Sept années qu'elle attend le moindre signe d'espoir.('Ciné Télé Revue'12 septembre 1996 page 26 et 28)
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Accusations. Et honte.
Dès le premier contact, au téléphone, les choses avaient été claires : « Si vous voulez faire pleurer avec le portrait d'une mère éplorée et prostrée qui attend son enfant, ne venez pas, vous perdriez votre temps. Moi, je me bats, et j'essaye d'avancer... »
Se battre, Marie-Noëlle Bouzet, la maman d'Elisabeth Brichet, ne fait que ça depuis sept longues années, révoltée parle peu de cas que l'on fait, en Belgique, de ces enfants qui disparaissent. Son chagrin, ce chagrin qui la ronge depuis des années, elle préfère le garder pour elle et, protégée par cette carapace que les événements lui ont fabriquée, elle ne le livrera pas en pâture aux journalistes qui viennent l'interroger.
« Souvenez-vous de ce que disaient, il y a quelques jours, les parents de Melissa ou ceux d'An, sur le mur d'incompréhension auquel ils se sont heurtés en se frottant à la machine judiciaire. Eh bien, dans mon cas, imaginez que les choses ont été trois ou quatre fois pires. Quand j'ai évoqué l'hypothèse d'un enlèvement à des fins de pédophilie, presque immédiatement après la disparition d'Elisabeth, c'est à peine si on ne m'a pas ri au nez en me traitant de pauvre folle. A l'époque, plus encore qu'il y a un an ou deux, personne n'acceptait, même un instant, de croire à cette hypothèse... »
« Pensez donc, j'étais une mère divorcée, une caractérielle, une instable incapable de s'occuper normalement de ses enfants. Il a fallu que les années passent et que mon fils réussisse ses études universitaires pour que mes interlocuteurs commencent enfin à se dire qu'au fond, nous étions peut-être une famille "normale", comme les autres... »
En attendant, le temps aura passé. Lorsque,à peu près trois mois après les faits, le fin limier de la police de Namur se rend compte que la fugue n'est peut-être plus aussi sûre qu'il le pensait, il se tourne vers l'hypothèse familiale
«J'avais des choses à dire, des pistes à proposer. On a refusé de m'entendre en me répondant à peu près que je racontais n'importe quoi dans le seul but de cacher la vérité, de camoufler ce qui se passait chez moi et qui expliquait, fatalement, la disparition de mon enfant. La preuve que ce n'était pas un enlèvement : on ne trouvait aucun indice. Sans cesse, on me répétait : "Allons, Mme Bouzet, si la petite avait été kidnappée, on trouverait quelque chose. On a bien retrouvé la pipe de VDB. Alors, arrêtez de fabuler et dites-nous ce qui s'est vraiment passé... » Brillante logique policière.
Cette fois encore, le commissaire Deside fera chou blanc. Ce nouvel échec ne le rendra ni plus modeste ni plus efficace, et sa dernière trouvaille sera celle de l'enlèvement suivi du viol : Élisabeth est morte, enterrée quelque part et on la retrouvera un jour. Ou peut-être pas, allez savoir ! Sans importance, d'ailleurs, affaire classée : la petite Brichet, pour des hommes comme Deside, n'est qu'un numéro de dossier, un nom sur une fiche, une abstraction qui ne doit surtout pas les déranger. Les victimes dans leurs cartons, leurs parents sous tranquillisants, et qu'on ne vienne surtout pas nous donner de leçons ou de conseils. C'est ça, le secret de la bonne police.
L'enquête, si on peut vraiment appeler ça une enquête, continuera, cahin-caha. Avec plus de bas que de hauts. Quand une dame digne de foi se présente et raconte avoir vu des choses qui méritent, au minimum, vérification, on la retourne sur le gril. La femme a aperçu une petite fille blonde aux yeux bleus à l'arrière d'une voiture, à l'heure des faits, mais, par honnêteté, elle refuse d'affirmer qu'il s'agit de la petite Élisabeth. Cette retenue devrait crédibiliser son témoignage. II n'en est rien. Le dialogue s'installe
Était-ce Élisabeth Brichet ?
Je ne sais pas, je ne la connais pas. Tout ce que je peux dire, c'est que c'était une petite fille aux yeux bleus...
- Soyez plus précise...Comment le pourrais-je sans aller plus loin que ce que j'ai vu?
Et le commissaire d'acter : « Le témoin ne reconnaît pas Élisabeth Brichet. » Point final. Le dossier se referme. Et tant pis si cette petite phrase du commissaire n'a rien à voir, mais vraiment rien, avec le fond de la déposition, dont elle constitue une scandaleuse interprétation.
Alors, dégoûtée, la maman d'Élisabeth va devenir cette empêcheuse de tourner en rond, cette femme qui refuse de faire bien gentiment son deuil, en silence, dans son coin : « Je les dérange, je les emmerde. C'est ça, la vérité. »
Vient, enfin, le soir du 15 août et la libération de Sabine et de Laetitia. Puis, deux jours plus tard, la découverte des corps de Julie et de Mélissa. L'horreur. La stupeur. Le sentiment glacial que sa propre fille a peut-être aussi subi une telle monstruosité. Des événements vécus avec d'autant plus d'intensité que Marie-Noëlle est devenue une amie des Russo et des Lejeune, puis des parents d'An Marchal. Autant de familles éprouvées, mais qui refusent d'abdiquer et qui mènent un combat commun, chacun aidant l'autre à se relever quand il tombe, à surnager quand il risque de se noyer. C'est le choc : « Tout d'un coup, j'ai compris que j'avais raison depuis le début. Et c'est encore plus terrible. Ce qui se passait, c'est vraiment ce que j'avais imaginé dans mes pires cauchemars : les petites enfermées dans une cave et livrées au bon vouloir de quelques pervers. Une amie m'a dit récemment que tout cela lui rappelait le conte de Hans et Gretel, les deux enfants enfermés dans une cage. C'est tout à fait ça. Une histoire tellement primitive qui semble sortir de la nuit des temps, de ce qu'il y a toujours eu de pire dans l'âme humaine... » Depuis, au rythme sinistre des enterrements, le temps a recommencé à couler et l'attente s'est réinstallée, mais les choses, pourtant, ont changé.
Dans sa petite maison, si agréable à vivre, si calme, si sereine, Marie-Noëlle attend encore.
Quoi, au juste ? « Si je dis que j'attends simplement que les pelleteuses aient fini leur travail, on me dira à nouveau que je suis une dure. Pourtant, j'ai deux réactions. J'ai envie, j'ai vraiment envie d'avoir confiance dans le juge Bourlet, mais en même temps, je crois vraiment que si on retrouve ma fille, ce sera l'oeuvre du hasard, de la chance... »
« Un peu de corruption, sans doute, mais ça, c'est
Quand Marie-Noëlle Bouzet raconte l'anecdote, elle se fâche. Mais à sa manière, calmement, sans hausser la voix, simplement en se prenant la tête entre les mains. Comme une femme qui, depuis sept ans, ne s'étonne plus de rien. Et c'est normal : elle a tout vu, tout subi, elle est bien au-delà du mal que pourrait lui faire la vie. Elle reste là, avec ses questions et ses doutes, ses dégoûts et ses révoltes, entourée de quelques amis qui l'aident à vivre. « Après » (car, un jour ou l'autre, il faudra bien qu'il y ait un « après »), elle partira :
« Je ferai ce que je dois faire, avec les parents de Julie, Mélissa et Ann, pour tenter de faire changer les choses. Et quand j'aurai accompli ma part, je m'en irai. Loin d'ici, loin de ce petit pays corrompu où j'ai appris que le pire était toujours possible. »
Loin de ce système qui n'a rien fait, mais vraiment rien, lorsqu'on lui a volé sa fille.
1 commentaires:
Voilà, après autant d'années je me permets enfin écrire suite à ce message de la maman d'Elizabeth, j'habitais dans la région de Namur, ma petite soeur est décédée et on a découvert qu'elle avait été violée, c'était en 92 et elle allait avoir 10 ans, j'en avais 17, soeur ainée de 5 filles! J'ai eu affaire à ce commissaire Deside, et effectivement il ne retranscrit pas ce que nous témoignons mais ce qu'il interprète et moi aussi j'ai eu droit à ses allégations, prétendre des choses qui sont fausses! Il était dans l'impasse et dans ce cas ce monsieur en déduit que c'est la famille responsable, j'en ai beaucoup souffert, des années pour en arriver à la fermeture du dossier! Pour moi cet homme est un incapable, il trouve normal de casser les gens, il y avait des preuves ADN, mais cette personne m'a cassée, j'ai perdu 1 an d'école grâce à sa façon de faire, il me suspectait de m'être rendue chez un petit ami inexistant et que j'avais pris ma soeur avec moi, je vous laisse deviner ce que ce commissaire avait dans sa tête, j'avais 17 ans, garçon manqué et "on trouvait bizarre qu'à mon âge je n'avais pas de petit ami!" Il m'a fallu des années de thérapie et aujourd'hui encore je suis loin d'être guérie!Je suis toujours en dépression et me fais encore soignée!
Je suis témoin de sa façon de faire, j'espère sincèrement qu'aujourd'hui il est en retraite, ...
Pour la famille d'Elisabeth, j'ai toujours pensé à vous,...
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