vendredi 3 octobre 2008

An et Eefje : LA DOULEUR ÉTAIT EN BLANC(« Télé Moustique » 12 septembre 1996 pg 13)


An et Eefje : LA DOULEUR ÉTAIT EN BLANC

« Télé Moustique » du jeudi 12 septembre 1996 page 13

Enlevées ensemble le 22 août 1995, leurs corps découverts côte à côte à Jumet, Eefje Lambrecks et An Marchal ne reposent pas ensemble au cimetière d'Hasselt comme Julie et Mélissa à Flémalle. Et samedi une foule nombreuse a rendu deux hommages séparés aux deux victimes de Marc Dutroux, le souhait insistant des autorités religieuses pour une cérémonie commune n'étant finalement pas venu à bout de la discorde entre les familles.

Mais c'est une même émotion qui a étreint tous ceux qui se pressaient le matin à l'église Notre-Dame des pauvres du quartier de Banneux pour les funérailles d'Eefje et l'après-midi dans et autour de la cathédrale

Saint-Quentin pour celles d'An. Funérailles retransmises par les chaînes de télévision belges et suivies par plusieurs chaînes étrangères.

Journée-symbole, douleur, colère, recueillement, solidarité, réflexion, souvenir, espérance mêlés. Symbole des sept cierges allumes par sept amies d'Eefje. Douleur exprimée notamment par le père Jaak Hermans devant le cercueil blanc d'Eefje où l'on avait déposé son ours en peluche d'enfant: "II est difficile de venir à bout du chagrin". Colère que n'a pu réprimer Paul Marchal dans la cathédrale: "Si on avait immédiatement mis en oeuvre les forces nécessaires cet enterrement n'aurait pas eu lieu". Le père d'An qui n'a ainsi "pas voulu que les autorités soient assises au premier rang de la cérémonie".

Solidarité des parents de Julie et Mélissa, de ceux de la petite Loubna Benaissa, disparue depuis le 3 août 1992, de la maman d'Elisabeth Brichet, disparue (e 20 décembre 1989 et d'autres familles de disparus qui assistaient aux deux cérémonies, applaudis par la foule jusque dans la cathédrale. Douheur partagée de tous ceux qui se sont sentis abandonnés comme le clama Paul Marchal, d'instituteur, qui quitta son métier pour se consacrer à la recherche d'An et Eefje.

Souvenir de deux existences brutalement brisées: de la compagnie Arlequin où An et Eefje faisaient du théâtre, d'Eefje qui voulait être journaliste, de la passion d'An pour les animaux dont elle peuplait la maison, passion qui l'empêcha de partir en vacances avec ses parents l'année dernière.

Espérance symbolisée par (e blanc dont étaient vêtus les amis des deux jeunes filles, hormis un discret brassard noir, par les centaines de ballons blancs lâchés dans le ciel d'Hasselt et cet appel de Paul Marchal à ce que toute cette douleur, ce sacrifice "n'ait pas été vain". "Nous vérifierons, ajouta-t-il, s'ils (les responsables politiques et judiciaires) tiennent leurs promesses."

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Haro sur la PJ de liège !

« Télé Moustique » du jeudi 12 septembre 1996 page 15

Assassinat de Cools, Julie et Mélissa, traite des femmes. Autant d'enquêtes centralisées à liège et autant d'échecs retentissants essuyés par la PJ locale. Une première tête est tombée!...

Les révélations explosives de ces dernières semaines ne vont pas laisser le monde judiciaire intact.

La magistrature en est tellement convaincue que le procureur général de Bruxelles André Van Oudenhove, à indiqué dans son discours de rentrée que s'il fallait accepter que des erreurs ont été commises, il fallait aussi que son corps "défende son honneur".

Mais c'est surtout à Liège que les premières ondes de choc se font sentir. Il y a même fort à parier que le commissaire principal Raymond Brase, de la PL liégeoise, qui a démissionné avec fracas de la cellule Cools le week-end dernier, ne soit que le premier fusible d'une déflagration dont on ne mesure pas encore tous les effets à venir. L'ancien chef de la cellule d'enquête sur l'assassinat d'André Cools ainsi les frais de cinq ans d'inertie dons la cité mosane. Le malheur veut que ce crime ne soit pas le seul à connaître des dérapages dramatiques.

Indépendamment du climat pesant qui étouffe la principauté,de ses multiples intrigues politico-judiciaires, de la guerre fratricide au sein de la famille socialiste qui y occupe pourtant les principaux postes de commande, des dossiers plus limpides, en apparence au moins, connaissent eux aussi un traitement pour le moins léger.

Un souteneur très soutenu

C'est d'ailleurs à la surprise générale qu'au printemps dernier, André Laruelle, le patron du George V à Angleur, est placé sous mandat d'arrêt par la juge Verena Reul d'Eupen. Dons le collimateur de la commission d'enquête parlementaire sur la traite des êtres humains qui le traquait depuis 1993, et plus généralement de tous les pourfendeurs de réseaux de proxénétisme internationaux, le cabaretier semblait envers et contre

tout hors de portée de la PJ liégeoise.

Tant et si bien que l'instruction ouverte à sa charge était même en profond sommeil. Devant les députés ébahis, on vit le commissaire de la PJ de Liège Guy Désiron déclarer voici trois ans: "On ne les (les filles - NDLR) séquestre pas, elles vont et viennent à leur guise. Elles peuvent quitter librement le "George V" pour revenir dans leurs chambres, aucun problème ne se Pose à ce sujet. Mais une surveillance sérieuse est assurée afin que les filles ne ramènent personne dans les chambres.

Ces derniers temps, le patron a viré deux Hongrois qui se trouvaient dans la cage d'escalier et essayaient de récupérer des filles de l'établissement. (...) Je ne me suis pas intéressé à Laruelle auparavant parce que la section "moeurs" de la police judiciaire n'agit que sur la base des articles du code pénal qui répriment l'exploitation de la débauche, nous n'intervenons pas. Pour ma section, s'il n'y a pas de débauche, il n'y a pas d'infraction."

Bref, malgré les accusations de quatre antiennes "hôtesses" de l'établissement et d'un garçon de salle, tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes dans les salons du George V.

Jusqu'à l'intervention d'un magistrat d'Eupen qui, en quelques jours seulement, grâce â l'interpellation d'un convoyeur de main-d'oeuvre à la frontière allemande, trouvait suffisamment d'indices pour délivrer un mandat d'arrêt à charge d'André Laruelle.

Le "petit juge" Connerrotte, c'est un peu l’homme qu'on sort par la porte et qui revient par la fenêtre. Pour le malheur de la PJ liégeoise encore. Alors que les petites Julie et Mélissa sont portées disparues à Grâce-Hollogne depuis le 24 juin 1995, alors que l'enquête piétine, que la piste Dutroux est rapidement évoquée mois pas explorée, alors que les parents des fillettes sont décriés pour oser parler de filières de pédophiles et de protections dans certains milieux, la vérité dramatique éclate cet été à la lumière des éléments recueillis à Neufchâteau. Le magistrat instructeur Jean-Marc Connerotte qui a été déchargé en 1994 du dossier dit des titres volés est à nouveau sur la brèche. Il inculpe Marc Dutroux, l'écroue et obtient de lui des aveux qui aboutissent aux fouilles à Sars-la-Buissière et aux découvertes des corps des deux enfants. Le hasard (?) veut qu'il réussisse là où les péjistes liégeois ont échoué.

Plus fort encore, l'enquête sur la mouvance Van der Biest qui lui a été confisquée au profit de la juge Véronique Ancia rebondit subitement le week-end dernier avec la réarrestation de Taxquet et de ses complices. Ils sont inculpés avec l'ancien ministre Alain Van der Biest - également écroué - pour l'assassinat d'André Cools. Tout indique que Connerotte avait eu le tort d'avoir raison trop tôt

Mme Ancia qui avait privilégié la recherche d'un lien éventuel entre l'achat des hélicoptères italiens Agusto et la mort du ministre d'Etat a fini par se ranger à la thèse de son collègue de Neufchâteou. La pilule est d'autant plus amère que tous les observateurs ont encore en mémoire la lettre de Jean-Marc Connerrotte ou roi Albert II et sa plainte contre X pour violation du secret professionnel, calomnie, diffamation et injure à magistrat. Dans ses accusations, le petit juge avait dénoncé "les liens amicaux qui existent entre des personnages mafieux et certains membres de la PJ liégeoise".

Dans le climat actuel où les velléités de suppression de la PJ sont légion, le moindre des paradoxes n'est pas de défendre l'existence de cette police face au pouvoir de plus en plus démesuré de la gendarmerie. L'équilibre entre les services d'enquête est à ce prix.

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HUGO COVELIERS : « Réformer les polices et vite »

 Le sénateur libéral flamand devrait présider une commission sénatoriale d'enquête sur la criminalité organisée. Avocat, familier des grands dossiers criminels, il réclame des mesures radicales contre la PJ liégeoise mais s'inquiète de l'omnipotence de la gendarmerie.

Hugo Coveliers (VLD): "Les derniers développements de l'enquête sur l'assassinat d'André Cools démontrent à souhait l'implantation dans notre pays d'une criminalité organisée qui se manifeste à travers ses aspects les plus crus et les plus meurtriers."

Cette mafia s’est elle déjà manifestée dans d’autres dossiers ?

HC : Il faut malheureusement parler de généralisation à l’échelon national .On retrouve les même constante dans les enquêtes sur les tueurs du Brabant.

 Si on voulait vraiment faire la clarté, on constaterait d'abord qu'il y a eu des interventions pour étouffer la recherche de la vérité. Ensuite, on investiguerait pour savoir qui veut étouffer et pourquoi. Alors, de deux choses l'une: ou bien des enquêteurs ont laissé freiner par négligence, ou bien ils sont influencés voire corrompus. Dans la première hypothèse,des sanctions s'imposent de toute manière et je crois qu'il faudra en prendre à Liège. Dans la seconde hypothèse on tient le point de départ ou le point final de ce qu'on appelle une ligne de corruption. Et c'est là qu'il faut frapper pour combattre la criminalité organisée.

Selon le procureur général Jacques Velu, le système judiciaire est suffisamment fort pour se corriger par lui-même.

H.C. - C'est une sinistre plaisanterie! On va bientôt commémorer le quinzième anniversaire des premiers méfaits de la bande des tueurs du Brabant et on cherche toujours l'ombre d'une piste. S'il s'agit d'examiner ces crimes avec lucidité et de décider de chercher la vérité, il faut créer une brigade nationale de lutte contre la corruption, avec un magistrat qui lui est adjoint. Exactement à l'image de la cellule nationale de répression du terrorisme.

A ce moment-là seulement,notre justice aura les moyens de débusquer la corruption dans l'administration fiscale, dans le milieu des entreprises, dans la classe politique, dans la fonction publique, dans la magistrature, dans les polices.

En 1988, vous étiez membre de la commission parlementaire d'enquête sur le terrorisme et le grand banditisme.Les réformes adoptées étaient insuffisantes?

H.C. - Elles sont nettement insuffisantes et elles doivent d'ailleurs être repensées. Certainement en tout cas sous l'angle du contrôle de tous les services de police et de renseignement. Le principe d'un contrôle externe de ceux-ci par le Parlement est excellent. Mais on a négligé de veiller au contrôle interne. Il doit y avoir aussi au sein de la gendarmerie et de la PJ des mécanismes de contrôle internes, dirigés par les intéressés et non par une autorité politique comme c'est le cas avec le ministre de l'Intérieur. Je ne fais pas de la science-fiction.

Il y a une littérature abondante dons le domaine et on en a des exemples vivants aux Etats-Unis notamment.

 Vous réclamez des réformes à un moment où la PJ est décriée dans tout le pays...

H.C. - L'heure n'est pas à crier avec les loups. Dans e contexte actuel, il me paraît d'ailleurs extrêmement dangereux de réclamer, comme d aucuns, la suppression de la PJ. Quand je vois qu'en même temps, la gendarmerie se renforce sans le moindre contrôle, je dis que la démocratie est en danger. Si l'on veut supprimer un service, il faut supprimer tous les services et créer de nouvelles structures.

Le changement doit être radical ou il ne sera pas.

 

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