jeudi 25 septembre 2008

La servante du diable(«Soir Illustré »11 septembre 1996 pg 36'37)


La servante du diable

« Le Soir Illustré » du mercredi 11 septembre 1996 pages 36 et 37

 Elle aurait pu devenir une bonne institutrice. Elle avait le profil pour entrer dans une secte.

Elle aurait été une bonne représentante chez les témoins de Jéhovah.

Mais elle a rencontré Marc Dutroux...

• Enfant, Michelle Martin habitait avec ses parents une maison coquette dans un quartier calme de Waterloo. Elle est fille unique d'un couple dont le père est employé aux chemins de fer et la mère travaille dans une entreprise de Waterloo.

• A l'âge de six ans, elle est profondément bouleversée par la mort d'un père qui paraît avoir été très présent dans sa petite enfance. D'après les souvenirs que les voisins de Waterloo en ont, c'est son père qui s'occupait le plus d'elle: il lui préparait ses repas, la conduisait à l'école, lui encore qui lui donnait le bain. Sa disparition a donc dû marquer la fillette.

• A la mort de son mari, Henriette Puers-Martin continue d'élever son enfant avec fermeté. Michelle reçoit une éducation rigoureuse, rigide même selon certains. Ce n'est pas le genre de gamine qui traîne en rue. Pendant les vacances, quand la mère travaille, elle l'envoie chez des voisins. La petite y vient avec ses tartines....

• A l'école communale du Chenois à deux pas de chez elle, on garde le souvenir d'une élève moyenne, réservée et secrète.

• Après l'école, elle décide de poursuivre des études d'institutrice, ce qui lui réussit assez bien. En stage à l'école du Chenois, elle anime une classe de cinquième primaire. On remarque qu'elle s' occupe fort bien des enfants et qu'elle a même un très bon contact avec eux.

Devenue adulte, elle passe beaucoup de temps chez sa mère. On ne lui connaît guère de petit ami. A 23 ans, elle s'entiche d'un marginal qui vient de quitter sa femme et son enfant: cet homme s'appelle Marc Dutroux.

•Elle était vraiment folle de lui. Prête à tous les sacrifices, prête à tout pour le suivre. Et pour la jeune femme sage, la vie bascule... Nous sommes en 1982.

En 1984, elle donne naissance à un premier enfant: Frédéric.

•II y a forcément eu une première fois: un jour, ou plutôt une nuit, Marc Dutroux l'a emmenée dans l'une de ses virées criminelles. Qu'a-t-il pu se passer dans la tête de Michelle Marron lors qu' en 1985, elle a assisté au premier viol par son amant d'une gamine qui aurait pu être une de ses élèves, dans la camionnette Peugeot où elle avait pris place?

•Elle aurait pu en être dégoûtée, voire être jalouse, quitter son amant, se révolter, le dénoncer... Elle ne fait rien de tout cela. C'est le contraire qui se produit. Non seulement, elle continue à assister aux viols, mais petit à petit, elle s'y implique: au début, en prenant des photos ou en Amant des scènes de violence.

Plus tard, en jouant au rabatteur, voire en maintenant les membres des victimes pendant les viols.

Lorsqu'on l'arrête, en 1986, en compagnie de Dutroux et d'un compère, Van Peteghem, Michelle Martin semble sur une autre planète, insensible à la réalité. Expertisée en 1986 par un médecin psychiatre, elle présente "une personnalité psychotique avec un syndrome d'influence net. Elle se sent manipulée et menacée, des voix intérieures lui proposant des actes et des pensées ".

En clair, elle est absente de la réalité. Cette aliénation est-elle liée à l'influence de Marc Dutroux?

Ce qui est certain, c'est que sa séparation forcée d'avec Marc Dutroux la fait retomber sur terre. Elle reprend contact avec la réalité. Si les rapports d'expertise psychiatrique observent toujours la grande influence qu'exerce Dutroux sur elle, ils constatent aussi que, grâce à leur séparation, Michelle Martin est redevenue elle-même. "Ses affections névrotiques semblent avoir disparu ,note-t-on dans un rapport en 1988.

On semble tellement convaincu d'un retour à la normale, qu'on l'autorise à exercer à nouveau sa profession d'enseignante. Ainsi, celle qui a été arrêtée pour complicité de viol et séquestration de mineurs, enseignera, pendant deux courtes périodes, dans deux écoles de Marcinelle!

• Au parloir de la prison de Bruges, où elle est détenue, elle reçoit très régulièrement des témoins de Jéhovah. Sa lecture préférée, c'est la Bible. A sa sortie de prison, elle arrivera même à convaincre sa mère d'adhérer au mouvement. rompt définitivement les ponts avec sa famille. Quant à Michelle Martin, qui reste très liée à sa mère, elle ne revient plus à Waterloo qu'une fois tous les deux ou trois mois. Henriette Puers reçoit régulièrement des cartes postales de Tchéquie, de Slovaquie et d'autres pays de l'est. Des cartes qu'elle conserve religieusement.

• Quelles étaient les activités du couple Dutroux-Martin avant le 24 juin 1995, date de l'enlèvement de Julie et Mélissa? Le trafic de voitures volées est certain, les activités pornographiques supposées... Une certitude: en 1993, Marc Dutroux aidé par son épouse enceinte, travaille à l'aménagement de caves dans leur maison de Marchienne-auPont. C'est un bon manoeuvre. Quand elle ne travaille pas comme il faut, il lui donne des coups. Les travaux en question sont des cellules pour accueillir des enfants.

• Début 1994, Michelle Martin met au monde un petit garçon. L'enfant s'appelle Andy. Que signifie la naissance d'un enfant dans un couple aussi perturbé?

• Le couple n'était pas suivi d'un point de vue psychologique. On ignore donc comment cette période fut vécue. Mais de même que dix ans plus tôt, la femme de Dutroux mettait au monde un enfant et deux ans après cette naissance, Marc Dutroux se lançait dans une série de virées ponctuées de viols. A la mi95, soit un an et demi après la naissance de son fils, le couple enlevait Julie et Mélissa...

• Et tout revenait exactement

• Tout cela ne l'empêche pas de continuer à fréquenter Marc Dutroux. Selon une certaine logique, pourtant, tout devait la pousser à se séparer de lui. D'abord, sa condamnation aurait dû confirmer ses soupçons et modifier son opinion à son sujet. En outre, elle ne peut plus ignorer les multiples "infidélités" de son amant.

• Tout au contraire, elle continue à voir Dutroux et entretient avec lui une correspondance abondante. Puis, elle l'épouse même, en prison. Suite à cette union, Michelle Martin attendra famille et fera une fausse couche en cellule.

• A la suite de ce malheureux événement, une pétition circulera à Waterloo, dans l'entourage de la mère de Michelle Martin, pour réclamer sa libération anticipative. A ce moment-là, tout le monde est persuadé que la gentille Michelle Martin s'est laissée entraîner sur la mauvaise pente contre sa volonté par un mauvais garçon.

• Le 8 avril 1992, Marc Dutroux est libéré anticipativement, neuf ans avant le terme normal de sa peine (il aurait dû être libéré en février 1998). Immédiatement, le couple se reforme. De son côté, Marc Dutroux comme dix ans auparavant.

Cette fois, Michelle Martin est la complice active de son mari. Chose incompréhensible pour le commun des mortels: au lieu de pouponner son jeune fils et alors qu'elle est à nouveau enceinte, elle passe son temps à prendre des photos d'enfants dans les rues, notamment à Grâce-Hollogne (où furent enlevées Julie et Mélissa). Tout indique que son rôle est de repérer des enfants pour son mari, d'être une sorte de "rabatteur" en somme. Michèle Martin a avoué aux enquêteurs de Neufchâteau avoir participé à la séquestration des deux fillettes. Elle l'aide dans les travaux de préparation des geôles.

En décembre dernier, alors que Julie et Métissa sont murées vives au 128, route de Philippeville, à Marcinelle, depuis six mois, Michelle Martin met au monde un deuxième enfant, une petite fille: Céline.

A peu près au même moment, Marc Dutroux, qui vient d'abattre et d'enterrer Weinstein, est arrêté par la police pour une affaire de camion volé. Il rentre en prison pour trois mois de détention préventive.

Son mari parti en prison, c'est chez sa mère, à Waterloo, que Michelle Martin rapplique. Elle débarque chez sa vieille maman, qui a maintenant 75 ans et souffre, dit-on, de la maladie d' Alzheimer, avec ses deux bébés Andy et Céline. On comprend pourquoi elle vient se réfugier là. C'est qu'à Charleroi, c'est l'enfer: il y a, dans une cave de Marcinelle deux petites filles à nourrir, qui sont sans doute dans un état physique et psychique impressionnant. Dutroux lui a demandé de donner à manger aux gamines. Elle ira, entrera dans la maison...

- Mais à chaque fois, j'ai rebroussé chemin parce que j'avais peur d'entrer dans la cave, a-telle avoué aux enquêteurs.

Elle ressortait donc de la maison, se dirigeait vers Sars-la-Buissière, où elle nourrissait les chiens de son mari, puis rentrait à Waterloo pour s'occuper de ses propres enfants et de sa mère.

Le 20 mars, Marc Dutroux est libéré pour "raisons humanitaires", en fait la naissance de son enfant. D'un côté Michelle Martin lui faisait découvrir sa petite fille Céline âgée de quatre mois. En même temps, elle lui avouait ne pas avoir nourri les deux fillettes. Et dans sa cave, Dutroux voyait mourir Julie et Mélissa...

Quelques mois plus tard, des témoins affirment avoir vu Michelle Martin rôder autour de la piscine de Bertrix, où Laetitia Delhez sera enlevée... La servante de Dutroux avait repris sa place.

Jean-Marc Veszely.

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LES LARMES D’ALBERT ET PAOLA

 « Le Soir Illustré » du mercredi 11 septembre 1996 pages 36 et 37

 Les parents ivres de tristesse et d'angoisse ont été accueillis par les Souverains.

 Seuls un Roi et une Reine pouvaient être à l'écoute d'un tel désespoir. Pendant trois jours, les unes après les autres, les familles d'enfants disparus ont été accueillies par les Souverains. Des audiences les moins protocolaires qui soient, sans aucun timing ni ordre du jour, ni témoins, à l'occasion desquelles les parents d'enfants disparus au cours de ces dernières années ont eu l'occasion de dire ce qu'ils avaient sur le coeur.

 Ces colloques royaux sont, par essence, strictement confidentiels. Mais on sait que, lors de ces entretiens, rien n'a été éludé. Les parents ont évoqué tour à tour leur révolte au sujet de la mise en liberté sans contrôle d'anciens pédophiles, leur incompréhension face aux lenteurs des enquêtes, et leur désarroi absolu lors de la disparition de leur enfant...

Les Souverains ont d'abord reçu Gino et Carine Russo, les parents de Mélissa, accompagnés par Marie France Botte.

Ensuite, les parents d'An sont arrivés au Palais. Paul et Betty Marchal y sont restés pour un entretien de plus de deux heures. Les Souverains ont encore écouté Jean et Rachel Lambrecks, les parents d'Eefje. Un entretien qui fut, paraît-il, particulièrement émouvant, à un certain moment, le Roi et la Reine ne pouvant plus retenir leurs larmes.

Les parents de Sabine Dardenne, de Laetitia Delhez, de Loubna Benaïssa (disparue en 1992), d'Ilse Stockmans (disparue en 1987), de Nathalie Geisbregts (disparue en 1991), de Liam Van Den Brande (disparu en 1996), ainsi que la mère d'Elisabeth Brichet (disparue en 1989), ont tour à tour été reçus par les Souverains.

Il est a noter que l'intervention publique du Roi et de la Reine dans une affaire en cours, singulièrement dans un dossier judiciaire, est tout a fait exceptionnelle. En effet, le Souverain ne peut en aucune manière paraître prendre parti en faveur ou à l'encontre une personne, fût-elle inculpée.

Par son geste envers les familles de disparus, les Souverains entendaient non seulement exprimer leur sympathie envers des personnes particulièrement marquées par les événements qu'elles ont vécu, mais aussi assurer que la «clarté totale sera faite sur les enlèvements de leurs enfants».

- le Roi, ajoute le Palais, insistera auprès des ministres concernés pour que tous les moyens soient mis en oeuvre pour combatte sans relâche le fléau de l'exploitation sexuelle des enfants.., et que des mesures de prévention soient prises pour éradiquer ce mal.

 J-M V.

 

 

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