jeudi 10 juillet 2008

Une curieuse secte intéresse la justice(«DH»jeudi22août1996pg2)


Une curieuse secte intéresse la justice

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 2

BRUXELLES - L'enquête sur Julie et Melissa, Sabine et Laetitia, An et Eefje et d'éventuelles autres disparitions file dans tous les sens. Aucune piste n'est écartée. Depuis le début de la semaine, les policiers s'intéressent aussi à une sorte de secte, à une très curieuse église africaine créée l'an passé à Bruxelles, la Celestian Church of Christ, l'Eglise céleste du Christ, en abrégé la CCC.

L'église était restée si discrète que même la Sûreté de l'Etat n'a découvert son existence... qu'hier, au hasard de cette affaire.
Mais la Sûreté et la brigade nationale de la police judiciaire ont immédiatement décidé de faire toute la lumière sur les véritables activités de la si discrète Eglise céleste du Christ.

Les liens avec Julie et Melissa ? A ce jour, Jean-Marc Connerotte, le juge de Neufchâteau, a arrêté quatre suspects : le monstre Marc Dutroux, sa femme Michèle Martin, leur complice Michel Lelièvre et le Bruxellois Jean-Michel Nihoul. Le trio s'est notamment rencontré à Bruxelles le lendemain du rapt à Bertrix de la petite laetitia Delhez.
Intéressons-nous à Nihoul, l'ami de l'ex-avocate bruxelloise Annie Bouty. Tous deux habitent à Saint Gilles, 99, avenue Henri Jaspar. Non seulement l'immeuble est l'une des sept adresses à Bruxelles de la Celestian Church of Christ.Mais si vous formez le numéro de téléphone de l'église, c'est... Mme Annie Bouty en personne qui décroche.

Cierges et cartes pieuses
Annie Bouty fournit des explications un peu tortueuses. Elle nous a d'abord prétendu qu'en fait elle n'avait aucun lien avec la Celestian Church of Christ.
Après quoi, elle nous a dit que le seul lien avait consisté jadis à rédiger les statuts de l'asbl et à les faire publier au Moniteur belge du 11 janvier 1995. Mais nous n'avons toujours pas compris pourquoi Annie Bouty se servait du téléphone attribué par Belgacom à l'église céleste du Christ.
L'ex-avocate du barreau de Bruxelles affirme ignorer combien d'adeptes compterait l'église céleste en Belgique.

Avant de mettre fin à l'entretien, elle nous a pourtant expliqué que l'église n'est pas une secte style Ordre du temple solaire. Notez qu'il est à parier que si c'était le cas, Annie Bouty ne nous le confesserait probablement pas.
Selon elle, le Christianisme céleste serait donc un culte pratiqué au Nigeria. En tout cas, un culte non reconnu en Belgique.
Ses statuts prétendent que l'asbl a pour objet de « mettre en valeur les principes de la doctrine des adhérents du mouvement christianisme céleste ». Elle tient ses réunions les mercredis, vendredis et dimanches ainsi que tous les premiers jeudis du mois.

Son siège international est à Londres. Sa seule activité commerciale avouée consiste en la vente de certains objets tels que cierges, cartes pieuses et essences rares ».

La Sûreté parlait, hier, d'une « très petite secte », aux adeptes impossibles à chiffrer », « pas encore très active » et qui s'est « formée de façon très discrète » au point de n'avoir pas encore été repérée » par les services spécialisés.
A priori, aucun lien avec des mineurs d'âge. Mais l'enquête débute et la vraie vérité est qu'aucune instance officielle, pas même la Sûreté, ne sait vraiment ce que cache cette église.
Sinon que, puisque Nihoul est l'un des quatre suspects arrêtés dans l'affaire Julie et Melissa, il est plus que temps de s'interroger.

Gilbert Dupont

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La juge d’instruction agissait seule

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 2

LIÈGE - Aux horreurs du calvaire de Julie et Melissa, s'ajoute le scandale des ratages d'une enquête menée en dépit du bon sens par la juge liégeoise Martine Doutrewe.

Ces jours-ci, Mme Doutrewe, dont le mari est inculpé à Bruxelles dans un dossier financier, rase les murs du palais de justice. A l'époque, le parquet général de liège était dirigé par le procureur général LéonGiet. S'il est à la retraite, Léon Giet a pourtant accepté de répondre aux critiques féroces émises sur l'enquête menée à un moment où policiers et gendarmes auraient pu
- par deux fois au moins, et sur base de renseignements précis désignant déjà Marc Dutroux - sauver les deux fillettes.

- Quinze jours après l'enlèvement de Julie et Melissa, un rapport parvenait aux enquêteurs indiquant que Dutroux avait effectué des travaux dans les caves d'une de ses maisons à Charleroi pour y loger des gosses et les expédier à l'étranger. Avez-vous eu connaissance de ces informations?

- Léon Giet : « Non, absolument pas. Mais il faut rappeler qu'en Belgique tout juge d'instruction
saisi par le parquet devient le maître absolu de son dossier. Il est le seul à pouvoir prendre toute décision. C'est le principe. On peut le regretter, mais c'est comme ça.
Personnellement, j'ai toujours pensé qu'il était préférable de mettre plusieurs personnes autour de la table, partant du principe qu'il y a plus dans plusieurs têtes que dans une...

- Même le procureur général ne peut rien...

- l. Giet : « C'est ainsi. Le parquet ne conserve qu'un droit de surveillance...

- D'où l'importance de désigner un juge d'instruction efficace. Comment le choix s'est-il porté sur Martine Doutrewe ?

- l. Giet: K Par le hasard, uniquement le hasard. Le week-end de la disparition de Julie et Melissa, Mme Doutrewe était tout simplement de service au parquet de Liège... »

- Remontons plus haut. Comment Mme Doutrewe a-t-elle été nommée juge d'instruction?

- l. Giet : «A la suite d'une procédure qui n'est pas que judiciaire...

- Comme procureur général, connaissiez-vous Mme Doutrewe ?

- l. Giet : « Pas spécialement. En vertu des mêmes principes, le procureur général n'a pas de contact avec les juges d'instruction... »

- Il est tentant de comparer les résultats obtenus ces dernières années par les parquets de liège et de Neufchâteau. Force est de constater que le bilan n'est pas à l'avantage de liège. Le traitement à Liège du dossier Cools n'a pas toujours été un modèle du genre,lui non plus...

- l. Giet : « le dois vous dire que j'ai toujours considéré que le parquet de Neufchâteau travaillait très bien. J'ai toujours eu beaucoup d'estime pour le procureur du Roi Michel Bourlet et pour le juge d'instruction Jean-Marc Connerotte. Quand la Cour de cassation a déchargé le juge Connerotte du dossier des titres volés, c'était clairement un camouflet pour Neufchâteau. Je l'ai regretté, mais que pouvais-je y faire, cette décision ayant été prise par la Cour de cassation ? »

- le moins qu'il faille dire est que la juge Martine Doutrewe n'a pas été capable d'avoir de bons contacts avec les parents de Julie et Melissa...

- L. Giet : « Personnellement, j'ai reçu fréquemment les deux familles. J'ai toujours estimé que le dialogue était important, dans la vie judiciaire comme dans la vie tout court... Mais, à nouveau, à partir du moment où la juge était seule maîtresse du dossier et estimait n'avoir d'ordre à recevoir de personne... »

Propos recueillis par Gilbert Dupont

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Des enquêteurs analysent les ratages

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 2

Ce qu’il aurait fallu faire

BRUXELLES- Les ratages de l'enquête Julie et Melissa inquiètent. Dix ans après le couac de l'enquête sur les tueries du Brabant, le public avait cru comprendre que les polices belges avaient définitivement tourné la page du passé et sauraient désormais se montrer à la hauteur. C'est la consternation dans les commissariats de police, dans les brigades de gendarmerie et à la police judiciaire. Comment les enquêteurs, avec les renseignements dont ils disposaient, ont-ils perquisitionné deux fois chez Marc Dutroux sans trouver Julie et Melissa ?

Nous avons demandé à plusieurs policiers, et pas les moindres, ce qu'il aurait fallu faire.
Evidemment, dira-t-on, c'est toujours plus facile après coup. Mais, à quelques détails près, la procédure dépeinte a toujours été la même.

Pourquoi celle-ci n'a-t-elle pas été appliquée début août 1995, alors que les deux fillettes avaient disparu depuis six semaines, que l'enquête battait le beurre, que tout renseignement était bon à prendre et que le tuyau précisait qu'un certain Marc Dutroux, déjà condamné à treize ans, avait «effectué des travaux dans les caves d'une de ses maisons à Charleroi dans /e but d'y loger des enfants en attente d'être expédiés à l'étranger » ?

- D'abord, l'analyse complète des renseignements de base. Pour une analyse parfaite, il aurait fallu commencer par prendre contact avec le ou les collègues qui ont obtenu les tuyaux et rédigé le P.-V. Les policiers savent qu'un P.-V. n'est jamais complet, qu'il ne relate jamais tout un climat, qu'il omet parfois de menus détails qui paraissent insignifiants, mais peuvent revêtir de l'importance.

Seul le policier pouvait luger de la fiabilité de l'informateur et des renseignements fournis.
Au besoin, la cellule d'enquête aurait dû insister pour rencontrer l'informateur et l'inviter à répéter tout ce qu'il savait. Car, entre fin 1993 et août 1995, peut-être avait-il obtenu d'autres renseignements précieux.
Simultanément, il fallait évidemment mettre Marc Dutroux sous surveillance serrée. Installer des surveillances autour de ses propriétés, identifier ses fréquentations. S'agissant de deux filles enlevées, il aurait immédiatement fallu placer des écoutes téléphoniques sur chacune des adresses suspectes.

- Après un laps de temps -- qui peut aller de quelques heures a plusieurs jours--, sonne l'heure d'un premier bilan. Au moindre doute, la décision est prise de passer à la phase suivante: les perquisitions.

- Franchement, nous ont dit ces policiers, à l'époque, nous n'aurions pas demandé aux parents d'être présents. Parce que ce n'est pas dans les habitudes policières en Belgique d'autoriser des parents à participer à des actes de procédure couverts par le secret de l'instruction. Sans doute l'affaire remettra-t-elle ce principe en cause... »

- Les pelleteuses ? Les pioches ? A priori, les polices évitent bien sûr la casse, mais s'il le faut. « Un a l'air de penser que nous ne serions plus capables de dénicher une cache. Mais en matière de stups, c'est tous les jours qu'on retrouve des planques insoupçonnables, On fait appel à des architectes habitues à calculer les volumes des pièces et â détecter la moindre anomalie. Question matériel, il ne faut pas courir aux Pays-Bas ou en Angleterre. Il existe en Belgique. Nous n'aurions sans doute pas demandé la présence des parents, mais il est sûr, en revanche, que nous aurions fait venir des chiens -- comme en matière de stups - à la différence près qu'on aurait utilisé des chiens de catastrophe. »

Ce qu'il aurait fallu faire. Ce qui n'a pas été fait.

Gilbert Dupont

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