dimanche 27 juillet 2008

La justice à l’épreuve du drame de Julie et Mélissa(«LE SOIR» du mardi 3 septembre 1996 page 14)


La justice à l’épreuve du drame de Julie et Mélissa

«LE SOIR» du mardi 3 septembre 1996 page 14

Dès cette semaine, les délinquants sexuels libérés feront l'objet d'un suivi obligatoire.

Dans le train de mesures annoncé vendredi à l'issue du premier conseil de la rentrée, le ministre de la Justice Stefaan De Clerck précisait que 8.000 dossiers de personnes mises en liberté avec mesure judiciaire vont être réexaminés. II s'agit de dossiers «toutes catégories » parmi lesquels on compte environ 1.250 dossiers de délinquants sexuels en liberté.
Pour l'ensemble de la population pénitentiaire, la proportion de détenus pour délits sexuels est de 10 à 11 %, soit un peu plus de 700.

Ces 8.000 dossiers sont donc ceux des libérations sous tutelle, des sursis probatoires, des mises en liberté avant jugement avec accord des parquets en application de la loi sur la détention préventive, des libérations conditionnelles (2.000 dossiers) et d'internés libérés à l'essai.

Le ministre a précisé que la priorité sera donnée aux cas à risques. Pour réexaminer ces dossiers, Stefaan De Clerck envisage la mise sur pied d'une équipe composée d'universitaires et de chercheurs du «terrain: des universitaires pour développer le concept de liberté ambulatoire, des chercheurs pour évaluer l'efficacité des diverses formes de tutelles.
Il ne s'agit donc pas d'un réexamen en vue de réincarcérations massives, mais il n'est pas exclu que dans le nombre de libérés sous conditions dans le cadre de la loi Lejeune, des arrêtés ministériels soient révoqués en cas de comportements «à risques ».

Annuellement, le ministre de la Justice signe entre 5.000 et 6.000 dossiers: pour les deux tiers, il s'agit de dossiers de grâces en vue de libérations anticipées, et pour le reste, environ 2.000 dossiers de libérations conditionnelles en application de la loi Lejeune.

Nous revoyons la procédure de libérations provisoires en vue de grâces. Pour les délinquants sexuels, dans le cadre de la procédure raccourcie pour les peines de moins de trois ans, un accompagnement sera dorénavant exigé. Cette décision entre en application dès cette semaine.

Le choc de l'affaire Dutroux a aussi pour effet l'accélération des procédures dans le cadre de la mise en pratique de la loi du 13 avril 1995 sur la traite des êtres humains, en partenariat avec les Communautés qui prennent le relais pour assurer le suivi ambulatoire après les décisions de remise en liberté.
Notons aussi que l'idée, soulevée par certains, d'établir un fichier national des délinquants sexuels, n'est pas retenue par le ministre de la Justice:

- Le réexamen des huit mille dossiers et la mise en application rigoureuse de la loi d'avril 1995 permettront de bien cerner la situation sans qu'il soit nécessaire de stigmatiser les délinquants sexuels dans un fichier, dit-on au département.

Quant à la décision de transférer de l'exécutif au judiciaire les compétences en matière de remises en liberté, en créant deux chambres d'exécution des peines, on précise au cabinet De Clerck qu'un projet de loi devrait être déposé dès la fin octobre.

Dans un premier temps, la compétence de ces chambres serait limitée aux libérations conditionnelles en application de la loi Lejeune. Ultérieurement, et sur la base d'une étude confiée par le ministre au professeur Dupont, la compétence de ces nouveaux tribunaux serait élargie à toute cette matière.

RENÉ HAQUIN
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A Mons, peu de cas des enquêtes en cours

«LE SOIR» du mardi 3 septembre 1996 page 14

A quelques heures de la rentrée solennelle de la cour d'appel de Mons, la rumeur laissait entendre, jusqu'au coeur du palais de justice, que le procureur général Georges Demanet n'y prononcerait pas sa mercuriale et qu'il se contenterait d'évoquer la situation de la criminalité en Hainaut, une obligation légale il est vrai.

C'est lundi matin que l'on eut finalement l'assurance que tout se passerait comme d'habitude dans le salon d'apparat de l'hôtel de ville.
En dépit, donc, des tracas qui assaillent ces jours-ci le magistrat montois, en marge des dossiers connexes mis à charge de Dutroux et consorts. A peine aura-t-on noté, du côté des habitués de cette séance, plus nombreux que d'ordinaire sans doute, que l'orateur s'attarda moins longtemps que d'habitude au micro.

Des affaires en cours, Georges Demanet ne dit finalement rien. Rien non plus sur son état d'esprit à l'occasion de la rentrée judiciaire. On releva toutefois des hommages appuyés au procureur du roi de Tournai Poncelet et à travers son fils Simon, assassiné à Mons en février dernier, à la police judiciaire qui traverse des heures particulièrement difficiles.

C'est en définitive Christian Jassogne, premier président faisant fonction, qui souligna la gravité du moment: l'interpellation de l'actualité est trop intense et les éléments de réponse insuffisants. Le sentiment de la cour est que, face à la souffrance des enfants d'ici ou d'ailleurs, il faut poursuivre une réflexion active et vigilante et en appeler à de nouvelles stratégies et de nouvelles approches.

Nouvelles stratégies ? A sa manière, Georges Demanet les évoqua finalement dans sa mercuriale consacrée à l'entraide judiciaire, particulièrement entre Etats européens. Le procureur général de Mons y dénonça les entraves actuelles: il faut, dit-il, simplifier les procédures et permettre le contact direct entre les magistrats de deux pays différents.
On n'était pas si éloigné que cela, en définitive, de l'actualité la plus récente.

E. D.
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La Belgique mène un « combat d’arrière garde »

«LE SOIR» du mardi 3 septembre 1996 page 14

Quelques instants de recueillement, c'est tout ce que le procureur général près la Cour de cassation, Jacques Velu, a daigné accorder ce lundi matin au trouble qui frappe pour l'heure le monde judiciaire, dans la foulée des dossiers de disparition d'enfant.

- L'actualité dans la vie de la Nation est secouée de plus en plus par des remous qui s'agitent autour de la Justice. L'actualité récente met celle-ci tragiquement en cause, à la suite des événements que nous connaissons tous et qui ont odieusement frappé de jeunes êtres innocents, reconnaîtra-t-il en son discours de rentrée. Il exprimera d'ailleurs aux familles les sentiments de douloureuse sympathie de la Cour.
Mais c'est pour mieux s'empresser d'affirmer que ces faits dramatiques ne m'étaient pas connus lorsque j'ai choisi le thème de ma mercuriale et que je l'ai rédigée. Je ne vous entretiendrai donc pas dans celle-ci des réflexions qu'ils m'inspirent.

Ayant ainsi, pour la dernière fois de sa carrière, scellé pour un an les portes de ce qui sera inévitablement perçu comme une tour d'ivoire du monde judiciaire - retenue et immobilisme ne sont pas forcément synonymes -, le procureur général pouvait sans autre remords soliloquer pendant plus d'une heure sur le thème de « représentation et pouvoir judiciaire». Nous avons vu dans l'auguste assemblée des paupières se clore.

Les temps sont désormais à l'urgence, et c'est bien ce qui ressortait d'une autre mercuriale, prononcée cette fois par le magistrat national André Vandoren, en audience solennelle de rentrée de la cour d'appel de Bruxelles, hier après-midi. II ressort de cette intervention, qui commence par un exposé sémantique sur les termes et définitions de «criminalité organisée» et «mafia», que notre pays est bien au croisement de différentes criminalités organisées importantes, parmi lesquelles le magistrat national épinglera les triades chinoises, la criminalité nigériane, la criminalité turque - et, en l'occurrence, son corollaire terroriste -, les mafias italiennes, la criminalité russe.

L'exposé interminable - faut-il s'en réjouir ou s'en inquiéter ? - des opérations de police, dispositions législatives et/ou administratives prises pour contrer le phénomène laisse songeur: est-ce à dire que tout est sous contrôle ? Rien n'est moins vrai, avertit le magistrat national, soulignant que ces criminalités sont évolutives, et que la Belgique mène en fait un combat d'arrière-garde! Il faut, selon lui, rénover l'arsenal législatif, et ce sans attendre : Une attaque frontale, préconisera t’il. Si notre choix est l'immobilisme, il ne faudra pas s'étonner que notre pays devienne une plaque tournante et un refuge pour ces criminalités organisées.

Dénonçant le déséquilibre existant entre la coopération policière et la coopération judiciaire internationales, le magistrat a exhorté fermement le monde judiciaire à suivre l'exemple de l'évolution récente du monde policier.
L'exposé évoquera par ailleurs cette forme particulière de criminalité organisée qu'est la traite des êtres humains et la pornographie infantile.

Le procureur général de Bruxelles, André Van Oudenhove, prolongera par sa propre mercuriale l'exposé du magistrat national Vandoren, avec deux accents fort spécifiques: d'une part, rien ne servirait de s'engager fermement dans la lutte contre la criminalité organisée s'il n'existe pas une coopération et collaboration étroites entre tous les services de police. M. Van Oudenhove prêche pour une coexistence pacifique, et espère que les particularités spécifiques de nos services de police soient une source d'enrichissement.
Il peut y avoir, reconnaît le procureur général, une certaine spécialisation de ces polices, mais il met en garde contre une transposition textuelle excessive de cette spécialisation.
Par ailleurs, M. Van Oudenhove ne veut pas que les critiques émises durant les dossiers de disparitions d'enfants affectent de manière émotive le débat policier.
Autre accent personnel, relatif cette fois encore aux dossiers Dutroux et connexes: le procureur général a certes annoncé que le monde judiciaire assumerait sa charge avec rectitude. Mais qu'il défendrait en même temps son honneur.

ALAIN LALLEMAND
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Adam, Romano et Demanet inculpés

«LE SOIR» du mardi 3 septembre 1996 page 14

En marge de l'enquête de Neufchâteau, on apprend que trois personnes ont été inculpées la semaine dernière à Bruxelles par le juge Guy Laffineur dans le cadre d'un dossier distinct d'«escroquerie à l'assurance»: il s'agit d'un garagiste de Damprémy, Bernard Adam, d'un certain Romano, et de l'expert judiciaire en voitures Philippe Demanet, fils du procureur général de Mons.

En 1994, une affaire touchant à des trafics de véhicules volés du ressort de l'arrondissement de Charleroi avait été mise à l'instruction chez le juge Guy Laffineur à Bruxelles, en raison de la personnalité des suspects. Ce dossier concernait en effet l'inspecteur de la PJ carolorégienne Georges Zicot et le responsable du contentieux à la Royale belge Thierry Dehaan, soupçonnés d'être impliqués dans ces trafics. Interrogé à Bruxelles, l’inspecteur Zicot avait dénoncé Philippe Demanet dans une affaire d'escroquerie à l'assurance, pour le «vol prétendu » d'une Porsche. Zicot croyait avoir repéré dans un box a Ransart la Porsche de Demanet «volée» en Espagne.

En septembre 1993, Philippe Demanet avait en effet déclaré le vol, sur la Playa de Oro, de sa Porsche Carrera 911 achetée en août 1993 à la SPRL Adam à Dampremy (on le sait aujourd'hui, il s'agissait déjà d'une
Porsche volée). Demanet l'avait fait immatriculer sans difficulté, payant même un supplément pour obtenir la plaque LRS 911.

L'inspecteur Zicot, impliqué dans plusieurs dossiers et déjà appréhendé à Bruxelles mais laissé en liberté, est depuis une semaine, comme l'assureur Thierry Dehaan, arrêté a Neufchâteau.
La Porsche de Philippe Demanet volée en Espagne en 1993 était équipée de «doublettes», l'expert Demanet ayant laissé en Belgique ses plaques d'origine abîmées peu auparavant dans un accident, avait-il dit.
Rentré au pays, Philippe Demanet avait racheté en mars 1994 à Ingelmunster une autre Porsche Carrera neuve, modèle 1993, pour 3 millions, qu'il revendit en décembre 1994. Entre-temps, il l'avait immatriculée en mai 1994 avec les plaques d'origine de sa première Porsche. Il affirme en avoir informé à l'époque l'assureur Dehaan.

Puis Philippe Demanet avait racheté d'occasion en France, pour 1,3 million, une troisième Porsche qu'il ne comptait utiliser que pour les compétitions. Le vol de la première Porsche en Espagne fut, après enquête de Thierry Dehaan (qui pour clôturer ce dossier s'était même rendu dans la péninsule Ibérique), remboursé à la SPRL Adam. La semaine dernière, le garagiste Bernard Adam, fils d'un commissaire de police de la région carolorégienne, a avoué avoir pris part au vol de la Porsche et l'avoir lui-même ramenée d'Espagne, passant par l'Italie pour lui rendre une origine légale, à la demande, dit-il, de Philippe Demanet, ce que ce dernier conteste avec force.

Adam et Romano affirment avoir dépensé 200.000 F en Italie pour le camouflage du véhicule et disent n'avoir pas été payés par Demanet, comme c'était convenu. Ce que ce dernier nie.
Adam, Romano et Demanet sont donc tous trois inculpés à Bruxelles dans cet autre dossier carolorégien qui respire aussi le règlement de comptes.

R. Hq.

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