jeudi 31 juillet 2008

Deux corps à Jumet('Meuse'4 septembre 1996 p8)


Deux corps à Jumet:Eefje et An identifiées. On s'attendait au pire, le pire est arrivé

« La Meuse » du mercredi 4 septembre 1996 page 8

Marc Dutroux n'avait pas menti! Comme pour Sabine et Laetitia, comme pour Julie et Mélissa, Marc Dutroux n'a pas menti pour An et Eefje.
Hier soir, lorsque le Procureur du Roi Bourlet, suivi par le premier ministre Dehaene, ont confirmé la terrible nouvelle, la Belgique a plongé encore une fois dans l'horreur.

Les corps d'An et Eefje étaient bien enterrés à Jumet, dans la propriété de Bernard Weinstein. Les énormes fouilles entreprises depuis une semaine avaient donc un sens.

C'est dans la seconde partie du hangar, à 2 m 50 sous la terre, en dessous de la chape de béton, que les enquêteurs ont trouvé hier matin des ossements provenant de deux corps différents. Ils se trouvaient dans une sorte de creuset dont la construction remonte au siècle dernier.

Ces ossements n'étaient même pas enveloppés dans un sac et ils porteraient des traces de carbonisation. Pour pouvoir pratiquer une première autopsie, le médecin légiste Beauthier a pu tout de même compter sur des radiographies dentaires ainsi que sur la montre d'Eefje qu'elle tenait encore à un poignet.

On ne connaît pas encore la date exacte de leur mort mais il semblerait que ce soit à l'automne dernier, soit quelques mois après leur enlèvement.
Marc Dutroux et son épouse Michèle Martin s'étaient décidés à parler lundi dernier, tout en se dédouanant. «An et Eefje ne nous 'appartenaient' pas » disaient-ils en substance. « Elles étaient à Lelièvre et à Weinstein. Il s'est passé quelque chose et Weinstein les a enterrés sous sa propriété de Jumet. »

Il est très facile évidemment de reporter tout sur quelqu'un qui ne saura plus parler : Weinstein a été assassiné par Dutroux à la fin de l'année dernière.
Malgré cette horrible découverte, les fouilles ont encore repris à Jumet. Le creuset semble être plus profond encore et aujourd'hui, on ira jusqu'au bout, en espérant ne pas y retrouver de nouveaux cadavres. Rien n'est moins sûr cependant puisque Dutroux aurait parlé de «cinq» cadavres à trouver sous la terre de Jumet.

«An est morte »
De retour de Paris où ils avaient encore participé lundi soir -dans un dernier baroud d'espoir - à l'émission
« Perdu de vue », les parents d'An ont confirmé devant les caméras la terrible nouvelle.

Paul Marchal a simplement dit: « An est morte ». Les parents d'Eefje avaient été avertis une heure plus tôt.
Tant le premier ministre Dehaene que le ministre de la justice Stefaan De Clerck que le ministre-président flamand Luc Vandenbrande ont exprimé leurs sincères condoléances aux deux familles éprouvées.

Du côté de Charleroi, on a appris que les corps des 2 jeunes victimes ont été véhiculés mardi soir encore, vers 21 h. dans des corbillards, à destination de Hasselt.

Luc Gochel

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L’interminable attente a pris fin à 20 heure 30

« La Meuse » du mercredi 4 septembre 1996 page 8

C'est officiel » nous confie le papa d'An, en quatre langues, à la porte de sa maison. « Nous allons maintenant rentrer, nous embrasser et embrasser nos enfants » souligna-t-il en serrant les mains des journalistes présents. Les gorges étaient nouées, serrées à l'extrême. «Je demande qu'on nous laisse en paix... »
Même s'ils n'avaient jamais rencontrés An et Eefje, les journalistes avaient appris à les connaître au fil des rencontres avec leurs parents respectifs.
A Hasselt, un certain calme a longtemps régné, hier, devant la maison des Marchal.
A l'arrière, les voitures de passage affichaient toutes les mêmes autocollants à l'effigie des deux jeunes Limbourgeoises disparues.
Les parents d'An ont passé la journée à Paris. La veille, ils avaient pris le chemin de la Ville-Lumière en train et étaient présents en direct le soir, sur le plateau de Jacques Pradel et de TF1. Ils lançaient un ultime avis de recherche dans Perdue de vue et un appel à témoins. Ils n'ont pas appris grand-chose. Jusqu'aubout, le couple Marchal a gardé l'espoir de retrouver leur fille vivante.
A Kuringen, près d'Hasselt, dans un quartier résidentiel tranquille, les parents d'Eefje ont tiré les rideaux de leur belle villa. Accablé, le papa de la jeune fille ne répondait plus au téléphone, ni aux sonneries à la porte d'entrée. Toute l'après-midi, le parquet de Bruges les a tenus informés des déroulements des recherches à Jumet. C'est la blonde compagne du papa, les larmes aux yeux, qui confirmait au fur et à mesure ces bribes d'informations. La tension était à son comble, la tristesse au rendez-vous. On attendait les fatidiques nouvelles.
A 17 h 30, le juge d'instruction de Bruges Luc Van tieghem a sonné à la porte et a mis fin à l'épouvantable attente: Eefje a été reconnue formellement grâce à sa montre. Deux gendarmes lui ont emboîté le pas ainsi que l'assistante sociale du service d'accompagnement de la gendarmerie d'Hasselt. Quelques minutes plus tard, le médecin de famille était appelé d'urgence. Le papa était victime d'un malaise. Le quartier a été rapidement bouclé par plusieurs gendarmes en faction.
C'était la consternation dans le voisinage. « Verschrikkelijk » (traduisez: terrible) revenait dans toutes les bouches. On chuchotait d'une maison à l'autre dans un silence quasi religieux. Le papa d'Eefje Lambrecks perdait ainsi son deuxième enfant en seulement deux ans. Vers 19 h, le juge d'instruction a quitté la maison, d'un pas rapide, se contentant d'un «pas de commentaire s'il vous plaît. »
Une heure plus tard, à dix minutes à peine de chez les Lambrecks, c'était au tour du quartier des Marchal d'être bouclé à double tour. Seuls les gens de la rue pouvaient entrer en montrant pattes blanches.
A peine arrivés en provenance de Paris, ce couple si soudé expliquait sa sinistre journée.
Soutenu et épaulé par Betty, Paul était prêt à craquer, tremblait tout en articulant calmement chaque mot. « Eefje a été découverte, pas An. Il faut être certain. Nous ne voulons pas de rumeurs. On ignore qui est le deuxième corps.
Nous n'avons pas eu encore de contacts avec le procureur du Roi de Neufchâteau. Vers 13 h, sur mon portable, à Paris, j'ai été prévenu qu'on avait retrouvé un corps, puis après on m'a averti d'un deuxième.

Ces deux dernières semaines, les contacts avec les autorités judiciaires ont été très corrects et elles nous ont bien traités. »
En flamand, en français et en allemand, Paul Marchal donnait les mêmes explications. « On est venu nous attendre à la gare. Je vous dis tout car on sait ce qu'on doit à la presse dans cette affaire. Mais aidez nous encore en respectant notre silence. On veut garder ces derniers moments-là pour les vivre en famille. »
Dans la maison d'à côté, le frère Marchal pleurait en les regardant s'exprimer devant les caméras. La grand-mère et d'autres membres de la famille s'étaient occupés des trois frères et sueurs d'An. Le clan s'était serré les coudes. Mais une demi heure plus tard, la seconde triste confirmation. Hasselt serait bel et bien en deuil de ses deux jeunes filles. Deux soleils disparaissaient au coucher.

Caroline Geskens
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Les macabres secrets de la rue Daubresse

« La Meuse » du mercredi 4 septembre 1996 page 8

Après huit jours de fouilles approfondies, le n° 65 de la rue Daubresse a fini par dévoiler ses macabres secrets: deux cadavres enfouis dans le sol du hangard de Bernard Weinstein. Le Dr Beauthier a procédé hier après midi à l'autopsie des deux corps en état de décomposition avancée, afin de les identifier.
Après d'interminables journées de fouilles infructueuses sous des trombes d'eau, la cohorte de journalistes qui faisaient le pied de grue au bout de la rue Daubresse depuis le début de la semaine dernière avaient fini par douter sérieusement de la véracité des révélations recueillies par les enquêteurs.
Tout le monde en venait à se demander si les inculpés n'avaient pas tout simplement mené le juge d'instruction Connerotte en bateau.
Hier matin, les rares journalistes présents devant les barrières Nadar ont compris très rapidement que les macabres recherches avaient enfin abouti.
Les camions de la protection civile sont arrivés sur les lieux avec trois quart d'heure de retard sur l'horaire officiellement prévu. Contrairement aux autres jours, ils se sont garés dans la rue et n'ont pas repris les fouilles sur le terrain de Bernard Weinstein. Le porte-parole de la gendarmerie, le major Boudin, est descendu dare-dare de Bruxelles dès 10 h. Il a été très vite rejoint par de nombreux représentants des forces de l'ordre gendarmes, membres du laboratoire de la P.J. de Charleroi, officiers de la cellule de crise de la BSR de Charleroi, etc...
L'arrivée, vers 11 h, du Dr. Beauthier, le médecin légiste du parquet de Charleroi, n'a fait que renforcer la funeste impression des journalistes.
Une demi-heure plus tard, une Mercedes blindée de l'Escadron Spécial d'intervention franchissait les barrières de sécurité avec le juge d'instruction Jean-Marc Connerotte à son bord.
Vers midi, le major Jean Marie Boudin venait confirmer dans un communiqué laconique ce que tous les journalistes savaient de: à : « On a trouvé ce matin des ossements, vraisemblablement de nature humaine, dans la –deuxième partie du hangar. Ces ossements vont être exhumés et emmenés pour procéder à une autopsie. L'identification de ces ossements risque de prendre du temps, peut-être même plusieurs jours », et le porte-parole de demander à la dresse de ne pas spéculer sur l'identité des ossements.
A-t-on trouvé un ou plusieurs cadavres? A quelle profondeur? Les ossements étaient-ils emballés? Autant de questions qui resteront sans réponse, le major Boudin se contentant de pratiquer la langue de bois en français, en flamand, en anglais et en allemand. Une heure plus tard, il annonçait qu'il,n'y aurait plus ni communique de la gendarmerie, ni conférence de presse du parquet de Neufchâteau.
Les fouilles, interrompues dès la découverte des ossements, reprenaient au finish. Les enquêteurs avaient l'intention de creuser le reste de la parcelle et d'égaliser le terrain avant la tombée de la nuit.
Vers 13 h 30, deux corbillards des pompes funèbres Fontaine sont venus chercher les dépouilles afin de les emmener à la morgue de l'hôpital civil de Charleroi. De source officieuse, il s'agit de deux cadavres, pratiquement réduits- à l'état e squelette. Les dépouilles étaient enterrées à 2 m 50 de profondeur, sous la dalle de béton du hangar.
L'endroit avait été signalé par les chiens de la police allemande spécialisés dans la détection de cadavres.
A
u cours de l'après-midi, le porte-parole du Parquet de Bruges a prévenu les parents de An Marchal et Eefje Lambrecks de la découverte des deux cadavres encore non identifiés à ce moment-là...

Elisabeth Mathieu
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L’avis de recherche a duré un an

« La Meuse » du mercredi 4 septembre 1996 page 8

An Marchal, 17 ans, et Eefje Lambrecks, 19 ans, ont disparu dans la nuit du 22 août 95. Voici une rétrospective des événements qui ont jalonné cette interminable et angoissante attente.

• Mardi 22 août 1995: Avec une bande de copains, An Marchai et Eefje Lambrecks passent leurs vacances à Marinapark, à Westende. Elles ont reçu deux tickets d'entrée gratuits pour assister au show du mage Rasti Rostelli, au casino de Blankenberge. La veille, les autres amis avaient été voir le même spectacle. En fin d'après-midi, elles quittent le bungalow 31, enfourchent leur bicyclette jusqu'à l'arrêt du tram. Là, direction le spectacle du magicien-hypnotiseur. Dans la salle bourrée à craquer, An et Eefje se portent spontanément volontaires et montent, sur scène, pour une longue séance d'hypnose. A 23 h 45, le dernier tram pour Westende part sans elles car le spectacle se termine passé minuit. Près de la gare d'Ostende, le conducteur de tram se souviendra de les avoir vues descendre.

• Vendredi 25 août 95: Au parquet de Bruges, on ignore encore si on doit s'inquiéter ou non de leur disparition, étant donné l'âge des jeunes filles, susceptibles d'être en fugue. Entre-temps, l'a.s.b.l. Marc et Corine à lancé une campagne d'affichage à la Côte. Eefje, 19 ans, a des cheveux bruns marron coupés au carré et des yeux bleu-gris. Elle est de corpulence mince et mesure 1 m 70. An, du haut de son mètre 65 et de ses 17 ans, arbore des cheveux châtain foncés jusqu'aux épaules, un regard vert-gris et présente une cicatrice de la varicelle sous le nez ainsi qu'une malformation au majeur. A Hasselt, par la poste, les parents Marchal reçoivent la K7 du show qu'An avait commandée. Un spectacle légalement interdit en Belgique.

• Lundi 28 août 95: Depuis bientôt une semaine, An et Eefje se sont évanouies dans la nature. A Hasselt, les parents Marchai sont pendus au téléphone du matin au soir. Ils tiennent une permanence chez eux et assurent la coordination de tous les groupes de recherche. « Nous avons visionné la K7 du show. Elle est incroyable. Je crois qu'elles sont toujours sous hypnose. » On les a vues à Dixmude, dans un magasin d'Ostende, à Louvain... « Ce n'est pas possible que ce soit une fugue. An téléphone toujours pour prévenir quand elle rentre tard. C'est .une fille très timide. En entrant dans la troupe de théâtre, début janvier, elle s'est extériorisée un peu plus. » Les recherches à la Côte belge continuent. Les parents sont accompagnés de Peach, labrador de l'oncle d'An, qui la repère toujours, même au bout de la rue.

• Mercredi 30 août 95: Les battues et les appels à témoins se poursuivent. Dans le sac à dos d'An, on a retrouvé les petits cadeaux qu'elle avait prévus d'offrir à sa famille, de retour à la maison. A RTL 4, sueur hollandaise de RTL-TVi, le mage Rostelli répète qu'il n'y est pour rien dans cette disparition.

• Jeudi 22 décembre 95: Les parents d'An Marchal rencontrent ceux de Julie et Métissa, Un triste réveillon de Noël s'annonce.

• Janvier 1996: Cinq mois après la disparition d'An et Eefje, deux membres de la PJ de Bruges ont été dépêchés aux Canaries pour y poursuivre leur enquête. Peu de temps avant, des témoins avaient affirmé avoir aperçu les deux jeunes filles à la Costa del Sol mais une première commission rogatoire en Espagne avait fait chou blanc. Ce sera la même chose pour la seconde, aux Canaries.

• Février 96: Professeur dans l'enseignement spécial, le papa d'An reprend son emploi à mi-temps.

• 15 août 1996: Sabine et Laetitia sont retrouvées vivantes dans une maison de Dutroux, à Sars-la-Buissière. Deux jours plus tard, les enquêteurs découvrent les corps de Julie et Métissa. Immédiatement, M. Bourlet, procureur du Roi à Neufchâteau, prend contact avec les parents d'An et Eefje. Les parents d'An, en vacances en France, rentrent en Belgique. Dutroux et Lelièvre ont en effet avoué avoir participé à l'enlèvement des deux jeunes filles.
Ils s'étaient rendus à la Côte pour trouver une victime. Après avoir passé la journée sans pouvoir s'en prendre à une adolescente, ils aperçurent An et Eefje dans le tram qui circulait vers Ostende. Ils manquèrent leur proie au terminus mais un peu plus tard, ils retrouvèrent les deux amies qui faisaient du stop sur la route de Middelkerke. Ils les chargèrent puis les droguèrent
.
Que sont alors devenues An et Eefje ?
Les explications du monstre de Charleroi et de son complice furent dans un premier temps embrouillées. En tous cas, aucun des deux n'admit l'assassinat des jeunes filles. A tel point que M. Bourlet, le 17 août, avait toujours l'espoir de les retrouver vivantes.

• Mardi 20 août: Les rumeurs les plus folles circulent autour d'An et Eefje. Elles auraient été placées dans un réseau de prostitution en Slovaquie, en Tchéquie, en Slovénie, en Hollande etc. Le soir, M. Bourlet a tenu à couper court à tous ces bruits: « Dutroux et ses complices sont à l'origine de la disparition des deux jeunes Limbourgeoises. Mais nous n'avons aucune nouvelle d'elles. Toutefois, certains éléments du dossier nous permettent d'espérer qu'elles sont toujours vivantes. »

• Lundi 2 septembre : les parents d'An Marchai participent à l'émission Perdu de vue, à TF 1. Le présentateur, Jacques Pradel lance un appel à témoins. Ce qui est certain, c'est que les parents d'An croient que leur fille est toujours vivante.

• Mardi 3 septembre après midi: Le parquet de Bruges a officiellement averti les parents d'An et Eefje de la découverte de deux dépouilles mortelles à Jumet.

C.G. et J.H.

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