mardi 15 juillet 2008

Solidaires et bouleversés(La Meuse vendredi 23 août 1996)


Solidaires et bouleversés

« La Meuse » du vendredi 23 août 1996 page 10

Des milliers de témoignages de sympathie ont entouré les familles des deux petites filles

C'est une communauté toujours sous le choc, celle de Grâce-Hollogne, qui était là, tôt le matin, pour assister au départ de Julie et Mélissa.

Des amis, des voisins, de simples habitants qui ne pouvaient qu'être présents. « Pour nous recueillir une dernière fois au bout de ces 14 mois d'angoisse que nous avons vécus aux côtés des parents et qui ont débouché sur l'horreur», témoigne l'un d'entre eux.

9 h 30, deux corbillards remplis de fleurs et de peluches suivis de deux Mercedes blanches où avaient pris place les parents et les frères de Julie et Mélissa ont quitté le funérarium pour se rendre à la petite église de Mons-lez-Liège.
Là s'est déroulée une cérémonie en présence des familles et des proches.

Tout le temps qu'aura duré ce moment privé de la cérémonie, de très nombreuses personnes sont restées aux abords du funérarium, attendant le retour du cortège et la levée officielle des corps. Une attente qui s'est effectuée dans le recueillement, alors que les deux camions des pompiers et quatorze corbillards se couvraient littéralement de fleurs.

40.000 bouquets !


Ce sont des milliers de couronnes et de bouquets qui ont été déposés ces derniers jours, et il en arrive encore. Certains parlent même de 40.000!

« Nous voulons rendre hommage aux parents. Quel que soit le geste, aussi petit soit-il, il doit servir à empêcher qu'une telle monstruosité ne se répète. »

« Plus jamais cela. »

« Il y a une place des Martyrs à Grâce-Hollogne. Dorénavant, il faudra l'appeler place du martyre de Julie et Mélissa afin que personne n'oublie jamais ces fillettes que l'on a fait mourir plusieurs fois. Mais surtout pour que les enfants à venir demandent qui sont Julie et Mélissa et que nous, les adultes, puissions leur raconter leur histoire et les mettre en garde», propose une dame qui a peine à cacher son émotion.

Elle n'est pas la seule. Autant les hommes que les femmes, heureusement moins les enfants, ont le visage fermé.
Lorsque le convoi funèbre revient pour la levée officielle des corps, l'émotion est encore plus perceptible.
Les gorges se serrent, les yeux s'embrument, beaucoup adressent un signe aux cercueils des deux petites filles.
L'arrêt du cortège sera bref et lorsqu'il s'ébranlera à nouveau, ils seront nombreux à l'escorter un peu. Une marche silencieuse, les premiers pas d'un long voyage.

Beaucoup d'enfants

Pendant ce temps, à Liège, la foule s'était amassée dès 7 heures aux abords de la basilique Saint-Martin, dans une rue assez exiguë. Le cortège arriva avec une demi-heure de retard et les parents furent chaleureusement applaudis à leur arrivée.

Seules 1.000 personnes purent entrer dans la basilique tandis que des milliers d'autres attendaient à l'extérieur. Elles pouvaient suivre la cérémonie sur un écran géant installé près du parvis. Dans la foule et à l'église, de nombreux enfants: c'est aussi leur histoire.

A 13 h 30, une fois la cérémonie terminée, les deux cercueils blancs sortirent les premiers et prirent place dans les deux corbillards. Avant de démarrer,Jean-Denis Lejeune serra encore très fort les parents d'An. Marchal en les encourageant â garder espoir.
Le long cortège descendit alors la rue Saint-Laurent sous les applaudissements avant de repartir par l'autoroute jusqu'au petit cimetière flémallois.

Intimité

C'est au petit cimetière de Mons-lez-Liège situé en bordure de la cité Beulers que les cercueils de Julie et Mélissa ont été déposés côte à côte.
Conformément à la volonté de leurs parents, seuls la famille et les proches figuraient dans le cortège ayant quitté le Mont Saint-Martin pour le cimetière.

Lorsqu'il s'est présenté peu après 14 h, les habitants de la cité attendaient, silencieux, celles qui allaient dorénavant reposer près d'eux.
Le temps de la cérémonie, ils resteront en retrait, conservant précieusement a photo-souvenir de Julie et Mélissa que l'on vient de leur remettre. C'est seulement après le départ des parents qu'ils se sont avancés dans un cimetière couvert de fleurs.

Julie et Mélissa étaient amies dans la vie, elles ont été unies dans la mort.

Elles reposent aujourd'hui ensemble, et pour toujours.

L.G. et Francine Hendrick

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10000 personnes entre révolte et dignité

« La Meuse » du vendredi 23 août 1996 page 10


Entre 8.000 et 10.000 personnes se sont spontanément présentées aux abords de la basilique Saint-Martin pour assister aux funérailles de Julie et Métissa.

Dès 7 h, de nombreux anonymes sont arrivés aux abords du lieu saint. D'autres, voulant absolument assister à la cérémonie avaient même passé la nuit dans leur voiture.
L'atmosphère est au recueillement, même si, par-ci par-là, quelques personnes lancent encore des propos sévères à l'encontre des pédophiles et de la justice.

L'ambiance est lourde et la population arrive peu a peu. De 3.000 à 4.000 personnes, les compteurs de la police augmentent pour s'arrêter finalement à une estimation de 8.000 à 10.000 personnes. L'annonce de la retransmission télévisée des funérailles ayant ravisé plus d'un. Toutes sont dignes et respectueuses.

Vers 10 h, les parents d'An Marchal arrivent devant la basilique. Ils seront accueillis par une véritable ovation. Tous deux ont les larmes aux yeux. Ils entrent ensuite dans la basilique sous le regard compatissant de la population. Vient ensuite une délégation de tous les corps de pompiers du pays. Il y en a de Theux, de Flémalle, de Charleroi, de Spa, de Mons, de Namur, de Hasselt, de Wavre et bien entendu de Liège.
Ils seront bientôt suivis de Mme Anne Thily, procureur général de Liège, et de M. André Hinnesdael, commissaire en chef de la PJ de Liège. Eux aussi seront applaudis par la foule. Quelques minutes plus tard, les représentants du gouvernement fédéral arrivent à leur tour. Les ministres De Clerck et Flahaut ne seront pas accueillis chaleureusement.
Que du contraire. Huées et cris hostiles retentissent dans une atmosphère de plus en plus lourde.

67 chaînes de TV

Tout rentre cependant vite dans l'ordre avec l'arrivée presque simultanée de Marie
France Botte, Claude Lelièvre et Victor Hissel, l'avocat des parents de Julie et Mélissa. Les huées se transforment en bravos, vivats et cris d'encouragement.
Anne-Marie Lizin sera, elle aussi, applaudie, mais demandera à la foule de se taire et de se recueillir.
Une volonté qui sera respectée. En effet, le silence est de mise lorsque, à 10 h 55, le glas se met à sonner. On entend juste les bruits des hélicoptères qui survolent la basilique.
Une demi-heure plus tard, le cortège funéraire arrive lentement. Entourés de policiers, deux véhicules de pompiers sont garnis de couronnes de fleurs. Ils devancent quinze corbillards ornés de fleurs et de petits nounours.
Les mouchoirs sortent des poches, les sanglots se font plus bruyants. Nul n'est indifférent. Très marqués, les parents des deux fillettes sortent de deux voitures blanches qui suivent les petits cercueils immaculés.
Certains sont pétrifiés, d'autres applaudissent, ils espèrent que cela réconfortera les deux familles éplorées.
L'office commence alors. Il est retransmis à l'extérieur sur un écran géant et grâce à des baffles puissants.

La Croix Rouge et la Protection civile sont a pied d'oeuvre. Le soleil, la chaleur, le chagrin...
Des personnes s'évanouissent, d'autres sont déshydratées. Heureusement, tout a été prévu : la Protection civile a emmené 4.000 berlingots d'eau. De quoi soulager la soif de l'assistance, mais aussi des journalistes de 67 chaînes de télévision.

« Tenir bon »

Le célébration d'adieu terminée, particuliers et personnalités quittent la basilique.
Tous sont marqués. Les yeux rougis par les larmes, ils s'expriment tant bien que mal.

Ainsi par exemple, M. Malmendier, de l'A.S.B.L. Marc et Corine et papa de cette dernière, cache difficilement sa peine : « Elle est la même que lorsque j'ai appris le décès de Marc et Corine. Je suis là pour Julie et Mélissa, pour partager la peine des parents (...). Le problème, c'est qu'en Belgique, on ne veut pas se donner les moyens d'avoir une politique carcérale normale. En outre, on a une justice lente et ankylosée. »

Herman De Croo, président du VLD, a également fait le déplacement jusqu'à Liège
« Je suis là à titre personnel. Je me sens concerné comme des millions de parents et de grands-parents. Nous avons souvent proposé que les remises de peines ne soient plus accordées par le ministre de la Justice, mais par des juges.
Nous allons recommencer. J'ai voté contre la suppression de la peine de mort et pour l'instauration de peines incompressibles. Il faut réfléchir lorsqu'on prend des décisions. »

Membre de l'A.S.B.L. Marc et Corine, M. Renardi est également présent. «Je suis venu soutenir les familles. Je sais que ce sont des moments très durs. Ma fille Nadine a disparu le 18 août 1985. On l'a retrouvée morte 8 mois plus tard. Il faut beaucoup de courage, il faut tenir bon, puiser dans ses réserves et ne pas laisser tomber les bras. Onze ans après la mort de ma fille, je ne sais toujours pas regarder les albums de famille.

Jean-Michel Crespin

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Pourvu qu’An et Eefje aient pu voir Julie et Mélissa

« La Meuse » du vendredi 23 août 1996 page 10

Il est 10 h 05, la foule, jusque-là silencieuse, se surprend soudain à applaudir à tout rompre. Les parents d'An Marchal, disparue avec Eefje, à Ostende, viennent d'arriver.
On se doute qu'ils auraient préféré ne pas être là et assister à un enterrement, un an, jour pour jour, après l'enlèvement de leur fille

Nous avons absolument tenu à être présents, expliquent Paul et Betty. C'est la seule chose que nous pouvions faire pour les parents de Julie et Mélissa. Nous sommes maintenant des amis et on doit tout faire pour les aider. Pour nous, c'était vraiment très important. Ces applaudissements nous aident aussi. C'est comme une batterie vide qui se recharge.

Nous gardons évidemment espoir, même si M. Bourlet nous a téléphoné ce matin pour nous dire qu'il n'y avait rien de neuf. »

Paul et Betty Marchal émettent un souhait :

«J’espère, explique Mme Marchal, que An et Eefje ont vu Julie et Mélissa lorsqu'elles étaient détenues. Si tel a été le cas, elles leur auront au moins dit que leurs parents les recherchaient et les aimaient beaucoup.»

J.-M.C.

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