MARIE-FRANCE BOTTE : On nous prend pour des cons( « Télé Moustique »12 septembre 1996 pg 34 à 36)
MARIE-FRANCE BOTTE : On nous prend pour des cons
Tellement mal que l'ex-Femme de l'année se dit: «On voudra rapidement se débarrasser de moi»…
Marie-France Botte. – Comme tout le monde, je suis prise d'un sentiment d’horreur. Mais je ne suis pas vraiment surprise. Jamais, je n'ai cru à la piste slovaque qu'on a pu évoquer dans les semaines précédentes.
Pour Dutroux, ce devait être la jouissance suprême dans sa perversité de faire courir toute
Il est susceptible de rentrer dans tous les trafics.
M.-F. B. - Aujourd'hui, il y a quatre victimes claires, plus deux autres qui ont échappé au pire. Mais, oui, je crains qu'on apprenne dans les jours à venir qu'il y en a d'autres. En effet, c'est à long terme qu'on doit s'interroger sur les activités de Dutroux et de sa bande avant la première condamnation en
M.-F. B. - Pour moi, elle est en mesure techniquement de le faire. Elle dispose des outils nécessaires à cette fin.
M.-F. B. - Ouais, d'accord. C'est vrai que d'une manière générale, le monde judiciaire manque de moyens. Mais ici, ce n'est pas le problème central! Ce qui n'a pas marché dans cette enquête, c'est qu'on a refusé d'envisager que l'inacceptable existe. Ceux qui étaient chargés de retrouver les petites disparues se sont mis d'emblée dans un système de pensée où elles étaient mortes. Et je crois qu'il y a une grosse différence entre une enquête où l'on cherche des enfants vivants et une enquête où l'on cherche des enfants morts.
Il y en a une qui se gère dans l'urgence et une autre qui se gère en dilettante.
Je n'en suis pas convaincue. Ce n'est pas une simple question de moyens, mais de stratégie et de réflexion.
M.-F. B. - Je vous interromps parce qu'il faut tout de même souligner que c'est d'autant plus grave qu'on a eu au début des années nonante le Cries, l'affaire Spartacus; des dossiers où on a saisi des vidéo porno, des fichiers. En plus, cela fait cinq ans que l'on répète tous les jours la même chose en disant que les Européens qui vont abuser des enfants en Asie du Sud-Est font exactement la même chose quand ils rentrent au pays. La pédophilie, les réseaux existent donc ici. On le savait. Mais on ne voulait pas le voir.
M.-F. B. - Au w des carences de l'enquête, de l'arrestation d'un membre de la police judiciaire dans ce dossier, cela me paraît difficile de dire qu'on a facilité l'éclatement de la vérité. II faudrait vraiment être un imbécile pour croire cela. S'agit-il seulement de bêtise? Cela me parait énorme. En tout cas, Dutroux ce n'était pas une entreprise familiale. Et cette entreprise n'a pu fonctionner qu'avec des abuseurs protégés et d'importants moyens financiers. C'est le cas dans tous les dossiers de réseaux pédophiles sur le plan international, alors je ne vois pas pourquoi cela fonctionnerait différemment dans notre pays.
M.-F. B. - C'est une phrase terrible en effet. Mais c'est la vérité. J'ai beaucoup d'admiration pour ce qu'a dit M. Bourlet. Il a tait une épreuve de vérité. Il a dit les choses comme elles se passaient. Quelque part, il s'est engagé a ce que cela ne se passe plus. C'est peut-être la première personne dans cette enquête qui a joué la carte de l'honnêteté par rapport aux victimes; qui a remis de l'humanité dans la justice. Ce n'est pas une petite phrase-accident. C'est un appel. Cela me fait dire que c'est une des rares personnes en laquelle j'ai confiance dans ce dossier et je lui donnerais plutôt 11/10. Surtout pour son approche des victimes, la qualité d'écoute qu'il leur donne. Mais aussi par la rapidité de l'enquête. .Là, je m'excuse, mais il y a plutôt une leçon à donner à la justice et a la magistrature dans le comportement qu'il affiche.
J'espère qu'au-delà des pressions habituelles, Bourlet ne sera pas abîmé avant la fin de l'enquête.
M.-F. B. - Cette Fois, tout de même, je crois que ce ne sera pas possible. Tant que Bourlet sera au milieu de l'enquête, en tout cas. Je crois qu'il est profondément honnête et je pense qu'humainement il a découvert dans les dossiers une réalité qui le ferait se perdre humainement et moralement s'il acceptait un compromis.
M.-F. B. - Il ne se laissera pas faire. La population sera derrière lui.
M.-F. B. - L'expérience que l'on a des réseaux pédophiles montre qu'à partir du moment où il y a saisie de vidéos pornographiques d'enfants - n'oublions pas que la saisie de plus de cinq cents cassettes opérée dans ce dossier, c'est d'une rareté exceptionnelle - il y a aussi des disquettes, des listes pour entretenir le contact avec les consommateurs. Cela fonctionne comme cela dans tous les réseaux, je ne vois pas pourquoi il en irait différemment dans cette affaire. C'est tout de même assez étonnant que cette idée de liste fasse trembler
Mais j'ai simplement osé parler de ce qui se passe sur le plan international dans ce type de réseau.
Le problème est peut-être qu'il faudra accepter la vérité où elle est. Croyez-moi, les cassettes sur lesquelles il y a des filles comme Julie et Melissa coûtent énormément d'argent.
Et par conséquent, les enquêtes risquent de mettre en cause directement des gens appartenant au pouvoir financier. Ceci explique peut-être cela, mais en tout cas, quand je parle de cela, on fait pression sur moi. Et étonnamment alors que je n'en parle même pas moi-même, on me suggère que je discréditerais le monde politique! Mais s'il n'a pas à être discrédité, il n'y a pas à avoir peur!
M.-F. B. - C'est exactement la même chose dans l'affaire Spartacus. Qui a été poursuivi à partir de la liste du réseau Spartacus? Il y a un non-désir de ne pas se mettre au milieu des emmerdes.
M.-F. B. - Encore une fois, ce n'est pas vous et moi, avec les salaires que l'on a, qui aurions les moyens d'acheter des cassettes porno mettant en cause des enfants. Ça ressort d'ailleurs très clairement de la capacité financière dont disposait Dutroux. Quelqu'un qui fait du travail au noir, qui gagne à peine plus de 30.000 francs et qui possède autant de maisons, dont des villas à l'étranger...
L'argent venait bien de quelque part! Ses cassettes ont probablement été dupliquées en milliers d'exemplaires.
M.-F. B. - C'est de l'ordre de la logique. Regardez ce qu'on a découvert sur les ramifications de Spartacus en Allemagne, en Hollande et en Angleterre. On a trouvé des structures financières, politiques et autres. Ça ne fonctionne que comme cela. Pourquoi est-ce qu'en Hollande l'âge de la majorité sexuelle a été abaissé à douze ans? C'est parce qu'un parlementaire, donc une personne qui occupe une position stratégique, a défendu cette position-là pendant toute sa carrière. Donc ces réseaux ne fonctionnent pas avec le postier ou le cafetier du coin!
M.-F. B. - Pas du tout. Parce que la difficulté de ce discours, c'est qu'il touche une classe intellectuelle. Influence la classe intellectuelle qui soutient des auteurs comme Gabriel Matzneff et bien d'autres, c'est compliqué.
On m'a Fait passer parfois pour une moraliste, voire une mal baisée. Mais je n'ai jamais parlé que d'enfants! J'ai toujours été claire sur le fait que la prostitution des femmes n'était pas mon sujet et que cela ne m'intéressait pas. De toute manière, en matière d'abus sexuels sur les enfants, ce n'est pas une question de morale. Je ne connais pas un enfant victime de pédophilie qui en ait tiré quelque chose de positif.
M.-F. B. - C'est vrai que j'ai été déstabilisée. Dans le travail que j'ai fait à Bangkok, j'ai forcément été amenée à fréquenter des pédophiles. Leur structure de parole est telle qu'ils arrivent à vous faire croire que finalement ce n'est pas si grave que cela. Ce qui m'a sauvée, c'est l'enfant que j'avais connu complètement détruit, avec ses fractures, ses brûlures de cigarettes, les violences, les séquestrations, ce qui fait que je ne pouvais pas oublier ce qui s'était passé.
M.-F. B. - Elle s'est fait berner. Je ne sais pas comment on poursuit une vie en ayant fait le suivi d'une famille comme celle-là sans voir ce qui s'y passait. Mais en fait, elle n'est responsable de rien! On l'a envoyée au front sans lui donner les moyens d'échapper à ce qui est arrive. Elle n'avait pas la formation pour suivre un type aussipervers.
M.-F. B. - Au-delà. La responsabilité est nationale. Et quand je dis nationale, il y a le gouvernement et ce qu'il y a au-dessus du gouvernement.
M.-F. B. - Parce que là aussi, il est temps que l'on assume ses responsabilités. C'est important qu'il y ait une information directe pour que là aussi on se rende compte des violences que les victimes ont subies. Il faut que
les gens à tous les niveaux de pouvoir prennent enfin le temps d'écouter toutes les familles et en tirent les conséquences.
M.-F. B. - Je crois que tout le monde était loin de la réalité de ce qui s'est passé. Ils ont été extrêmement choqués de ce qu'ils ont entendu dans la bouche de M. et Mme Russo et je suis convaincue qu'ils vont encore l'être dans les semaines à venir. La famille royale a un rôle à jouer pour que l'on ne se rendormepas. J'attends qu'elle se manieste pour qu'on aille jusqu'au bout dans ce dossier. Chacun son rôle. Sinon à quoi ça sert
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