jeudi 25 septembre 2008

L’au revoir dans la lumière du ciel(suite)


L’au revoir dans la lumière du ciel (suite)

Page 30 et 31

A l'intérieur, l'ombre d'un jeune fille. Le chanteur Patric Onzia interpréta un morceau Spoorloos (Disparu), à la guitare-sèche, avant que des amis de la troupe de théâtre où jouait Eefje viennent allumer sept bougies symbolisant ses traits de caractère: paix, amour, confiance, simplicité, joie, justice, discrétion. Dans son homélie, le prêtre Jaak Hermans invoqua la foi comme une forme d'espoir.

- Confrontés au mystère du mal, nous nous sentons impuissants, en colère, révoltés. Lorsqu'ils subissent une si lourde perte, les gens se demandent comment penser à Dieu. La seule chose que nous puissions faire est de remettre notre peine entre les mains de Dieu, parce qu'il n'abandonne jamais personne.

Plus émouvante fut la chanson de Koen et Kris Wauters, Afscheid van een vriend (Séparation d'un ami), puisque Eefje était fan de Clouseau. Le moment de réelle intimité frémissante était venu avec la lecture d'un texte d'Eefje ellemême, écrit lors d'un travail sur les soins palliatifs.

- Pourquoi avoir peur de la mort? Pourquoi devrais-je craindre ce qui ne fait pas peur? Comment auraisje peur puisque la mort n'existes ?

La petite rivière se perd dans océan, le rayon rejoint le soleil. Je suis une goutte d'eau dans l'océan. Qui peut craindre ce qui est éternel ?

- On n'imagine pas ce qu'un enfant représente pour ses parents et je veux privilégier l'amour à l'amertume, déclara sa maman en point d'orgue d'une cérémonie très classique.

A midi, tandis qu'Hasselt observait une minute de silence, Eefje alla rejoindre son petit frère Arjaan, mort à l'âge de deux ans, au cimetière de Kuringen. En pensée, l'assistance ne put s'empêcher d'associer An à ce dernier salut.

LES OFFICIELS REPOUSSÉS À LEUR VRAIE PLACE

Même scénario en début d'après-midi à la petite cathédrale Saint-Quentin, au coeur de Hasselt. Au cours de cette journée pénible, seul le représentant du Roi avait changé, son aide de camp, le colonel Van Keirsbilck, prenant le relais.

Revivant le même cauchemar, parents et amis se sont retrouvés, quasiment dans le même ordre, mis à part la famille Benaïssa, reléguée (trop) loin dans l'église. Ici aussi, à la différence de Liège, moins d'affectivité à fleur de peau, plutôt une émotion retenue, grave, tout aussi respectable, moins sujette à la ferveur.

Face au choeur ou devant l'écran vidéo dressé devant une entrée latérale (parfois même attablé aux terrasses!), un public attentif approuva l'allocution de bienvenue du prêtre Belder:

 « Nous sommes touchés dans ce que nous avons de plus cher: nos enfants ». Le portrait d'An, sa peluche Snoopy déposée sur le cercueil, le chagrin plus palpable que jamais  ne l'ont pas empêché d'avoir des mots durs pour ceux "qui anéantissent les rêves d'un bel avenir". Dans son homélie, il a reconnu "la colère, l'horreur, et l'impuissance" ressenties par la population.

- Nous ne pouvons pas nous laisser entraîner par ces sentiments, a-t-il conseillé, parce qu'ils offriraient encore une chance au mal. Or, on ne peut répondre au mal par le mal. Mais il faut mettre un terme à la maltraitante d'enfants, aux agissements de ceux qui les traitent comme une marchandise.

 Alors, An et Eefje, Julie et Mélissa ne seront peut-être pas mortes en vain.

Ces funérailles réservèrent aussi leur lot de tristesse avec la chanson - en français - de la Liégeoise Rubie, et celle de Helmut Lotti, Dont « Cry Little Child ». Dans un service marqué par la sérénité, avant les adieux de sa sueur Karen, de son neveu David, de ses compagnons de classe, et de la troupe Harlequin où elle jouait, An eut droit à la réparation que tout le monde attendait. Sur un ton mesuré mais très ferme, Paul Marchal tira les leçons d'un an d'incertitudes.

- An et Eefje n'auraient pas dû être enterrées aujourd'hui. Nous savons quand elles ont disparu. Nous ne savons pas quand elles sont mortes. Mais il est sûr que si l'on avait immédiatement mis en oeuvre les forces nécessaires, comme le font aujourd'hui Michel Bourlet et Jean-Marc Connerotte, cet enterrement n'aurait pas eu lieu.

Il y a un an, j'ai émis des critiques et n'ai reçu que peu d'écho à mes propos. Durant un an, nous avons posé des questions sans recevoir de réponse. Pendant un an, nous avons dû chercher sans rien trouver. Pendant un an, on nous a mis dans un coin, on nous a abandonnés. C'est pour cela que nous n'avons pas voulu que les autorités prennent place aux premiers rangs lors de cette cérémonie. Nous vérifierons s'ils tiennent les promesses qu'ils ont faites et cela ne se peut qu'avec l'aide et la solidarité de toute la population. Les milliers de cartes et Se lettres que nous avons reçues prouvent que cette solidarité existe.

Paul Marchal a entendu ce compagnon d'Eefje expliquer le peu de cas fait par le police d'Ostende lors de la déclaration de la disparition des deux Limbourgeoises. Il a enregistré la suite d'erreurs et de négligences (pour ne pas dire sabotage) de la Justice. Il a aussi lancé un appel à la vigilance et à la réconciliation.

- Nos deux filles auraient dû être ensemble ici. Tous les parents auraient dû s'asseoir côte à côte, en tout honneur.

Nous sommes fatigués, mais nous sommes décidés à aller plus loin. Avec votre appui, nous progressons certainement sur la route d'un monde meilleur. Donnons un sens à ces meurtres dégoûtants, à cette année misérable. De cette obscurité doit sortir un avenir plus juste, que leur cas puisse réveiller le monde entier!

Paul Marchal a remercié la presse, la priant dans la foulée de lui accorder un peu de répit "pour garantir le respect de la mémoire des enfants après leur mise à mort bestiale".

Une dame âgée, de la famille de Julie et Mélissa, a ensuite exprimé la solidarité des francophones: « Unissons nos prières car leur mort a une signification pour chacun de nous », a-t’elle ajouté.

Sur le Vismarkt, des passants de plus en plus nombreux se sont arrêtés pour écouter ce cri du coeur. Certains commerçants - pas tous, loin de là - avaient fermé boutique laissant un mot d'adieu "De Hasselt se Handelaars rouwen", "Les commerçants d' Hasselt présentent leurs condoléances" au bas du portrait d'An et Eefje.

En fin d'après-midi, An fut inhumée au cimetière de Hasselt. Sur la pierre tombale, gravés dans les deux langues, ces quelques mots: « Lorsque nous revenions de vacances, An disait « On sait ce que l'on perd lorsqu'on ne l'a plus ». Ce n'est que maintenant que nous comprenons ce qu'elle voulait dire ».

Sur la place ensoleillée, son souvenir traversait tous les regards. Jeunes ou vieux, couples, familles, tous ont entendu le message de Betty et Paul Marchal

« Tout cela aurait pu être évité à nos filles qui nous furent brutalement arrachées ».

Tout près de là, une maman poussait un landau avec un tout petit bébé, innocent comme au premier jour. C'est aussi pour lui que tout le monde était venu.

Bernard Meeus,

 

 

 

 

 

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