Mélissa ». Le rédacteur du texte précis qu'il est écrit en référence à la réunion organisée le 9 août par le BCR à Charleroi. Et pourtant, un peu plus loin, au point 3, on lit cette phrase pour le moins étonnante: Hypothèse retenue: Nous maintenons l'hypothèse retenue lors de la réunion en Ref (NDLR: Ref, comme référence), à savoir sous le motif de vols, obtenir des mandats de perquisition afin de s'assurer du passage ou de la présence d'enfants dons une des demeures de Dutroux".
Traduction: dès le 9 août 1995, lors de leur réunion interne organisée par le BCR, avant même d'évoquer « verbalement » les informations sur Dutroux a Martine Doutrewe,
…..Suite pages 28 et 29
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