dimanche 12 octobre 2008

Sept à dire : Raymond Arets(«Dernière Heure »14 septembre 1996)


Sept à dire : Raymond Arets

 « La Dernière Heure » du samedi 14 septembre 1996

 Samedi 7

Comme il est dommage que des dissentiments entre les deux familles n'aient pas permis qu'An et Eefje partent ensemble pour leur dernier voyage. Malgré de nombreuses interventions, les parents d'Eefje n'ont rien voulu entendre. Parce que, depuis la disparition des jeunes filles, M. et Mme Lambrecks avaient opté pour la discrétion. Sans doute ont-ils préféré ne pas exposer leur peine devant les caméras.

Hasselt s'est donc mobilisée, dans une émotion poignante, pour deux funérailles tout aussi émouvantes à quelques heures d'intervalle. Dans sa prison, Dutroux, le monstre regardait peut-être les cérémonies à la télé.

L'actualité se dédouble, vous le savez. Je suis persuadé que l'ancien ministre Alain Van der Biest s'attendait à ce que les inspecteurs de la PJ viennent le cueillir chez lui pour l'emmener à la cellule Cools. Innocent ou pas, il est mouillé et il est bien le premier à le savoir.

Dimanche 8

C'est après une très longue nuit d'interrogatoires que l'autre VDB a été embarqué à Lantin. Depuis le début des affaires, plusieurs ministres et anciens ministres ont été dans le collimateur de la Justice. Mais seul Van der Biest a été privé de sa liberté. Ainsi va la vie quand on la mène trop dangereusement et qu'on a des fréquentations plus que douteuses.

On a cru que c'étaient les violentes attaques dont il avait été victime lors d'un débat télévisé qui justifiaient la mise à l'écart du commissaire principal Raymond Brose, le chef de la cellule Cools. Faux ! Il avait démissionné la veille. Ce n'est jamais là qu'une péripétie supplémentaire dans l'interminable saga de la justice qui n'est ni à un coup de théâtre, ni à un dysfonctionnement près.

Quoiqu'il en soit, l'enquête progresse, puisque grâce aux révélations très précises de Castellino, l'arme quia tué André Cools a été retrouvée dans le canal de l'Ourthe. Une partie de la vérité est sortie de la rivière.

Lundi 9

Dutroux : les fouilles continuent. On ne cherche pas nécessairement des corps mais plus sûrement des éléments d'information importants susceptibles de faire progresser une enquête dont on attend encore des surprises.

Cools : la cellule fonctionne à plein rendement malgré l'absence de son patron et de deux inspecteurs solidaires. De toute façon, il est clair que toute la PJ liégeoise est derrière Brose. Affaire à suivre. Elle n'ira pas sans heurts.

Pendant ce temps-là, l'ancien procureur général, Léon Giet, depuis sa retraite paisible, est quand même sorti de son mutisme pour rappeler qu'il avait, jadis, et en plein accord avec l'avocat général Spirlet, suggéré que c'étaient les pistes de Neufchâteau qu'il fallait gratter. Effectivement, les deux hauts magistrats s'étaient, à ce propos, exprimés publiquement.

Pourtant, souvenez-vous, c'était Neufchâteau qui avait perdu l'implacable et impardonnable guerre des parquets.

Mardi 10

Depuis, Neufchâteau, grâce à l'affaire Dutroux assez rondement menée dès que deux gamines de Bertrix ont été concernées; depuis, donc, le tandem Bourlet-Connerotte est remonté à la surface. Ces deux-là, n'y vont pas avec le dos de la cuillère. Ils cognent dur.

La preuve par l'opération Zoulou qu'on qualifie de...sauvage à Charleroi où cinq bureaux de la PJ ont été retournés de fond en comble pendant qu'on interviewait leurs occupants. Les gendarmes n'étaient pas à l'abri de ce coup de force. Mais sur une bien moindre échelle.

Bien sûr, dans cette expédition nocturne digne d'un thriller, il s'agissait plus de marquer des points dans l'enquête sur le trafic des voitures que dans celle sur la pédophilie que l'opinion publique continue à confondre dans le mesure où l'on retrouve plusieurs mêmes titres des deux côtés.

Quoiqu'il en soit, à Charleroi, on crie au complot. Notre justice n'a jamais été pareillement secouée.

Mercredi 11

Y a-t-il polémique ? Soyons sérieux. Même les constitutionnalistes n'y croient pas. Pourquoi, dès lors, être plus catholique que les papes ? Le communiqué du Roi, réclamant de la justice qu'elle soit plus humaine et plus efficace n'a en fait, que traduit un sentiment général que le gouvernement ne peut que partager. Albert II est couvert !

A Liège, la chambre du conseil a, comme prévu, confirmé les mandats d'arrêt des protagonistes de l'affaire Cools. Alain Van der Biest, à moins qu'il ne soit bien reçu en appel, restera ainsi encore au moins un mois de prison. L'endroit idéal pour clamer son innocence.

En réalité, tout le monde se pose les mêmes questions. Qui est ce mystérieux anonyme qui, le 3 septembre, a fait parvenir au parquet, une lettre en quinze points donnant une foule de détails sur l'organisation de l'assassinat du ministre d'État ? Pourquoi a-t-il attendu cinq ans avant de faire ces révélations ? Puis qu'il sait tant de choses, n'est-il pas, lui-même partie prenante ? Les réponses plus tard, sans doute.

Jeudi 12

J'avoue que je ne comprends pas très bien la position de Marcel Cools qui repart à l'assaut de l'ensemble de l'arsenal judiciaire et qui effectue en quelque sorte une sélection discriminatoire parmi les responsables qui, depuis la cellule Cools et jusqu'à la Cour de cassation sont en charge de l'enquête. Le fils d'André a la dent dure. Il ne digérera jamais le retard pris par la faute du dessaisissement dont Neufchâteau fut la victime. II a raison mais est-ce encore le moment de revenir en arrière et d'encore différer la découverte de la vente?

Que tout et chacun restent bien en place et bientôt Marcel Cools connaîtra les commanditaires du meurtre de son père. Ce qui ne l'empêchera pas, plus tard, de demander des comptes. La justice lui doit bien cela.

Vendredi 13

A l'initiative des familles de Julie et Mélissa, les parents de treize enfants concernés par des affaires de disparition, se sont réunis au Palais des Congrès de Liège. Il faudra dorénavant s'inquiéter du droit des victimes et notamment de l'accès des parents au dossier.

Ce sera un long combat. Tout un terrain juridique est à conquérir. Au nom de la morale la plus élémentaire.

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RAYMOND ARETS : Les facettes du monstre

« La Dernière Heure » du samedi 14 septembre 1996 page 12

Loin de moi, vous vous en doutez, la prétention de vouloir cerner la personnalité aussi monstrueuse qu'énigmatique de Marc Dutroux. Nous sommes tous sur un plan d'égalité qui consiste à regarder, à écouter et à lire les médias, et particulièrement la DH, qui essayent, en vain, de comprendre comment un homme        na pu en arriver là. Certes, il y a bien quelques psychologues ou sociologues qui, professionnellement ont, en principe, plus de répondant que les journalistes pour dépeindre les états d'âme du personnage, mais il faut bien avouer que leurs explications ne nous apportent pas grand-chose de plus. Dans le bien comme dans le mal, il existe des êtres d'exception dont il est virtuellement impossible de dresser les caractéristiques essentielles.

Après les errements impardonnables de la justice sur lesquels les parents de Julie, Mélissa, An et Eefje ont si souvent mis l'accent dans les circonstances difficiles qu'ils traversaient si courageusement, l'enquête s'est emballée tardivement à Neufchâteau et a quelque peu levé le voile sur les horribles activités de Dutroux et de ses complices.

L'affaire du trafic des voitures volées est venue encore brouiller les cartes et obliger les ïnvestigateurs à se répandre sur plusieurs terrains. Un peu comme lors des recherches pour retrouver !'assassin d'André Cools qui avaient, également, débouché sur diverses autres pistes.

Au pire, on pourrait écrire qu'on se fiche pas mal du fait que Dutroux était aussi un voleur de bagnoles, mais ce n'est pas si simple que cela. Certaines connexions, sérieusement établies, ne sont pas sans importance. Elles sont susceptibles, en tout cas, d'élucider des problèmes de protections qui ne plaident pas, non plus, en faveur des différents rouages de notre justice empêtrée dans son éternelle guerre des polices, quand ce n'est pas celle des parquets. L'une comme l'autre, dans les affaires occupant depuis trop longtemps la première ligne de l'actualité, ont causé beaucoup de tort.

Rien n'est fini.

II est encore bien présomptueux de prévoir la suite des événements. On aura, peut-être, encore droit à notre lot de surprises.

Évidemment, ce n'en sera pas une quand on essayera de faire passer Dutroux, comme tous les autres pédophiles pour un malade sexuel. Pourtant, il est bien plus que cela. C'est un tueur froid qui n'épargne ni ses victimes ni ses complices. C'est aussi un voleur de grand chemin qui a sûrement, pris une fart active à l'organisation d'une bande de trafiquants internationaux. Plus ce qu'on ne sait pas encore.

 Alors ? Un malade ? Non. Un abominable truand.

 

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