jeudi 24 juillet 2008

Du délit au procès: le parcours judiciaire('Meuse'29 août 1996 p9)


Du délit au procès: le parcours judiciaire

« La Meuse » du jeudi 29 août 1996 page 9

De la première privation de liberté au jugement en passant par l'enquête du juge d'instruction

Procureur du Roi, procureur général, juge d'instruction, chambre du conseil... des mots que nous manions tous les jours, actualité oblige. Alors, autant savoir de quoi et de qui on parle exactement.
Remettons les pendules à l'heure en suivant un parcours judiciaire-type, du délit au procès.
Les enquêteurs de la police ou de la gendarmerie appréhendent X, auteur présumé d'un délit. Ils alertent le parquet pour qu'il décide des suites à donner.
Rapidement: cette première privation de liberté ne peut pas dépasser 24 heures.
Pour prendre sa décision, le procureur du Roi, ou son substitut au parquet, entend X. Il tient également compte d'éventuels antécédents.
Quand le délit est grave, le procureur décide généralement d'envoyer X devant le juge d'instruction.
Ce magistrat est chargé de constituer le dossier « à charge et à décharge », c'est-à-dire à la fois pour et contre X.
Dans le cas où le juge d'instruction pense, à la lumière de ces premiers éléments, que X est coupable, il l'inculpe. Et si, en outre, le juge pense que laisser X en liberté est dangereux, il lui décerne un mandat d'arrêt qui permet de placer X en détention préventive.
X est donc toujours sous les verrous mais dans un délai de cinq jours, la chambre du conseil devra décider s'il y restera ou non.
La chambre du conseil ne juge pas X, elle se prononce seulement sur la nécessité de le maintenir en détention préventive. Sa décision porte sur un mois. Elle est susceptible d'appel, devant la chambre des mises en accusation : l'inculpé eut contester son maintien en détention, ou le parquet contester sa remise en liberté.
Pendant ce temps, le juge d'instruction poursuit son enquête.
Pas tout seul, évidemment ! Il peut faire appel à la police judiciaire, la PJ, rattachée aux parquets et dépendant du ministère de la Justice. Ou à la gendarmerie, qui dépend, elle, du ministère de l'Intérieur.

La BSR (brigade de surveillance et de recherche) en fait partie. Entre PJ et gendarmerie, ce n'est pas toujours la franche camaraderie...
Quand le juge d'instruction a bouclé son dossier, c'est encore la chambre du conseil qui décide si X doit être innocenté (non-lieu), interné (sur base d'un rapport psychiatrique) ou jujé par un tribunal.
Il existe encore une quatrième possibilité: la suspension du prononcé, par laquelle la chambre retient la culpabilité mais surseoit aux poursuites.
Selon la gravité des faits commis, contravention, délit ou crime l'inculpé sera juge par un tribunal de police, un tribunal correctionnel ou une cour d'assises.
Toutefois, un crime peut être correctionnalisé. C'est d'ailleurs très souvent le cas des faits de pédophilie et, plus généralement, de viol.
La cour d'assises est en Belgique le seul «tribunal populaire»: ce ne sont pas des magistrats professionnels qui s'y prononcent mais bien un jury composé de douze personnes tirées au sort. La cour d'assises a une autre particularité : elle n'a pas de degré d'appel.

Autrement dit, ses décisions ne peuvent pas être revues. Toutefois, si les formes de la procédure n'ont pas été respectées en cour d'assises, la Cour de cassation peut casser son arrêt.
Ce n'est qu'un des rôles de la Cour de cassation, juridiction suprême qui arbitre les conflits entre juges. Dans l'affaire Dutroux, les errements de l'enquête vont faire l'objet d'une enquête disciplinaire par le procureur général près la Cour de cassation.
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AFFAIRE ZICOT

Le procureur général Demanet répond aux insinuations

« La Meuse » du jeudi 29 août 1996 page 9

Le procureur général près la cour d'appel de Mons, Georges Demanet, a fait part mardi de sa position à la suite d'informations diffusées ces derniers jours par certains médias relatives à une prétendue inimitié entre Georges Zicot, inspecteur principal de la police judiciaire de Charleroi, arrêté ce week-end dans le cadre du dossier connexe à l'affaire Dutroux, et lui-même.

M. Demanet a notamment indiqué que la Porsche de son fils Philippe, expert automobile au parquet de Charleroi, n'a jamais été retrouvée depuis son vol en Espagne, en 1993.
Son fils n'a jamais été inculpé à ce jour, a précisé M. Demanet.
La voiture avait été achetée au près de la s.p.r.l. Adam, gérée par un ami de Philippe Demanet. L'enquête sur ce vol avait notamment été effectuée par Thierry Dehaan, assureur. Ce dernier a également été placé sous mandat d'arrêt à Neufchâteau dans le cadre du dossier connexe à l'affaire Dutroux.

Mais pour le procureur général, le fait que ces personnes soient citées dans ce dossier, dans le volet de trafic de voitures, ne permet pas de dire que Philippe Demanet a commis des exactions dans le contexte du vol de sa Porsche.
M. Demanet apporte encore des informations concernant la Porsche de rallye retrouvée à la suite d'une perquisition dans un hangar de Ransart. Elle appartenait à son fils, amateur de voitures. Ce n'était pas la Porsche volée en Espagne et éventuellement maquillée, précise encore le procureur général.
Enfin, si Philippe Demanet possédait toujours la plaque d'immatriculation de la Porsche volée en Espagne, c'est qu'il y avait, peu avant le vol, apposé une plaque doublon: sa plaque était spéciale (LRS 911), et lui avait coûté 25.000 francs. Il ne tenait bas à se la faire voler, poursuit Georges Demanet.

Concernant Zicot, le procureur général réfute les informations selon lesquelles une inimitié -allant jusqu'à des menaces de mort de la part de Georges Demanet envers Zicot serait née entre les deux hommes.
Il précise avoir reçu en février 1994 une information du directeur d'une compagnie d'assurance, selon laquelle on avait découvert en Italie une Mercedes 250D, volée à Zaventem. Zicot était cité dans l'enquête.

Un élément lié à une demande de prime a interpellé le procureur général et celui-ci dit avoir envoyé, comme il le fait dans nombre d'affaires au quotidien, une apostille à M. de Vroom, commissaire général de la PJ, afin de faire la lumière sur cette affaire.
Celle-ci avait été mise à l'instruction auprès du juge bruxellois Laffineur et Zicot avait été entendu, puis relâché.
Dans l'attente du résultat de cette enquête, M. Demanet avait certes émis une opposition à toute promotion de M. Zicot, qui est depuis passé au grade d'inspecteur principal, a encore précisé le procureur général.
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Un centre de psychologie de crise pour ceux qui doivent encaisser l'insupportable

« La Meuse » du jeudi 29 août 1996 page 9

Tout le monde en parle avec émotion, beaucoup sont bouleversés, les enfants sont impressionnés, certains en font même des cauchemars... L'affaire Dutroux occupe tous les esprits. Que dire alors des victimes, et aussi des enquêteurs qui vivent au coeur de cette tragédie - magistrats,policiers, gendarmes, légistes - chargés d'interroger Dutroux et ses comparses, de rechercher les corps, de visionner les vidéos pédophiles?
Quelques organes, encore récents, de soutien aux victimes et aux intervenants peuvent aider à amortir le choc.
Stress-team pour les gendarmes, Aide aux victimes à la cellule disparitions... A 11 origine de ces initiatives, le naufrage du Herald of Free Enterprise. On s'était rendu compte alors de la nécessité d'accompagner moralement ceux qui avaient passé des jours et des jours a récupérer des cadavres puis à les identifier.

Ce ne sont pas des malades
C'est après cette catastrophe, il y a cinq ans, que l'armée a mis en place le centre de psychologie de crise dirigé par le commandant Luc Quintyn, psychologue, à l'hôpital militaire de Never-over- Heembee .
Sa philosophie: ne pas « psychiatriser » les gens, « leurs réactions sont normales dans les situations anormales où ils sont placés ! »
Sa clientèle: tous ceux. Qui doivent faire face à des situations à haut risque. Il s'agit pour moitié de militaires,
et pour l'autre moitié de civils: pompiers et autres services d'urgence, personnel pénitentiaire, personne du secteur prive aussi, banque ou transport de fonds par exemple.
Jusqu'alors, rien n'avait été fait pour aider les personnes exposées à des traumatismes dits «vicariants», notion crue Luc Quintyn éclaire de deux cas simples: «Prenez une infirmière dans un service d'urgence qui voit arriver un enfant sans qu'il puisse être réanimé. Elle va se dire que cet enfant aurait pu être le sien, voire se sentir coupable... Même chose pour un pompier qui ne peut pas pénétrer dans une maison en feu où se trouvent encore des blessés, par exemple. »

Le rôle du chef
Dans un but préventif, le centre de psychologie de crise s'adresse en priorité aux supérieurs hiérarchiques des professionnels exposés à ces traumatismes. Pourquoi? «On a constaté, dit Luc Quintyn, que pour aider le personnel dans son processus de deuil, en termes d'efficacité, la première place revient au chef Ensuite vient la famille, puis les collègues et enfin, en quatrième place seulement, le psychologue ou le médecin. » Le « chef » est donc encouragé à réunir son personnel après une situation critique pour lui permettre d'exprimer ses émotions. Quelles sont les réactions les plus fréquentes?
« D'abord une agressivité sous-jacente, due à l'impuissance devant les faits. Tous ces professionnels sont formés à intervenir; par exemple un pompier est formé pour sauver des vies. S'il n'a pas pu le faire, son sentiment d'impuissance est très grand. Ensuite viennent des problèmes de culpabilité: si j'avais fait ceci plutôt que cela, j'y serais arrivé, etc. »

Une aide « rentable »
On peut se demander, avec une bonne dose de cynisme, pourquoi on commence à consacrer des efforts à ce type d'aide.
« Les raisons sont multiples, explique Luc Quintyn. D'abord, la santé : le traumatisme affecte la concentration et la mémoire. Cela peut avoir des conséquences graves : pensez au gendarme qui dispose d'une arme de service !
Ensuite, la motivation : on a constaté qu'elle augmentait chez le personnel accompagné préventivement. L'estime pour les chefs qui font la prévention augmente aussi, au point que cela crée parfois des jalousies chez les autres cadres ! »
Quant aux victimes elles-mêmes, elles montrent souvent une grande force. «80 % des victimes d'un incident critique s'en sortent par leurs propres forces et grâce à l'aide de leur famille, note Luc Quintyn. Le premier soutien dont a besoin une mère qui trouve son bébé mort, ce n'est pas celui d'un « psy », mais bien celui de son mari, de ses parents, de ses amis. »

Respecter les victimes
En ce qui concerne l'affaire Dutroux, le psychologue se félicite de voir enfin, « pour la première fois en Belgique, un procureur du Roi qui reçoit les familles victimes, officiellement, et pour leur demander leur collaboration. C'est très important: en fin on considère les victimes comme des adultes, on leur donne la parole. »
On sait que les victimes ne réclament pas seulement la parole, mais aussi le droit d'être informé. Il suffit de penser aux parents de Julie et Mélissa... Leur histoire est dramatique à l'extrême et leur persévérance est hors du commun, mais leurs souffrances et leurs revendications sont partagées par de nombreuses autres personnes. « Sur des centaines de victimes qui sont passées au centre, nous avons constaté que les principaux problèmes après un an étaient le fait de ne pas être reconnues comme victimes et le manque d'information.
La justice, les médecins, les gouvernants, tout le monde sera obligé à l'avenir de tenir compte de cette nouvelle dimension », conclut Luc Quintyn.

Corinne Toubeau
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FEMMES ET BOURGMESTRES

«Elles s'unissent pour contrer les pédophiles »


« La Meuse » du jeudi 29 août 1996 page 9

PARCE que les bonnes résolutions ne doivent pas rester lettre morte, parce que l'arrestation de Dutroux n'est que la face visible de l'iceberg et parce que la volonté de contrer la pédophilie doit demeurer vivace dans les mois et les années à venir, les femmes bourgmestres de Wallonie sont sur le pied de guerre.
La fibre maternelle n'y est pas étrangère, d’autant plus qu'elles considèrent à juste titre ? Le monde masculin laxiste en la matière.

Ce mercredi matin, à Huy, une poignée d'entre elles a participé à la tenue d'une « Concertation spécifique » destinée à fourbir des armes susceptibles d'assurer une meilleure protection de nos enfants face à la force aveugle, au danger permanent que représentent les abuseurs.

Aux côtés de la sénatrice-bourgmestre de Huy, Anne-Marie Lizin, se trouvaient ses collègues PS, PSC et PRL d'Esneux, Jenny Levêque, de Houyet, Marie-Claude Lahave, de Juprelle, Christine Servaes (ff), de Neupré, Josée Pagnoul, de Trooz, Denise Laurent ainsi que Pierrette Cahay, ex-bourgmestre de Visé.
Lancées la veille, les invitations n'ont pas permis aux quatorze femmes bourgmestres (en Belgique, sur 598 bourgmestres, on en dénombre au total 32) de Wallonie et de Bruxelles d'être présentes.
N'empêche que l'initiative n'a pas laissé ces dames indifférentes: Watermael, Vaux-sur-Sûre, Wasseiges, Modave, Floreffe... ont d'ores et déjà marqué leur soutien.
Au terme du premier tour de table, le groupe a déjà pris la décision de rencontrer le ministre de l'Intérieur, M. Vande Lanotte.

Par là, le groupe souhaite s'assurer que des informations sur les libérations conditionnelles leur seront transmises, en temps voulu, lors des réunions pentagonales qui confrontent gendarmerie, police, bourgmestres et procureurs du Roi. Les bourgmestres veulent aussi s'assurer que le suivi de justice sera concrètement appliqué.

Rappelons que leur rôle concernant l'ordre public n'est pas mince. Mais comment assurer la protection des pédophiles en liberté conditionnelle lorsque la population exprime sa fureur. Parfois, la volonté manque...
Secundo: il sera demandé au ministre que la pédophilie devienne la priorité des priorités au sein des ZIP, que, dans chaque commissariat, des équipes soient mieux formées à cet effet. Et, enfin, que l'on mène des actions répressives à l'égard des organisateurs de réseaux tout comme des consommateurs. Les femmes bourgmestres appuieront, en tout cas, les projets de loi allant en ce sens. La couleur est annoncée, plus question pour elles de faire marche arrière, de ne pas transformer l'émotion suscitée en actions concrètes et pratiques.
Une chose semble sûre : elles y mettront toute la ténacité qu'une telle action induit.

Y.J.W.
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Dernière minute

« La Meuse » du jeudi 29 août 1996 page 9

Peine de mort
Alain Escada, rédacteur en chef de l'hebdomadaire POLEMIQUE, nous écrit que son hebdo est à l'origine d'une pétition réclamant la réinstauration et l'application de la peine de mort pour les violeurs pédophiles et les assassins d'enfants.

« Malgré le silence médiatique qui entoure cette pétition à la revendication visiblement trop « politiquement incorrecte» pour certains, déjà plus de 10.000 signatures nous ont été renvoyées. Et ce n'est qu'un début puisqu'un formulaire néerlandais va bientôt être distribué en Flandre.
Contre la recrudescence de l'insécurité, il faut des peines dissuasives et définitives. L'accompagnement thérapeutique des pédophiles est un échec et un leurre. Seule la peine de mort empêchera ces monstres de récidiver. »

Mauvaise nouvelle
Dans la confusion générale, à Hasselt, chez les parents d'An, le journaliste indélicat qui avait évoqué au téléphone «la mauvaise nouvelle» et donné un coup au coeur supplémentaire à Betty Marchal ne faisait pas partie de la dynamique équipe de Bel RTL mais bien de RTLFrance.
Un mélange de pinceaux bien involontaires.

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